Rabbin Adin Steinsaltz (1937-2020)
Adin Even Israël,
né Steinsaltz est un rabbin et auteur israélien né
le 11 juillet 1937 à Jérusalem et mort le 7 août 2020 dans
la même ville.
Né dans une famille engagée à gauche, il décide
d’observer les prescriptions du judaïsme dans son adolescence, et
rejoint la mouvance Habad sans abandonner ses études universitaires.
En 1965, il entame le commentaire du Talmud qui porte son nom et
qui lui vaudra le prix Israël en 1988. Il rédige ensuite divers
ouvrages de pensée juive, kabbale et hassidisme qui
se marquent par une même volonté de transmettre les savoirs séculaires à un
lectorat majoritairement séculier.
Biographie
Adin Steinsaltz naît à Jérusalem dans une famille juive
polonaise. Son père Avraham, arrière-petit-fils du premier rebbe de la dynastie
Slonim, a émigré en Palestine mandataire en 1924, comptant
brièvement parmi les disciples d’Hillel Zeitlin qui l'introduit à sa
future épouse Léa née Krokovitz laquelle a, comme lui, rompu avec la
bourgeoisie et la tradition juive alors qu’elle habitait encore à Varsovie.
C’est un communiste militant qui part en Espagne pour combattre dans les Brigades
internationales en 1936 avant de revenir à Jérusalem pour rejoindre le non
moins révolutionnaire Lehi, et il sera apparemment redevenu un Juif observant
vers la fin de sa vie, lorsqu’il dirigera la comptabilité du centre fondé par
son fils.
Bien que formé aux œuvres de Marx, Freud et Lénine
plutôt qu’à la Bible (il lira au demeurant le Nouveau Testament avant la
Torah), le jeune Adin décide de retourner à l’observance du judaïsme vers
ses quatorze ans, davantage par curiosité intellectuelle que par inclinaison
mystique (ses contacts antérieurs avec le judaïsme, y compris sa préparation à
la bar mitzva, ne lui ont pas laissé d’impression particulière). Aidé dans sa
démarche par le rabbin Smouel-Eliezer Heilprin, descendant du fondateur
du hassidisme Loubavitch et membre de ce courant, il est dirigé vers
l’une des principales écoles du mouvement, la yeshiva Tomkhei Temimim de Lod,
mais a du mal à y trouver ses marques et il semble avoir acquis l’essentiel de
son savoir en autodidacte. Dispensé du service militaire pour raisons de santé,
Adin Steinsaltz alterne études universitaires de mathématiques, physique et chimie à
l’université hébraïque de Jérusalem, et talmudiques. Le jeune prodige qui
subvient à ses besoins comme professeur de mathématiques et directeur de lycée,
est présenté par les plus grands adversaires idéologiques du judaïsme aux plus
hautes instances de l’état d’Israël ; il les impressionne non seulement
par sa maîtrise du Talmud mais par son aisance à présenter ses passages les
plus complexes sous une forme agréable et accessible au tout-venant. L’Institut
israélien pour les Publications Talmudiques est expressement fondé par Kadish Luz et Levi Eshkol en
1964, avec l’appui officieux des rabbins Shlomo Yosef Zevin et Menachem Mendel Schneerson lui-même,
pour que ses conférences soient couchées sur papier.
Marié en 1965 à Haya Sarah née Azimov, ils donnent
naissance en 1967 à leur première fille ainsi qu’au premier tome de son Talmud,
le traité BerakhotIl étudie les mathématiques, la physique et la chimie à l'université hébraïque de Jérusalem.
Il a étudié à l'institut talmudique Loubavitch de Kfar-Habad devenant un disciple ('hassid) du Rabbi de Loubavitch.
Il est connu pour son commentaire populaire et sa
traduction des deux Talmuds en hébeu moderneensuite traduits en anglais, espagnol, français et russe. espagnol. En 1988, il reçoit
le prix Israël, la plus haute décoration
israélienne.
Mort
Adin Steinsaltz est mort le 7 août 2020 à Jérusalem et
enterré le même jour au cimetière juif du Mont des Oliviers.
Citations
« Une société doit demander, chercher et exiger,
que chaque individu donne quelque chose de lui-même. De la somme de ses petits
dons, il peut se reconstruire entièrement. Si chacun d'entre nous allume une
bougie de nos âmes, le monde sera rempli de lumière. »
— Adin Steinsaltz
« Je n'ai jamais pensé que répandre l'ignorance a
quelques avantages que ce soit, excepté pour ceux qui sont en position de
pouvoir et veulent ôter les autres de leurs droits en étendant l'ignorance dans
le but de les garder dans une position subalterne. »
— Adin Steinsaltz
Publications
En français :
Le Maître de prière,
Paris, Albin Michel, 1994.
L'Homme debout, Paris, Albin Michel,
1999.
Personnages du Talmud,
Paris, Bibliophane, 2000.
La Rose aux treize pétales. Introduction à la Kabbale
et au judaïsme, Paris, Albin Michel, 2002.
Laisse mon peuple savoir,
Paris, Bibliophane, 2002.
Introduction au Talmud,
Paris, Albin Michel, 2002.
Mots simples, Paris, Bibliophane/Daniel
Radford, 2004.
Les Juifs et leur avenir,
Paris, Albin Michel, 2008.
Introduction à la prière juive,
Paris, Albin Michel, 2011.
La Hagada, Paris, Albin Michel,
2013.
https://pro.diocese.biblibre.com/cgi-bin/koha/catalogue/search.pl?q=Adin+Steinsaltz
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Jean-François Colosimo: «Adin Steinsaltz, l’homme qui
a donné une version du Talmud en hébreu moderne»
Le rabbin Adin Steinsaltz est décédé le 7 août
à Jérusalem. L’homme de foi est l’auteur d’admirables traductions du Talmud en
hébreu moderne, mais aussi, notamment, en français, anglais, russe et chinois.
Jean-François Colosimo rend hommage à ce grand penseur et cet érudit.
Théologien
et historien, Jean-François Colosimo est directeur général des éditions du
Cerf. Il a publié une dizaine d’ouvrages, dont le plus récent, La Religion française. Mille ans de laïcité est
paru en 2019 aux Éditions du Cerf.
«Puisqu’il
s’agit de la France, il faut commencer par le traité sur l’amour», m’avait-il confié
dans un éclatant sourire. Nous préparions alors, c’était en 1992, l’édition du
Talmud dans la langue de Molière. Ou plutôt de son Talmud. Tant lui-même,
empruntant l’exemple des plus grands commentateurs, dont le Champenois Rachi [né
à Troyes en 1040 et mort en 1105, NDLR], avait rénové de fond en comble la
tradition rabbinique à la lumière de laquelle les Juifs lisent la Bible. De ce
maître-livre, il avait donné, fait inouï, une version en hébreu moderne,
rendant ainsi accessible à l’homme du commun un texte sinon hermétique et
réservé jusque-là à quelques interprètes autorisés.
D’autres
versions avaient suivi ou devaient suivre, anglaise, russe, chinoise même sous
la forme d’un abrégé. Mais la version française du Taldmud lui tenait
singulièrement à cœur. Pas seulement pour réparer le terrible autodafé commis
sur la place de Grève en 1242. Ou pour honorer la langue native de son épouse,
issue d’une dynastie hassidique du Marais. Non plus par simple souci
arithmétique, afin de s’adresser à l’une des plus importantes communautés de la
diaspora. Mais parce que le Rav Adin Steinsaltz, entre les mille et unes
identités qu’il portait secrètement en lui, dont celle d’un immense savant et
celle d’un grand spirituel, participait aussi, de plain-pied, de la vie
intellectuelle telle qu’elle se comprend à Paris.
L’intelligence
et la foi s’accordaient, chez Adin Steinsaltz, telles les cordes de la harpe
sous les doigts du Psalmiste.
Ayant lu
tous les classiques de Platon à Dostoïevski, connaissant les modernes, Marx,
Freud ou Nietzsche, maniant Hergé comme Heidegger, et revenant sans cesse à son
cher Pascal, il pouvait également citer Sartre avec lequel il avait dialogué.
Mieux que
de l’avoir accompagné, sa propre trajectoire lui avait fait précéder les tours
et retours du XXe siècle. Né dans la mouvance de l’humanisme rationaliste et
athée, il était revenu de lui-même à l’évidence lumineuse de la révélation.
Fidèle en cela à son anarchiste de père, riait-il, qui fuyant les pogroms de
l’Empire tsariste pour la Palestine mandataire, mais épris d’éducation, avait dû
se résoudre à le placer dans une yeshiva, l’exhortant cependant à garder un
esprit absolument critique: «Un commandement auquel j’ai si bien obéi,
ajoutait-il, que j’en suis devenu rabbin».
Cette
décision pour la vérité, montrant à sa manière que la Torah était plus
révolutionnaire que n’importe quel Manifeste, valait cependant, et c’est là la
différence majeure avec tant de retournements plus tardifs et artificiels,
comme un engagement contre les fondamentalismes. L’intelligence et la foi
s’accordaient, chez Adin Steinsaltz, telles les cordes de la harpe sous les
doigts du Psalmiste. L’étude et la prière n’étaient qu’une. Et de même la
bienveillance à l’égard de quiconque l’approchait. En chacun, il n’aimait rien
tant que réveiller le voyageur et l’inciter de se remettre en route. Le Rav
connaissait de l’intérieur l’âme moderne.
Il
consumait sa vie dans la transmission : afin qu’à chaque génération
recommence l’Alliance.
Seul le
fanatisme pouvait rendre noir son regard toujours aigu et souvent empreint d’une
malicieuse tendresse. Il paya chèrement son amour de la liberté lorsqu’il eut à
essuyer l’anathème que des confréries dévotes de Jérusalem lui jetèrent au
prétexte de sa célébration du rôle des femmes dans l’histoire biblique. Il
n’évoquait jamais ce déni rituel et public - même si son Sancho Pança, Thomas
Nisell, revêtait volontiers ces intégristes du sobriquet d’«extra-terrestres».
Lui
s’inquiétait plutôt du fait qu’Israël ne fût pas encore cette nation de prêtres
que réclamait l’Eternel. Ou que les diasporas, par lassitude et négligence, ne
finissent par s’éteindre à ne plus reconnaître leur vocation. C’était pourquoi
il consumait sa vie dans la transmission: afin qu’à chaque génération
recommence l’Alliance. Ce fut aussi tout le sens, dans les débuts de la
publication de son œuvre monumentale en français, de la remarque qu’il adressa
aux représentants des institutions communautaires qui la soutenaient
financièrement: «Qu’allez-vous faire pour le Talmud?». Puis,
satisfait de son effet à les voir médusés, il avait précisé: «Qu’allez-vous
faire pour qu’il ne reste à s’empoussiérer sur les étagères de vos
bibliothèques, mais pour qu’on l’ouvre et qu’on le lise?»
Il
m’accordait toujours un moment que je devinais volé à son entreprise
titanesque. Sachant ce privilège, je préparais des questions auxquelles il
répondait du tac au tac.
Les
années filant, quand il venait à Paris, quand je me rendais à Jérusalem, il
m’accordait toujours un moment que je devinais volé à son entreprise
titanesque. Sachant ce privilège, je préparais des questions auxquelles il
répondait du tac au tac. «Qui est juif?»: «Celui
ou celle dont les petits-enfants sont juifs». «Que dire à ceux pour qui la
Shoah condamne le divin à se taire?» : «Qu’ils aillent dans un
hôpital visiter un enfant à l’agonie et lui consacrent leur propre silence». «Faut-il
considérer comme imagées les thèses de la Kabbale?»:«Les maîtres qui les ont
formulées n’étaient certainement pas des déconstructionnistes». Il y avait
toutefois une interrogation dont je pouvais me dispenser - de quelle
universalité peut être dépositaire le peuple du Sinaï alors qu’il demeure une
fratrie séparée? J’avais la réponse, vivante, sous mes yeux.
https://www.lefigaro.fr/vox/religion/jean-francois-colosimo-adin-steinsaltz-l-homme-qui-a-donne-une-version-du-talmud-en-hebreu-moderne-20200810?fbclid=IwAR35dYj9DnbkJabtLrDTQsV