Livre du mois : Job, d’Adrienne von Speyr
La traduction de l'une des meilleures oeuvres d'Adrienne von Speyr est enfin disponible en français : le commentaire du livre de Job.
"Sans le livre de Job, il y aurait bien des choses de la Nouvelle Alliance auxquelles nous ne prêterions nullement attention ". Les éditions Johannes Verlag offrent pour la première fois au public francophone ce que le théologien Hans Urs von Balthasar reconnaît comme "l’une des meilleures œuvres" du médecin de Bâle. Pour nous lecteurs, ce livre est une profonde méditation sur le sens divin de la souffrance et de l’épreuve, et son auteur nous apparaît comme un authentique maître de compassion. À lire et à méditer…
Van Gogh, Treurende oude man (Vieil homme dans la douleur) (1882)
L’histoire de Job, tout le monde la connaît. Le démon met en doute la foi de cet homme que Dieu a visiblement béni, et obtient de le mettre à l’épreuve. Il lui fait perdre tous ses biens, fait mourir ses dix enfants, et finalement le frappe d’un "ulcère malin depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête " (Jb 2,7). Commence alors pour Job, une série de rencontres censées l’aider pour affronter cette épreuve accablante et que rien n’explique à vue humaine.
La justice comptable
La femme de Job, pour commencer, l’enjoint à maudire Dieu, et à mourir ! (Jb 2, 9) Adrienne von Speyr constate alors qu’en cette scène se retrouve la trinité des origines : la femme, qui entre ici de façon inouïe dans les vues du démon, l’homme et le démon lui-même (p. 17*). Puis, viennent les trois amis de Job. Chacun d’eux essaye d’éclairer Job de son avis, mais cela ne provoque qu’une plus grande solitude de l’intéressé. C’est que, comme le souligne Adrienne, les amis ne parviennent jamais vraiment à quitter le plan d’une justice comptable, et d’un certain rapport entre l’épreuve et le péché qui en serait la cause. Il leur manque la communion des saints pour véritablement prendre part à ce qui se passe sous leurs yeux. Et ils ne peuvent pas imaginer que lorsque Dieu éprouve son ami, il cherche aussi à se donner à lui à travers et dans cette épreuve. La solution au problème de Job ne peut se trouver dans l’Ancienne Alliance, mais " au-delà " (p. 62).
Plus rien à faire sinon crier
Pour Adrienne von Speyr, l’absence de recours et l’incompréhensibilité de l’épreuve mettent Job dans une situation de déréliction très proche de ce que le Christ vivra sur la Croix. Il n’a plus rien d’autre à faire que de crier sa douleur et sa solitude. Et ce cri fait sortir le Fils lui-même tel que le Père l’enverra (p. 81). Alors seulement, le cri de Job trouvera sa réponse. "Là, ce sera devenu réel : par la grâce du Fils souffrant, à laquelle le pécheur en appelle, le jugement tombera en faveur de l’homme. Cette souffrance sera mise dans la main de l’homme comme une arme qui arrachera à Dieu sa justice." (p. 102)
Ici apparaît la figure de ceux qui, à la suite du Christ, recevront de Dieu leur part de souffrance et de fécondité mystérieuses. Pour peu que l’accompagnement de l’Eglise ne leur manque pas. Car, "même dans l’Eglise, les missions de souffrances peuvent échouer, faire fausse route, parce que mal dirigées. Alors, les souffrants souffrent en eux-mêmes et se mettent au centre au lieu de s’ouvrir à la communion des saints." (p. 110)
La distance infinie et l'union
Avec une simplicité déconcertante, et en ne s’éloignant jamais du texte lui-même, Adrienne von Speyr voit en Job un précurseur au même titre que Jean le Baptiste. "Avec l’épreuve de Job, nous dit-elle, Dieu a déblayé la voie du Christ, la voie de la Passion, il a donné pour la première fois un sens à la souffrance et même au partage de la souffrance avant même que le Fils ait souffert." (p. 185)
" Peut-être, se demande-t-elle avec ingénuité, Dieu le Père, dans toute cette épreuve, parle-t-il davantage avec le Fils qu’avec Job. Peut-être montre-t-il au Fils comment la compréhension de Dieu a grandi par la souffrance et lui révèle-t-il dans un certain sens le profit de la Passion à venir. " (p. 185)
Ainsi la souffrance a-t-elle été en quelque sorte nécessaire et voulue par Dieu pour ouvrir à Job des horizons tout à fait inimaginables. La justice de Job ne pouvait suffire, il fallait aussi que Dieu lui parle par la souffrance (p. 157) et, par-là, se donne à lui de nouveau. Dans cette situation qui le dépasse totalement, et devant la grandeur de Dieu, Job confesse la distance infinie qui le sépare du Père.
Pour Adrienne von Speyr, cette Passion de Job ouvre la voie à ceux qui, à la suite du Christ, répondent à l’appel du Père pour s’offrir en expiation pour la multitude, et pour mieux comprendre le Père.
"Et de le voir, là où, auparavant, ils ne le connaissaient que par ouï-dire. " (p. 185)
* Pour toutes les citations non bibliques, cf. Adrienne von Speyr, Job, Johannes Verlag, Einsiedeln, 1972, Association Saint-Jean, Paris, 2014.
Publication : Claude Tricoire
Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
La traduction de l'une des meilleures oeuvres d'Adrienne von Speyr est enfin disponible en français : le commentaire du livre de Job.
"Sans le livre de Job, il y aurait bien des choses de la Nouvelle Alliance auxquelles nous ne prêterions nullement attention ". Les éditions Johannes Verlag offrent pour la première fois au public francophone ce que le théologien Hans Urs von Balthasar reconnaît comme "l’une des meilleures œuvres" du médecin de Bâle. Pour nous lecteurs, ce livre est une profonde méditation sur le sens divin de la souffrance et de l’épreuve, et son auteur nous apparaît comme un authentique maître de compassion. À lire et à méditer…
Van Gogh, Treurende oude man (Vieil homme dans la douleur) (1882)
L’histoire de Job, tout le monde la connaît. Le démon met en doute la foi de cet homme que Dieu a visiblement béni, et obtient de le mettre à l’épreuve. Il lui fait perdre tous ses biens, fait mourir ses dix enfants, et finalement le frappe d’un "ulcère malin depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête " (Jb 2,7). Commence alors pour Job, une série de rencontres censées l’aider pour affronter cette épreuve accablante et que rien n’explique à vue humaine.
La justice comptable
La femme de Job, pour commencer, l’enjoint à maudire Dieu, et à mourir ! (Jb 2, 9) Adrienne von Speyr constate alors qu’en cette scène se retrouve la trinité des origines : la femme, qui entre ici de façon inouïe dans les vues du démon, l’homme et le démon lui-même (p. 17*). Puis, viennent les trois amis de Job. Chacun d’eux essaye d’éclairer Job de son avis, mais cela ne provoque qu’une plus grande solitude de l’intéressé. C’est que, comme le souligne Adrienne, les amis ne parviennent jamais vraiment à quitter le plan d’une justice comptable, et d’un certain rapport entre l’épreuve et le péché qui en serait la cause. Il leur manque la communion des saints pour véritablement prendre part à ce qui se passe sous leurs yeux. Et ils ne peuvent pas imaginer que lorsque Dieu éprouve son ami, il cherche aussi à se donner à lui à travers et dans cette épreuve. La solution au problème de Job ne peut se trouver dans l’Ancienne Alliance, mais " au-delà " (p. 62).
Plus rien à faire sinon crier
Pour Adrienne von Speyr, l’absence de recours et l’incompréhensibilité de l’épreuve mettent Job dans une situation de déréliction très proche de ce que le Christ vivra sur la Croix. Il n’a plus rien d’autre à faire que de crier sa douleur et sa solitude. Et ce cri fait sortir le Fils lui-même tel que le Père l’enverra (p. 81). Alors seulement, le cri de Job trouvera sa réponse. "Là, ce sera devenu réel : par la grâce du Fils souffrant, à laquelle le pécheur en appelle, le jugement tombera en faveur de l’homme. Cette souffrance sera mise dans la main de l’homme comme une arme qui arrachera à Dieu sa justice." (p. 102)
Ici apparaît la figure de ceux qui, à la suite du Christ, recevront de Dieu leur part de souffrance et de fécondité mystérieuses. Pour peu que l’accompagnement de l’Eglise ne leur manque pas. Car, "même dans l’Eglise, les missions de souffrances peuvent échouer, faire fausse route, parce que mal dirigées. Alors, les souffrants souffrent en eux-mêmes et se mettent au centre au lieu de s’ouvrir à la communion des saints." (p. 110)
La distance infinie et l'union
Avec une simplicité déconcertante, et en ne s’éloignant jamais du texte lui-même, Adrienne von Speyr voit en Job un précurseur au même titre que Jean le Baptiste. "Avec l’épreuve de Job, nous dit-elle, Dieu a déblayé la voie du Christ, la voie de la Passion, il a donné pour la première fois un sens à la souffrance et même au partage de la souffrance avant même que le Fils ait souffert." (p. 185)
" Peut-être, se demande-t-elle avec ingénuité, Dieu le Père, dans toute cette épreuve, parle-t-il davantage avec le Fils qu’avec Job. Peut-être montre-t-il au Fils comment la compréhension de Dieu a grandi par la souffrance et lui révèle-t-il dans un certain sens le profit de la Passion à venir. " (p. 185)
Ainsi la souffrance a-t-elle été en quelque sorte nécessaire et voulue par Dieu pour ouvrir à Job des horizons tout à fait inimaginables. La justice de Job ne pouvait suffire, il fallait aussi que Dieu lui parle par la souffrance (p. 157) et, par-là, se donne à lui de nouveau. Dans cette situation qui le dépasse totalement, et devant la grandeur de Dieu, Job confesse la distance infinie qui le sépare du Père.
Pour Adrienne von Speyr, cette Passion de Job ouvre la voie à ceux qui, à la suite du Christ, répondent à l’appel du Père pour s’offrir en expiation pour la multitude, et pour mieux comprendre le Père.
"Et de le voir, là où, auparavant, ils ne le connaissaient que par ouï-dire. " (p. 185)
* Pour toutes les citations non bibliques, cf. Adrienne von Speyr, Job, Johannes Verlag, Einsiedeln, 1972, Association Saint-Jean, Paris, 2014.
Publication : Claude Tricoire
Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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