Des monastères en partage :
sainteté et pouvoir chez les chrétiens de Syrie
Par Anna Poujeau
Nanterre, Société d’ethnologie,
2014. 178 pages.
Le
livre d’Anna Poujeau apporte un éclairage sur les chrétiens de Syrie, à travers
une étude centrée sur les monastères que l’auteure considère comme un enjeu
révélateur de la situation d’une minorité religieuse dans un pays à majorité
musulmane. Elle se concentre sur le cas du couvent de religieuses de
Sainte-Thècle qui est situé dans un village du au nord-est de Damas où les chrétiens s’expriment dans une variante
de l’araméen, parlant ainsi la langue du Christ.
L’auteure
est partie d’une enquête au cœur d’un quartier chrétien de Damas, Bâb Tûmâ,
mais s’est vite orientée vers les monastères que les citadins visitent
régulièrement et auxquels ils accordent une grande importance pour leur
identité chrétienne. L’objectif annoncé est ambitieux. Il s’agit d’interroger à
propos des chrétiens « les modalités de l’édification et du maintien d’un
certain équilibre politique à même de garantir une cohésion nationale »
(p. 12). Elle choisit de prendre le rôle des monastères comme point
central pour analyser cette négociation identitaire, et celui de la sainteté
comme catégorie susceptible d’éclairer les rapports intracommunautaires :
« Pris dans les rapports qu’il entretient avec les Églises et la question
de la sainteté, le monachisme en Syrie est le pilier de la construction du
groupe chrétien (p. 245) ».
L’intérêt
de ce livre réside dans la qualité des descriptions ethnographiques, et dans
l’interprétation qui en est proposée. L’auteure restitue bien la construction
par les fidèles et les religieuses de relations avec les saints et l’au-delà.
Elle montre aussi comment les jeunes hommes constituent une catégorie intermédiaire
venant régulièrement disputer le monopole du sacré, normalement administré par
le clergé. On pourrait regretter un certain effacement des données sociales.
On
peut également se demander si l’ouvrage traite bien de la manière dont les
chrétiens négocient leur place dans l’ensemble syrien. En effet, si les
chrétiens attachent une importance énorme aux monastères, aux saints et à leur
glorieux passé chrétien, ils ne vivent pas coupé de leur environnement :ils
sont aussi, enseignants, artisans, fonctionnaires ; riches ou pauvres. Dès
lors on ne voit pas très bien comment les analyses sur les éléments symboliques
et religieux de l’insertion des chrétiens se rattachent aux autres aspects de
leur ancrage en Syrie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire