IERE LETTRE DE SAINT APUL AUX THESSALONICIENS
(1-2)
LE TEXTE :
Lettre 1 aux Thessaloniciens 1-2
Adresse (1, 11)
1 Th 1-1 Paul, Silvain et Timothée à l'Église des Thessaloniciens qui est en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ. À vous grâce et paix.
Action de grâces : vous (1, 2-10)
2 Nous rendons continuellement grâce à Dieu pour vous tous quand nous faisons mention de vous dans nos prières ; sans cesse, 3 nous gardons le souvenir
de votre foi active,
de votre amour qui se met en peine,
et de votre espérance persévérante,
qui nous viennent de notre Seigneur Jésus Christ, devant Dieu notre Père,
4 sachant bien, frères aimés de Dieu, qu'il vous a choisis.
5 En effet, notre annonce de l'Évangile chez vous n'a pas été seulement discours, mais puissance, action de l'Esprit Saint, et plein succès. Et c'est bien ainsi, vous le savez, que cela nous est arrivé chez vous, en votre faveur.
6 Et vous, vous nous avez imités, nous et le Seigneur, accueillant la Parole en pleine détresse, avec la joie de l'Esprit Saint: 7 ainsi, vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et d'Achaïe. 8 De chez vous, en effet, la parole du Seigneur a retenti non seulement en Macédoine et en Achaïe, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s'est si bien répandue partout que nous n'avons pas besoin d'en parler. 9 Car chacun raconte, en parlant de nous, quel accueil vous nous avez fait,
et comment vous vous êtes tournés vers Dieu
en vous détournant des idoles,
pour servir le Dieu vivant et véritable
10 et pour attendre des cieux son Fils
qu'il a ressuscité des morts, Jésus,
qui nous arrache à la colère qui vient.
Comportement des apôtres : nous (2, 1-12)
2-1 Vous-mêmes le savez bien, frères, ce n'est pas en vain que vous nous avez accueillis. 2 Mais, alors que nous venions de souffrir et d'être insultés à Philippes, comme vous le savez, nous avons trouvé en notre Dieu l'assurance qu'il fallait pour vous prêcher son Évangile à travers bien des luttes.
3 C'est que notre prédication ne repose pas sur l'erreur,
elle ne s'inspire pas de motifs impurs,
elle n'a pas recours à la ruse.
4 Mais Dieu nous ayant éprouvés pour nous confier l'Évangile,
nous prêchons en conséquence ;
nous ne cherchons pas à plaire aux hommes, mais à Dieu qui éprouve nos coeurs.
5 C'est ainsi que jamais nous n'avons eu de paroles flatteuses, vous le savez,
jamais d'arrière-pensée de profit, Dieu en est témoin, 6 et jamais nous n'avons recherché d'honneurs auprès des hommes, ni chez vous, ni chez d'autres, 7 alors que nous aurions pu nous imposer, en qualité d'apôtres du Christ.
Au contraire, nous avons été au milieu de vous pleins de douceur, comme une mère réchauffe sur son sein les enfants qu'elle nourrit. 8
Nous avions pour vous une telle affection que nous étions prêts à vous donner non seulement l'Évangile de Dieu, mais même notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers. 9 Vous vous rappelez, frères, nos peines et nos fatigues: c'est en travaillant nuit et jour, pour n'être à la charge d'aucun de vous, que nous vous avons annoncé l'Évangile de Dieu. 10 Vous êtes témoins, et Dieu aussi, que nous nous sommes conduits envers vous, les croyants, de manière sainte, juste, irréprochable.
