Jean-Louis Chrétien (1952-2019)
Jean-Louis Chrétien, homme de parole
Le philosophe Jean-Louis Chrétien est décédé vendredi 28 juin.
Dans un dialogue fécond avec les Écritures, mais aussi avec la
littérature et la poésie, son œuvre cherchait à recueillir les résonances de l’expérience
humaine.
Avec Jean-Louis Chrétien, mort à Paris vendredi 28 juin, c’est l’un
des grands noms de la philosophie en France qui disparaît, alors qu’il venait
de prendre sa retraite. Né le 24 juillet 1952 à Paris, converti au
catholicisme dans sa jeunesse, il fit une carrière universitaire classique.
Après l’École normale supérieure et l’agrégation de philosophie – à ces deux
concours, il fut reçu premier –, il passa trois ans à la Fondation Thiers puis
enseigna à l’université de Créteil. Enfin, il termina sa carrière comme
professeur à la Sorbonne, chargé de l’enseignement de la philosophie de
l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge.
Des générations d’étudiants gardent le souvenir de son enseignement, avec,
accompagnant sa puissante vocation pédagogique et sa vaste érudition, une part
non négligeable d’humour. En 2002, il recevait, de l’Académie française, le
prix du cardinal Lustiger pour l’ensemble de son œuvre, riche d’environ 25
volumes.
La tradition du Dieu caché
C’est en 1985 qu’il publia son premier livre, Lueur du secret
(L’Herne), dans lequel il étudiait la tradition du Dieu caché, et les rapports
de la Révélation et du secret. Entre 1989 et 2001 parurent six livres de
poèmes, puis Chrétien décida de clore cette partie de son œuvre, qui n’est
cependant en rien une marge. D’une certaine manière, la rigueur de sa pensée
s’y exprime pleinement. C’est ce que Merleau-Ponty nommait le cœur des choses
et l’entrelacs de la chair et du monde, qui sont convoqués dans ces vers, comme
l’analysa Jérôme Laurent, excluant les formes plaintives et narcissiques du
lyrisme.
Le court essai intitulé L’Effroi du beau (Cerf, 1987) peut
être lu comme une préface de l’œuvre à venir. Comme la poésie, l’art et la
littérature resteront toujours des points d’approfondissement de la pensée
phénoménologique de Jean-Louis Chrétien. En 1990, La Voix nue. Phénoménologie
de la promesse (Minuit), puis deux ans plus tard, chez le même
éditeur, L’Appel et la Réponse posent l’axe de cette pensée au
sein de laquelle la parole n’est pas un simple instrument.
Une méditation des Saintes
Écritures
À ce propos, on se reportera à L’Arche de la parole et
à Saint Augustin et les actes de parole (PUF, 1998 et 2002) : « Toute
voix humaine répond, toute inauguration est en souffrance et en passion sous
une voix antérieure qu’elle n’entend qu’en lui répondant, qui la précède et qui
l’excède. Elle ne parle qu’en écoutant, elle n’écoute qu’en répondant… »,
écrit Chrétien.
Réfutant une frontière étanche entre philosophie et théologie, il
méditera les Saintes Écritures dans plusieurs ouvrages : « Nous
ne parlons qu’appelés (…). Nous parlons pour avoir entendu, et
ne cessant d’entendre, toute voix porte en elle plusieurs voix parce qu’il n’y
a pas de première voix. » Le souci et l’exigence de la langue et
jusqu’à la beauté du style de Jean-Louis Chrétien participent pleinement de son
projet philosophique.
Souvent la réflexion du philosophe s’est concentrée sur un mot, une
notion : De la fatigue (Minuit, 1996), La Joie
spacieuse (id, 2007), ou il y a deux ans, comme un signe, Fragilité (id,
2017) (1). Il faut enfin citer les deux magnifiques volumes de Conscience
et roman (id,2009 et 2011), dans lesquels l’analyse de la
littérature ne contredit en rien les autres axes de ce qui est la pensée de
Jean-Louis Chrétien.
Sources :
Journal La Croix du 1er juillet 2019.
PRINCIPALES
ŒUVRES A LA BIBLIOTHEQUE DIOCESAINE
CHRETIEN,
Jean-Louis. – Le Regard de l’amour. – Paris, Desclée de Brouwer, 2000.
260,pages.
CHRETIEN,
Jean-Louis. -L’intelligence du feu : réponses humaines à une parole de
Jésus. – Paris, Bayard Editions, 2003. 202 pages.
CHREIEN,
Jean-Louis. – La joie spacieuse : essai sur la dilation. – Paris, Les
Editions de Minuit, 2007. 259 pages.
CHRETIEN,
Jean-Louis. – Sous le regard de la Bible. – Paris, Bay-ard Editions, 2008. 133
pages.
CHRETIEN,
Jean-Louis. – Pour reprendre et perdre haleine : dix brèves méditations. –
Paris, Bayard Editions, 2009. 2010 pages.
CHRETIEN,
Jean-Louis. – Répondre : figures de la réponse et de la responsabilité. –
Paris, Presses universitaires de France, 2007. V-237 pages
CHRETIEN,
Jean-Louis. – Saint Augustin et les actes de paroles. – Paris, Presses universitaires
de France, 2002. 268 pages.
CHRETIEN,
Jean-Louis. – Symbolique du corps : la tradition chrétienne du Cantique
des Cantiques. – Paris, Presses universitaires de France, 2005. 310 pages.
Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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