Le livre noir des chrétiens persécutés
Sous la direction de Jean-Micxhel Di Falco
Paris, EditionsXO, 2014. 811 pages.
Extraits d'une présentation de l'ouvrage faite Samuel Lieven lors d'un entretien à Radio-Vatican
Plus de 800 pages, 70 témoignages, des
reportages et des analyses d’experts de 17 nationalités, chrétiens ou
non : l’ouvrage est imposant et ambitieux et s’intitule « Le livre noir de
la condition des chrétiens dans le monde ». Paru d’abord en France il est
dirigé par trois personnalités aux profils différents : Mgr Jean-Michel Di
Falco, le frère dominicain Timothy Radcliffe et l’historien Andrea Riccardi,
fondateur de la communauté Sant’Egidio.
150 à 200
millions de chrétiens sont discriminés ou persécutés à travers la planète.
L’actualité nous le rappelle hélas trop souvent. Derrière le constat sombre,
l’ouvrage souhaite mettre en lumière des témoignages et des éclairages qui vont
au-delà de la simple question de la liberté religieuse, mais rappelle que cette
hostilité voire cette haine peut compromettre toute une civilisation.
Samuel
Lieven, journaliste au quotidien La Croix est le coordinateur
de ce livre, explique
la genèse de cet ouvrage.
"La
genèse, c’est qu’avec l’éditeur, on a mis bout à bout cette actualité
malheureusement charriée depuis quelques années au sujet des chrétiens. Par
exemple, l’attentat de la cathédrale de Bagdad en 2010, celui d’Alexandrie en
2011, la situation de la Syrie et de l’Irak de ces derniers mois et ces
dernières années mais aussi l’enlèvement de religieux en Afrique et l’actualité
des chrétiens du Pakistan. Il y avait beaucoup d’histoires à raconter, de
témoignages à recueillir mais on s’est dit qu’on est face à un phénomène
global qui dépasse notre entendement. On ne peut pas se limiter uniquement à
l’empathie, au témoignage. Il faut quelque chose de plus ambitieux, de plus
vaste. Et l’éditeur était à l’origine du livre noir du communisme qui, il y a quinze
ans, avait fait un peu le bilan d’un siècle d’idéologie mortifère au 21°siècle.
On s’est dit que c’est un livre noir de la condition des chrétiens qu’il nous
faut. Donc, « condition des chrétiens » et pas persécution parce que
les 150 à 200.000.000 chrétiens qui sont aujourd’hui inquiétés pour le seul
fait d’être chrétiens là où ils vivent ne sont pas persécutés au sens rigoureux
du terme. C’est ce qu’on a d’ailleurs fait analyser par une historienne. Cela
va des discriminations au quotidien, comme les coptes d’Égypte qui ne peuvent
pas avoir tel ou tel travail, ou qui ne peuvent pas envisager une certaine
carrière, jusqu’aux pires violences comme connaissent les Irakiens aujourd’hui
mais aussi les chrétiens pakistanais qui ont subi les plus nombreux attentats
antichrétiens de l’histoire de leur pays, à Peshawar, en septembre 2013. C’est
un tour du monde où l'on a voulu à la fois recueillir des témoignages, des
reportages mais aussi à chaque fois, pour chaque pays, donner des clefs de
lecture par de grands experts indépendants qui n’ont pas de chapelle à
défendre, qui ne sont pas des militants et qui analysent, souvent avec des
détours par l’Histoire, la géopolitique et qui donnent au lecteur des clefs
pour comprendre au-delà de l’émotion, au-delà de l’empathie.
C’est
un ouvrage à plusieurs voix avec de nombreuses contributions du monde entier.
C’est aussi un ouvrage dirigé par trois personnalités, Mgr Di Falco, l’évêque
de Gap, Timothy Radcliffe, le dominicain et Andrea Riccardi, le fondateur de la
communauté de Sant’ Egidio. Ce sont des voix très diverses. Comment êtes-vous
concrètement arrivé à coordonner toutes ces voix ? Comment on articule un
ouvrage avec des voix aussi disparates ?
On a
d’abord voulu se dire qu’on est face à une problématique qui est volontiers
récupérée souvent par des courants politiques qui aiment jeter un peu d’huile
sur le feu des identités. On s’est dit que ce qu’on veut faire. Nous, ce qu’on
veut faire, c’est montrer aujourd’hui qu’il y a là une réalité qu’il faut
pouvoir regarder tranquillement en face. Pour cela, on va faire appel à des
gens dont le fond de commerce n’est précisément pas le combat identitaire. On
est donc allé chercher des gens qui sont à la fois des grandes personnalités
chrétiennes engagées dans le monde, d’une manière ou d’une autre, qui portent
sur le monde un regard fondamentalement généreux, qui n’ont pas de compte à
régler avec telle ou telle partie de la population. C’est pour cela qu’on est
allé chercher en tout premier lieu Andrea Riccardi parce qu’en tant
qu’historien, il était celui qui avait travaillé sur ces questions au 20°siècle
à la demande de Jean-Paul II. On est aussi allé chercher Timothy Radcliffe en
tant qu’ancien supérieur mondial des dominicains, pour sa connaissance
planétaire des communautés qu’il continue encore aujourd’hui de visiter en
sillonnant la planète et en donnant également une lecture en profondeur des
évènements, y compris à l’adresse d’un public qui n’est pas nécessairement
chrétien parce qu’on tient à s’adresser à tout le monde. Et Jean-Michel Di
Falco parce qu’en tant qu’évêque, il porte aussi une responsabilité d’Église.
Au fond, qu’est-ce que les religieux peuvent faire aujourd’hui pour essayer de
sortir un peu de cette ornière ? Il ne s’agit pas non plus d’en rester à un
constat entièrement horizontal et déprimant. Le livre explore des voies pour
tenter sans faire de plans sur la comète d’améliorer la condition de ces
chrétiens à travers le monde parce qu’on ne se mobilise pas que pour des
chrétiens. Là où les chrétiens sont inquiétés, ils ne seront pas les seuls et
dans plusieurs situations, ils ne sont même pas les plus inquiétés. On pense
par exemple aux musulmans victimes du conflit entre chiites et sunnites un peu
partout dans le monde. Ils sont néanmoins les indicateurs du sort qui est fait
à des populations entières et donc on s’est dit que là où la liberté de
conscience et de religion n’est pas respectée (...)"
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