Cardinal Roger Etchegaray (1922-2019)
BIOGRAPHIE
Décès
du cardinal Roger
Etchegaray, archevêque émérite
de Marseille et président émérite du Conseil pontifical « cor unum » et du
Conseil pontifical justice et paix (1922-2019).
Le cardinal Roger
Etchegaray, archevêque émérite
de Marseille, président émérite du Conseil pontifical « Cor Unum » et
du Conseil pontifical Justice et paix, est décédé dans sa 97e année, le
mercredi 4 septembre 2019.
Né
le 25 septembre 1922 à Espelette, le cardinal Roger
Etchegaray a été ordonné prêtre le
13 juillet 1947 pour le diocèse de Bayonne.
Il fit ses études successivement au grand séminaire se Bayonne,
puis au Séminaire au français de
Rome, et enfin à l’Université grégorienne de Rome.
Il
exerça son ministère de prêtre comme
secrétaire particulier de Mgr Terrier, évêque de Bayonne (1949), secrétaire
général de l’Action catholique du diocèse (1954),
directeur des Œuvres (1957), vicaire général
du diocèse (1960),
Secrétaire général adjoint de l’Épiscopat français (1961), Secrétaire général
adjoint de l’Épiscopat français chargé des questions pastorales (1962), chargé
du secrétariat de liaison (1965), Secrétaire général de l’Épiscopat français
(1966-1970).
Secrétaire général adjoint de l’Épiscopat français en charge des questions pastorales en 1962, c’est à ce titre qu’il participa au Concile Vatican II (1962-1965). Expert lors du Concile, le futur cardinal Etchegaray fut le témoin privilégié de la vie quotidienne des évêques et des travaux de l’assemblée. Il assista le chanoine Ferdinand Boulard qui créa un groupe de travail intitulé « Évêque de Vatican II". Ce groupe avait pour but de réfléchir et d’échanger sur la vie pastorale et spirituelle des évêques. Le Père Etchegaray fut également secrétaire de la « Conférence des délégués » aussi appelée « Conférence des 22 ». Ce groupe informel, réunissant des évêques de divers pays, se constitua dans le but de faciliter l’échange d’informations entre épiscopats. Durant le Concile, il devint également le secrétaire du comité de liaison qui donnera naissance quelques années plus tard, en 1970 au Conseil des conférences épiscopales européennes (CCEE).
En
1969, le Père Roger Etchegaray fut nommé évêque auxiliaire de l’archevêque de
Paris, le cardinal Marty,
puis archevêque de
Marseille, l’année suivante, en 1970. Il fut président du Conseil des
conférences épiscopales d’Europe (1971-1979). C’est à ce titre qu’il participa
au synode des évêques de 1974, au cours duquel il présenta un rapport très
remarqué sur l’évangélisation en Europe. Il fut prélat de la Mission de France
(1975-1982) et président de la Conférence des Evêques de France (1975-1981).
Au
moment de son élection à la présidence de la Conférence des Evêques de France,
en 1975, Monseigneur Etchegaray était membre du Conseiil permanent, président de la région apostolique Provence-Méditerranée
(aujourd’hui province de Marseille), membre de la Commission épiscopale pour le
monde ouvrier (aujourd’hui « Mission ouvrière » au sein du Conseil
épiscopal pour les mouvements et associations de fidèles). Il succéda à cette
fonction au cardinal François
Marty.
En
1979, il fut créé cardinal par
le pape Jean Paul II puis en avril 1984, il fut appelé à Rome et nommé
président du Conseil pontifical « Cor Unum » (1984-1995), président
du Conseil pontifical « Justice et Paix » (1984-1998).
Il
fut alors l’un des principaux collaborateurs du pape Jean Paul II. Homme de dialogue,
il devint l’émissaire du Pape pour assurer des missions de paix et de défense
des droits de l’homme dans des pays secoués par des troubles et ou des
conflits. Que cela soit en tant que président du Conseil pontifical Justice et
Paix ou dans le cadre de missions spéciales et parfois délicates, le cardinal Etchegaray
fut amené à se déplacer sur tous les continents.
Entre
1971 et 1979, il se rendra plusieurs fois dans les pays de l’Est de l’Europe.
En 1980, le cardinal Etchegaray
fut le premier cardinal à
visiter la Chine communiste.
En
1985, il renonça à sa charge d'archevêque de
Marseille afin de se consacrer à ses fonctions romaines.
Il
effectua une série de voyages en Amérique latine, dont les pays sont marqués
par des régimes autoritaires. Inlassable artisan de paix, le cardinal Etchegaray
ira également en Afrique où il visitera 49 des 53 états africains. En 1991, il
rencontra Nelson Mandela. Entre 1993 et 1995, il effectua 4 voyages au Rwanda
et Burundi. En 1985, il se rendit au Liban, en Irak et en Iran, alors en
guerre.
Outre
ses missions diplomatiques pour le Saint-Siège, il participa
à la publication de textes importants en tant que Président de « Justice
et Paix » et « Cor Unum » : « Au service de la
communauté humaine : une approche éthique de l’endettement
international » (1986) ; « Qu’as-tu fais de ton frère sans
abri ? L’Église et le problème de l’habitat » (1988) ; « Le
commerce international des armes : une réflexion éthique » (1994).
Enfin,
il fut le délégué spécial du Pape pour l’organisation de la première Journée mondiale
de prière pour la paix à Assise, qui réunira pour la première fois de manière
inédite, 130 responsables religieux pour « être ensemble pour prier mais
non à prier ensemble » (Jean Paul II).
En
novembre 1994, il fut nommé président du Comité du Grand Jubilé (1994-2001).
Depuis janvier 2017, le cardinal Etchegaray était rentré en France et séjournait dans le pays Basque.
Depuis janvier 2017, le cardinal Etchegaray était rentré en France et séjournait dans le pays Basque.
Le cardinal Etchegaray
avait reçu en 2014 la Grand-Croix de la Légion d’Honneur et était également
Commandeur de l’Ordre national du Mérite.
Le cardinal Etchegaray
publia plusieurs ouvrages :
·
J’avance comme un âne : petits clins d’œil au Ciel et à la Terre, Fayard,
1984.
·
Petite vie de Eugène de Mazenod (1782-1861), Desclée de Brouwer, Paris, 1995.
·
Jésus vrai homme, vrai Dieu, Desclée de Brouwer, 1997.
·
Vers les chrétiens de Chine : vus par une grenouille au fond d’un puits,
Cerf, 2004.
·
J’ai senti battre le cœur du monde : conversations avec Bernard Lecomte,
Fayard, 2007.
·
L’homme, à quel prix ?, Éditions La Martinière, 2012.
·
Qu’ai-je fait du Christ ?, Parole et silence, 2015.
·
Avec Dieu, chemin faisant, La Martinière, 2015.
http://pro.diocese.biblibre.com/cgi-bin/koha/catalogue/search.pl?q=ROGER+ETCHEGARAY
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Mort du cardinal
Roger Etchegaray, le Basque universel
Hommage du Journal La Croix
Le diocèse de Bayonne a annoncé mercredi 4
septembre le décès du cardinal français, à 96 ans. Il alliait à des
qualités de discrétion un goût pour les marges, pour les
« frontières », que Jean-Paul II sut utiliser pour en faire son
émissaire sur tous les points de fracture du monde.
Toujours attentif à l’Église de France, il
plaidait pour un catholicisme ouvert, conciliaire.
Le cœur, dont il parlait en conclusion de
ses mémoires (1), s’est donc arrêté. Ce cœur d’homme qui battait, disait-il, au
rythme du monde. Et au rythme de Dieu, sans que, jamais, il ait séparé les
deux. Le cardinal Roger Etchegaray, à 96 ans, vient de quitter cette
terre pour rejoindre la Jérusalem céleste, sa « ligne
d’arrivée ».
Ce grand serviteur de l’Église, qui avait
pris avec humour le vieillard Syméon de l’Évangile comme saint de ses vieux jours, n’aurait sans
doute pas renié la phrase de ce dernier, dans l’Évangile « Maintenant,
ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s’en aller dans la paix, selon ta
parole », tant on sentait, ces dernières semaines, et malgré la
fatigue de plus en plus présente, combien il se réjouissait de voir sur le
trône de Pierre un homme comme François, pape selon son cœur, dont il avait souhaité
l’élection.
Ces derniers temps, même contraint à ne
presque plus sortir, il étonnait ses visiteurs sur sa capacité à lever la tête,
à l’évocation d’une situation, d’un problème, et surtout de personnes, connues
de lui. Son œil bleu retrouvait alors son éclat, et son grand sourire barrait
le visage fatigué.
Justice et Paix et Cor unum
Depuis plus de trente ans qu’il
résidait à Rome, où Jean-Paul II l’avait appelé en 1984 pour lui confier
deux Conseils pontificaux (Justice et Paix, Cor unum), Roger Etchegaray ne
s’est jamais lassé des hommes, de l’Homme.
« L’Église n’est pas qu’à
Rome », disait-il lorsque des visiteurs
évoquaient certains aspects du microcosme romain : « L’Église
est partout », répétait-il avec son grand sourire,
montrant du geste le splendide panorama qui s’ouvrait de sa terrasse, au
dernier étage du palais Saint-Calixte, dans le quartier du Trastevere.
L’Église, dans son universalité, qu’il a servie jusqu’au dernier jour, avec
fidélité, malgré les zones d’ombre : « Le
chrétien se sent mal à l’aise dans son Église tant qu’il ne cherche pas à se
mettre à la mesure d’une Église sans mesure : il nous faut aimer l’Église comme elle est », avait-il
écrit (2). Parfois, à la fin d’une conversation, il demandait abruptement : « Vous l’aimez, cette Église, n’est-ce pas ? »
Expert officiel de Vatican II
Aimer l’Église. Depuis son enfance basque
à Espelette (« capitale du piment », vous
apprenait-il fièrement), et depuis son ordination, vécue avec pour devise cette
phrase du père Chevrier : « C’est
le beau temps pour être prêtre ! ». Beau temps,
dans la période bouillonnante pré et post-conciliaire, qu’il vécut comme
secrétaire de l’évêque de Bayonne, puis au secrétariat de l’épiscopat à Paris : comme Benoît XVI, comme
aussi Jean-Paul II, Roger Etchegaray est de cette génération marquée du
sceau de Vatican II, auquel il participa comme expert officiel.
Il aimait en raconter les rencontres : celle, déterminante pour lui, de Dom
Helder Camara ;
celle, aussi, d’un certain évêque polonais, Karol Wojtyla. L’Église du cardinal est l’Église
issue du Concile, « tout » le
concile, avec ses générosités et sans doute ses excès. L’ancien collaborateur de Jean-Paul II avait
parfois souffert de voir remis en cause certains acquis du concile, mais sans
jamais prendre une seule position publique qui puisse gêner les papes sur ce
sujet.
« Ecclesia semper reformanda »
Car Roger Etchegaray, contrairement par
exemple au cardinal italien Carlo Maria Martini auquel on le comparait souvent,
n’était pas homme à proposer des réformes pour l’Église ou à s’engager sur des
débats précis. Certains lui reprochaient ce silence. Manque de courage ? La remarque, une fois, l’avait particulièrement énervée, chose rare. Le prélat
avait alors montré, accroché au mur de son séjour, un drôle de diplôme de
« bravoure » décernée par des journalistes après un voyage
particulièrement périlleux : « Et
je manquerais de courage ! »
Simplement, là n’était pas sa manière de
servir : « L’Église a plus besoin d’être aimée que
réformée », confiait-il un jour à La Croix, proche
en cela du pape François : « Ma sensibilité humaine et pastorale m’a conduit
très souvent à rencontrer des frères et des sœurs qui ont du mal à vivre dans
l’Église ou campent hors de ses murs. Nourri dans le sérail, j’éprouve plus que
d’autres la vérité de l’adage “Ecclesia semper reformanda” (“L’Église est en
permanence à réformer”). Je puis dire que c’est constamment que j’y travaille,
à ma manière discrète, c’est vrai, mais avec obstination. »
La présidence du comité pour le Grand
Jubilé
Une obstination dont il fit preuve, à la
tête de Justice et Paix, pour promouvoir les grandes encycliques sociales de
Jean-Paul II. À la présidence, ensuite, du comité pour le Grand Jubilé : dans ce serviteur fidèle, Jean-Paul II
avait un homme prêt à appliquer son
programme pour l’an 2000, y compris des options, comme la grande repentance ou
la rencontre interreligieuse, qui, savait-il, provoqueraient des grincements au
sein de la Curie.
Dans un milieu romain enclin à la
médisance et au commérage, on n’aurait jamais pu prendre ce cardinal en défaut.
Taiseux, le Basque préférait ponctuer d’un silence ce qu’il désapprouvait. Des
qualités de discrétion, alliée à ce goût pour les marges, que Jean-Paul II
sut parfaitement utiliser pour en faire son émissaire sur tous les points de
fracture du monde.
Serrer la main de Saddam Hussein
Globe-trotter infatigable d’un pape
lui-même grand voyageur, le cardinal français est allé partout, démêlant les
situations, préparant les voyages de Jean-Paul II, avec cette capacité à
passer des ors d’un palais présidentiel de dictateur d’Amérique du Sud à la
poussière des pistes du Rwanda, et au sang des guerres et des combats.
Peut-on en même temps serrer la main d’un
dictateur comme Saddam Hussein comme et embrasser un enfant blessé par la
guerre ? Il
faisait mine de ne pas entendre la question. Il y avait chez cet homme une part
de mystère, recouverte par le silence de secrets qu’il ne s’estimait pas en
droit de révéler… « J’ai appris, confie-t-il
encore, à ne pas juger trop vite certaines personnes enchevêtrées dans
des situations inextricables, souvent contre leur gré, et obnubilées par la
hantise de sauver le peu qui puisse être sauvé de la liberté d’un homme ou d’un
croyant » (1).
L’enfant d’Espelette
Ce cardinal était un solitaire qui aimait les
hommes, au-delà des masques et des apparences. De ce point de vue, Marseille,
dont il fut l’archevêque durant quatorze ans, de 1970 à 1984, est une
bonne école. Le Basque timide apprit à apprécier cette ville bigarrée, où se
mêlent toutes les religions. « C’est l’univers entier qui est
repêché ici, non pas en miniature dans une bouteille, mais bien vivant et
frétillant avec ses couleurs et ses odeurs des cinq continents », écrivait-il
(2).
Dans la cité phocéenne, l’enfant
d’Espelette prépara les voyages au long cours qu’il allait faire toute sa vie.
Avec deux grandes passions qu’il conservera jusqu’au bout, alors que, depuis
2000, il était officiellement retraité : la Chine complexe et la Russie orthodoxe. Sur ce
dernier point, il n’a pas ménagé sa personne. Si le pape François a pu rencontrer le patriarche de Moscou, l'amitié patiemment cultivée par Mgr Etchegaray aura posé les jalons.
Plaque tournante de l’Église universelle
L’âge venant, Roger Etchegaray avait dû
limiter sa « fringale de voyages », mais son appartement romain restait une
plaque tournante de l’Église universelle, tout comme chacun des objets rangés
sur ses étagères lui rappelait un périple ou une rencontre. Les anciens amis de
Marseille comme les Chinois de l’Église officielle ou souterraine, trouvaient à
chaque fois une place dans son agenda.
Jusqu’au bout, ce cardinal est resté au milieu
du monde. « Quand on est chrétien, confiait-il un jour, on n’est jamais
seul : passez donc me voir ! » Pourquoi
le cacher ? Ce
soir, même en sachant que le cardinal Etchegaray a rejoint une
autre communion, celle de tous les saints en humanité, on a pourtant du mal à ne pas se sentir un peu plus
seul.
(1) J’ai senti battre le cœur du
monde, conversations avec Bernard Lecomte (Fayard, 456 p.,
22 €) – Lire La Croix du 3-4 novembre 2007.
(2) Dans J’avance comme un âne (Fayard
– récemment réédité).
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