P. René-Luc « C'est difficile
de ne pas connaître son père »
P. René-Luc, prêtre diocésain
d'Albi.
« J'admire
ma mère qui a su, malgré toutes ses épreuves, créer une vraie famille.
Divorcée, elle s'est retrouvée seule à 27 ans pour nous élever tous les cinq :
mes deux grands frères, mes deux petites sœurs et moi. Mes deux grands frères
sont nés d'un père différent, mais ce n'était pas un problème. Les liens ont
toujours été forts et il valait mieux éviter de nous traiter de
demi-frères ! Pourtant lorsque mes deux aînés partaient le week-end chez
leur père, je les enviais. L'argent manquait et nous avons connu les foyers de
la Ddass, mais la tendresse de notre mère nous a toujours protégés.
L'absence d'un
père fait souffrir. Le nôtre avait quitté notre mère juste avant la naissance
de ma petite sœur. En plus, il ne nous avait pas reconnus au moment de notre
naissance ! Je me souviens encore de ma souffrance lorsque, à l'école, je
devais remplir la fiche de renseignements où l'on demandait le nom du père. Je
devais écrire : inconnu ! À chaque fois, une douleur physique
m'étreignait la poitrine.
Je venais
d'avoir 10 ans lorsque ma mère rencontra Martial. Au début il était gentil
et se comportait comme un père, mais nous n'avons pas tardé à découvrir qu'il
faisait partie du milieu du grand banditisme. Rapidement les disputes avec ma
mère devinrent fréquentes et les coups aussi ! Un jour, mon frère aîné
tenta de s'interposer, mais ma mère, craignant pour lui, repoussa son aide. Il
quitta la maison, bientôt suivi par mon second frère, Martial ayant tout fait
pour qu'ils partent vivre chez leur père. Je vécus cette séparation comme un
déchirement, et pour ma mère qui s'était battue pour nous garder ensemble, ce
fut l'effondrement.
Après maintes
péripéties, Martial fut emprisonné. J'avais 13 ans. C'est alors que ma
mère m'apprit que mon père n'était pas le même que celui de mes petites sœurs.
Alors qu'elle était en plein divorce, elle avait rencontré un Allemand, ancien
légionnaire, et l'avait suivi en Allemagne. Mais ils se séparèrent et, à peine
arrivée en France, ma mère constata qu'elle était enceinte. Elle décida
courageusement de me garder. Ce n'est qu'ensuite qu'elle rencontra le père de
mes sœurs. Cette révélation sur mes origines me bouleversa. J'étais donc un « bâtard ».
Mais l'amour de mes frères et sœurs, une fois de plus, me permit d'assumer
cette nouvelle réalité de ma vie.
Lorsque Martial
sortit de prison, les scènes de violence recommencèrent jusqu'à son suicide
d'une balle en plein cœur devant ma mère, mon frère et moi. J'étais alors un
adolescent révolté. J'avais même eu des actes de violence envers ma mère. C'est
alors qu'elle rencontra une dame croyante qui l'invita à venir écouter le
témoignage de Nicky Cruz, un ancien chef de gang de New York. J'y suis allé et
je fus touché en plein cœur par le témoignage de cet ancien gangster devenu
pasteur protestant. Ce que Jésus avait fait pour lui, il pouvait le faire pour
moi !
Ainsi commença,
à 14 ans, ma vie de chrétien. J'ai fréquenté un groupe de prières et,
petit à petit, j'ai changé de vie. J'ai fait mon premier pèlerinage à Lourdes
et j'ai ressenti l'appel au sacerdoce. Cinq années après ma conversion, mon
père m'a retrouvé. Il me parla de sa vie, de son problème avec l'alcool qui
avait gâché sa relation avec ma mère. Je compris alors la délicatesse de
celle-ci, qui m'avait caché cette réalité, pour ne pas me donner une image
négative de ce père que je ne connaissais pas. Comme si, au fond d'elle-même,
elle avait toujours su que je retrouverais un jour mon père ! »
«Dieu en plein cœur»
Le
P. René-Luc est né en 1966 à Nîmes, ordonné prêtre en 1994, il est prêtre
du diocèse d'Albi et exerce un ministère de prédication auprès des jeunes en
France et à l'étranger. Il a raconté son histoire dans Dieu en plein cœur
(Presses de la Renaissance, 2008, 17 €).
Recueilli par MONTIGNY Evelyne
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