Des hommes peu ordinaires : Dietrich Bonhoeffer
et Hans von Dohnany, résistants à Hitler dans l’Eglise et dans l’Etat «
Elisabeth Sifton et Fritz Stern
Paris, Gallimard, 2017.177 pages.
« Résister durant les douze années qu’a duré le
IIIe Reich fut un drame plus profond et plus complexe que ce qui
est généralement présenté » notent dans la préface de ce livre Elisabeth
Sifton, fille du théologien protestant américain Reinhold Niebuhr, et Fritz
Stern, dont les parents et grands-parents furent des proches de la famille
Bonhoeffer.
Une résistance : « Au nom du
caractère sacré de la loi et de la foi »
Il existe peu de témoignages pour dire la résistance
de ces Allemands qui osèrent défier Hitler et son régime. Les églises
elles-mêmes – catholiques et luthériennes – se sont trouvées divisées face à
cette alternative : se soumettre ou résister. Parmi ces chrétiens qui
franchirent le pas et se dressèrent cotre la tyrannie nazi, Dietrich Bonhoeffer
et son beau-frère Hans von Dohnanyi le firent « au nom du caractère sacré de la loi et de la foi ». L’un d’eux, pasteur et théologien protestant, est déjà
bien connu, le second, avocat haut placé dans le contre-espionnage de l’armée
allemande (reconnu comme « Juste parmi les nations »), reste inconnu
du grand public.
Cet ouvrage montre que très vite Dietrich Bonhoeffer
et Hans von Donhany, ainsi que Christine Bonhoeffer, épouse de Dohnanyi,
prirent conscience de la « terrible
barbarisation » et de la « dislocation
sociale » de l’Allemagne quand Hitler devint chancelier, le
30 janvier 1933. Tous les deux de par leurs contacts – surtout avec les
évêques anglais - avec les autres églises sont engagés dans le mouvement
œcuménique naissant en Europe, ne pourront qu’être scandalisés par les
programmes d’euthanasie des handicapés et par les lois antisémites, mises en
place ; si quelques voix parmi les autorités catholiques et protestantes s’élèvent
contre ce programme, certains évêques catholiques et pasteurs de l’Église
évangélique allemande (EKD, fédération protestante créée en 1924) apporteront
néanmoins leur soutien au régime.
Un but avoué : renverser Hitler
« Les chrétiens d’Allemagne sont placés devant la
terrible alternative de souhaiter la défaite de leur pays afin que la
civilisation chrétienne puisse survivre, ou de souhaiter la victoire de leur
nation et détruire ainsi notre civilisation », écrit Bonhoeffer en juillet 1939 depuis New York où il donne des
conférences. Avec d’autres confrères de l’église luthérienne il crée « l’église
confessante » pour s’opposer au nazisme. En août 1940, le pasteur est
interdit de parole en public dans toute l’Allemagne, en raison de son
« activisme défaitiste ». Cela ne l’empêchera pas cependant de
soutenir dans la clandestinité une activité pastorale pour tenter de faire
comprendre en quoi le régime nazi n’a rien de chrétien ; en même temps il
s’engage auprès de ceux qui veulent lutter contre Hitler et on retrouve sa
trace dans les divers complots qui vont se succéder pendant toute cette
période.
De son côté Dohnanyi (qui a une ascendance juive), est
amené de par son métier d’avocat, son activité au sein de l’Abwehr (service 'de contre-espionnage allemand) qui est alors dirigé par Canaris
mettra toutes les informations de son service, toute sa compétence de juriste
au service de la résistance. Malgré la surveillance
policière, il parvient (son activité »est digne d’un roman d’espionnage !)
à tisser des liens entre les différents groupes de résistants – officiers
de la Wehrmacht, avocats en contact avec l’étranger ou dirigeants socialistes –
en vue d’un complot pour renverser Hitler et espérer que les Alliés accepteront
de signer une paix avec une Allemagne dotée d’un nouveau régime.
Mais le drame se dénoue le 5 avril 1943 : la Gestapo les arrêta
tous les trois : Christine fut relâchée un mois plus
tard, mais Bonhoeffer et von Donhnanyi resteront en prison jusqu’en avril 1945.
Malgré les interrogatoires, malgré un régime pénitentiaire de plus en plus dur
ils resteront fidèles à leurs idéaux et à leur foi. Ils furent exécutés en
avril 1945, quelques semaines avant la capitulation de l’Allemagne par la
seule volonté du Fuhrer
Il faudra attendre des années à l’Allemagne pour
reconnaître que tous ceux qui s’étaient opposés à Hitler et à son régime n’étaient
pas des traitres Il faudra attendre des
années pour qu’ils soient réhabilités .
Églises luthériennes d'Allemagne face au nazisme
Les Églises
luthériennes d'Allemagne ont été confrontées au nazisme dès 1920 et ce jusqu’en 1945. Certains
partisans de la première heure d’ Hitler étaient membres des églises luthériennes. Ces « Chrétiens
allemands » militant pour un « christianisme positif » pensaient
unir les valeurs du national-socialisme et du christianisme et créèrent en 1933
l’église évangélique allemande. La majorité des dirigeants des Eglises
luthériennes restèrent fidèles au régime hitlérien durant toute son existence.
Seule une minorité regroupée autour de quelques pasteurs dans « l’Eglise
confessante » fut une des composantes actives de la résistance allemande
au nazisme.
Publication ; Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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