Ces fidèles qui ne pratiquent
pas assez : quelle place dans l’Eglise ?
Valérie Le Chevalier
Namur (Belgique), Editions
Lessius, 2017. 104 pages.
RÉSUMÉ
Selon les dernières statistiques, au
moins 53 % des Français se disent catholiques, tandis que le groupe de ceux qui
participent régulièrement à l'eucharistie dominicale s'élève tout au plus à 5 %
de la population. Cet ouvrage se penche sur cet ensemble de « non-pratiquants »
et réfléchit sur l'attitude juste à avoir à leur égard. L'auteur se situe dans
la perspective de ces participants actifs à la vie de l'Église pour qui les
autres, pourtant « catholiques », ne pratiquent « pas assez ». Contre ce schème
sociologique et théologique, elle pose clairement la question : quelle place
accorder dans l'Église à ces pratiquants occasionnels ? Ceci suppose que ces
femmes et ces hommes ne soient plus réduits à leur absence de pratique
religieuse, mais reconnus à part entière s comme de véritables « fidèles ».
« De laïcs à fidèles pratiquants »
Ce petit livre s’attaque donc frontalement à une
question à la fois importante et sensible dans la pastorale française
actuelle : celle des catholiques volontiers appelés « non-pratiquants ».
L’auteure, secrétaire de rédaction aux Recherches
de science religieuse (RSR), dit tout au long de son ouvrage
trouver ce qualificatif bien trop réducteur. Dans un premier chapitre,
d’histoire contemporaine, elle montre bien comment l’irruption de la sociologie
dans le champ religieux à partir des années 1930 a fait passer le discours
courant de l’Église de la catégorie de « fidèle »’ celle de “pratiquant“.
Valérie Le Chevalier, qui dirige le cycle « Croire et comprendre »
au Centre Sèvres, critique fortement cette évolution car, désormais, un
catholique est évalué à partir de sa seule fréquentation de l’eucharistie dominicale
et plus simplement à partir du baptême qu’il a un jour reçu.
« Le vocabulaire des années 70 est obsolète »
Dans un deuxième chapitre, davantage exégétique,
elle s’efforce, à partir des Evangiles, de montrer comment il y avait plusieurs
catégories de personnes autour de Jésus : le premier cercle des disciples,
certes, mais aussi nombre : la foule qui suivait Jésus, ceux qui, une fois
guéris, étaient simplement renvoyés chez eux sans appel spécifique à suivre le
Christ avec cette injonction : « Va, rentre chez toi, ta foi t’a sauvé. »
« La
vocation des laïcs : être d’abord fidèles »
A
partir de là, V. Le Chevalier va, dans un troisième et dernier chapitre, bâtir une
hypothèse : pour elle, l’Église aujourd’hui se trompe en voulant tout
ramener à la pratique eucharistique des fidèles et elle est devenue très
exigeante pour conférer ses sacrements à ceux qu’elle ne voit jamais à la messe
ou, plus largement, à l’Église. Elle devrait bien mieux les prendre en compte, mieux accueillir ces croyants vivant leur foi
suivant un cheminement propre et qui constituent de toute manière un groupe
beaucoup plus importants que les pratiquants : « Le vocabulaire des années 70 est obsolète. Parler de non-pratiquant n’a
plus guère de sens pour les croyants », affirme l’auteure de façon
quelque peu péremptoire.
Une
démarche militante ?
Comme
le dit le théologien Christoph Theobald dans son élogieuse préface, « l’ouvrage de Valérie Le Chevalier ouvre un large champ de questions ». Mais
il reconnait volontiers qu’« il sera sans
doute contesté sur tel point ». En effet, au-delà d’une libre
interprétation des paroles de Jésus « Va, ta foi t’a sauvé ! »
ou du sens de l’appel des disciples et des apôtres, de critiques pas toujours
justifiées sur la pratique pastorale actuelle ou même d’erreurs de jugement (par
exemple, un chrétien pratiquant ne semble pas pouvoir connaître les valeurs du
monde !), elle semble parfois rester à la surface dans son
argumentation. Même si elle avait posé
un postulat : « Les faibles pratiquants
sont un lieu théologique et pastoral à repenser en profondeur, en dehors de
tout ecclésiocentisme » mais la démarche paraît davantage être
militante - et parfois polémique à
certains égards - . D’autre part les réflexions qui parcourent cet essai, se
situent plus au niveau du champ sociologique que dans une réflexion théologique
ou même véritablement pastorale ; on aurait pu souhaiter une réflexion
plus ambitieuse autour de la foi, des sacrements ou de la vie de foi pour un
chrétien ; ces réflexions apparaissent certes ici ou là mais trop
brièvement.
En conclusion
Il faut reconnaître que l’auteure pose une question de fond pour les communautés
chrétiennes : les absents de nos eucharisties sont-ils un manque, ces absents sont-ils
une souffrance ? Si l’auteure ne
donne pas de réponse qui puisse satisfaire au moins elle ouvre la voie à une
réflexion sur le témoignage que doivent donner les fidèles, une réflexion aussi
sur notre vocation à annoncer quelque soit notre état de vie « la bonne
odeur du Christ ».
Source :
Journal La Croix (23 août 2017)
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