RECENSION
ROY, Olivier. – La sainte ignorance : Le temps de la religion dans culture
Paris, Le Seuil, 2008. – 275 pages
Olivier Roy, dans son dernier livre, "La Sainte Ignorance", paru au Seuil en 2008,
expose la thèse selon laquelle « nous sommes dans le temps de la religion sans culture», qu'il identifie comme phénomène de « déculturation» du religieux. En d'autres termes on assisterait au processus de découplage entre religion et culture. Ce phénomène se repérerait au premier chef dans les mouvements contemporains du salafisme musulman et de l'évangélisme protestant. Mais également au niveau même des vieilles Eglises tentées par la nostalgie de cultures disparues et/ou la condamnation de la « culture de mort » qui sévirait chez les contemporains.
La spécificité de ces processus de déculturation, voire d'exculturation, serait typique de l'évolution actuelle des religions. En effet traditionnellement les religions s'étaient efforcé tout au contraire de s'exprimer à travers des cultures, autrement dit de s' « inculturer », ainsi le christianisme s'est assimilé la culture gréco-latine. Puis, la modernité a cherché au contraire à s'émanciper de la tutelle des Eglises à travers le processus dit de la « sécularisation », en promouvant une culture à part du religieux. Comment comprendre alors la « déculturation » du religieux ?
Si l'on peut y voir un processus réactif à la sécularisation des modernes, il faut surtout attirer l'attention sur le fait qu'à partir des années 1960, et ce notamment aux Etats-Unis, le religieux se standardise, s'exprime à travers des chaînes télévisées religieuses où l'on ne parle que religieux, où il faut vendre et exporter du religieux seulement. Dans le même temps le « culturel » se perçoit comme du paganisme.
Comme on l'a signalé face au danger que représente ces mouvements déculturés les grandes et vieilles Eglises sont tentées elles aussi de s'identifier face et contre le culturel ambiant. La nostalgie qui peut animer certaines d'entre elles risque bien de s'avérer irréaliste : la culture chrétienne qu'il s'agirait de réintroduire a bel et bien disparu !
Se pose la question en tout cas de l'identité de la « culture » contemporaine : s'agit-il vraiment d'une culture, ou plus précisément n'est-on pas en présence d'une sous-culture qui s'identifie autour de codes de comportements, de valeurs et de normes attestant d'une profond vide culturel. Mais face à ce constat, quelle attitude prendre ? Ne faut-il pas miser sur le souci et l'exigence de promouvoir un programme de reculturation ?
Enfin on peut porter un diagnostic impitoyable sur les mouvements qui s'exculturent. S'identifier par rupture avec une culture, ou une sous-culture , ne permet aucune transmission possible au motif qu'une rupture par définition ne peut s'hériter. A long terme de tels mouvements sont voués à disparaître. Avertissement cinglant aux « Eglises » qui risquent de succomber à la tentation du religieux pur de toute culture.
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