Après la mort du P. Jacques Hamel, explications
sur le martyre chrétien
Le mot martyr
vient du grec martys, signifiant « témoin » : littéralement, lemartyros est celui qui rend
témoignage, selon l’appel de Jésus dans les Actes des Apôtres : « Vous
serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux
extrémités de la terre » (Ac 1, 8).
Qu'est-ce que le martyr ?
C’est dans
l’Apocalypse que le mot commence à désigner ceux qui ont témoigné jusqu’au don
de leur vie : « Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui furent égorgés à
cause de la parole de Dieu et du témoignage qu’ils avaient porté » (Apocalypse
6, 9).
Pour cette
raison, les premiers chrétiens vont considérer que ceux qui ont versé leur sang
pour le Christ parvenaient directement à la béatitude céleste, même s’ils
n’avaient pas été baptisés. Ce que les Pères de l’Église appelleront le« baptême
de sang ». « Ne soyez pas surpris que j’appelle le martyre un
baptême. Tout comme ceux qui sont baptisés sont lavés dans l’eau, de même ceux
qui sont martyrisés sont lavés dans leur propre sang », expliquera
plus tard saint Jean Chrysostome (Panégyrique de sainte Lucie).
Jusqu’au IIIe siècle,
les martyrs sont alors aussi bien ceux qui ont souffert pour la foi que ceux
qui sont morts pour elle. À partir du IVe siècle, alors que les
persécutions contre l’Église déclinent, le mot désigne uniquement ceux qui ont
été tués – on parlera de « confesseurs » pour ceux qui ont souffert
au nom de leur foi – et dont le souvenir reste vivace.
Comment l'Eglise reconnait-elle le martyr ?
Pour l’Église, le fait de donner sa vie pour le Christ
est la voie par excellence vers la sainteté. Dans les processus de béatification de l’Église
catholique, la reconnaissance du martyre dispense d’ailleurs de celle d’un
miracle.
L’Église mène donc une enquête rigoureuse sur la vie
du futur bienheureux et son martyre. « La réputation de martyre
est l’opinion répandue parmi les fidèles selon laquelle le Serviteur de Dieu a
subi la mort pour la foi ou une vertu liée à la foi », résume
l’instruction Sanctorum Mater publiée en 2007 par la
Congrégation des causes des saints.
Subir la mort suppose donc une libre acceptation de
celle-ci, mais pas de la rechercher. « Il n’y a pas lieu de
féliciter ceux qui vont au-devant du martyre ; un tel zèle n’est pas évangélique », écrit l’auteur du Martyre de Polycarpe,
dès le IIe siècle. « Chacun doit être prêt à confesser sa
foi, mais personne ne doit courir au-devant », ajoutera saint Cyprien
de Carthage.
L’autre condition est que la cause de la mort doit
être « la foi ou une vertu liée à la foi ». Il
s’agit de la traduction actuelle de l’ancienne règle de l’Église selon laquelle
le martyr devait avoir été « en haine de la foi ». S’il
est « certes nécessaire de repérer des preuves irréfutables sur la
disponibilité au martyre, écrivait Benoît XVI en 2006 à la
Congrégation des causes des saints. Il est tout autant nécessaire
qu’apparaisse directement ou indirectement, aussi d’une façon moralement
certaine, la haine de la foi du persécuteur. » Or, soulignait-il, « les
contextes culturels du martyre et les stratégies de la part du persécuteur, qui
cherche toujours moins à mettre en évidence de façon explicite son aversion
envers la foi chrétienne ou a un comportement connexe avec les vertus
chrétiennes mais simule différentes raisons, par exemple de nature politique ou
sociale, ont en revanche changé ».
Ainsi, Maximilien Kolbe (1894-1941), tué à Auschwitz
en s’offrant à la place d’un père de famille, n’avait pas été béatifié comme
martyr, en 1971 par Paul VI, mais sera canonisé comme tel par
Jean-Paul II onze ans plus tard. De la même manière Edith Stein, carmélite
déportée car d’origine juive, a été reconnue comme martyre. La récente
béatification d’Oscar Romero ouvre aussi de nouvelles perspectives pour tous
ceux qui ont été tués pour des raisons politiques, mais liées à leur engagement
de foi.
En soulignant que le martyre peut avoir lieu à cause
de « la foi ou une vertu liée à la foi », la
Congrégation des causes des saints relève aussi d’autres formes de martyre.
C’est ainsi que le P. Damien de Veuster, mort de la lèpre alors qu’il
s’occupait des lépreux d’Hawaï a été proclamé « martyr de la
charité » en 1995. De la même manière, l’Église reconnaît depuis les
premiers siècles comme « martyres de la pureté » celles qui ont
préféré la mort à la perte de leur vertu, comme sainte Maria Goretti
(1890-1902) ou la bienheureuse Albertina Berkenbrock (1919-1931).
Extrait du journal LA CROIX du mardi 27 juillet 2016
UNE
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Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles