HENRI TINCQ (1945-2020)
Mort de Henri
Tincq, grande plume de l’information religieuse
Ancien journaliste à « La
Croix » puis au « Monde » où il a tenu la rubrique religions de
1985 à 2008, le journaliste Henri Tincq, 74 ans, est mort dimanche soir
29 mars, emporté par le coronavirus.
Rédacteur en chef adjoint de « La Croix » en 1981, il sera brièvement chef du service d’information religieuse en
1983 avant de rejoindre « Le Monde » deux ans plus tard.CATH.CH
Nous sommes fin mai 2001, en Ukraine,
quelques semaines avant le voyage de Jean-Paul II sur cette terre orthodoxe et
ex-soviétique. À la tête d’un petit groupe de journalistes français, Henri
Tincq nous emmène de monastères en cathédrales, de séminaires en universités, à
la découverte des subtilités du christianisme ukrainien.
Inlassablement, il titille nos interlocuteurs
par ses questions, nous éclaire de ses explications, nous fait rire par ses
anecdotes, nous exaspère aussi, parfois, par ses susceptibilités. Car tel était
Henri Tincq, emporté dimanche soir 29 mars à l’âge de 74 ans par le coronavirus
: un journaliste précis et à la plume alerte, aussi agaçant que bon camarade.
Racines ch’tis
C’est à La Croix que cet
enfant du bassin minier, né le 2 novembre 1945 à Fouquières-lez-Lens
(Pas-de-Calais), avait fait ses premières armes dans la presse nationale. Licencié
en lettres modernes, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de
l’École de journalisme de Lille, il y arrive en 1972 au service économique et
social avant de devenir chef du service politique en 1977.
Rédacteur en chef adjoint en 1981, il sera
brièvement chef du service d’information religieuse en 1983 avant de
rejoindre Le Monde deux ans plus tard. « Il avait
répondu aux sirènes du Monde, presque en s’excusant de quitter La
Croix où il n’avait que des amis », raconte Dominique Gerbaud.
Ancien rédacteur en chef de La Croix, il a longtemps côtoyé «
Riton » qui, rappelle-t-il, « n’a jamais rompu avec ses origines », notamment
ses racines ch’tis, restant toujours un grand supporter du RC Lens.
Admiration pour Jean-Marie Lustiger
Sous son égide, la rubrique religion
du Monde, où il succède à Henri Fesquet qui l’avait créée en 1948,
prend vite un « s » final, signe d’une attention plus grande aux autres
confessions, même si l’évolution du catholicisme sous Jean-Paul II reste sa
grande passion. Ses articles sont redoutés et font autant réagir les lecteurs
que les plus hauts responsables.
« Intransigeant avec son Église catholique
il a pu déranger quelques notables, résume
Dominique Gerbaud. Henri Tincq admirait Mgr Jean-Marie Lustiger dont il était
proche et auquel il a consacré une biographie Le Cardinal
prophète. Il avait été séduit par le parcours de ce
converti, par ses analyses, son autorité et surtout par les intuitions du
cardinal. »
Au Monde, Henri Tincq voit
aussi évoluer l’approche des religions par une société de plus en plus
sécularisée. « La religion institutionnelle, les querelles internes
n’intéressent plus les lecteurs, expliquera-t-il en 2008 au
médiateur. Nous nous efforçons d’observer le fait religieux dans toutes
ses dimensions, historiques, éthiques et culturelles. Il ne s’agit pas d’être
pour ou contre mais de respecter, de rendre compte, d’organiser le débat et de
laisser le lecteur se faire une opinion. »
Travailleur infatigable
S’il prend sa retraite en 2008, Henri
Tincq n’en lâche pas pour autant la plume (1) ni la passion du journalisme.
Travailleur infatigable, il collabore au média en ligne Slate.fr et ne cesse
d’écrire des livres où il se montre toujours un observateur soucieux, et
parfois nostalgique, d’un catholicisme dont il
regrettait encore récemment une dérive droitière voire identitaire.
Malgré des problèmes de rein qui l’ont
toujours handicapé, nécessitant de planifier des dialyses partout où il allait,
il ne cesse pas non plus de voyager. Comme ce jour où, à Moscou, un coup de fil
de l’hôpital lui annonce la disponibilité d’un rein tant attendu. Un avion et
un épique Paris-Poitiers en taxi plus tard, il changeait de vie.
Fidèle en amitié et droit
Les greffes n’ont toutefois qu’un temps,
et la maladie rénale qui a emporté tant des membres de sa famille avait
rattrapé le journaliste qui, depuis quelques mois, devait à nouveau se faire
régulièrement dialyser. Affaibli, Henri Tincq n’a pas pu résister au
coronavirus, accompagné néanmoins par l’équipe soignante de l’hôpital de
Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) qui, malgré l’épidémie, a fait preuve
jusqu’au bout d’une grande humanité, selon sa famille.
« Henri était un gars bien, fidèle en
amitié, droit, engagé dans sa paroisse de Saint-Maur, résume Dominique Gerbaud. Il avait tout de
même un défaut. Il était maladroit à l’aile droite lorsqu’il jouait dans
l’équipe de football de Bayard Presse, mais on le lui pardonnait. Parce qu’on
l’aimait beaucoup, notre Riton. »
Étant donné les circonstances sanitaires,
seule une cérémonie dans la stricte intimité devrait avoir lieu. Un hommage
ultérieur plus large devrait lui être rendu dans sa paroisse de Saint-Maur
(Val-de-Marne).
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BIBLIOGRAPHIE : BIBLIOTHEQUE DU DIOCESE D’AIX ET
ARLES
TINCQ, Henri. – L’Eglise pour la démocratie. – Paris,
Le Centurion, 1992. 222 pages.
TINCQ, Henri – Dieu en France : mort et
résurrection du Catholicisme. – Paris, Calmann-Lévy, 2003. 301 pages.
TINCQ, Henri. – Ces papes qui ont ait l’histoire ;
de la Révolution à Benoît XVI. – Paris, Stock, 2006. 339 pages.
TINCQ, Henri. – Les catholiques : qui
sont-ils ? Comment sont-ils gouvernés ? Quelle est leur
histoire ? A quoi croient-ils ? Pourquoi leur morale est-elle
contestée ? A quels rites obéissent-ils ? Quelle est leur place dans
le monde ? – Paris, Grasset, 2008. 460 pages.
TINCQ, Henri. –Jean-Marie Lustiger : le cardinal
prophète. – Paris, Grasset, 2012. 362 pages.
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