Vie et destin de Jésus de Nazareth
Daniel Marguerat
Paris, Le Seuil, 2019. 403 pages.
Quatrième de couverture
Jésus est à la mode. Historiens, écrivains,
cinéastes tentent de percer le mystère : qui était l'homme de Nazareth ? A-t-il
eu un père ? Qu'ambitionnait-il de faire ? Pourquoi est-il mort ? Ce livre
n'esquive aucune question. Il est l'œuvre d'un historien, théologien,
spécialiste de l'Antiquité. Il entraîne le lecteur, la lectrice à examiner les
documents, à chercher des preuves, à dépasser les réponses ressassées pour en
apercevoir d'autres.
On découvre quels soupçons, déjà du temps de Jésus, pesaient sur sa naissance. On fait la connaissance de son maître spirituel, Jean dit le Baptiseur. Les diverses facettes de ce juif exceptionnel sont explorées : Jésus le guérisseur, Jésus le poète du Royaume, Jésus le maître de sagesse. Ses amis (hommes et femmes) et ses adversaires sont nommés. Les raisons de sa mort (pourquoi est-il monté à Jérusalem ?) sont analysées. La naissance de la croyance en la résurrection est scrutée. La fabuleuse destinée de Jésus dans les trois grands monothéismes est aussi retracée : christianisme, judaïsme et islam ont construit de lui une image, à chaque fois différente.
Le livre est aussi passionnant qu'une enquête policière. Dans un style vif et clair, Daniel Marguerat livre ici le meilleur de la recherche récente, tenant ses lecteurs en haleine jusqu'aux dernières pages.
On découvre quels soupçons, déjà du temps de Jésus, pesaient sur sa naissance. On fait la connaissance de son maître spirituel, Jean dit le Baptiseur. Les diverses facettes de ce juif exceptionnel sont explorées : Jésus le guérisseur, Jésus le poète du Royaume, Jésus le maître de sagesse. Ses amis (hommes et femmes) et ses adversaires sont nommés. Les raisons de sa mort (pourquoi est-il monté à Jérusalem ?) sont analysées. La naissance de la croyance en la résurrection est scrutée. La fabuleuse destinée de Jésus dans les trois grands monothéismes est aussi retracée : christianisme, judaïsme et islam ont construit de lui une image, à chaque fois différente.
Le livre est aussi passionnant qu'une enquête policière. Dans un style vif et clair, Daniel Marguerat livre ici le meilleur de la recherche récente, tenant ses lecteurs en haleine jusqu'aux dernières pages.
L'auteur : Daniel Marguerat
Daniel Marguerat, historien et bibliste, est professeur honoraire de
l'université de Lausanne. Ses travaux sur les origines du christianisme lui ont
acquis une réputation mondiale. Il est considéré comme l'un des meilleurs
spécialistes actuels de la recherche sur Jésus de Nazareth.
Daniel Marguerat,
professeur honoraire de sciences bibliques à l'université de Lausanne, est un
spécialiste internationalement reconnu des origines du christianisme. Auteur
notamment d'un grand commentaire des Actes des apôtres (2015), déjà traduit en
plusieurs langues, il a publié de nombreux ouvrages sur Jésus de Nazareth et
codirigé Le Nouveau Testament commenté(Bayard-Labor et Fides). Il a
participé au documentaire Corpus Christi de Mordillat et
Prieur, où l'on peut apprécier sa grande clarté et son talent pédagogique.
Plan de l'ouvrage
Première
partie : les commencements
1 Que sait-on de Jésus ?
2 Un enfant sans père ?
3 A l’école de Jean le Baptiseur
DEUXIEME PARTIE
4 Le guérisseur
5 Le poète du Royaume
6 Le maître de sagesse
7 Ses amis, ses concurrents
8 Jésus et sa vocation
9 Mourir à Jérusalem
TROISIEME PARTIE ; JESUS APRES JESUS
10 Ressuscité !
11 Jésus apocryphe
12 Jésus au regard du judaïsme
13 Jésus en Islam
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Jésus, un retour aux sources
Ce livre convoque les recherches les plus récentes pour établir ce que
nous savons vraiment du « fils de Marie »
Jésus fascine toujours. Livres, films et œuvres d’art ne cessent de
scruter son énigme. Et on ne compte pas les « Vies de Jésus » qui ont
tenté d’en établir le « vrai portrait ». Pourquoi alors
« remettre aujourd’hui l’ouvrage sur le métier » ? Parce
que l’archéologie a beaucoup progressé depuis 30 ans en Israël, explique
Daniel Marguerat, tout comme la recherche sur les écrits susceptibles
d’éclairer la figure de Jésus. Et aussi « parce que la recherche avance à
l’aide de questions que ne se posaient pas les générations précédentes ».
L’exégète de Lausanne, conscient que l’on ne peut atteindre le « vrai
Jésus » ni des « certitudes absolues », entend présenter un
Jésus dont le portrait a été « minutieusement contrôlé par l’analyse
rigoureuse des sources », en ne reculant pas « devant les réponses
non envisagées ou non souhaitées ».
Un enfant illégitime
L’étude des sources atteste l’existence de Jésus, et réduit à néant les
théories qui voudraient en faire un mythe. Et si on ne peut établir une
biographie de Jésus, on peut l’approcher sous plusieurs aspects essentiels. Le
bibliste commence par les origines de Jésus, dans un chapitre qui désarçonnera
peut-être le lecteur catholique. Nous savons très peu sur Joseph et la
confrontation des sources, affirme Daniel Marguerat, laisse apparaître le
statut de mamzer de Jésus, un enfant sans père et donc
illégitime au regard de la Torah. L’appellation « fils de Marie »
souligne l’anomalie. Plusieurs évangiles apocryphes le diront fils d’un soldat
romain, et parleront de lui sans ambages comme d’un bâtard. Jésus, affirme
encore l’auteur au regard des sources, eut des frères et sœurs. Les termes
grecs, souligne-t-il, sont sans ambiguïté.
Les évangiles attestent aussi que Jésus fut proche de Jean le « baptiseur ».
Le geste du baptême tranche avec les ablutions rituelles réitérées liées au
système cultuel du temple. Jésus et Jean font de l’immersion un geste unique.
Jean attend le jugement imminent de Dieu et l’extermination des pécheurs, Jésus
annonce la proximité du Royaume. Ils diffèrent ainsi profondément, mais
« Jésus ne serait pas devenu ce qu’il a été sans la rencontre de
Jean ».
Le pur et l’impur
La voie que Jésus prend laisse apparaître son expérience unique de Dieu,
qui s’exprime dans sa pratique de guérison et d’exorcisme. Aucune formule
magique chez lui, seulement sa présence et sa parole. Le mal recule, il cesse,
anéanti par Dieu. C’est l’irruption du règne de Dieu, et Jésus appelle l’homme
à participer activement à cette éclosion (« ta foi t’a sauvé ! »).
Et il trace en paraboles ces temps nouveaux de Dieu. Il déplace aussi ou
subvertit la notion de pureté : non pas une pureté par protection (lois de
pureté) mais par effusion ou contamination. Ce n’est pas ce qui entre en
l’homme qui le rend impur, mais ce qui en sort. Jésus rencontre dès lors
pécheurs et lépreux sans crainte. Il les ouvre à cette clarté de Dieu. Les
nombreux disciples de Jésus, hommes et femmes qui le suivent, s’en étonnent et
l’apprennent.
Si Jésus monte à Jérusalem, c’est pour porter cette clarté dans
« le lieu le plus saint d’Israël ». La tension est alors vive. Il est
arrêté et mené devant les autorités juives (mais pas le Sanhédrin, qui ne
siégeait pas la nuit), le procès est instruit pour blasphème, en raison de sa
liberté à l’égard de la Loi et plus encore du Temple, de sa familiarité avec
Dieu, et du pardon qu’il donne et que Dieu seul peut donner. Devant l’autorité
d’occupation, il faut cependant présenter une accusation recevable : il est
messie, au sens politique, ou roi, et donc dangereux pour l’ordre impérial.
Pilate n’est pas un tendre, il décide du supplice de la croix, largement
pratiqué par les romains.
La suite est l’histoire de la foi, qui dit l’expérience d’hommes et de
femmes d’avoir vu Jésus ressuscité. Jésus s’inscrivait dans le judaïsme et
voulait le réformer. Dans le choc brutal de sa mort puis les événements de la
chute du Temple en 70 entraînant le durcissement du conflit entre le Judaïsme
officiel et le mouvement chrétien naissant, est née l’Église, dans un essaimage
rapide en terres païennes.
Daniel Marguerat suit encore la trace de Jésus dans le judaïsme et dans
le Coran. Dans un style limpide et clair, son livre opère une immense et solide
traversée. Un maître ouvrage, bienvenu au temps de Pâques.
Jacques Nieuviarts,
La Croix
du 4 avril 2019.
Pleinement juif mais tellement singulier
Vie et destin de Jésus de Nazareth explore
la condition humaine de Jésus sans sous-estimer, sans nier son univers
religieux, mental, voir psychologique. Il évoque un Jésus pleinement juif, mais
singulier.
L’ouvrage se divise en trois grandes parties. Dans la
première, l’auteur s’intéresse à la richesse des sources documentaires
anciennes et abondantes, qui, au passage, révèlent combien la théorie mythiste
d’un Jésus imaginaire, récemment promue par Michel Onfray, est « une
supercherie intellectuelle ». Puis vient l’examen des origines et de la condition
fragile d’un enfant « venu
au monde hors d’une union légalisée par la Torah ». Suit un chapitre très
intéressant, parfois dérangeant, sur les liens qui unissent Jésus à son mentor
spirituel, Jean le baptiseur, à la révélation de la vocation de Jésus, mais
aussi à leurs différences qui conduisent Jésus à vouloir mener sa propre
prédication.
La seconde partie aborde la vie publique de Jésus jusqu’à sa mort. Le guérisseur, le prédicateur, sa « messianité », sa radicalité, mais aussi sa singularité originale, voire révolutionnaire dans le judaïsme de son époque, sont abordés à frais nouveaux. Cette séquence s’achève sur les motifs qui ont conduit à sa condamnation et dont on peut lire une synthèse dans le dossier du Monde de la Bible de mars-avril-mai 2019.
La seconde partie aborde la vie publique de Jésus jusqu’à sa mort. Le guérisseur, le prédicateur, sa « messianité », sa radicalité, mais aussi sa singularité originale, voire révolutionnaire dans le judaïsme de son époque, sont abordés à frais nouveaux. Cette séquence s’achève sur les motifs qui ont conduit à sa condamnation et dont on peut lire une synthèse dans le dossier du Monde de la Bible de mars-avril-mai 2019.
Enfin, dans la dernière partie, l’exégète historien
s’intéresse au destin de Jésus après sa mort. Selon lui, « la
première interprétation de la vie et de la mort de Jésus a été la foi en sa résurrection.
C’est au travers d’expériences visionnaires, un phénomène de type paranormal,
que ses amis, femmes et hommes, ont reçu la conviction inattendue que Dieu se
solidarisait avec l’homme pendu au bois ». « Il
est faux, poursuit-il, de penser que l’“après” Jésus n’ait rien à voir avec
l’“avant”… »
La réception juive de Jésus, de son côté, révèle « l’histoire
pathétique de la haine entre le christianisme et le judaïsme au fil des siècles »,
un dégel n’intervenant que vers 1970 quand les érudits juifs s’intéressent au
Nazaréen et aux évangiles. Quant à l’Islam,
« la
réception de Jésus a été problématique : comment, à côté d’Allah,
imaginer un autre être divin ? ». B. S.
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« Jésus n’a
pas voulu fonder de nouvelle religion mais… »
Auteur d’un très attendu Vie et destin de Jésus de Nazareth, publié aux éditions du Seuil , Daniel Marguerat, exégète, théologien et historien suisse, répond aux questions sur le thème de du dossier du Monde de la Bible et d’autres sujets soulevés dans son essai. Son ouvrage est la première monographie francophone sur le Jésus de l’Histoire publiée par un spécialiste depuis le Jésus de Nazareth de Jacques Schlosser en 1999.
Dans votre essai, vous dévoilez un Jésus incarné,
pleinement juif mais singulier. Cette singularité, à vous lire, prendrait
racine dès sa naissance et dans le statut que le judaïsme réservait aux enfants
nés hors mariage. Pouvez-vous expliquer cela ?
D. Marguerat : D’où vient Jésus, comment est-il né ? Cette question n’a pas intéressé les premiers auteurs chrétiens. On ne
lit rien sur le sujet dans l’évangile de Marc, ni chez Paul. Or, vingt ans plus
tard, avant Luc, elle apparaît dans l’évangile de Matthieu. Cet évangile débute
par une généalogie de Jésus, inhabituelle, pour ne pas dire troublante. Quatre
femmes y figurent, chacune portant une réputation sulfureuse : Rahab est prostituée à Jéricho (Josué 2), Bethsabée fut arrachée par
David à son mari Urie (2 Samuel 11), Tamar s’est déguisée en
prostituée pour séduire son beau-père (Genèse 38), Ruth se faufile auprès de
Booz la nuit (Ruth 3). Ces quatre femmes citées par Matthieu ont toutes été en
situation d’irrégularité sexuelle face à la norme conjugale. Marie,
différemment bien entendu, ne s’est-elle pas trouvée elle aussi en irrégularité
avec un enfant né hors mariage ?
Un chercheur américain, Bruce Chilton, a proposé de voir en Jésus un mamzer, c’est-à-dire un bâtard. Ce statut a des conséquences juridiques sévères selon la loi juive : les enfants nés hors mariage sont bannis de la congrégation religieuse et leurs descendants le sont jusqu’à la dixième génération (Deutéronome 23,3) ; leurs droits à l’héritage sont minimes et leurs possibilités de fonder un foyer et d’avoir des enfants sont compromises.
Un chercheur américain, Bruce Chilton, a proposé de voir en Jésus un mamzer, c’est-à-dire un bâtard. Ce statut a des conséquences juridiques sévères selon la loi juive : les enfants nés hors mariage sont bannis de la congrégation religieuse et leurs descendants le sont jusqu’à la dixième génération (Deutéronome 23,3) ; leurs droits à l’héritage sont minimes et leurs possibilités de fonder un foyer et d’avoir des enfants sont compromises.
N’est-ce pas la situation de Jésus ? La tradition juive ancienne (le Talmud et les Toledot Yeshou) insiste
sur l’irrégularité de la naissance de Jésus, présentée comme le fruit d’un
amour illicite ou d’un viol de sa mère par un soldat romain, nommé Panthera. Ce
contre-évangile relève d’une polémique contre la naissance virginale. Mais
Jésus, incapable de désigner son père biologique et de prouver qu’il était issu
d’une union légitimée par la Torah, a dû être considéré par ses contemporains
comme un impur, un mamzer.
Quelles qu’aient été les modalités de sa conception, qui demeurent un mystère, une naissance hors mariage ne pouvait que générer rumeurs et soupçons. Et l’on ne peut s’empêcher de penser que, ayant été lui-même désigné comme marginal par sa naissance, Jésus s’est montré naturellement sensible à la situation des marginaux de la société juive dont il s’approchera. Séparation de la famille, célibat, compassion pour les marginaux, relativisation des règles de pureté : tout cela porte, à mon avis, les stigmates d’une enfance exposée au soupçon d’impureté et d’une volonté de transcender cette exclusion sociale.
Quelles qu’aient été les modalités de sa conception, qui demeurent un mystère, une naissance hors mariage ne pouvait que générer rumeurs et soupçons. Et l’on ne peut s’empêcher de penser que, ayant été lui-même désigné comme marginal par sa naissance, Jésus s’est montré naturellement sensible à la situation des marginaux de la société juive dont il s’approchera. Séparation de la famille, célibat, compassion pour les marginaux, relativisation des règles de pureté : tout cela porte, à mon avis, les stigmates d’une enfance exposée au soupçon d’impureté et d’une volonté de transcender cette exclusion sociale.
Votre essai réserve bien d’autres surprises. Pour
ma part plusieurs m’ont particulièrement frappé et intéressé : les relations entre Jésus et Jean le baptiseur, la révolution
qu’induit la redéfinition par Jésus de la notion de pureté, sa relation au
messianisme et d’autres encore. Mais vous avez souvent écrit dans Le Monde de
la Bible que toute biographie de Jésus était par nature subjective. La vôtre
échapperait-elle à la règle ?
D. Marguerat : Non. Nous savons depuis Raymond Aron, Paul
Ricœur et Paul Veyne que toute historiographie est une reconstruction, et
qu’une lecture aussi objectivée que possible des documents engage la
subjectivité de l’auteur. L’objectivité pure n’existe pas en histoire ; tout historien investit de soi. Prétendre exposer le « vrai Jésus » est une illusion, autant le dire tout de suite.
Moi, j’ai voulu présenter un Jésus « vraisemblable », raisonnablement reconstruit. À cet égard, en tant que théologien, et
historien, je ne suis pas plus subjectif que n’importe quel autre historien. Il
est évident que mon intérêt pour la figure de Jésus vient de ma posture de
théologien. J’ai toujours été fasciné par la figure de Jésus de Nazareth, mais
j’ai veillé à ce que mes convictions théologiques ne s’imposent à ma quête
historique. Ma déontologie a été d’accueillir les résultats de ma recherche
historique, même s’ils m’apparaissaient inattendus, dérangeants ou déplaisants.
Propos recueillis par Benoît de Sagazan
À lire l’intégralité de l’entretien dans le numéro
228 (mars-avril-mai 2019) Jésus a-t-il fondé une nouvelle religion ?
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