11 Et vous le savez : traitant chacun de vous comme un père ses enfants, 12 nous vous avons exhortés, encouragés et adjurés de vous conduire d'une manière digne de Dieu qui vous appelle à son Royaume et à sa gloire.[1]
FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS
I - POUR LIRE
Une fondation-éclair
Paul avait entrepris un voyage apostolique à partir d'Antioche de Syrie, voyage au cours duquel il avait traversé le centre et l'ouest de la Turquie actuelle, puis était passé en Macédoine et en Grèce ; au terme il devait séjourner un an et demi à Corinthe en 50-51. Il n'avait pas entrepris ce voyage seul, mais avec deux compagnons, Sylvain (ou Silas) et Timothée (qu'il s'était associé en cours de route). C'est au cours de ce voyage que les trois missionnaires avaient fondé une Église dans le grand port de Thessalonique en Macédoine (actuellement Salonique). La grande majorité de ces nouveaux croyants étaient des non-juifs. Paul n'avait pas pu rester avec eux aussi longtemps qu'il aurait été nécessaire pour affermir et compléter leur première formation. Il avait même dû déguerpir rapidement pour échapper à des embûches suscitées par des juifs hostiles à la foi qu'il prêchait. Il avait cherché plusieurs fois à revenir chez eux, mais en vain.
Une lettre d'action de grâces
Arrivé à Athènes, n'y tenant plus, inquiet de les savoir en butte à des tracasseries et des persécutions capables d'ébranler leur foi, il avait renvoyé Timothée en arrière prendre de leurs nouvelles et les encourager à tenir bon. Lorsque Timothée revient, il retrouve Paul à Corinthe et lui apporte de « bonnes nouvelles » : la confirmation que l'Évangile annoncé à Thessalonique a bel et bien pris en plein milieu païen. Paul avec ses deux compagnons en est tout réconforté, comme « évangélisé » (3, 6) par ceux qu'ils avaient évangélisés. C'est alors que « Paul, Sylvain et Timothée » envoient à Thessalonique une lettre où explose l'action de grâces à Dieu pendant trois chapitres, tandis que les deux derniers chapitres répondent à des questions de foi et de vie chrétiennes.
Le premier écrit du Nouveau Testament
La Première Epître aux Thessaloniciens se trouve être le premier écrit chrétien du Nouveau Testament (bien avant la rédaction finale des évangiles). Elle date de 50/51. D'où son grand intérêt pour la connaissance de la foi chrétienne qui se répand déjà en plein milieu gréco-romain, chez les juifs de la Diaspora et chez les non-juifs, vingt ans à peine après la crucifixion de Jésus.
Nous vous proposons de lire l'adresse de la lettre et le premier moment d'action de grâces, qui se présente comme une relecture de ce que les apôtres ont vécu quand ils ont fait leur entrée à Thessalonique pour y annoncer l'Évangile. Dans cette relecture, alternent le « vous » et le » nous » : comment vous avez reçu l'Évangile et comment nous nous sommes comportés parmi vous. Il ne s'agit ni de flatterie ni d'auto-glorification, mais de relecture de l'œuvre de Dieu à travers l'action et le comportement des uns et des autres. Et cette relecture est un encouragement et une indication pour le chemin à poursuivre maintenant.
Structure littéraire de l'extrait proposé : (1,1-2,12)
Adresse (1, 1) : auteurs[2] et destinataires
A - Action de grâces (1, 2-10) :
Ø pour le plein succès de l'Évangile à Thessalonique (1, 2-5)
Ø pour le rayonnement de la foi des Thessaloniciens (1, 6-10)
B - Relecture du comportement des apôtres (2, 1-12)
Ø des apôtres qualifiés par leurs épreuves (2, 1-4)
Ø des apôtres désintéressés (amour maternel) (2, 5-8)
Ø des apôtres engagés (amour paternel) (2, 9-12)
¨ Lexique :
* Église : au singulier ou au pluriel (les Églises), le mot désigne ordinairement dans le langage de Paul les communautés locales. Origine du mot : ek-klèsia en grec ; mot dont la racine est le verbe « kalé-ô » = appeler, convoquer. Les « églises » sont des communautés qui répondent à la « convocation » divine sur la base de la foi en Jésus. En se désignant ainsi les communautés chrétiennes se distinguaient des « synagogues » (réunion, lieu de réunion) du judaïsme. Les premières communautés chrétiennes empruntent le terme au langage grec des assemblées de citoyens et au langage de la Bible grecque, qui désignait ainsi l'assemblée convoquée par Dieu pour recevoir sa Parole au Sinaï (« l'Église du désert », Ac 7, 38).
* L'Évangile : la « Bonne Nouvelle » qui annonce le Christ mort et ressuscité comme événement du salut: il est « l'Évangile de Dieu », parce que Dieu en est l'origine et en fait la force de transformation de la condition humaine : il est « puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1, 16)
* Macédoine, Achaïe (Grèce) : deux provinces romaines, respectivement au nord et au sud; la Macédoine ancienne avait pour capitale Thessalonique, aujourd'hui Salonique; l’Achaïe avait pour capitale Corinthe, port double sur l'Egée et l'Adriatique. Paul implante l'Évangile dans les centres urbains d'où il rayonnera.
* La Colère à venir : manière humaine de parler de Dieu; il ne se met pas en colère, mais la rupture de l'alliance avec Lui entraîne la privation des biens du salut. La « colère de Dieu » dit l'incompatibilité entre Dieu et le peuple pécheur. « La Colère à venir » désigne le Jugement final sous cet aspect négatif. Israël y échappe par la conversion (cf. prédication de Jean-Baptiste, Mt 3: 7-10). La foi chrétienne reprend ce thème à l'adresse de tous les hommes :ils peuvent tous y échapper par la foi en Jésus
* Philippes : colonie romaine en Macédoine (voir la fondation d'une communauté chrétienne à Philippes en Ac 16, 12-40). Paul y a été prisonnier et battu de verges, juste avant d'arriver à Thessalonique.
*Prosélyte : «celui qui s'approche », le non-juif qui s'intéresse à la foi et la morale d'Israël ; il peut aller jusqu'à l'intégration au judaïsme par la circoncision, ou rester un sympathisant, participer au culte synagogal; dans ce cas le NT parle des « craignant-Dieu » ou des « adorateurs / adoratrices / de Dieu.
Synagogue : lieu de réunion de prière des communautés juives ; on y lit et commente les Ecritures
II - ET MAINTENANT AU TEXTE
Lire une première fois le texte d'affilée (1, 1 – 2, 12), comme on lit avec intérêt une lettre que l'on vient de recevoir. Ensuite revenir aux différents moments de la lettre :
Ne pas télescoper l'adresse (1, 1) : elle dit déjà des choses sur les auteurs et les destinataires. Comment comprenez-vous la désignation de « l'Église des Thessaloniciens en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus-Christ »? Que signifie cette double relation ?
Qu'est-ce qui caractérise une Église naissante selon l'image que Paul renvoie d'eux-mêmes aux Thessaloniciens en 1, 2-10 ? Leur place dans le dessein de Dieu, leur style de vie, le contenu et le rayonnement de leur foi ?
Quels sont les traits du comportement apostolique que les apôtres tiennent à mettre en relief (2, 1-12) ? Pourquoi?
Si l'Esprit-Saint n'est pas mentionné dans l'adresse, il l'est dans l'action de grâces et dans la relecture de la mission apostolique : quels rôles lui sont attribués ? Qu'est-ce que cela dit de la mission et de l'existence chrétienne ?
III - PISTES POUR ACTUALISER
« Votre foi qui agit, votre amour qui se donne de la peine, votre espérance qui tient bon ... », « la Parole du Seigneur a retenti de chez vous en tout lieu » :
quel sang neuf peut apporter à nos communautés ecclésiales cet éloge de Paul ?
« Frères aimés de Dieu … vous avez été choisis » : que voyez-vous naître de nouveau au sein de nos communautés ecclésiales ? et au-delà ?
« Vous nous avez imités, nous et le Seigneur... » (1, 6) : comment le mystère
pascal marque-t-il nos vies ? La vie de nos communautés ?
IV - PISTES POUR LA PRIERE
Un refrain pour ouvrir le temps de prière :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ, Alléluia ! »
(A. Gouzes)
Psaume 116 : à lire ou à chanter (CNA page 140)
Antienne : « Allez dire au monde entier les merveilles de Dieu »
Louez le Seigneur, tous les peuples ;
Fêtez-le, tous les pays !
Son amour envers nous s’est montré le plus fort ;
Eternelle est la fidélité du Seigneur !
Lecture d’un autre passage de Paul : Lettre aux Romains 15,7-13
Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu. Je l’affirme en effet, c’est au nom de la fidélité de Dieu que Christ s’est fait serviteur des circoncis, pour accomplir les promesses faites aux pères ; quant aux païens, ils glorifient Dieu pour sa miséricorde. Selon qu’il est écrit : « C’est pourquoi je te célébrerai parmi les nations païennes, et le chanterai en l’honneur de ton nom ». Il est dit encore : « Nations, réjouissez-vous avec son peuple ». Et encore : « Nations, louez toutes le Seigneur, et que tous les peuples l’acclament ». Esaïe dit encore : « Il paraîtra, le rejeton de Jessé, celui qui se lève pour commander aux nations. En lui les nations mettront leur espérance ». Que le Dieu de l’espérance vous comble de joie et de paix dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance par la puissance de l’Esprit Saint.
Introduction au Notre-Père : Père c’est ton Fils qui nous rassemble dans la joie de l’Esprit Saint. C’est lui qui fait de nous une communauté. Avec lui, avec tous ceux qui mettent leur espérance en lui, nous te disons :
NOTRE PERE
FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS
V - QUELQUES CLES DE LECTURE
1 - Naissance d'une Eglise (1,1)Une Église* est née à Thessalonique. La mission a consisté à faire surgir dans cette ville une communauté originale de foi et de vie. C'est à la communauté comme telle que les trois apôtres écrivent. C'est la vie ecclésiale qui leur importe. Le « nous » des apôtres fait face au « vous » de la communauté.
Cette Eglise est née en plein monde païen. D'après le récit des Actes des apôtres (17, 1-9), Paul a commencé par la synagogue* et il y a trouvé des adhérents à l 'Evangile, soit parmi les Juifs, soit parmi les païens qui sympathisaient avec la foi juive. Mais l'Évangile n'a pas tardé à toucher majoritairement les non-juifs, puisque Paul dit à ses correspondants qu'ils se sont détournés des idoles. Ce passage de l'Évangile du seul monde juif au monde des Nations est un événement. Jusque là, il y avait des prosélytes*, c'est-à-dire des non-juifs agrégés au judaïsme par la circoncision ou des sympathisants du judaïsme (« adorateurs de Dieu », « craignant-Dieu »).
Maintenant est apparue une communauté de type inédit qui peut rassembler Juifs et non-juifs sur la seule base de la foi en Jésus. Paul désigne « l'Église des Thessaloniciens » comme une Église « en Dieu le Père et le Seigneur Jésus-Christ », c'est-à-dire qu'elle a été et demeure constituée comme Église à partir de la convocation de Dieu, le Père - c'est Lui qui la rassemble par son appel - et en vertu de sa communion avec Jésus-Christ, le Seigneur. Elle n'est donc pas une oeuvre humaine. Paul ne dit pas encore ici que l'Église est le « corps du Christ » (il le dira en 1 Corinthiens). Mais déjà il exprime sa dépendance vitale à l'égard du Seigneur Jésus. Le titre de « Seigneur » lui convient en tant qu'il est le Ressuscité, pleinement associé à Dieu le Père comme source du salut.
La nouveauté qui apparaît dans la naissance de l'Église des Thessaloniciens, c'est que les païens sont aimés de Dieu. « Frères aimés de Dieu » (1, 4), dit le judéo-chrétien Paul à ces païens convertis. Avant d'être aimés de Paul comme des frères, ils se sont révélés à lui comme « aimés de Dieu », et il a reconnu en eux les signes de « l'élection » : Dieu les a choisis par amour. Ce sont des mots très forts, qui, jusqu'à présent, caractérisaient la relation du peuple d'Israël avec Dieu ; maintenant ce ne sont plus seulement les fils d'Israël qui sont « élus » et « aimés », mais aussi les gens des nations.
A quoi Paul a-t-il reconnu que ces païens sont « aimés » et « choisis » ? A ce que l'Évangile a été annoncé chez eux avec plein succès. En effet, dit Paul, l'Évangile que nous vous avons fait entendre n'a pas consisté seulement en paroles (il y en a eu, certes, pour dire la foi), mais il s'est produit sous la forme d'une intervention puissante de l'Esprit-Saint. A quoi Paul fait-il référence par ces mots ? La « puissance », au singulier, ne fait pas allusion aux « miracles », mais à la force divine déployée pour produire le salut. Il y avait disproportion entre l'Évangile et les forces humaines, soit celles des apôtres pour l'annoncer, soit celles des auditeurs pour le recevoir; mais l'Esprit-Saint a été la puissance de l'Evangile de Dieu chez les uns et chez les autres. Les apôtres ont été pleinement engagés (malgré leurs épreuves antérieures) et les nouveaux croyants ont été transformés dans leurs convictions et dans leur vie. C'est cela « le plein succès » (traduction préférable à «certitude absolue») de l'Évangile à Thessalonique (1, 5). Paul fera souvent référence dans ses lettres à la disproportion entre la faiblesse humaine de l'apôtre et la force de l'Évangile qu'il porte. Cette disproportion signe l'engagement de Dieu dans l'investissement des apôtres.
2 – Le trio : foi, amour, espérance (1,3)
(1,Quand Paul rend grâces à Dieu pour l'accueil de l'Évangile à Thessalonique, il caractérise la vie des nouveaux croyants par trois mots-clés : foi, amour, espérance. Ce trio va devenir classique pour parler de l'existence chrétienne[3]. La foi ouvre le croyant à la vie du Christ en lui ; elle le fait participer à l'amour qui vient de Dieu, qui s'est exprimé dans le Christ jusqu'au don de lui-même sur la croix, et qui devient maintenant pour le croyant sa manière d'aimer. Cette vie de foi et d'amour génère l'espérance, parce qu'elle atteste au croyant qu'il est aimé de Dieu (cf. Rm 5, 5).
Paul ne dit pas simplement : « foi, amour, espérance », il dit « l'agir de la foi », « le labeur de l'amour », « la constance de l'espérance (1,3). Il dit ce qui les rend authentiques. Quel est « l'agir » de la foi ? On peut penser naturellement aux fruits qu'elle porte dans la vie (conversion, service, amour, diverses formes d'engagement, cf. Ga 5, 6 : « la foi qui agit par l'amour »). Il n'est pas interdit de penser aussi, dans le contexte de notre épître, au rayonnement de la foi sur l'environnement proche et lointain (cf. 1, 8). Quant à l'amour, Paul le désigne en grec par le mot « agapè » : amour gratuit et désintéressé, fait de respect et d'estime de l'autre, amour qui n'attend pas la valeur mais qui la crée, à l'image de l'amour de Dieu pour l'homme. Le trait caractéristique de l'agapè, c'est de se donner du mal, sans en rester aux bons sentiments. L'espérance enfin se caractérise par sa capacité d'endurance : elle résiste sous les épreuves qui pourraient entamer la confiance dans la Promesse, elle ne se désiste pas, elle « tient sous » l'épreuve.
La foi, l'agapè et l'espérance – et pas seulement l'espérance – sont dites « de Jésus-Christ ». C'est-à-dire qu'elles prennent leur source et leur norme en lui. C'est de lui désormais que nous tenons la possibilité de croire, d'aimer, d'espérer ; c'est lui qui, dans sa vie terrestre et dans l'événement pascal, a inauguré ce style de relation à Dieu, fait de confiance et de donation de soi absolues.
3 – Un style de vie marqué par le mystère pascal (1, 6)Un nouveau « modèle [4]» de vie est apparu. Quand Paul écrit aux croyants de Thesssalonique qu'ils ont imité les apôtres et le Seigneur Jésus, et qu'à leur tour ils sont devenus un modèle (un « type ») pour tous les croyants de Macédoine et de toute la Grèce, il ne se place pas au point de vue moral, comme si ces nouveaux croyants étaient devenus des champions de vertu. Mais au point de vue du style d'existence inauguré par la Pâque du Christ. C'est-à-dire qu'ils accueillent la Parole « au milieu de bien des épreuves », mais que ces épreuves deviennent pour eux le lieu de la joie pascale, celle que donne l'Esprit-Saint. Paul lui-même dira qu'il surabonde de joie au milieu des épreuves (2Co 7, 4). Pourquoi ? Parce qu'en communiant à la Passion du Christ il est certain d'être uni à sa gloire. C'est en cela que consiste le nouveau « modèle ». Le style de vie des chrétiens est un style « pascal », qui connaît nécessairement l'épreuve et la souffrance, en raison même de la fidélité à la Parole ; mais qui au sein même de l'épreuve connaît la joie d'être conduit et habité par l'Esprit-saint, ce qui est gage d'espérance. Remarquons déjà deux mentions de l'Esprit, dans ce court passage : il est à l'origine de la foi et de la joie pascales.
Ce style pascal inscrit les nouveaux croyants dans la grande tradition qui vient des prophètes, du Seigneur Jésus, des apôtres, des Églises de Judée ; et maintenant l'Église de Thessalonique prend le relais ; elle hérite d'une histoire ; c'est ce que lui dit Paul dans un second moment d'action de grâces (2, 14-15). Il est frappant de constater qu'aux yeux de Paul ces nouveaux croyants sont d'entrée de jeu mis en communion avec le mystère pascal et que, de ce point de vue, ces novices de la foi en sont déjà des modèles.
4 – La rumeur de Thessalonique
(1, 8 - 10)
Si l'Évangile engendre une Église, cette Église à son tour rayonne l'Évangile. Paul fait état ici de ce qu'on pourrait appeler « la rumeur de Thessalonique ». Sa foi est maintenant connue « partout ». Les gens savent l'accueil fait au message apostolique, ils le disent eux-mêmes. Paul en résume les données fondamentales :
- se tourner vers Dieu, et de ce fait, se détourner des idoles (d'abord le positif, ensuite le négatif); cela fait partie de l'annonce de l'Évangile en milieu non-juif ;
- ce changement radical d'orientation amène à « servir le Dieu vivant et vrai», service qui n'est plus simplement « cultuel » comme dans « la religion », mais qui consiste dans l'orientation de toute l'existence vers la Venue de son Fils ;
- « attendre son Fils » n'est pas une attente passive, mais au contraire une vie de foi, d'amour et d’espérance, comme Paul le précisera plus loin en 5, 7. Dans la prédication de Jésus, c'était le Royaume de Dieu qui était annoncé et attendu comme tout proche ; dans la prédication apostolique, la Venue de Jésus prend la place de l'avènement du Royaume : le Royaume, c'est Lui.
- Paul ne parle pas du « retour du Christ», mais de « sa Venue »; elle est rendue possible, depuis que Dieu l'a ressuscité des morts : la résurrection de Jésus n'est pas mentionnée ici pour elle-même, mais pour l'avenir qu'elle a ouvert. Quant à la croix, elle est seulement implicite dans ce raccourci (elle est impliquée dans « ressuscité des morts »); Paul lui donnera beaucoup plus de place (la place centrale, décisive) dans les épîtres suivantes (1 Co, Ga).
- Enfin est prononcé le nom bien humain de ce Fils de Dieu : Jésus ; il n'est pas un être mythique, comme il y en avait beaucoup dans les religions orientales, grecques et romaines; notre épître est celle qui emploie le plus souvent le nom de « Jésus » sans lui accoler aucun titre (Christ, Seigneur).
- Sa Venue sera victorieuse et libératrice à l'égard du mal et de l'injustice qui opprime l'humanité. Elle est future, elle est attendue, mais Jésus est « celui qui nous libère », déjà au présent : présent de certitude, présent de définition (il est le libérateur), présent d'anticipation. Il nous libère « de la Colère qui vient », c'est-à-dire qu'il nous permet d'échapper aux conséquences désastreuses qui s'abattraient finalement sur un monde en rupture d'alliance avec Dieu (voir le Lexique sur « la Colère »). Les croyants n'ont plus à redouter quelque catastrophe finale ; ils ne vivent plus dans la peur, mais dans l'espérance et la confiance.
5 - Le style de vie des apôtres dans l'annonce de l'Évangile (2, 1 - 12)Dans la relecture, les apôtres tiennent à rappeler quel a été leur comportement au milieu des gens. Il ne s'agit pas pour eux de se vanter, mais de se démarquer des nombreux prédicateurs et philosophes ambulants, qui, souvent, cherchaient le profit, la gloriole ou les aventures suspectes. Si les apôtres tiennent à s'en démarquer, c'est d'abord pour encourager les croyants à maintenir leur confiance dans l'Évangile qui leur a été annoncé: il n'est pas une doctrine frelatée.
Pour l'annoncer à Thessalonique, il leur fallait trouver en Dieu leur assurance, vu les souffrances, les injures et les outrages qu'ils avaient subies à Philippes*. Mais c'est précisément à travers les épreuves que Dieu les a testés et qualifiés au plus intime de leur cœur, et il continue de le faire.
Par ce rappel et cette relecture de leur comportement, les apôtres indiquent aussi à leurs correspondants comment poursuivre le travail commencé. Il y a un style d'annonce de l'Évangile qui correspond à son contenu, c'est-à-dire le souci de la vérité, la motivation de l'amour, la gratuité de l'annonce. Paul l'exprime au moyen d'images : l'amour maternel de la mère et de la nourrice, l'amour paternel qui éduque par l'exemple, les appels, les exhortations, les encouragements. L'autorité des apôtres s'est exercée dans la douceur; ils n'ont pas « pesé » sur la communauté ; ils ont gagné leur vie par le travail ; c'est un point d'honneur auquel Paul tient absolument (cf. 1Co 9). Ce comportement traduisait un amour qui joignait le don de soi (risquer sa propre vie) au don de l'Évangile, comme un « plus », comme s'il pouvait y avoir un « plus » que l'Évangile; mais l'Évangile de l'amour de Dieu peut-il être annoncé sans aimer ? Bien plus, Paul dira qu'il reçoit l'Évangile quand il l'annonce, et c'est en cela qu'il se trouve payé (1 Co 9, 15-23). Raison de plus pour l'annoncer gratuitement.
[1] Traduction TOB modifiée P.B.
[2] Remarquer que Paul, Sylvain et Timothée se présentent collégialement comme les trois co-auteurs de la lettre; Paul ne se met pas à part ni au-dessus, bien qu'il ait des choses personnelles à dire (cf. 3, 5)
[3] - Dans cet ordre ou dans un ordre différent (1 Th 1, 3 ; 5,8 ; 1Co 13, 13; Ga 5, 5-6 . Ces « vertus » sont dites « théologales », parce qu'elles traduisent dans l'existence humaine la participation à la vie de Dieu lui-même (et pas seulement un bel humanisme).
[4]- comme on parle aujourd'hui d'un nouveau modèle de fabrication, d'une nouvelle mode vestimentaire ou, mieux, d'un style de vie.
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