Innocent III et le Midi
50e Colloque de Fanjeaux, 30 juin-3 juillet 2014
sous la direction de Michelle Fournié, Daniel Le Blévec, Julien
Théry-Astruc
Toulouse, Editions Privat,
2005. 527 pages
Ce volume est consacré à
l'étude du rôle joué par le pape Innocent III dans l'histoire politique et
religieuse du sud de la France, de la fin du XIIe au début du XIIIe siècle.
Sont notamment abordées la dénonciation de l'hérétisme, la croisade contre les
Albigeois, l'attitude du pontife à l'égard des dominicains et des Juifs, etc.
La figure d'Innocent III, pape
de 1198 à 1216, apparaît exceptionnelle à tous points de vue. Le rôle de ce
pontife fut en effet crucial tant pour l'ouverture d'une période marquée, au
plan géopolitique, par les prétentions du Siège apostolique à exercer un
gouvernement théocratique supérieur de la Chrétienté que pour le lancement
d'une « révolution pastorale » qui allait durablement imprégner l'histoire
religieuse et sociale de l'Occident. Dans la suite du Cahier de Fanjeaux
consacré à la Réforme grégorienne, le présent volume se propose de réexaminer à
la lumière des travaux les plus récents la place tenue dans l'histoire
politico-religieuse du Midi, à l'extrême fin du XIIe et au début du XIIIe
siècle, par celui qui fut assurément l'un des papes les plus importants de
l'histoire de l'Église. La dénonciation du péril hérétique, la confiscation des
terres de la maison de Saint-Gilles et la Croisade albigeoise figurent bien sûr
parmi les principaux sujets abordés. Ils ont été traités en relation avec la
conception générale du pouvoir pontifical et les contestations qu'il pouvait
rencontrer. Il en est de même pour la politique d'Innocent III à l'égard de
l'épiscopat méridional, son attitude concernant les cisterciens, le nouvel
ordre fondé par saint Dominique, les formes de vie évangélique cultivées par
certains laïcs, ou encore sa position à l'égard des juifs.
la figure d'Innocent III (1160 -
1216) : un pape à poigne
Le 8 janvier 1198, Lotario di Seni est élu pape
et prend le nom d'Innocent III. Fait rare, ce cardinal-diacre n'a jamais reçu
le sacerdoce et n'est donc pas prêtre. Ce n'est pas un obstacle à son élection
car tout chrétien baptisé de sexe mâle est en théorie susceptible de monter sur
le trône de Saint Pierre.
Le nouveau pape, sans doute le plus grand du
Moyen Âge, doit son élection à sa réputation de théologien et à son tempérament
énergique. Ancien étudiant de l'Université de Paris, seulement âgé de 37 ans,
il se présente en effet comme un propagandiste acharné de la «République
chrétienne et universelle».
L'Église triomphante
Innocent III ambitionne de soumettre les
souverains temporels à l'autorité pontificale et revendique la primauté de
l'Église sur la société séculière. «De même que la Lune reçoit sa lumière du
Soleil, de même la dignité royale n'est qu'un reflet de la dignité pontificale»
dit-il.
Le pape, en 1200, excommunie le, roi de France Philippe Auguste et jette l'interdit sur le royaume, privant tous ses sujets des sacrements de l'Église. Cette sanction est due à
ce que, veuf d'Isabelle de Hainaut, le roi s'était remarié avec Isambour (ou
Ingeburge) de Danemark en 1193 mais l'avait répudiée
le lendemain des noces ! Il avait plus tard épousé Agnès de Meran. Sous la
contrainte de l'interdit, le roi feint de se soumettre et restitue à sa femme danoise le titre de reine...
Le pape se permet aussi d'excommunier l'empereur
d'Allemagne Othon IV de Brunswick et fait élire à sa place Frédéric II de
Hohenstaufen. Il excommunie également Jean sans Terre, roi d'Angleterre, en conflit avec l'archevêque
de Cantorbéry. Le roi finit par se soumettre et se reconnaît humble vassal du
Saint-Siège en mai 1213 !
Enfin, Innocent III soutient le
roi de France, Philippe II Auguste dans sa lutte contre l'empereur d'Allemagne
Othon IV de Brunswick, les comtes de Flandre et de Boulogne et Jean
sans Terre. La victoire de Philippe Auguste à Bouvines consolide la monarchie capétienne.
Les nationalités s'affirment déjà plus fortes
que la chrétienté et, dès le siècle suivant, les principes de
laïcité (séparation des pouvoirs temporels et spirituels) tendront à l'emporter
sur le principe de «République chrétienne et universelle».
Décevantes croisades
Les croisades du pape Innocent III laissent à
celui-ci un goût amer. La IVème croisade pour délivrer le tombeau de Palestine est détournée sur Byzance par les
marchands vénitiens et se solde par la prise de la métropole orthodoxe, le 12
avril 1204.
Le pape aurait tout lieu de se réjouir de cette victoire sur les musulmans almohades d'Espagne, à Las
Navas de Tolosa, le 16 juillet 1212. Mais l'année suivante, le vainqueur trouve
la mort en combattant d'autres croisés au sud de Toulouse pendant la croisade contre les Albigeois.
Parmi les rares motifs de satisfaction du pape
figure la fondation en 1210 de l'ordre des «frères
mineurs» parFrançois d'Assise.
Innocent III ouvre le concile Latran IV qui va moderniser les institutions ecclésiastiques. Il meurt quelques
mois après sans se douter que ses entreprises politiques ne lui survivront
guère. Avec lui s'achève la phase la plus glorieuse de la chrétienté médiévale.
Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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