Blog des bibliothèques et archives diocésaines d'Aix-en-Provence et Arles, de Marseille, et de Gap et Embrun, de Toulon
mercredi 6 octobre 2021
Nouveaux horaires d'accueil à la bibliothèque diocésaine
samedi 19 juin 2021
Période estivale !
En octobre il y aura de nouveaux horaires et bien d'autres nouveautés ...
En attendant bonnes vacances !
jeudi 3 juin 2021
Informations de la bibliothèque diocésaine
Dernières informations de la bibliothèque diocésaine
La bibliothèque rappelle à ses lecteurs qu'ils peuvent rendre les ouvrages empruntés pendant le mois de juin aux heures d'ouverture habituelles à savoir :
du mardi au vendredi de 9h à 12 et 14h à 17h.
A partir du 20 juin inclus la bibliothèque sera fermée jusqu'au mois de septembre en raison d'un changement de personnel à la bibliothèque. Il sera néanmoins possible de déposer les livres à rendre à l'accueil de la Maison diocésaine les lundis matins, mardis matins et jeudis matins jusqu'à la fin de ce mois.
Bonnes vacances à tous !
vendredi 30 avril 2021
Dernières informations
Dernières nouvelles.....
mardi 23 mars 2021
D'ailleurs, la révélation de Jean-Luc Marion
D'ailleurs, la révélation
Jean-Luc Marion
Paris, Grasset, 2020. 608 pages.
Quatrième de couverture
«
Des révélations, nous en avons tous eu : tranchant sur l'insignifiance
quotidienne, elles seules, inoubliables, décident de notre vie réelle. Mais nous ne savons pas ce
que signifie une révélation, parce qu'elle ne peut ni se commander ni se
reproduire, donc jamais s'objectiver. Ainsi restons-nous muets devant ce qui
nous caractérise le mieux. Les ignorant, nous nous ignorons. Ce livre voudrait
nous les rendre accessibles.
Le lieu privilégié de la révélation se trouve dans
ce que la tradition juive
et chrétienne a reçu et médité à partir des deux
Testaments. Nous y sommes donc allés voir, malgré leur technicité et les
limites de toute science.
Pourtant il faut d'abord déconstruire, car aucun
terme biblique ne correspond exactement au concept moderne de Révélation. Plus étonnant encore : ce terme ne s'est imposé
que tardivement (Thomas d'Aquin) dans l'opposition de la connaissance
rationnelle à connaissance inspirée de Dieu. La modernité (les Lumières jusqu'à
Kant) n'eut donc aucun mal à récuser la Révélation biblique au nom de sa trop
étroite appréhension de la rationalité.
Puisque les théologiens modernes ont maintenu le
terme de Révélation sans le re-penser à fond, il fallait tenter de le redéfinir
à partir de la phénoménalité. Car les textes bibliques offrent d'abord et surtout des
récits de phénomènes, à la fois simples et hors du commun :
manifestations, apparitions, signes et miracles, éblouissements, des ténèbres
obscures et une Résurrection. On peut par principe les récuser comme des
fables, mais en stricte philosophie et phénoménologie tout ce qui se manifeste
doit, avant qu'on juge de son (in-) existence, se décrire.
D'où l'essai de décrire ce que les textes bibliques proposent obstinément à voir.
Ainsi s'est ouverte une nouvelle définition de la connaissance : non plus
accepter ce que l'on a d'abord cru comprendre, mais voir (on non) ce que
d'abord on accepte (ou refuse) de recevoir, en renversant l'ordre de
l'entendement et de la volonté. Ce qu'Augustin a thématisé d'une formule
: « On n'entre dans la vérité que par la charité ».
Et alors, même l'être et le temps peuvent se
recevoir comme ils se donnent : non dans la clôture de notre monde, mais
comme un don d'ailleurs. Car c'est dans cet ailleurs que nous vivons, respirons et même sommes.
»
Biographie de l'auteur
Jean-Luc Marion a publié, chez Grasset, L’Idole et la distance, Le
Phénomène érotique, Certitudes
négatives et Brève
apologie pour un moment catholique. Spécialiste de Descartes et de l’histoire de la
philosophie moderne, phénoménologue, il a enseigné à l’Université
Paris-Sorbonne et au département de philosophie de l’Université de Chicago. Son
œuvre philosophique est traduite dans de nombreux pays
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
“D’ailleurs, la révélation”,
de Jean-Luc Marion
Penseur sans concession, auteur
d’une œuvre parfois très pointue, Jean-Luc Marion n’en est pas moins l’un des philosophes
français les plus lus et étudiés à travers le monde. À la fois historien de la
philosophie, phénoménologue et théologien, c’est principalement en cette
dernière qualité qu’il publie aujourd’hui D’ailleurs, la révélation (Grasset,
2020), même s’il prolonge les analyses qu’il a précédemment menées sur la
phénoménologie de la donation. Cet ouvrage dense et exigeant est une
exploration de la notion de révélation (avec un
“r” minuscule, c’est-à-dire au sens courant et séculier du terme) et
surtout celle de Révélation (avec une majuscule, autrement dit
au sens religieux), qui apparaît comme un défi lancé à une conception qu’il
juge étriquée et auto-satisfaite de la rationalité.
L’expérience de la révélation. L’ouvrage débute par l’analyse du concept de révélation, dans son
sens a priori non religieux. S’appuyant sur des exemples tirés
du domaine de la littérature, du sport ou de l’expérience amoureuse et
érotique, il souligne d’emblée que la révélation échappe à toute volonté et à
toute maîtrise. Elle vient toujours « d’ailleurs » elle
nous saisit et nous surprend. Pourquoi, subitement, parvenons-nous à accomplir
un geste que nous échouions à faire jusqu’alors ? Que signifie ce moment
inoubliable où un monde nouveau s’ouvre à nous ? Dans la révélation, nous
n’avons pas l’initiative même si c’est à nous qu’elle se montre et si c’est
nous qu’elle bouleverse. Vivre une révélation, c’est ainsi vivre une expérience
de dessaisissement dans ce que Jean-Luc Marion appelle la triple
dimension de la révélation : « La révélation du phénomène par
lui-même, la révélation de moi-même à moi-même […], et enfin la révélation à
d’autres de celui que je suis devenu d’ailleurs. »
Le « témoin » et la « résistance ». La révélation se distingue d’une construction de concepts, de
l’élaboration d’un savoir, ou même de toute transmission d’informations :
ce qui se révèle est incommensurable à ce qu’on savait ou à ce qu’on comprenait
jusqu’alors. C’est pourquoi elle appelle ce que Jean-Luc Marion appelle des
« témoins », qui pourront éventuellement raconter ce qu’ils
ont vu ou entendu, même s’ils ne peuvent pourront pas l’expliquer. Ces
témoins pourront d’ailleurs rechigner à accorder quelque crédit que ce soit à
l’expérience qu’ils ont vécue : c’est la « résistance » légitimement
éprouvée devant un paradoxe qui pousse la logique dans ses
retranchements. « La résistance, précise en effet
Jean-Luc Marion, provient de ce que nul ne se trouve jamais d’emblée
préparé, favorable ou acquis à une Révélation, mais que tout un chacun s’y
oppose, en un premier temps du moins, parce qu’elle redéfinit le champ entier
de la possibilité. »
Religion = Révélation ? « Au sens le plus courant, il y a Révélation quand il
y a religion et d’autant plus qu’il y a religion ; et il y a religion
quand et d’autant plus qu’il y a Révélation », constate
Jean-Luc Marion, tout en soulignant qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Il
montre en effet que ce n’est que de manière tardive et polémique que le terme
de Révélation a été plaqué sur la religion, plus précisément par les
philosophes des Lumières au moment où ils ont voulu dégager la spécificité
de la science rationnelle en l’opposant à la théologie chrétienne… et mieux
disqualifier celle-ci.
Qu’est-ce qui se montre dans la Révélation ? Reste à préciser de quel type de phénomène la Révélation relève :
c’est ce qui retient longuement Jean-Luc Marion dans le reste de l’ouvrage, où
il étudie les textes bibliques avec minutie. Il s’arrête notamment sur la
manière dont Yahvé s’est montré à Moïse, sans lui donner à voir la moindre
forme visible, mais par sa parole, « en se faisant écouter ».
Jean-Luc Marion écrit : « Rien de visible n’est
découvert, sinon la manifestation même de l’invisible. […] Quand Yahvé se
révèle, il n’y a rien à voir, sinon l’invisible comme tel, la parole, où se
donne le Nom ». Alors qu’un secret cesse d’en être un aussitôt
qu’on le révèle, c’est ainsi au mystère divin, selon Jean-Luc Marion, que cette
Révélation conduit.
https://www.philomag.com/articles/dailleurs-la-revelation-de-jean-luc-marion
mercredi 3 mars 2021
Le secret de confession par le Père Thomas Poussier
Le secret de confession
Thomas Poussier
Paris, Salvator, 2021. 192 pages.
La révélation récente de scandales d'abus sexuels et
spirituels dans l'Église soulève à nouveau, d'une manière souvent dramatique,
la délicate question du secret de confession. Longtemps considérée comme une
réalité mystérieuse ou fantasmée, voire comme une façon de ne pas dénoncer les
coupables, cette notion reste mal comprise et peu documentée. Ce secret
respecte les consciences et aide à protéger aussi les victimes. Comment éviter
justement qu'il ne soit un moyen facile de dédouaner l'institution ? Quels sont
ses fondements théologiques et spirituels ? En quoi se distingue-t-il du secret
professionnel ? Le père Thomas Poussier répond ici sans ignorer les objections,
en s'appuyant notamment sur les dimensions canonique et pastorale. Signe de la
miséricorde infinie de Dieu, le sacrement du pardon suppose un secret absolu.
Pour autant, il ne supprime pas la nécessaire exigence de justice et de
réparation due aux victimes. Comme l'écrit le père Poussier, « le secret n'est pas
le silence ». Une analyse courageuse qui rejoint au premier chef l'actualité
ecclésiale.
AUTEUR
Prêtre diocésain, le père Thomas Poussier est le supérieur du
séminaire Saint-Luc à Aix-en-Provence, après avoir été aumônier d'étudiants et
en paroisse.
Pour aller plus voir l’article du même auteur Pédocriminalité : le secret n’est pas le silence publié dans la revue Nouvelle Revue Théologique , 142 (2), avril-juin 2020.
https://www.nrt.be/fr/articles/pedocriminalite-le-secret-n-est-pas-le-silence-3015
vendredi 12 février 2021
Saint Paul et les femmes
Saint Paul et les femmes
Paul et les
femmes : Ce qu'il a écrit, ce qu'on lui a fait dire
Michel Quesnel
Paris, Médiaspaul, 2021. 142 pages.
On fait souvent un faux-procès à l'apôtre Paul en le taxant
de misogynie. Dans cet ouvrage, le professeur Michel Quesnel reprend le dossier
et fait un inventaire exhaustif des propos de Paul sur les femmes et de ses
relations avec elles, tels qu'ils apparaissent dans le Nouveau Testament. Ses
conclusions sont claires : certes, les lettres authentiques de Paul contiennent
sur les femmes des propos que nous n'écririons plus. Mais ils sont conditionnés
par la culture ambiante ; et il s'avère surtout que, dans ce domaine, Paul est
nettement plus ouvert que beaucoup de ses contemporains. Michel Quesnel
poursuit son analyse en montrant que, par la suite, des sociétés misogynes ont
fait de ses textes des lectures misogynes, déjà dans d'autres livres du Nouveau
Testament, puis au cours des siècles suivants. L'auteur examine trois corpus de
textes antiques concernant Paul (les épîtres authentiques, les épîtres
pseudépigraphes, les Actes sur Paul) et lui rend justice : « A propos de ce
qu'il pensait des femmes, l'Apôtre des nations a été victime des préjugés de
ses lecteurs pendant une vingtaine de siècles ». Et, en faisant une courte
excursion dans Paul après Paul, de le montrer à travers le regard des Pères de
l'Église mais aussi dans des traductions récentes du Nouveau Testament. Le
sous-titre de l'ouvrage prend alors tout son sens.
Les femmes de
Saint Paul
Chantal Reynier
Paris, Le Cerf, 2020. 271 pages.
Misogyne Saint Paul ? Pourtant les Actes ne cessent de
relater ses relations amicales avec les femmes qu'il a rencontrées lors de son
périple apostolique. Ce sont Chloé, Phoebé, Evodie et les autres de ses
collaboratrices que Chantal Reynier, enjambant, les siècles, est partie
interviewer. Une enquête-vérité captivante et révolutionnaire.
Quelle
est la place des femmes dans l'Église ? Face à cette question brûlante, il est
temps d'en finir avec les clichés sur saint Paul qui les condamnerait au silence,
au voile et à la soumission. Au contraire, au cours de ses voyages
missionnaires, l'évangélisateur des Nations ne cesse de s'adresser aux femmes et de
s'entourer de femmes, faisant d'elles ses collaboratrices au point d'employer à
leur sujet les titres d'apôtre et de diacre !
Il fallait la science de Chantal Reynier pour partir à la découverte, par-delà
les lieux et les temps, de Phoibè, Lydie, Chloé, Maria, Persis, Évodie,
Syntychè, Prisca, Julia. Pour les rencontrer, aux quatre coins de la
Méditerranée, dans leur activité, leur métier, leur foyer, leur foi. Et pour
chacune d'elles raconter en son nom propre " son " Paul. Que
disent-elles de lui ? Avant tout, la relation de dignité et de liberté qu'il
revendique avec elles.
Pour la première fois, la parole est aux " femmes de Paul ". Écoutons
le message révolutionnaire, parce que réfractaire aux idéologies à la fois
hyper-patriarcales ou ultra-féministes, qu'elles nous transmettent dans ce
livre exceptionnel de savoir et de sensibilité.
Les lettres de Paul
Les
lettres de Paul ont été écrites pour qu’il puisse rester en contact avec les
communautés qu’il a fondées et qu’il voulait visiter (Rome). Elles ont été lues
par ces communautés qui les ont gardés et copiés pour que d’autres puissent les lire. On les a rassemblés et elles font presque
que la moitié du contenu du Nouveau Testament. Ces lettres sont assemblées de
la plus longue (Romains) à la plus courte (Philémon). Les écrits les plus
anciens du Nouveau Testament sont les lettres de Paul. La première serait la
lettre aux Thessaloniciens écrite autour de 51 apr. J.-C.
L’authenticité
des lettres attribuées à Paul pose question. Voici les lettres généralement
considérées comme étant de Paul en ordre chronologique:
La
première lettre aux Thessaloniciens
La
première lettre aux Corinthiens
La
seconde lettre aux Corinthiens
La
lettre aux Philippiens
La
lettre à Philémon
La
lettre aux Galates
La
lettre aux Romains
Les
avis des exégètes sont encore partagés, mais la majorité d’entre eux croient
que les lettres aux Colossiens, Éphésiens ainsi que la deuxième lettre aux
Tessaloniciens auraient été écrite par un disciple de Paul après la mort de ce
dernier. Enfin, il est généralement admis que les lettres à Timothée et la
lettre à Tite ne sont pas authentiques.
===============
Les femmes de saint Paul
Les
lettres de saint Paul révèlent le visage des femmes qui ont activement
collaboré à la diffusion de l’Évangile. Paul reconnaît leur dignité et leur
confie des responsabilités égales à celles des hommes. Elles bénéficient d’une
liberté inconnue dans le milieu juif et dans la société gréco-romaine.
Chantal
Reynier : Je me
suis appuyée sur les lettres de Paul, bien sûr, qui sont des témoignages de
première main sur une période restreinte ; sur les Actes
des apôtres, qui sont une mine de renseignements sur le milieu paulinien ; sur la littérature antique (Ovide, Plutarque)
pour comparer ce que les auteurs disent des femmes (matrones vertueuses ou
séduisantes courtisanes…) avec la façon dont Paul en parle. L’archéologie nous
renseigne aussi sur les conditions de voyage, les réalités économiques,
l’organisation des maisons… Les travaux récents d’historiens, comme ceux de
Nicole Loraux (2), m’ont permis de mieux situer le rôle des femmes à l’époque
(3).
Quel
est le profil des collaboratrices de Paul ?
Il
n’y a pas de profil type mais une grande variété. Certaines sont mariées : Prisca est l’épouse d’Aquila, Julia de
Philologue, Junia d’Andronikos. Il est intéressant de noter que Paul cite le
nom de la femme en premier, ce qui est contraire aux usages. Cela traduit
l’importance de leur rôle dans les premières communautés. Il y a aussi des
veuves comme la mère de Rufus. Des célibataires :
sans doute la sœur de Nérée. Des sœurs : probablement
Tryphaine et Tryphose. Le premier cercle des collaboratrices de Paul est
constitué de Phoibè, Prisca, Junia et Lydie. On retrouve la même organisation
concentrique avec les collaborateurs masculins. Comme Jésus, Paul est
accompagné par un groupe de femmes.
Quel
est leur milieu social et religieux ?
Là
aussi, il y a une grande variété. Lydie est une marchande de pourpre qui fait
du commerce entre la Grèce et la Turquie actuelle. Elle accueille Paul et ses
compagnons dans sa maison, cela signifie qu’elle est plutôt aisée (seulement 3 % de la population vit dans une maison). Nympha est
une femme d’affaires autonome. Chloé et Phoibè, travaillent dans
l’import-export. Ces femmes voyagent pour des motifs professionnels mais aussi
pour la mission. La plupart sont issues d’Asie mineure. Certaines proviennent
d’un milieu juif comme Prisca ou Junia, la mère de Rufus, Eunice, Loïs… En
revanche, Lydie est une païenne qui fréquente les milieux juifs de Phillipes.
Quels
sont leurs points communs ?
Elles
sont actives, généreuses et engagées dans la mission. Ce sont des femmes fortes
qui n’hésitent pas à traverser les mers, à parcourir les viae de
l’empire. À cause de leur foi, elles traversent des épreuves. Junia, Evodie et
Syntichè ont, dit Paul, « combattu pour
l’Évangile » – ce combat
est à prendre au sens métaphorique mais aussi réel : Prisca a failli être décapitée à Éphèse…
Quel
type d'aide apportent-elles à Paul ?
Elles
lui offrent l’hospitalité. Lydie, une fois convertie, héberge Paul et ses
compagnons dans sa maison de Philippes. À Corinthe, Prisca accueille Paul et
lui donne du travail dans sa boutique-atelier. Grâce à ces femmes, l’apôtre est
en contact avec beaucoup de monde (famille, esclaves, clients) auprès desquels
il témoigne du Christ ressuscité. Elles sont également des sources
d’information précieuses sur les jeunes communautés chrétiennes. Quand des
scandales éclatent au sein de la communauté de Corinthe, ce sont « les gens de Chloé »
qui remontent l’information à Paul et le décideront à écrire. Elles informent
aussi Paul sur la vie des différentes cités. Le réseau de Phoibè s’étend à Rome
mais aussi en Espagne. C’est à elle que Paul confie la tâche de préparer une mission
dans la péninsule Ibérique.
Quel
rôle jouent-elles au sein des communautés ?
Elles
ouvrent la porte de leur maison aux assemblées chrétiennes, assumant ainsi un
rôle d’union et de rassemblement. Elles guident la réflexion et la prière. À
Rome, Phoibè visite les différentes maisonnées pour lire, expliquer et
commenter la lettre de Paul. Dans l’Antiquité, on lit à voix haute. Expliquer
ce type de lettre n’est pas à la portée de tout le monde, il faut être cultivé.
Paul demande à Prisca d’enseigner à Apollos la foi au Christ ressuscité. Elle
fabrique et vend des tentes et Apollos est un grand intellectuel d’Alexandrie ! Ces pratiques vont totalement à l’encontre des us
et coutumes gréco-romains : les femmes
n’ont pas le droit d’enseigner ni de s’exprimer en public. Elles n’assument
aucune fonction religieuse : elles n’ont
pas même le droit de moudre la farine pour les sacrifices, ni de toucher les
viandes sacrées, ni d’assister à la cérémonie. Leur rôle se résume à tisser la
laine et à élever les enfants. Dans le judaïsme, la femme est cantonnée à la
maison, elle ne participe pas aux pèlerinages et elle n’assume aucune fonction
synagogale. On mesure la révolution qu’introduit Paul ! Il les libère et les fait sortir de leur maison.
Elles bénéficient d’une extraordinaire liberté par rapport à leurs
contemporaines. Leur parole a une valeur. Elles s’adressent aussi bien aux
hommes qu’aux femmes ou aux esclaves.
Y
a-t-il une différence de traitement entre les collaborateurs et les
collaboratrices de Paul ?
Non,
il les met sur un pied d’égalité. On relève cependant que ses collaboratrices
n’accompagnent pas Paul dans ses voyages, sauf Prisca. Elles ne portent pas la
collecte et ne vont pas à Jérusalem.
Quelles
relations Paul entretient-il avec ces femmes ?
ll
les traite d’égal à égal. Il les laisse libre, ne leur impose aucun signe
distinctif, ni style de vie ni domaine réservé (la maison). Il sait leur
exprimer son affection, par exemple, en appelant Persis « bien aimée ». Il leur fait confiance. Quand
elles partent en mission, il ne leur adjoint pas un homme pour les surveiller.
Il ne leur demande pas de se retirer de la vie quotidienne. Cette façon de
considérer les femmes découle de sa foi dans le Christ ressuscité : hommes et femmes sont tous fils et filles de
Dieu, aimés par le Père. Dans la lettre aux Galates (3, 26-28), il affirme : « Tous,
dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous
que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus
ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme
et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. » Quand des
tensions apparaissent entre Evodie et Syntichè, il n’hésite pas à les
reprendre, non pas en tant que femmes, mais en tant que disciples du Christ.
Après
la mort de Paul, est-ce que la place des femmes change ?
La
force, l’audace et la foi de Paul ont permis de traiter à égalité ses collaborateurs
et collaboratrices. Après lui, le poids de la société patriarcale reprend le
dessus. Dans la première lettre à Timothée, rédigée probablement par des
disciples de Paul, le silence est imposé aux femmes. Cela va même plus loin.
Dans les manuscrits, les copistes réduisent la place des femmes en
masculinisant leur prénom, Junia devient Junias. Il faut attendre 1993 pour
redonner son vrai genre à Junia ! Le même sort
est réservé à Nympha de Laodicée. L’expression « les
femmes premières » devient « la femme des
premiers » (notables de
la ville) pour minimiser leur rôle et leur influence. Ces réajustements sont
parfois subtils. Les traducteurs du texte modifient les salutations. Dans
l’épître de Philémon, Paul s’adresse « à Philémon et à Apphia » ; cela devient sous la plume des traducteurs « à Philémon, avec Apphia ». Dans les Actes des
apôtres, les traducteurs indiquent que Lydie a « contraint » Paul à demeurer chez elle. Or, en grec, c’est le
même verbe qui est employé par les disciples d’Emmaüs pour « inviter » leur
compagnon de route à rester avec eux…
Que
faut-il retenir de l’attitude de Paul vis-à-vis des femmes ?
Il
faut tout d’abord veiller à lire les textes de Paul en les resituant dans leur
contexte. L’apôtre nous dit l’égalité de l’homme et de la femme. Dans une
société totalement asymétrique, Paul reconnaît la dignité de la femme, comme il
reconnaît celle de l’esclave ou de l’enfant. À travers les lettres de Paul,
nous découvrons le visage concret des femmes qui ont participé à la diffusion
du christianisme. Ce sont des femmes plongées dans le monde qui sont à l’écoute
des besoins de leurs contemporains. Paul les appelle collaboratrices, au sens
étymologique, elles œuvrent avec lui.
Quels
enseignements peut-on tirer pour l’Église d'aujourd'hui ?
Pour
réfléchir à la place des femmes dans l’Église, il faut revenir à la source
biblique et nous laisser interpeller par elle. La conduite des communautés
n’est ni une promotion, ni une course aux honneurs, c’est un service inspiré de
la figure du Christ serviteur. Ce n’est pas un modèle de domination.
Malheureusement, aujourd’hui, gouverner est entendu comme « être au-dessus des autres ». Paul donne aux femmes de prendre une part active
aux décisions et à la conduite des communautés. Elles exercent des
responsabilités identiques à celles des hommes. Nous voyons les femmes
enseigner, conduire la prière, proclamer la parole et la commenter.
Alors,
saint Paul, misogyne ou féministe ?
Ni
l’un ni l’autre. Misogyne, il ne l’est pas, on vient de le voir. Paul est, à la
suite du Christ, le libérateur de la femme en lui reconnaissant sa pleine
dignité d’enfant de Dieu. Il reconnaît son autonomie, il lui donne la parole,
il la place à égalité avec l’homme. Dans la fameuse lettre aux Éphésiens (« femmes soyez soumises à vos maris… »), il
s’adresse à elles directement, sans passer par le mari, en contradiction totale
avec les usages de l’époque. Il choisit des collaboratrices parmi elles, il
leur donne le nom d’« apôtre » (Junia), de diakonos (« serveur », Phoibè), de
collaboratrice (Prisca). Paul considère la femme comme une adulte à part
entière. Il ne cherche pas à instaurer une parité ou à répondre à des
revendications féministes. Il reconnaît le rôle de la femme dans l’annonce de
l’Évangile. On ne se rend pas compte de la liberté qu’instaure le
christianisme. Paul a ouvert un réel espace aux femmes qu’elles n’ont jamais eu
auparavant, que ce soit dans la société païenne ou dans le monde juif. Il met
ses pas dans ceux du Christ qui a été le premier à traiter les femmes d’égale à
égal. En s’inspirant de Jésus, il en tire toutes les conséquences.
----------
(1)
Elle a également abordé les passages des lettres de Paul sur les femmes
dans Comment l’évangile a changé le
monde (éd. du Cerf).
(2)
Auteure, entre autres, de La
Grèce au féminin (Les belles lettres) ; Les
expériences de Tirésias : le féminin et l’homme grec (NRF
essai Gallimard) ; Les Enfants d’Athéna. Idées
athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes (Points
Seuil).
(3)
Les recherches de Marie-Françoise Baslez sur saint Paul sont particulièrement
utiles. M.-F. Baslez, Saint
Paul, artisan d’un monde chrétien, Fayard.
Recueilli
par Gilles Donada
https://croire.la-croix.com/Definitions/Bible/Saint-Paul/Paul-l-Apotre-qui-estimait-les-femmes
mercredi 10 février 2021
Réveil catholique : les emprunts évangéliques par l'Eglise catholique
Réveil catholique : emprunts
évangéliques au sein du catholicisme
Valérie Aubourg
Genève, Labor et Fides, 2020.353 pages
QUATRIÈME
DE COUVERTURE
Réveil
catholique
Parti reconquérir des terres françaises en voie de sécularisation, le
catholicisme emprunte aux Eglises évangéliques ses pratiques performantes. En
associant les mots « Réveil » et « catholique », Valérie
Aubourg entend montrer la manière originale dont l'Église de Rome s'en
empare : cette régénération s'inscrit dans un héritage religieux et des
traditions culturelles particulières. Elle consiste certes à suivre une ligne
évangélique, mais également à la réinsérer dans la matrice catholique.
C'est donc
au cœur de cette dialectique que se situe cette étude : entre
« évangélicalisation » et « recatholicisation » du
christianisme. L'ouvrage, qui s'articule autour d'une recherche ethnologique
menée sur trois terrains - les dispositifs Miracles et Guérisons, la Prière des
mères et le Renouveau missionnaire paroissial -, permet de dresser le portrait
d'un visage inédit du christianisme.
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
« Réveil catholique »,
Valérie Aubourg au pays des charismatiques
Dans
son livre, Valérie Aubourg, anthropologue et ethnologue, montre comment le
catholicisme français s’est approprié l’apport évangélique nord-américain.
Depuis les
années 1970, le catholicisme s’est fortement recomposé. Si dans la plupart des
pays occidentaux, il a perdu en nombre et en influence, il a aussi cherché la
voie d’une régénération. C’est du côté évangélique qu’il l’a en partie trouvée,
ce qui a donné naissance au Renouveau charismatique. Mais le catholicisme ne
s’est pas contenté d’adopter des manières de faire venues du monde évangélique
: il les a réinsérés dans sa propre matrice, en recatholisant les influences
venues essentiellement d’Amérique du Nord. C’est ce que met en évidence cette
étude de Valérie Aubourg.
