Laudato si : le cri du pape François
Laudato si : que dit l’encyclique du pape François?
Pour sa première encyclique écrite entièrement
de sa main, le pape François n'a pas voulu d'un titre latin. Empruntant les
belles invocations du Cantique des créatures de saint François, Laudato si
s'inscrit d’emblée dans la lignée franciscaine, louant les beautés de la
nature, notre maison commune, notre sœur, avec laquelle nous partageons notre
existence. « Loué sois-tu mon seigneur pour soeur notre mère la terre, qui
nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées
et l’herbe », chantait hier François d'Assise. Aujourd'hui, notre sœur
souffre et gémit, la maison va mal, et ses habitants aussi.
Le pape François n’est pas le premier pape à s'élever
avec autant de force contre la dégradation de la planète et l’exploitation éhontée
des ressources naturelles. Dès le concile Vatican II, la conscience écologique de l'Église
s’est affirmée et tous les papes se sont largement exprimés sur le sujet. Mais
cette encyclique est la première à aborder le sujet de façon aussi approfondie,
faisant du souci écologique bien plus qu’une simple inquiétude de
surface : une véritable angoisse pour les générations à venir, un appel
vibrant à la conversion. L’écologisme intégral dont parle François se déploie
dans toutes les directions : économique, politique, religieuse. Ce texte
s'appuie, entre autre, sur les travaux des conférences épiscopales d’Amérique
latine, qui depuis des années s'élèvent contre l’exploitation des terres et de
leurs habitants.
Construit autour de 6 chapitres, ce texte, au
ton souvent dramatique, se décline comme une vaste fresque d’un monde post
industriel qui a fait de la croissance économique son moteur principal, n’écoutant
ni la clameur des pauvres, ni les gémissements d’une planète à bout de souffle.
Conscient de la complexité des problèmes, le pape François y lance un appel
pressant pour que tous, dirigeants politiques, financiers, économiques, et
simples citoyens dialoguent, agissent et… changent de vie.
Chapitre 1 : ce qui se passe dans notre maison
Pollution, culture du déchet, réchauffement
climatique, déforestation, extinction des espèces, problème de l’eau, dans ce
premier chapitre le pape revient longuement sur la dégradation de notre
environnement, qui va de pair avec la dégradation sociale. Car, rappelle François,
nous ne pouvons aujourd'hui parler d’environnement sans écouter la clameur de
la terre et la clameur des pauvres, exposés à toutes sortes de trafics et à la
perte d’identité. "Ces situations provoquent les gémissements de sœur
terre qui se joignent aux gémissements des abandonnés du monde" :
situations insoutenables, qui peuvent conduire à de nouvelles guerres. Bien sûr,
avance le pape, l’espérance chrétienne invite à reconnaître qu’il y a toujours
une porte de sortie, mais reprend-il avec un ton presque douloureux,
reconnaissons que "l’actuel système mondial est insoutenable" et que
"la croissance n’a pas eu de retentissement sur la vie quotidienne de
certaines populations marginalisées".
Chapitre 2 : l'Evangile de la création
Après un premier chapitre au scénario
catastrophe, le second revient longuement, et souvent de façon lyrique, sur les
textes bibliques dont la sagesse a traversé les siècles et qui peuvent encore
nous parler. Oui, nous avons été créés, par amour, par un père créateur et
unique maître du monde, attaché à la plus petite et insignifiante de ses créatures.
Ce créateur nous a confié un monde fragile, interpellant notre esprit pour
"reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre
intelligence. « Ce monde, qui a encore besoin de développement, nous est
confié et nous marchons avec lui vers la plénitude de Dieu "où le Christ
ressuscite embrasse et illumine tout". Ce chapitre, où Teilhard de Chardin
est cité, a des accents très franciscains. Le pape évoque "l’univers matériel
qui est un langage de l’amour de Dieu, de sa tendresse démesurée pour nous. Le
sol, l’eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu". Comment, se demande
alors François, "être écologiste sans avoir un amour sincère pour
tous les êtres humains ?" Tout est lié et comme êtres humains, nous sommes
tous unis comme des frères et des sœurs, "dans un merveilleux pèlerinage,
entrelacés par l'amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous
unit aussi avec une tendre affection à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière,
et à la mère terre".
Chapitre 3 : la racine humaine et la crise écologique
Dans ce chapitre qui tranche avec la douceur et
la tendresse du précédent, le pape revient sur le paradigme technocratique
dominant et la place de l’être humain et de son action dans le monde.
Ne reniant pas le "merveilleux" de
l’activité humaine et la créativité de tous ceux qui ont permis les progrès de
l’humanité, le pape revient longuement sur cette technique qui donne à l’homme
"un terrible pouvoir". Hier l'homme accompagnait la nature,
aujourd'hui, il l’écrase. "Voilà pourquoi l’être humain et les choses ont
cessé de se tendre amicalement la main". On presse les biens de la planète
au-delà des limites. Cette logique de domination de la technique étend son
emprise sur le politique et l’économie sans prêter attention aux conséquences négatives
sur l’environnement. Et le pape de fustiger la théorie "bien installée
selon laquelle la croissance des marchés est une solution aux problèmes de la
misère".
C’est ici que le pape revient sur la présentation
inadéquate à ses yeux d’une anthropologie chrétienne qui conduit à
soutenir que l’homme doit dominer la nature : "un rêve prométhéen de
domination sur le monde qui a donné l’impression que la sauvegarde de la
nature est pour les faibles". L’homme, nous dit le pape, n'est
pas "le seigneur de l’univers, il en est l’administrateur
responsable".
Dans ce chapitre, François revient sur cette
conception qui lui est chère et que l’on retrouve souvent dans ce texte
: tout est lié. Et la crise écologique est une manifestation de la crise
culturelle éthique et spirituelle de la modernité.
Ce pouvoir de l’homme sur la nature, souvent dénoncé
par le pape, a pour lui des conséquences désastreuses sur un style de vie qu’il
qualifie de "dévié" c'est-à-dire en proie au "relativisme
pratique" qui fait qu'on ferme les yeux sur l’exploitation des enfants, la
traite d’êtres humains, la criminalité organisée, le narco-trafic, le commerce
d'animaux en voie d’extinction... tout cela donne une culture corrompue, une
logique du "utilise et jette" qui engendre tant de désastres.
Et de terminer sur cette crise
socio-environnementale qui requiert "une approche intégrale pour combattre
la pauvreté, rendre la dignité aux exclus et simultanément, préserver la
nature" car, encore une fois, tout est lié...
Chapitre 4 : une écologie intégrale
Voici une expression chère au pape, sur laquelle
il revint longuement dans ce chapitre, dans lequel il s’adresse plus précisément
aux organisations politiques. Peut-on espérer que la législation et les normes
relatives à l’environnement soient bien efficaces ? Pouvons-nous être sûrs que
certains pays ne violent pas systématiquement les lois existantes ? Comment
prendre en compte la construction de nouvelles villes, comment respecter les
cultures locales, préserver les richesses des peuples ? Nous courons vers
l’homogénéisation si préjudiciable à l’harmonie des cultures. Et le pape de
s’alarmer contre les grands mégapoles, bruyantes, polluées, dont les habitants
les plus pauvres s’entassent dans des quartiers insalubres. Nous avons besoin
du beau, ne cesse de dire François, nous avons besoin de nous sentir à la
maison, besoin de nous sentir en harmonie avec notre loi morale inscrite au
fond de nous. C’est cela aussi qui fonde notre dignité. Allons-nous alors
changer de style de vie ? Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? C'est
avec des mots très forts et presque désespérés que François conclut ce
chapitre. "L’homme et la femme post modernes courent le risque
permanent de devenir profondément individualistes, et beaucoup de problèmes
sociaux sont liés à la vision égoïste actuelle axée sur l’immédiateté, aux
crises des liens familiaux et sociaux, aux difficultés de la reconnaissance de
l’identité".
Chapitre 5 : quelques lignes d’orientation et
d’action
Dans ce chapitre, le pape donne des conseils qui
permettraient de sortir de cette spirale d’autodestruction dans laquelle nous
nous sommes engagés. C’est un chapitre très politique dans lequel il
invite les gouvernants à plus de transparence et de souci du bien commun.
Il revient longuement sur les efforts du
mouvement écologique mondial et les sommets mondiaux de ces dernières années.
Il se félicite des avancées dans certaines stratégies écologiques et dans
l'imposition de mesures adéquates. Mais il déplore un affaiblissement des États
nationaux du fait de la finance et de l’économie qui a pris le pas sur la
politique.
C’est avec force qu'il invite à un travail honnête
et transparent pour que les besoins particuliers ne prennent pas le pas sur le
bien commun. Et de prôner "une certaine décroissance dans quelques parties
du monde mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en
d'autres parties".
Chapitre 6 Éducation et spiritualité écologique
L’humanité doit changer et prendre un nouveau départ.
C’est là la conclusion du pape. Et de donner des pistes pour un nouveau style
de vie. Responsabilité des consommateurs, éducation à de nouveaux
comportements, susciter une culture de vie au sein même de nos familles, éveiller
au beau. François réveille nos consciences et appelle aussi l’Église à plus
d’austérité responsable. Ce chapitre est l’occasion de tracer les lignes
"d’une spiritualité de la sobriété, de la capacité à jouir de peu" et
du retour à la simplicité. Il cite longuement et à plusieurs reprises sainte Thérèse
et sa petite voie de l’amour, ainsi que Jean de la Croix qui enseigne qu’on ne
peut rien admirer sans admirer la grandeur de Dieu. C’est ainsi que le pape
appelle tous les hommes à œuvrer pour le bien de la terre, là où ils trouvent.
Ce travail et cette attention sont pour lui un chemin de vie spirituelle et
d’avancée vers Dieu.
Publication Claude Tricoire
Bibliothèque diocésaine - Aix-en-Provence
Publication Claude Tricoire
Bibliothèque diocésaine - Aix-en-Provence
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