jeudi 3 avril 2008

PIE XII ET LA SHOAH

PHILIPPE CHENAUX : DIPLOMATE ET PASTEUR.
PARIS, CERF . 2003



RECENSION DU CHAPITRE 12 : L’ATTITUDE DU PAPE PIE XII FACE A LA SHOAH



L’attitude du Pape PIE XII face à la SHOAH est un sujet de vive discussion parmi les historiens.

Philippe Chenaux dans son ouvrage Pie XII, pasteur et diplomate au chapitre XII sur la question juive s’interroge sur les raisons qui poussé le Pape à « s’imposer des limites dans sa parole ».


La première explication est à chercher dans l’attitude de l’Eglise envers le judaïsme avant-guerre : elle est ambivalente. Les Juifs sont perçus comme un péril pour les catholiques mais dans le même temps tout antijudaïsme fondé sur la notion de race était jugé antichrétien et devait être condamné.
De même l’expérience du futur pape comme nonce à Munich où il peut constater la présence de nombreux juifs dans le mouvement Spartakiste(cf. note) l’amène peut-être à faire « l’amalgame entre Judaïsme et Bolchevisme ».

Groupe spatakus : groupe d’extrême gauche du parti social-démocrtate allemand opposé à la guerre en 1914-1918 ; ralliés au bolchevisme après la Révolution russe, ils tentèrent de donner une orientation bolchevique à la révolution allemande de novembre 1918 mais furent écrasés par l’armée de la République de Weimar

Enfin comme Secrétaire d’Etat il avait eu à cœur de ne pas exposer l’Eglise, préférant laisser les évêques allemands protester contre les agissements des nazis.

Mais la raison essentielle de la « limitation de la parole du pape » est la conviction que la dénonciation du sort fait aux Juifs se retournerait contre les catholiques qui risqueraient alors d’être persécutés. Cette conviction se fait plus forte avec la guerre qui commence. C’est pourquoi le Saint-Père se contente de dénoncer ne termes généraux le racisme (encyclique Summi Pontifcatus le 20 octobre 1939).

Mais si ses prises de parole restent prudentes, le Pape n’en n’agit pas moins et donne instruction pour que l’on assiste les victimes de la guerre. Cependant, là encore, les Juifs ne sont pas privilégiés, même si certaines tentatives pour favoriser leur émigration d’Allemagne vers l’Amérique du Sud aient été tentées.

Il semble que jusqu’en 1942 le Pape n’a pas conscience du sort particulièrement difficile des Juifs. En 1941, en réponse à la demande du cardinal de Vienne concernant les menaces pesant sur la communauté juive de la ville le Vatican se contente d’énumérer les mesures déjà prises.
Le pape ne prendra la mesure du problème qu’à partir des rapports envoyés par les nonciatures d’Europe orientale (celle de Slovaquie notamment). Ils font tous état de déportations, rafles et massacres subis par les Juifs dans les territoires occupés par l’Allemagne nazie. Ces témoignages sont encore renforcés par les rapports d’un aumônier militaire italien sur le front russe. Il assiste à des exécutions massives de Juifs russes.

Il semble que la Papauté veuille condamner avec plus de force ce que l’on nommera par la suite la Shoah. Mais un incident l’en dissuadera : en 1942, la protestation de l’évêque d’Utrecht à propos de la déportation des Juifs entraîne en représailles la rafle de tous les catholiques « non Aryens » et leur envoi dans les camps de la mort. Vivement impressionné et convaincu de l’obstination criminelle du pouvoir nazi, Pie XII renonce à prononcer une condamnation vigoureuse. Il ne prendra la parole pour dénoncer le racisme et l’antisémitisme qu’en deux occasions.
Désormais l’action silencieuse est privilégiée même si les protestations ne sont pas absentes (en faveur des juifs hongrois par exemple). Ce sera notamment le cas pendant l’occupation de Rome en 1943-1944 où le Vatican et le clergé romain réussiront à soustraire une partie importante de la population juive à la déportation.



En conclusion de ce chapitre, l’auteur évoque la résurgence de violences antijuives en Pologne (pogrom de Kielce en 1946) et la non condamnation de celles-ci par Pie XII. Philippe Chenaux s’interroge alors de savoir si malgré la conscience que le pape avait d’ avoir fait son devoir, il avait bien pris l’ampleur des persécutions supportées par les Juifs et surtout « du rôle possible de l’Eglise dans le déclenchement des persécutions nazis ».

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