Dans
une longue introduction, cette spécialiste d’anthropologie-ethnologie à
l’Université catholique de Lyon souligne la « stupéfiante croissance » du «
christianisme charismatique » outre-Atlantique à partir du milieu des années
1960, ce qui accrédite la thèse d’une «’charismatisation’ du christianisme » où
l’insistance est mise sur la Bible, la conversion (ou reconversion), l’annonce
de l’Évangile, l’expérience du baptême dans l’Esprit Saint et les
manifestations qui en découlent.
Une inspiration pentecôtiste
Le
mouvement, inspiré par le pentecôtisme et porté notamment par des groupes de
prière, va s’étendre à l’étranger, à commencer par les pays anglo-saxons. «
En 1969, 13 pays accueillent des groupes de prière, 25 pays en 1970 et, en
1975, ce sont 93 pays qui sont concernés », indique la chercheuse.
(29). « La diffusion du Renouveau charismatique catholique s’effectue
de manière relativement spontanée, par le biais de laïcs, de prêtres ou de
religieux qui découvrent ce mouvement lors d’une visite aux États-Unis et
l’importent ensuite dans leur pays d’origine. Sa propagation se répand
également par la médiation de charismatiques américains qui en font la
promotion lors de leurs séjours à l’étranger », relève-t-elle.
«
Tout en s’appropriant des traits majeurs du pentecôtisme, les groupes et
activités charismatiques s’intègrent dans la vie de l’Église catholique »,
non sans une certaine méfiance au départ. « Jugé incontrôlable, le
mouvement charismatique est discrédité en raison de son inclinaison vers un
christianisme émotionnel semblant dévaloriser l’engagement dans la société et
par l’attitude perçue comme arrogante de ces nouveaux convertis se présentant
comme l’avenir de l’Église ».
Un catholicisme « plastique »
Nous sommes
au milieu des années 1970. Des personnalités de renom, comme le cardinal
Suenens, vont alors jouer un rôle déterminant dans la reprise en main
institutionnelle du Renouveau en encadrant ses pratiques et en lui donnant une
assise doctrinale. En contrepartie, le mouvement charismatique donnera des
gages de catholicité susceptibles de rassurer l’institution romaine : « recours
à de figures emblématique (saints, mystiques, papes), réappropriation de
l’histoire de la tradition ecclésiale, remise au goût du jour de pratiques
tombées en désuétude (adoration du Saint-Sacrement, confessions individuelles,
pèlerinage, culte marial, etc.) ». Mais avec le temps, le mouvement
charismatique a perdu en vigueur. C’est aussi pourquoi depuis deux décennies
des laïcs essaient de le redynamiser.
Le
propos central de l’ouvrage de Valérie Aubourg est de décrire ces efforts à
travers l’étude de trois initiatives très différentes : une offre religieuse
centrée sur la guérison qui a vu le jour à Lyon en 2006 (Miracles et
Guérisons), les groupes de prière hebdomadaire qui réunissent des mères
lyonnaises (La Prière des Mères) et le Renouveau missionnaire paroissial. Ces
deux derniers terrains n’ont pas de lien établi avec le Renouveau. Mais, comme
le montre l’auteur, ils manifestent que l’« évangélicalisation » du
catholicisme déborde le seul milieu charismatique. Surtout ils témoignent de la
plasticité du catholicisme, de sa capacité d’adaptation « aux formes mobiles
d’appartenance » de nos contemporains. Une étude passionnante et très
éclairante sur la « recomposition » des propositions catholiques en réponse aux
évolutions contemporaines du croire.
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Valérie Aubourg : l’étape
post-charismatique du Renouveau
Dans Réveil
catholique, l’anthropologue-ethnologue Valérie Aubourg montre la manière
originale dont l’Eglise catholique emprunte aux Eglises évangéliques ses
pratiques performantes, pour se régénérer et ralentir la courbe des
désaffiliations religieuses, tout en conservant son identité.
Professeure
d’anthropologie-ethnologie et directrice de recherche à l’Université catholique
de Lyon, Valérie Aubourg a conduit une enquête minutieuse qui montre comment le
catholicisme se recompose dans le contexte du Renouveau charismatique, cet
emprunt fait à l’univers pentecôtiste et plus largement évangélique. Son
travail a abouti à la publication de Réveil catholique, dans lequel
le Renouveau charismatique serait parvenu à une étape post-charismatique, où
ces emprunts, réinsérés dans la matrice catholique, ne sont plus clairement
explicites, ni explicités.
Comment l’ethnologue et anthropologue que vous êtes aborde-t-elle ces
nouvelles formes de christianisme ?
Valérie
Aubourg: sans jugement de valeur. L’ethnologue y voit un exemple de plusieurs
dynamiques à l’œuvre: celles de la transnationalisation du religieux et
d’influences croisées, que Levi Strauss appelle des «bricolages» religieux. J’y
vois aussi des métamorphoses du catholicisme, qui subit certes depuis plusieurs
décennies une crise, mais qui se montre néanmoins créatif et se transforme en
faisant des propositions inédites. Certes, la taille et le modèle
d’organisation du «paquebot» catholique ne lui permettent pas de changer de cap
aussi rapidement que les «hors-bords» évangéliques. Elle fait néanmoins preuve
d’inventivité, se modifie et s’adapte en prenant notamment exemple sur les
navires protestants.
«La
taille et le modèle d’organisation du ‘paquebot’ catholique ne lui permettent
pas de changer de cap aussi rapidement que les ‘hors-bords’ évangéliques.»
Qu’entend-on par renouveau charismatique au sein de l’Eglise
catholique ?
Il s’agit d’un courant d’environ 19 millions de personnes né aux Etats-Unis. En
janvier 1967, quatre enseignants laïcs de l’université de Duquesne à Pittsburgh
(Pennsylvanie) font l’expérience du baptême dans le Saint-Esprit dans un groupe
de pentecôtistes épiscopaliens. Cette expérience se propage
rapidement dans les milieux étudiants catholiques et se traduit par
le foisonnement d’une grande variété de groupes de prière, dont plusieurs
donnent naissance à des communautés dites nouvelles: aux Etats-Unis, The Word
of God (1969) ou en France, l’Emmanuel (1972), Le Chemin Neuf (1973), la
Théophanie (1972), le Pain de vie (1976), le Puits de Jacob (1977), etc.
Groupes de prières et communautés organisent régulièrement des rassemblements
communs propices aux relations entre catholiques et pentecôtistes.
Quelles
sont les grandes étapes que connaît ce courant de renouveau spirituel ?
Après les années d’éclosion (1972-1982), pendant lesquelles l’expérience
pentecôtiste pénètre le catholicisme, on assiste à un repli identitaire
(1982-1997) aboutissant dans un deuxième temps à une routinisation. La
troisième période est celle du rapprochement avec les néo-pentecôtistes, dans
le but de réanimer le Renouveau (depuis 1997). La quatrième phase, dite
«post-charismatique» correspondant à l’introduction d’éléments caractéristiques
du pentecôtisme dans le catholicisme, en dehors du Renouveau charismatique
stricto-sensu.
«La
quatrième phase, dite «post-charismatique» correspond à l’introduction
d’éléments caractéristiques du pentecôtisme dans le catholicisme, en dehors du
Renouveau charismatique stricto-sensu.»
Selon
vous, et c’est la thèse que vous défendez dans votre livre, nous sommes donc
aujourd’hui à cette étape post-charismatique. Comment se caractérise-t-elle ?
Alors que le Renouveau charismatique se limite aux membres d’une organisation
bien circonscrite, de nombreux éléments évangéliques et pentecôtistes se
diffusent dans l’Eglise catholique au-delà de sa seule composante
charismatique. Ils prennent la forme de groupes d’oraison, d’assemblées de
guérison, de formations, de dispositifs individualisés, de supports musicaux,
d’ouvrages, de techniques du corps, d’objets, etc. Comme le note Henri Couraye,
«une certaine sensibilité charismatique au sens large a gagné l’Eglise sans que
tous les fidèles en soient toujours conscients, par capillarité».
Retrouve-t-on
dans cette étape l’expérience du baptême dans l’Esprit-Saint ?
Oui, car elle ne concerne pas uniquement les actuels membres de groupes ou
communautés charismatiques mais aussi ceux qui étaient auparavant des
charismatiques actifs et qui ont cessé leur participation dans le mouvement,
tout en poursuivant leur activité dans un autre secteur de l’Eglise. Ils sont
appelés les «anciens du Renouveau», selon Oreste Pesare, l’ancien responsable
du service international du Renouveau charismatique catholique, qui
souligne l’attitude de plus en plus fréquente de ces catholiques
qui empruntent des éléments charismatiques sans pour autant se définir comme
adeptes du Renouveau. Oreste Pesare emploie à leur sujet le terme d’expérience
«post-charismatique», qu’il définit comme le fruit de la diffusion de la
culture de Pentecôte dans l’Eglise catholique, par exemple celle du Brésil, où
les catholiques travaillent en ce sens en proposant une sorte d’évangélisation
à travers la musique, la radio et la télévision.
Pourquoi ces emprunts au monde
pentecôtiste et plus largement évangélique ?
Le catholicisme emprunte aux Eglises évangéliques ses pratiques performantes
pour redynamiser la pratique catholique et ralentir la courbe ascendante des
désaffiliations religieuses. J’évoque dans mon livre Michael White, un curé de
la paroisse de la Nativité à Timonium, l’archidiocèse de Baltimore aux
Etats-Unis. A son arrivée dans la paroisse, en 1998, il constate que familles
et jeunes l’ont désertée. Il sollicite alors l’aide de Tom Corcoran, un laïc
père de six enfants. Découvrant que 75 % de ceux qui ont quitté les bancs
des paroisses catholiques rejoignent des assemblées évangéliques et convaincus
qu’ils ont beaucoup à apprendre de leurs méthodes, ils s’intéressent aux mégachurches
protestantes prospères et en croissance et visitent celle de Saddleback puis
d’autres comme la South Coast Community Church à Newport Beach, en Californie.
En 2004, ils commencent à reproduire des éléments de ces Eglises et voient le
nombre d’adeptes augmenter de manière notoire.
Source
d’inspiration du Renouveau charismatique, les mégachurches, comme celle de
Saddleback aux Etats-Unis, fondée par le pasteur Rick Warren. |
© blog.ephatta.com
Comment
caractériser ce mouvement ?
Les entités charismatiques empruntent au pentecôtisme son insistance sur la
Bible, la conversion ou la reconversion, l’annonce de l’Evangile, l’expérience
du baptême dans l’Esprit-Saint et les manifestations charismatiques qui en
découlent, telle la guérison, la glossolalie (ndlr le parler en
langues) ou la prophétie. Ils apprécient aussi le répertoire musical
évangélique de type pop rock et les innovations technologiques dont ces églises
font preuve.
Vous
donnez l’exemple de l’église Sainte-Blandine à Lyon, dont les membres se sont
réapproprié ces éléments à la manière catholique. C’est-à-dire ?
Les paroisses catholiques s’approprient le modèle des mégachurches sans faire
du copié collé. Elles conservent certains éléments et en abandonnent
d’autres. Elles empruntent ainsi à ces Eglises la taille spectaculaire
(mega-church), l’innovation technique, la proposition d’une large gamme de
services, une vie communautaire intense, une forte implication des laïcs, une
spiritualité tournée vers la régénération individuelle, des lignes de forces
qui définissent les megachurches américaines et que nous pouvons aujourd’hui
observer dans la paroisse catholique Sainte-Blandine. Cela dit,
des différences notoires distinguent les mégachurches évangéliques de
leurs consœurs catholiques. A partir du cas lyonnais, quatre spécificités
catholiques peuvent être soulignées: le rôle prépondérant de l’institution
catholique, une inscription dans l’espace urbain et la vie religieuse
locale, une valorisation de la pratique sacramentelle et une
expression contenue de la foi.
«Tout
en s’appropriant les traits majeurs du pentecôtisme, les charismatiques
défendent la doctrine catholique, assistent assidument aux offices paroissiaux
et respectent la hiérarchie ecclésiale.»
Les
charismatiques conservent donc leur identité catholique…
Oui, tout en s’appropriant les traits majeurs du pentecôtisme, ils
défendent la doctrine catholique, assistent assidument aux offices paroissiaux
et respectent la hiérarchie ecclésiale. Se tenant à distance des questions
politiques et du progressisme de certains de leurs coreligionnaires
catholiques, les charismatiques préfèrent renouer avec des pratiques
traditionnelles: récitation du chapelet, pèlerinages mariaux, confession
individuelle, prosternation, adoration du Saint-Sacrement, etc. Du point de vue
de leur insertion ecclésiale, la majorité des communautés charismatiques
bénéficient du statut d’associations de fidèles et sont placées sous l’autorité
de l’évêque du diocèse dans lequel elles sont érigées.
Vous
avez mené l’enquête sur trois terrains catholiques, dont celui de
l’association internationale des ministères de guérison, à Oron (VD). Quel
était son objectif ?
Faire des propositions diverses dans le champ de la guérison et de la prière.
Dans des chambres de guérisons, des soirées, des rassemblements de grande
envergure, il s’agissait de proposer de prier pour les personnes qui le
souhaitent, en demandant à Dieu qu’il les guérisse, y compris physiquement.
Cette association est issue du pentecôtisme «troisième vague», qui fait porter
l’accent sur la force d’un Saint-Esprit sensé se manifester avec davantage de
puissance par «des signes, des prodiges, des guérisons, des miracles»
et des délivrances d’entités démoniaques. Yves Payen, un catholique
lyonnais est à l’origine du projet local. Il évolue dans le Renouveau
charismatique depuis le tout début des années 1970.
Comment ce
«réveil catholique» est-il considéré par le Vatican ?
Au début (années 1967-75) avec méfiance, puis à partir de la Pentecôte 1975,
Paul VI encourage le renouveau charismatique. Jean Paul II continue à lui
accorder son soutien, mais en lui demandant de ne pas perdre de vue son
identité catholique. Pour le pape François, c’est la dimension œcuménique qui
l’intéresse en premier lieu avec une expérience du dialogue interconfessionnel
différente de par son expérience à Buenos Aires.
«Les
prises de positions du pape François accréditent la thèse selon laquelle
l’évangélicalisation du catholicisme ne se réduit pas aux 10% de
catholiques réunis sous le label du ‘Renouveau charismatique’».
Assiste-t-on
selon vous à une révolution dans le catholicisme ?
Les prises de positions du pape François accréditent la thèse selon laquelle
«l’évangélicalisation» du catholicisme ne se réduit pas aux 10% de
catholiques réunis sous le label du «Renouveau charismatique». Une vidéo
en ligne montre le cardinal Bergoglio recevant le baptême dans
l’Esprit-Saint en Argentine, lors d’un rassemblement réunissant des
catholiques et des évangéliques. Devenu pape, il encourage l’ensemble des
catholiques à vivre «la grâce du Baptême dans le Saint Esprit» employant
à dessein ce vocable pour souligner ce qui unit les différentes confessions
chrétiennes (catholiques et pentecôtistes notamment). Car, pour le pape, «il y
a là un problème qui est un scandale: c’est le problème de la division des
chrétiens». Aussi place-t-il son pontificat sous le signe du rapprochement
catholiques-évangéliques.
Qu’est-ce
que ces changements nous disent du catholicisme ?
Ces injonctions en provenance du sommet de la hiérarchie catholique nous
invitent à nous demander dans quelle mesure la culture ecclésiale n’est pas en
train de se transformer. En se diffusant largement au sein du catholicisme, les
éléments pentecôtistes ne sont-ils pas en train favoriser un mouvement de
rupture profondément rénovateur ? Là est la question à laquelle je tente de
répondre dans la conclusion de cet ouvrage…
Le
Renouveau charismatique au Saint-Siège
Depuis juin 2019, le Renouveau charismatique catholique est représenté par
un nouveau et unique organe, Charis, pour Catholic Charismatic Renewal
International Service. Voulu par le pape François, il marque une nouvelle étape
pour le Renouveau charismatique catholique au sein de l’Eglise. Il remplace
les deux organismes reconnus jusque-là par le Saint-Siège, le service
International du Renouveau Charismatique Catholique (ICCRS) et la
Fraternité catholique des communautés et communautés d’alliance charismatiques
(CF), qui ont cessé d’exister depuis. Charis est un service
établi par le Saint-Siège à travers le dicastère pour les Laïcs, la Famille et
la Vie avec personnalité juridique publique.
C’est un organe de communion et de formation pour les différentes réalités
issues du Renouveau qui, dans le monde, compte actuellement plus de 120
millions de catholiques. Le statut de Charis souligne
l’importance de répandre la grâce du baptême dans l’Esprit, l’œuvre pour
l’unité des chrétiens, le service aux pauvres et la participation à la mission
évangélisatrice de toute l’Eglise. Jean-Luc Moens est le premier modérateur de
Charis. Nommé par le Dicastère, ce belge, marié et père de sept enfants est
engagé dans le Renouveau charismatique depuis plus de 45 ans. L’assistant
ecclésiastique de Charis, choisi personnellement par le pape François, est le
Père Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison pontificale. CP
https://www.cath.ch/newsf/valerie-aubourg-letape-post-charismatique-du-renouveau/