Les premiers archivistes diocésains nommés dans les années 1960 sont des érudits locaux, historiens le plus souvent. Ils se donnent comme mission de publier des monographies ou des articles grâce à leurs connaissances complétées le plus souvent par des recherches patientes, notamment dans les archives départementales. Les archives diocésaines sont peu exploitées, faute de fonds classés et de règles claires sur la communication des documents. En outre, la peur des « spoliations » est encore présente : ces archivistes, des prêtres le plus souvent, ont connu directement ou à une génération d'écart les saisies de 1905-1906, vécues parfois comme un traumatisme.
A cet égard, le chanoine Louis Jacques est emblématique. Il est archiviste du diocèse de Gap de 1962 à son décès en 1981. Il publie en 1967 une monographie sur la cathédrale de Gap qui fait toujours autorité. Il compose un tapuscrit sur les chapelles rurales des Hautes-Alpes dont les deux tomes sont des ressources encore utilisées aujourd'hui. A Digne, Marie-Madeleine Viré a été archiviste de 1960 à 2010. Diplômée de Langues O et de l'école du Louvre, elle est professeur d'arabe. Elle est, également, directrice de la publication de la société scientifique et littéraire des Alpes de Haute-Provence. Elle décède en 2012.
Le rôle principal de ces archivistes a été la protection et la sensibilisation des autorités diocésaines et paroissiales. Ils manquaient parfois de compétences pour classer des fonds et dresser des instruments de recherche. Cependant à Marseille, le chanoine Pierre Espeut, historiographe du diocèse et auteur de nombreuses études, a réalisé le classement et le premier inventaire du fonds ancien en 1958. A Luçon, les travaux de l’abbé Louis Delhommeau mêlent érudition et classement rendant très tôt consultables les archives diocésaines.
Soixante ans après ces nominations, les archivistes diocésains sont des laïcs très majoritairement. En 2014, 33 sont des prêtres, deux des religieuses, 60 des laïcs, hommes et femmes, selon l'annuaire publié par l'association des archivistes de l'Eglise de France (http://www.aaef.fr/images/annuaire/Annuaire_dioceses.pdf) complété par des renseignements collectés pour le présent article. A ces archivistes diocésains, il faut ajouter ceux du Centre national des archives de l'Eglise de France, à Issy-les-Moulineaux. Beaucoup de ces laïcs ont suivi un cursus dans les formations d'archivistique en université.
Les ressources humaines sont limitées dans les archives et les bibliothèques diocésaines plus encore que dans les services publics. Archives et bibliothèques ecclésiastiques doivent trouver des synergies pour mieux travailler ensemble. A partir d'exemples puisés à Nice (Quels enjeux patrimoniaux et culturels pour l'Eglise ? par Gilles Bouis), à Quimper (Unité de lieu, de temps, de personnes... l'exemple de Quimper, par Yann Celton qui écrit « avantage évident : même personnel, horaires d'ouverture plus fluides »), à Besançon (Réflexions sur une fusion en cours à Besançon par Manuel Tramaux ; Le projet de regroupement des archives historiques et de la bibliothèque diocésaine de Besançon par Marylise Barbier), le Bulletin de liaison de l'association des bibliothèques
chrétiennes de France a traité ce sujet en novembre 2008 (n° 137-138). Dans ce dossier déjà ancien, la question du numérique, est évoquée à plusieurs reprises : elle mériterait d'être reprise à l'aune des normes d'aujourd'hui. Les archivistes devraient également traiter ce sujet en s'inspirant des retours d'expérience sur la gestion électronique des documents (GED) et sur les systèmes d'archivage électronique (SAE).
Les archives diocésaines créent désormais des pages internet. Le service de Poitiers met à disposition, sur le site de son diocèse, les instruments de recherche qu'il produit (http://www.diocese-poitiers.com.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=830&Itemid=1351) tout en expliquant la démarche suivie. Dans le sud-est de la France, les archivistes diocésains de Marseille et de Gap ont rejoint le présent blog, animé au départ par les bibliothécaires. Christianisme et mémoires en Provence publie des recensions, des analyses sur les métiers et la communication des services vers l'extérieur. Le site permet aussi la diffusion d'instruments de recherche, de fonds entièrement communicables. Pour trois des services contributeurs, la bibliothèque diocésaine d'Aix-en-Provence, celle de Gap, et les archives du diocèse de Gap, des comptes de microblogging sont adossés à ce blog. Twitter ou Facebook permettent d'attirer vers le blog un public qui n'y arriverait pas naturellement mais qui y trouvera des sujets l’intéressant : ce sont des archivistes, enseignants-chercheurs, doctorants...
L'objectif de ce travail de communication est triple. Au sein de l'institution ecclésiale, les archivistes diocésains doivent lutter contre l'image d'Epinal les identifiant à des paléographes solitaires déchiffrant des parchemins médiévaux, pour reprendre les termes de l'appel à communication pour la journée d'étude de l'association des étudiants et diplômés en archivistique – Aix-Marseille université (AEDA-MU) du 28 novembre 2014. L'archiviste n'est pas solitaire, il est entouré souvent de bénévoles. Il est inscrit dans un, voire des réseaux de confrères laïcs ou d'Eglise. Il ne déchiffre nul manuscrit médiéval puisque son service n'en conserve pas ! Enfin, il est membre de la curie diocésaine, agent de l'action pastorale comme le précise la lettre de la commission pontificale pour les biens culturels de l'Eglise, du 2 février 1997 sur La Fonction pastorale des archives ecclésiastiques : http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_commissions/pcchc/documents/rc_com_pcchc_19970202_archivi-ecclesiastici_fr.html. Le coeur de son métier, les quatre C, en témoigne : collecter pour protéger le patrimoine de l'Eglise, classer pour bien le connaître, conserver pour le transmettre ensuite, communiquer pour témoigner.
L'archiviste diocésain doit, bien sûr, être reconnu dans la communauté professionnelle, que ses confrères soient publics, d'entreprises ou associatifs. S'inscrire dans une association, participer aux revues, forums... y contribue.
Enfin, dernier enjeu, communiquer avec les outils de notre temps a pour objectif de permettre à tous les publics de s'approprier les sources mises à disposition. Une stratégie vers un public cible doit être réfléchie : personne ne doit être exclu mais le monde de la recherche universitaire et érudite est prioritaire. L'Eglise est un objet d'étude en sciences religieuses mais aussi en histoire, sociologie... utile à tous et qui doit être scientifiquement traité.
Le retard pris en général par les archivistes et bibliothécaires diocésains accroît parfois les réticences de certains. Pourtant, il vaut mieux s'appuyer sur ce qui se fait et ne pas avoir peur d'avancer. La Gazette des archives, publication de l'Association des archivistes français, dans son numéro 229, 2013-1, nous montre par un article de Sonia Maillet (Le centre d'archives historiques de la Fondation arts et métiers, p 47-57) qu'une institution prestigieuse peut avoir des lacunes : embauche d'une archiviste professionnelle en 2006 seulement et le site internet de la fondation ne permet pas encore aujourd'hui de publier d'autres instruments de recherche qu'un état des fonds à l'état embryonnaire : http://www.fondam.org/Liancourt/Archives.
Nos actions restent modestes mais toujours dans l'optique de la mise en valeur des fonds. C'est dans ce sens qu’a été conçu le Guide des sources ecclésiastiques sur la Première Guerre mondiale pour le Sud-Est de la France (édition électronique, novembre 2013 : http://www.sanctuaire-notredamedulaus.com/fileadmin/user_files/IMAGES/Les_editions_du_Laus/Guide_des_sources_ecclesiastiques_WW1/Guide_des_sources_ecclesiastiques_sur_la_Premiere_Guerre_mondiale.pdf ). Un guide des sources est un instrument de recherche, au sens professionnel du terme. Le diffuser gratuitement et sous format numérique donne l’occasion de montrer que l’Eglise, avec des outils d’aujourd’hui, est en mesure d’apporter une contribution à la recherche historique dans son ensemble.
Sa création a réuni les archives de Marseille et de Gap, la bibliothèque de Gap. Les informations collectées sont venues des archives et des bibliothèques ecclésiastiques, diocésaines et religieuses de tout le sud-est de la France dans une forme de coopération qui a été signalée notamment dans Documents épiscopat (par Mgr Luc Ravel, Mémoire chrétienne de la Grande Guerre, 2014) disponible dans les bibliothèques. Ce Guide a été consulté 850 fois depuis sa mise en ligne sur le site Calaméo (comptes arrêtés en septembre 2014).
Dans le diocèse de Gap, de même, les Journées européennes du patrimoine de 2014 ont permis aux services diocésains et à neuf paroisses de se retrouver autour de l'organisation d'un circuit sur le peintre Louis Court. La dimension pastorale a été tout particulièrement soulignée comme le montre le document numérique mis à disposition des visiteurs (http://www.louiscourt.blogspot.fr/).
Utiliser un site internet, les réseaux sociaux et le microblogging ne doit évidemment pas faire oublier une communication plus classique. Les articles pour des revues sur support papier, érudites et ecclésiales (ne serait-ce que les magazines diocésains), les conférences et les participations à des colloques restent d’excellents moyens pour diffuser nos travaux. Pensons enfin à l’action éducative, mise en place dans tous les centres d’archives départementales. Elle est négligée en Eglise, à la fois par les enseignants qui utilisent trop peu les archives et les bibliothèques diocésaines comme ressources pédagogiques et par les archives qui mènent peu d’actions en ce sens. Des chantiers restent donc à ouvrir !
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