Une vie
Simone Veil
Paris, Stock, 2007. 397 pages.
« Les photos conservées de mon
enfance le prouvent : nous formions une famille heureuse. Nous voici, les
quatre frère et sœurs, serrés autour de Maman ; quelle tendresse entre nous !
Sur d'autres photos, nous jouons sur la plage de Nice, nous fixons l'objectif
dans le jardin de notre maison de vacances à La Ciotat, nous rions aux éclats,
mes sœurs et moi, lors d'un camp d'éclaireuses... On devine que les fées
s'étaient penchées sur nos berceaux. Elles avaient noms harmonie et complicité.
Nous avons donc reçu les meilleures armes pour affronter la vie. Au-delà des
différences qui nous opposaient et des difficultés qu'il nous fallut affronter,
nos parents nous offrirent en effet la chaleur d'un foyer uni et, ce qui
comptait plus que tout à leurs yeux, une éducation à la fois intelligente et
rigoureuse.
« Plus tard, mais très vite, le destin s'est ingénié à brouiller des pistes qui semblaient si bien tracées, au point de ne rien laisser de cette joie de vivre. Chez nous comme dans tant de familles juives françaises, la mort a frappé tôt et fort. Traçant aujourd'hui ces lignes, je ne peux m'empêcher de penser avec tristesse que mon père et ma mère n'auront jamais connu la maturité de leurs enfants, la naissance de leurs petits-enfants, la douceur d'un cercle familial élargi. Face à ce que furent nos vies, ils n'auront pu mesurer la valeur de l'héritage qu'ils nous ont transmis, un héritage pourtant rare, exceptionnel ».
« Plus tard, mais très vite, le destin s'est ingénié à brouiller des pistes qui semblaient si bien tracées, au point de ne rien laisser de cette joie de vivre. Chez nous comme dans tant de familles juives françaises, la mort a frappé tôt et fort. Traçant aujourd'hui ces lignes, je ne peux m'empêcher de penser avec tristesse que mon père et ma mère n'auront jamais connu la maturité de leurs enfants, la naissance de leurs petits-enfants, la douceur d'un cercle familial élargi. Face à ce que furent nos vies, ils n'auront pu mesurer la valeur de l'héritage qu'ils nous ont transmis, un héritage pourtant rare, exceptionnel ».
« Les années 1920 furent pour eux
celles du bonheur. Ils s'étaient mariés en 1922. Mon père, André Jacob, avait
alors trente-deux ans et Maman, Yvonne Steinmetz, onze de moins. À l'époque,
l'éclat du jeune couple ne passe pas inaperçu. André porte l'élégance sobre et
discrète à laquelle il tient, tout comme il est attaché à la créativité de son
métier d'architecte, durement secoué par quatre années de captivité, peu de
temps après son grand prix de Rome. D'Yvonne irradie une beauté rayonnante qui
évoque-pour beaucoup celle de la star de l'époque, Greta Garbo. Un an plus tard
naît une première fille, Madeleine, surnommée Milou. Une nouvelle année
s'écoule et Denise voit le jour, puis Jean en 1925, et moi en 1927. En moins de
cinq ans, la famille Jacob s'est donc élargie de deux à six membres. Mon père
est satisfait. La France a besoin de familles nombreuses, juge-t-il. Quant à
Maman, elle est heureuse. Ses enfants remplissent sa vie.
« Mes parents étaient tous deux nés à Paris, précisément avenue Trudaine, à deux pas l'un de l'autre, dans ce coin tranquille du neuvième arrondissement où, au début du siècle, vivaient beaucoup de familles juives qui devaient plus tard émigrer vers d'autres quartiers. Bien que cousins éloignés, ils ne se connaissaient pas. Du côté de mon père, l'arbre généalogique fait état d'une installation en France qui remonte au moins à la première moitié du XVIIIe siècle. Mes ancêtres étaient à l'époque fixés en Lorraine, à proximité de Metz, dans un village où j'ai traîné ma famille il y a quelques années. Le dernier Juif du village, un allègre centenaire, veillait à l'entretien des tombes. Il nous a montré celles de nos aïeux. L'une d'entre elles datait des années 1750. On imagine l'émotion qui nous a étreints face à ces lointaines traces de notre présence dans ce village. –
« Mes parents étaient tous deux nés à Paris, précisément avenue Trudaine, à deux pas l'un de l'autre, dans ce coin tranquille du neuvième arrondissement où, au début du siècle, vivaient beaucoup de familles juives qui devaient plus tard émigrer vers d'autres quartiers. Bien que cousins éloignés, ils ne se connaissaient pas. Du côté de mon père, l'arbre généalogique fait état d'une installation en France qui remonte au moins à la première moitié du XVIIIe siècle. Mes ancêtres étaient à l'époque fixés en Lorraine, à proximité de Metz, dans un village où j'ai traîné ma famille il y a quelques années. Le dernier Juif du village, un allègre centenaire, veillait à l'entretien des tombes. Il nous a montré celles de nos aïeux. L'une d'entre elles datait des années 1750. On imagine l'émotion qui nous a étreints face à ces lointaines traces de notre présence dans ce village. –
Les premières pages avec lesquelles
Simone Veil ouvre son livre
Une vie tel le titre choisi par Simone Veil pour raconter ce
que fut sa vie d’avant la guerre 1939-1945 et celle d’après.
A une enfance heureuse va succéder la
fuite devant l’avance allemande, l’arrestation à Nice en 1943 et la déportation
qui va détruire sa famille. C’est donc en rescapée que Simone Veil va traverser
son existence
Après avoir occupé de hauts postes dans
la magistrature, c’est dans la politique qu’elle se fera connaître et notamment
comme Ministre de la santé pour défendre devant l’Assemblée nationale en 1973
son projet de loi sur la dépénalisation de l’IVG (Interruption volontaire de
grossesse) Garde des Sceaux. Elue députée européenne en 1979, elle sera la
première femme à présidée l’Assemblée européenne (1979-1982). De nouveau ministre
(1993-1995), elle siègera au Conseil Constitutionnel de Dans le politique,
ensuite, qui la voit occuper en France et en Europe de 1998 à 2007. En 2008
elle est élue à l’Académie française.
A partir de cette date elle se retire de
la vie politique. C’est en 2007 qu’elle publie le livre qui la fait connaître
de façon plus concrète, où elle révèle son passé de rescapée de la Shoah et ses
combats politiques et ses convictions. Dans ce livre elle peut juger le passé
en toute indépendance et en toute liberté et jeter un regard lucide mais non
dépourvu parfois de mordant sur le monde politique.
Une
brève biographie de Simone Veil (1927-2017).
Simone
Veil est née Jacob en juillet 1927à Nice et morte le 30 juin 2017 à Paris. Elle déportée à Auschwitz durant la Shoah et elle perd ses parents et son frère. Rescapée des camps elle épouse en 1946 Antoine Veil puis
poursuit ses études avant d'entrer dans la magistrature.
En mai
1974, elle est nommée Ministre de la Santé par Valéry Giscard d’Estaing qui la charge de faire adopter la future loi dépénalisant le recours à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) ; cette sera appelée ensuite sous le nom de « loi Veil ».
Parmi
ses hautes fonctions politiques il faut retenir qu’elle fut la première femme à
être présidente du Parlement européen (1979-1982). Après avoir occupé d’autres
postes ministériels (1993-195), elle entre au Conseil Constitutionnel (1998-2007)
avant d’être élue à l’Académie française (2008).
Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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