Faïza Zerouala, Des
voix derrière le voile, Paris :
Premier parallèle, 2015, 253 p., 15 €.
Faïza
Zerouala, journaliste spécialisée dans les questions de société
et qui a travaillé à plusieurs reprises sur l'Islam en France, a
collaboré au Monde et
au Bondy Blog,
média en ligne qui a pour vocation de donner la parole aux quartiers
dits sensibles et à la France multi-ethnique. Elle présente ici le
témoignage de neuf femmes qui ont fait le choix de se voiler, et
d'une dixième qui a fait le chemin inverse.
Ces
dix femmes ont de 18 à 58 ans, viennent de toute la France, et ont
souhaité conserver l'anonymat, sauf une qui témoigne sous son vrai
prénom. Tous les niveaux d'instruction sont représentés. L'une est
femme de chambre, trois sont en cours d'étude, trois sont mères au
foyer ou en télétravail, une est auto-entrepreneuse, une est
enseignante, une seule est cadre.
Cet
ouvrage donne la parole à des femmes peu entendues habituellement.
Il est beaucoup question du voile dans les médias, mais il est peu
souvent présenté par des femmes qui le portent. Ici,
elles expliquent la signification qu'il revêt pour elles. Dans nos
bibliothèques, peu de documents traitent de ce sujet : hormis
quelques articles, seul Par-delà
le voile, femmes d'Islam en Europe, de Nadine B. Weibel (Éd.
Complexe, 2000) est consultable, à Aix-en-Provence.
Une
de ces femmes s'est convertie à la fin de son adolescence et s'est
voilée par la suite, deux autres ont commencé à porter le voile à
l'adolescence. Les autres donnent toutes l'impression de s'être
voilées « sur le tard », bien qu'elles soient encore
jeunes. Elles parlent d'« avant », de l'époque où elles
se vêtaient à l'occidentale, de manière courte et provocante pour
certaines. Pour chacune, le choix de porter le voile s'est fait à un
moment décisif de leur vie : l'adolescence, une maternité, un
divorce... Elles décrivent aussi longuement les réactions de leurs
familles, positives ou négatives, y compris dans des familles
musulmanes.
Leurs
voiles sont très variés, comme leur manière de le porter :
hidjab, jilbeb, en turban, coloré ou très sobre, avec
ou sans belles épingles, avec ou sans maquillage...
Toutes
expriment leur foi et leur soumission à Dieu, mais aussi leur
sensation d'être mises au ban de la société, parfois de manière
très agressive. Aucune ne dit vouloir convertir par son voile. Elles
ne le portent pas en missionnaire, mais en converties, une idée qui
revient dans beaucoup de témoignages, y compris de celles qui sont
musulmanes de naissance.
Elles
parlent un peu des versets du Coran sur lesquels est basé le port du
voile, mais elles mettent surtout en avant leur désir de protéger
leur pudeur et de se cacher du regard masculin. Nadia dit :
« J'essaie, avec mon voile, de dire aux hommes d'oublier ma
partie féminine et me voir comme leur égale » (p. 66). Pour
elles, se voiler est un signe de liberté, de soumission à Dieu
seul. Au contraire, la liberté sexuelle acquise de haute lutte par
les féministes enferme la femme dans un rôle d'objet sexuel qui
l'aliène.
La
plupart de ces femmes ne s'imaginent pas vivre ailleurs qu'en France.
Leur avenir est dans notre pays. L'une d'elle pense à s'expatrier à
Londres où les femmes voilées ont moins de difficultés pour
trouver un emploi et où elles semblent mieux acceptées.
Toutes
voudraient mieux connaître leur religion, estiment qu'elles en sont
plus instruites que leurs parents, et souhaitent donner une solide
éducation religieuse à leurs enfants.
Reste
le témoignage de Fatiha. A 29 ans, elle porte le sitar, voile
intégral qui dissimule même ses yeux. Elle a commencé à se
voiler, en portant d'abord le hidjab. Dans son discours, elle semble
être dans une recherche crescendo
d'une religiosité de plus en plus rigide, cherchant le bonheur dans
l'application la plus précise des préceptes.
L'auteur
introduit chaque témoignage par deux pages en restituant le
contexte. Elle a conservé un style oral à ces textes, tout en les
retravaillant pour leur donner une certaine harmonie. Cela les rend
très agréables à lire. Il est toutefois dommage que les fondements
coraniques et théologiques du port du voile ne soient présentés
qu'après les témoignages. Les différentes sortes de voiles sont
aussi évoquées de manière trop succinctes et schématiques pour
parler au lecteur qui ne les connaît pas. Développer ces deux
points aurait donné une solide introduction à l'ensemble.
A noter, cet ouvrage est disponible en version numérique, au petit prix de 5.99 €, sur le site de l'éditeur : http://www.premierparallele.fr/livre/des-voix-derriere-le-voile.
A noter, cet ouvrage est disponible en version numérique, au petit prix de 5.99 €, sur le site de l'éditeur : http://www.premierparallele.fr/livre/des-voix-derriere-le-voile.
Hélène Biarnais
responsable de la médiathèque du diocèse de Gap et d'Embrun
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