Une voie infiniment supérieure
Christophe Chalamet
Genève, Labor et Fides, 2016. 254 pages
Le professeur de théologie Christophe Chalamet propose un essai audacieux
qui, en s'appuyant autant sur ses convictions intimes que sur d'innombrables
ressources théologiques, cherche à réfléchir sur la foi, l'espérance et
l'amour. Pour l'auteur en effet, cette triade doit se comprendre en tant qu'actes
humains qui répondent à un agir antécédent qui les fonde ; en définitive, selon
Christophe Chalamet, c'est la puissance de Dieu - avant tout le reste - qui
permet à la foi, à l'espérance et à l'amour d'émerger chez l'être humain. Un
passionnant parcours et une réflexion théologique inédite.
Christophe Chalamet, théologien réformé,
revisite les trois vertus que sont la foi, l’espérance et l’amour, d’une
manière stimulante.
• « Une
voie infiniment supérieure », de Christophe Chalamet, Labor et Fides,
2016, 256 p., 24 €
On pourrait dire : « Les chrétiens en ont
rêvé, Christophe Chalamet l’a fait. » Car sa reprise théologique,
à nouveaux frais, des trois « vertus théologales » (foi,
espérance et amour) – « inventées » par Paul et
mises en exergue par Thomas d’Aquin – est d’une limpidité de style et d’une
puissance de persuasion, voire de conversion, très rares. Le professeur de
théologie systématique à l’université de Genève, spécialiste de Karl Barth et
de Rudolf Bultmann (1), annonce très tôt, dans ce livre, les lignes de fond
spirituelles qu’il va suivre.
Trois lignes de fond spirituelles
pour Christophe Chalamet
Premièrement, afin de réincarner une forme de
pensée considérée parfois comme trop abstraite, trop céleste, Christophe Chalamet
pratique une théologie qui est une « incitation à la vie », une
façon d’exister « devant Dieu et dans le monde » tout
à la fois, et donc « une pratique intellectuelle vécue ».
Deuxièmement, en tant que réformé, il entend
profiter pleinement des « bienfaits de l’ère œcuménique », puisant
de façon résolument « décloisonnée »aux « sources
des diverses confessions chrétiennes », c’est-à-dire catholiques
et orthodoxes autant que protestantes.
Troisièmement, afin de « contrer » la « crise » contemporaine
de la foi et de sa transmission qu’il constate en Suisse romande, entre autres,
il invite la théologie à « saisir que le chemin de vie de tant
d’êtres humains dure de plus en plus longtemps, avec de nombreux aléas, avec
des temps non seulement de progrès mais aussi de lassitude et de
régression ».
Sauter par-dessus le fossé entre
la vie chrétienne et la vie de tous les jours
Car, faisant sien le constat du grand
mathématicien, philosophe et théologien britannique Alfred N. Whitehead
que « le monde a perdu Dieu et (qu’) il le
cherche », Christophe Chalamet a décidé de sauter
par-dessus « le fossé » qui sépare aujourd’hui « la
doctrine chrétienne et la vie de tous les jours ».
Dans son élan évangélisateur, il démontre, à
force de nombreuses lectures des textes bibliques et de la Tradition, que la
foi, l’espérance et l’amour sont certes de l’ordre de la grâce de Dieu, mais
qu’ils « sont à vivre dans la matérialité de la chair et du
monde ». Citant beaucoup Augustin et Thomas d’Aquin – presque autant
que Karl Barth –, il préconise de « renouer avec la tradition
augustinienne et monastique, pour qui la véritable connaissance est traversée
et animée par l’amour ».
Revisiter la Première Épître aux
Corinthiens
Le livre de Christophe Chalamet marche alors
avec bonheur sur cette « voie infiniment supérieure » ouverte
par la Première Épître aux Corinthiens (1 Co 12, 31), qui est un « texte
de Paul sur l’amour ». Revisitant, sur près de vingt siècles, les plus
vives exégèses et spéculations chrétiennes, suivant, pas à pas, le « chemin » de « la
foi en Jésus-Christ » dont témoignent, dès la fin du Ier siècle,
les dix premiers chapitres des Actes des Apôtres, l’auteur conduit ses lecteurs
jusqu’au couronnement de la foi et de l’espérance par l’amour.
« L’amour seul est digne de foi, mais
aussi digne d’espérance », semble-t-il conclure, en fin
d’ouvrage. Mais celui-ci est en réalité sans fin, se terminant sur une
perspective de vie et de vérité où théologie et éthique se fécondent sans cesse : « La foi, l’espérance et l’amour nous font
tendre vers autrui et vers Dieu, elles nous mettent aussi en relation avec
nous-mêmes, de manière renouvelée… »
Il est aussi l’auteur de Théologies
dialectiques (Labor et Fides, 2015), sur ces théologiens qui ont révolutionné
la pensée au XXe siècle.
Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles