Le
miracle grec
In
Philosophie magazine – Hors série numéro 30
Eté
2016.
"Le
« miracle grec » désigne cette extraordinaire floraison au cours de laquelle
des grecs ont inventé… tout ou presque ce qui fonde notre monde : le droit, la
monnaie, la démocratie, la philosophie, l’histoire, la science, le théâtre...
Ce que Paul Veyne baptise « la première grande civilisation mondiale ». Voyage
aux origines de la pensée critique.
"La
formule naît sous la plume du philosophe Ernest Renan dans sa Prière sur l’Acropole où il exprime son émotion devant ce « lieu où la perfection existe ».
Mais a-t-elle un sens ? Non ? ont répondu Jean-Pierre Vernant et
ses successeurs. « Miracle »
est trop chargé, trop chrétien, trop simpliste ; il suggère un coup de
foudre qui gomme l’histoire et la causalité, le voyage des idées et leur
transformation. Dans sa fulgurante concision, il favorise une tendance fâcheuse
à focaliser le regard sur la seule Grèce, et sur l’acropole d’Athènes en
particulier. Il impose le partage entre
aryen et sémite et ignore les racines qui s’étendent en Egypte et jusqu’à
Babylone. En somme dit Vernant, il
vaudrait mieux parler d’une révolution s’inscrivant dans le temps des hommes et
faisant passer, en gros d’un univers mythico-religieux à celui de la raison ou
de l’intelligence critique. Une révolution de la pensée à travers une curiosité
raisonnée du monde qui s’appelle philosophie et dont Platon et Aristote
soulignent qu’elle se rattache au thaumazein,
la capacité de s’étonner et de s’inquiéter. Pas un miracle peut-être, mais tout
de même un prodige. En latin : miraculum…"
PARTIE
I : comment la raison vint aux grecs
La
pensée rationnelle a un état-civil, écrit Jean Pierre Vernant, on connaît sa
date et son lieu de naissance […] au VIe siècle dans les cités grecques
d’Asie Mineure ». Comment est-on passé du monde archaïque des palais
à celui des cités démocratiques et des explications mythologiques du monde à la
pensée scientifique et philosophique ? Cédric Villani, Michel Serres, Luc
Ferry, donnent des raisons à ce miracle.
PARTIE
II : petites disputes entre sages
La
philosophie grandit dans des cités qui favorisent la gymnastique. Lutte des
corps, lutte des esprits : comment façonne-t-on l’esprit d’un homme ?
Comment l’entraîner pour qu’il pense juste et bien ? Le vocabulaire
de la palestre devient celui de la philosophie, exprimant ainsi que l’éducation
véritable passe par l’affrontement. Voyage au pays de la lutte dialectique où
certains cherchent, explique Barbara Cassin, « à dire ce qui est » et
d’autres à « faire être ce qui est dit ».
PARTIE
III : un monde de cités
De
toutes les inventions liées à la cité, celle de l’agora est probablement la
plus emblématique du nouveau rapport au monde inventé par les Grecs : en
délimitant, au cœur de la ville, un espace vide réservé aux assemblées de
citoyens, ils plaçaient de fait le logos au centre de leur cosmos.
Un logos d’où étaient exclus les femmes, les étrangers et les
esclaves : d’où la question, remarque l’historien Paulin Ismard, du
« lien entre l’institution esclavagiste et la démocratie ».
PARTIE
IV : pourquoi cela nous touche
Que
l’héritage grec n’en finisse pas d’être revendiqué, au fil des siècles, atteste
mieux qu’un long discours de l’extraordinaire corne d’abondance qu’il n’a
jamais cessé de représenter jusqu’à aujourd’hui. Fleuve se déversant dans
l’imaginaire européen en s’y créant à chaque fois des méandres nouveaux entre
fantasme et réalité, le mythe de la Grèce blanche en tête : « le Beau
grec est tout sauf blanc ! » assure l’historien Philippe
Jockey.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire