Le RoyaumeEmmanuel CarrèreParis, P.O.L., 2014. 630 pages.
Le livre d’Emmanuel Carrère s’affirme comme le livre de
cette rentrée littéraire. Cela est-il d’ailleurs étonnant où la recherche de
sens et de spiritualité est présente dans notre société ? Bien que controversé,
on peut le recommander pour diverses raisons.
Le
Royaume est un ouvrage qui se veut à
la fois témoignage d’un homme qui a cru, histoire des premières communautés
chrétiennes et aussi interprétation des Evangiles notamment celui de saint Luc.
Dans un première partie l’auteur nous parle de son
itinéraire : celui qui va jusqu’à sa conversion puis de sa conversion à sa
rupture avec la foi et l’Eglise (1990-1993). La clé de son ouvrage se trouve –
il me semble – dans la dernière phase de cette partie : « Je t’abandonne Seigneur, mais Toi ne
m’abandonne pas ». A lire la suite on peut se poser la question :
cette prière n’aurait-elle pas été finalement exaucée même si aujourd’hui
Emmanuel Carrère se dit agnostique, voire athée ?
Le corps de l’ouvrage se situe entre histoire sur les
premiers temps de l’Eglise et histoire personnelle. L’auteur déploie tout son
talent pour nous décrire avec érudition ces premières années à travers une
pléiade de personnages dont les principaux sont Saint Paul et Saint Luc. On
peut contester les affirmations un peu péremptoires de Carrère sur le
personnage de Paul, ses relations conflictuelles avec l’Eglise de Jérusalem
(que Luc auraient minimisées volontairement ?). Au travers de ce récit historique certaines remarques personnelles nous
montrent un homme fasciné par le message de l’Evangile et le personnage du
Christ. Les interprétations dans la dernière partie - qui se veut
exégétique - sur les écrits notamment de
Saint Jean et sur l’Evangile de Saint Luc peuvent dérangées voire choquées : en
effet était-il besoin de tourner en dérision ces écrits même si on peut y
lire des pages émouvantes concernant certains passages, et si on peut y percevoir par un instant comme
une souffrance : la souffrance de quelqu’un qui a cru, la souffrance de quelqu’un qui malgré tout
voudrait y croire.
En effet les dernières phrases de ce gros ouvrage ne
peuvent laissent laisser indifférent : « Ce
livre … je l’ai écrit de bonne foi, mais ce qu’il tente d’approcher est
tellement plus grand que moi que cette bonne foi, le sais, est dérisoire. Je
l’ai écrit encombré de ce que je suis : un riche, un homme d’en
haut ; autant de handicap pour entrer dans le Royaume. Quand même j’ai
essayé. Et ce que je me demande au moment de le quitter, c’est s’il trahit le
jeune homme que j’ai été, le Seigneur auquel il a cru, ou s’il leur est resté,
à sa façon, fidèle »
En conclusion on peut dire que si l’auteur ne « veut
pas être touché par la grâce » il suffirait peut-être de peu pour que
cette grâce le touche ! Mais cet avenir ne nous appartient pas : tout
se joue entre la liberté d’Emmanuel Carrère et la liberté de Dieu.
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