Périphéries : crises et nouveautés dans l’Eglise
Andrea Riccardi
Paris, le cerf, 2016. 197 pages.
Analyse du livre
Aujourd’hui s’il est de bon ton de se lamenter sur les
défaillances de l’Eglise vue comme une institution en crise, sur la baisse de
la pratique religieuse, sur le manque de vocation , le livre d’Andrea Riccardi
ne se veut pas une énième analyse de tout ce qui ne va plus, mais au contraire
une incitation à espérer dans les ressources de l’Eglise :une invitation à
« bouger de son canapé », une raison d’espérer.
Dans un premier chapitre, intitulé « Le retour des périphéries », l’auteur dresse un bilan de notre époque. Il constate que les changements visibles dans notre société ne sont pas sans affecter la vie de l’Eglise : « La perception de la ville comme communauté de destin a disparu. » (p.17). L’Église est aussi devenue universelle surtout avec la venue des « Eglises de la périphérie » dans ce que l’on appelé le Tiers-Monde (Afrique, Amérique latine…). Cette diversité n’a pas empêché l’Eglise de maintenir une vision institutionnelle et centrée sur un modèle occidental. L’Eglise aurait-elle abandonné au cours de son histoire « d’aller aux périphéries » ; dans un paragraphe intitulé « Un monde étranger à l’Eglise » l’auteur rapporte cette interpellation d’un auteur du XIXè siècle « pourquoi nous vous délaissons » en réponse à une question posée par un évêque français (pp. 31-32) : « Qui donc me dira pourquoi ce peuple nous délaisse ? » : la réponse est sévère et peut-être injuste mais reflète cependant l’état d’esprit d’une grande partie de la population ouvrière de ce XIXè siècle
« Monseigneur […] nous vous délaissons aujourd’hui, parce que depuis
des siècles vous nous avez délaissés. […] J’entends que, depuis des siècles,
vous avez abandonné notre cause temporelle, votre influence s’étant même
exercée à empêcher plutôt qu’à favoriser notre rédemption sociale »
C’est peut-être la raison pour laquelle le Pape
François insiste autant sur les « périphéries » ; et ici Andrea
Riccardi s’en fait l’avocat tout au long de son ouvrage
Dans le deuxième chapitre, Riccardi ce fait historien du peuple hébreu en terre d’Israël au milieu des autres nations, comment l’Eglise des premiers temps s’est constitué en marge de la société de son époque : les prophètes, Jésus et ses disciples ne faisaient pas partie de l’élite intellectuelle ou sociale de leur temps. A cours de son histoire, après la reconnaissance officielle par les autorités de l’Empire, l’Eglise en s’institutionnalisant a connu des phases de divorce entre les autorités et le peuple et des retours vers ce même peuple grâce au monachisme, grâce à de grands saints qui vouaient vivre la radicalité de l’Evangile (comme un saint François d’Assise par exemple).
Dans un troisième chapitre l’auteur s’intéresse à toutes les périphéries de l’Eglise du XXè siècle en Europe. C’est pourquoi il fait une large part aux expériences de la Mission de France, aux prêtres ouvriers soutenus par le cardinal Suhard, archevêque de Paris, impressionné par le livre des abbés Daniel et Godin « France pays de mission ? ». Déjà le cardinal Suhard constatant que des quartiers entiers s’éloignaient de l’Eglise disait : « Il faut sortir de chez soi, allez chez eux !» Au-delà des prêtres ouvriers il cite les exemples comme le Père Charles de Foucauld, des Petites Sœurs de Jésus (à la suite de Petite Sœur Madeleine de Jésus), de simples laïcs comme Madeleine Delbrel qui a vécu à Ivry dans la « ceinture rouge » de la capitale au milieu d’un peuple ouvrier et pauvre et loin de l’Eglise
A travers ces quelques exemples l’auteur veut faire
prendre conscience que dans ce début du XXIè siècle nos villes avec leurs grandes
banlieues ont leurs périphéries où beaucoup sont loin des instances
paroissiales, loin des centres diocésains qu’ils ignorent le plus souvent. Les
moyens de communication modernes si performants soient-ils ne suffisent pas à
remplacer la présence effective de communautés allant à la rencontre de tous
ceux qui sont en quête de spiritualité, de religiosité mais qui se trouvent
« comme des brebis sans bergers » (Matthieu 9, 36-37)
Le grand défi de notre époque : se
rappeler ces phrases de l’Evangéliste Matthieu : «Voyant la foule, il fut ému de compassion
pour elle, parce qu'elle était languissante et abattue, comme des brebis qui
n'ont point de berger. Alors il dit à ses
disciples: La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers".
C’est ce quoi nous invite l’auteur « La régénération de l’Église et de la vie
chrétienne part précisément de la passion pour les périphéries et pour les
êtres de la périphérie : on peut même dire qu’elle part de la redécouverte de
la tâche joyeuse de vivre et de communiquer l’évangile dans la périphérie. »
(p.151)
L’auteur
Andrea
Riccardi,
né à Rome en 1950, est dès l'adolescence un jeune chrétien engagé, passionné
par les avancées du Concile
Vatican II. L'année de son bac, il fonde ce qui deviendra la Communauté Sant'Egidio, du nom
de l'ancien Carmel de
Rome, dans le quartier de Trastevere Outre cet engagement, Riccardi est historien
et universitaire, il enseigne l'histoire
du christianisme et des religions à l'université de Rome III et
au collège des Bernardins
à Paris. Il a reçu le prix
Charlemagne pour son action en 2009. Il est entré en 2012 dans
le gouvernement Monti
comme ministre sans portefeuille chargé de l'intégration et de la coopération
internationale. Il trouve cependant le temps d'écrire et on lui doit aussi une
biographie du pape Jean-Paul
II parue en 2011.
source principale : le Journal LA CROIX
source principale : le Journal LA CROIX
Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque du diocèse d'Aix-en-Provence et Arles
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