Le 29 juin 2013, un peu plus de 100 jours
après son élection, le pape François a signé sa première encyclique. « Une
lettre écrite à quatre mains » dira-t-il. Et il écrit : « Benoît XVI avait déjà
pratiquement achevé une première rédaction…
J’assume son précieux travail » (§ 7).
Voilà donc mené à son terme le projet de Benoît XVI d’offrir aux catholiques
une trilogie sur les trois vertus théologales : la charité (« Deus est caritas
» le 25 décembre 2005), l’espérance (« Spes salvi » le 30 novembre 2007), la
foi (« Lumen fidei » le 29 juin 2013).
Rappelons que l’encyclique sur la foi est
publiée au cœur de l’année de la foi qui s’est ouverte le 11 octobre 2012 à
l’occasion du 50ème anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II, et
s’achèvera le 24 novembre 2013 en la fête du Christ Roi.
Voici une rapide présentation de
l’encyclique, en 4 parties que je reformulerai sous la forme de 4 questions :
Comment naît la foi ? Ce que nous croyons, est-ce la vérité ? Comment
transmettre la foi ? Qu’est-ce que change la foi ?
1-Comment naît la foi ?
La foi chrétienne se résume ainsi : « Nous
avons cru en l’Amour » (I Jn 4,16). Comment cet acte de foi a-t-il été rendu
possible ? « Si nous voulons comprendre ce qu’est la foi, nous devons raconter
son parcours » (§ 8).
Comment la foi est-elle née ? La réponse
est à chercher dans la Bible.
Dans l’histoire de la foi telle que la
raconte la Bible, le premier à croire est Abraham, « père des croyants ». Il
est le premier à écouter une parole, la Parole. Une parole mystérieuse, venant
du fond des âges, éternelle, la Parole du Créateur de l’univers. L’Eternel, le
Tout Autre, le Très Haut, a déposé sa Parole en sa Création. Qui pourra
l’entendre ? Il faudra qu’advienne dans l’univers une conscience, une
intelligence, un esprit, un cœur, capable d’entendre la Parole divine. Et ce
fut l’homme, dont la Bible dira qu’il fut créé à l’image de Dieu. Et Abraham,
le premier, écouta la Parole.
Ainsi « la foi est née de l’écoute.
Abraham ne voit pas Dieu, mais il entend sa voix » (§ 8). Et la Parole est à la
fois appel et promesse. Appel à sortir, à s’ouvrir à une vie nouvelle, à
marcher avec confiance où la Parole le conduit, gardant fidèlement la mémoire
de la promesse qui projette sa lumière sur l’avenir.
La foi est réponse à la Parole, elle
éclaire l’origine et la fin. « Pour Abraham la foi en Dieu éclaire les racines
les plus profondes de son être, lui permet de reconnaître la source de bonté
qui est à l’origine de toute chose, et de confirmer que sa vie ne procède pas
du néant ou du hasard, mais d’un appel et d’un amour personnel » (§ 11).
Avec l’Exode, c’est tout un peuple qui «
s’ouvre à l’action de Dieu qui veut le libérer de sa misère » (§ 12). La foi
est ici conversion, rupture avec les idoles. Et « l’acte de foi s’insère dans
celui d’une communauté » (§ 15). Moïse en est le médiateur.
Au terme d’une longue histoire où la foi a
ses hauts et ses bas, ses hautes fidélités et ses lourdes trahisons, surgit le
Christ. Il est « fiable », il dit la « fiabilité » de la Parole de Dieu, il est
le « oui » définitif à toutes les promesses, « il est la pleine manifestation
de la fiabilité de Dieu ». Et la preuve de cette fiabilité, c’est sa mort pour
l’homme. « A la lumière de la Résurrection, la mort du Christ dévoile la
fiabilité totale de l’amour de Dieu » (§ 17). « Nous avons reconnu l’amour et
nous avons cru » dira l’apôtre Jean. Et l’apôtre Paul décrira dans ses lettres
l’existence croyante selon le Christ.
Aujourd’hui nous sommes dans le temps de
l’Eglise. Elle est le corps où le croyant se comprend lui-même, en relation au
Christ et aux frères. Elle est appelée elle-même à rendre fiable la parole du
Christ.
2-Ce que nous croyons, est-ce la Vérité ?
De l’acte de foi au contenu de la foi,
nous voyons ici comment la foi est connaissance et intelligence de la vérité.
La fermeté de la foi passe par la compréhension de l’action de Dieu dans
l’histoire. « L’homme a besoin de connaissance, il a besoin de vérité, car sans
elle il ne se maintient pas, il n’avance pas » (§ 24). Sans la vérité, la foi
risque de n’être qu’un beau conte, un beau sentiment. La foi est lumière, elle
fait entrer dans une vision. Cette dimension de la foi est importante en ce
temps de « crise de la vérité » où « la vérité qui explique l’ensemble de la
vie personnelle et sociale est regardée avec suspicion » (§ 25).
Quel est le type de connaissance propre à
la foi ? Elle est connaissance du cœur. Dans la Bible, le cœur est le centre de
l’homme, où se croisent toutes ses dimensions, l’intelligence, la volonté et
l’affectivité. Ici foi et amour se rejoignent. « La foi connaît dans la mesure
où elle est liée à l’amour » (§ 26).
Dans le premier testament, le peuple de la
Bible parvient à comprendre l’action de Dieu en expérimentant son amour. Dans
le Christ, Dieu lui-même se donne à voir ; en lui la lumière de la foi devient
celle d’un visage ; en lui « s’accomplit pleinement la connaissance propre à
l’amour » (§ 31). C’est en se laissant toucher au cœur par cet amour que le
croyant entre dans la vision et la connaissance de la vérité de l’amour de
Dieu.
Cette approche rend possible le dialogue
entre foi et raison sur le mystère de l’homme. La foi chrétienne, contemplant
et annonçant la vérité de l’amour total de Dieu, « arrive au plus profond de
l’expérience de chaque homme » (§ 32).
Cette vérité est humble, elle ne s’impose
pas avec violence ; contrairement à celle des totalitarismes, elle n’écrase pas
l’individu. Elle éclaire toutes les dimensions de l’existence humaine. Elle
entre en dialogue avec tout être humain qui cherche Dieu et avec les croyants
des autres religions.
3-Comment transmettre la foi ?
La foi ne peut être gardée pour soi, elle
est reçue pour être transmise. « Je vous transmets ce que j’ai reçu » dit
l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe (I Co 15,3).
Ce chapitre aborde la transmission de la
foi comme parole et lumière. Il décrit le processus : de l’écoute à la foi et
de la foi à la parole. De visage en visage d’une part : depuis le visage de
Jésus la lumière se reflète sur les visages des chrétiens. De générations
d’autre part se transmet la mémoire qu’est l’Eglise, mère de la foi, dans sa
Tradition.
Quatre éléments résument le trésor de
mémoire que transmet l’Eglise.
• La confession de foi (Credo) pour une
foi connue et professée (§ 45).
• Les sacrements, pour une foi nourrie et célébrée (§ 40 à 44).
• Le Décalogue, pour une foi vécue (§ 46) ; c’est la dimension morale et éthique de la vie chrétienne éclairée par l’Evangile.
• Le Notre Père, pour une foi priée (§ 46) ; la prière chrétienne à distinguer de la prière « magique ».
• Les sacrements, pour une foi nourrie et célébrée (§ 40 à 44).
• Le Décalogue, pour une foi vécue (§ 46) ; c’est la dimension morale et éthique de la vie chrétienne éclairée par l’Evangile.
• Le Notre Père, pour une foi priée (§ 46) ; la prière chrétienne à distinguer de la prière « magique ».
Ce sont les quatre parties du Catéchisme
de l’Eglise Catholique.
4-La foi, qu’est-ce que ça change ?
La foi n’est pas seulement un chemin, elle
est aussi l’édification d’un lieu où les hommes peuvent habiter ensemble, « une
cité fiable » (§ 50). Parce qu’elle est liée à l’amour, « la lumière de la foi
se met au service de la justice, du droit et de la paix » (§ 51).
La foi chrétienne éclaire ainsi tous les
domaines de la vie humaine : le mariage et la famille, les rapports sociaux
(fraternité), la dignité unique de chaque personne…
La foi nous fait respecter davantage la
nature.
Elle nous aide à trouver des modèles de
développement.
Elle nous enseigne à découvrir des formes
justes de gouvernement. Elle affirme la possibilité du pardon.
Elle éclaire à l’heure de l’épreuve et ne
fait pas oublier les souffrances du monde. « Le service rendu par la foi au
bien commun est toujours service d’espérance » (§ 57).
En finale, le Saint Père se tourne vers
Marie, Mère de l’Eglise et Mère de notre foi : « O Mère, aide notre foi ! »
Lourdes, le 16 juillet 2013.
+ Christophe DUFOUR
Archevêque d’Aix en Provence
Archevêque d’Aix en Provence
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