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jeudi 5 juin 2014
UNE HISTOIRE D'AIX-EN-PROVENCE PENDANT LA REVOLUTION FRANÇAISE
Enfoui à la Méjanes, dans le fonds patrimonial de cette prestigieuse
bibliothèque aixoise, ce journal de Roux Alphéran, méritait assurément qu’on le
tire de l’oubli dans lequel il était tombé. Réunies en un ouvrage austère, à la
couverture jaunâtre, ces pages manuscrites furent écrites au jour le jour, à
Aix, de 1795 à 1797, par un jeune homme d’à peine dix-neuf ans.
Il nous conte ainsi par le détail, la vie terrifiante qui était alors celles
des habitants de notre ville et de ses alentours, en ces temps révolutionnaires.
Passionnant à plus d’un titre, ce livre nous fait la saveur inégalable de ce
passé où il ne faisait pas bon se dire républicain comme royaliste. Tour à
tour, soumis au uns ou au autres, notre malheureuse cité, vidée d’abord de ses
nobles, se vidait aussi de son sang, par les assassinats et exécutions
sommaires malgré les appels au calme de ses édiles. Il fallait avoir le coeur
bien accroché pour vivre au milieu de ces troubles, parmi une population qui
n’espérait plus rien, sinon la fin de ces atrocités continuelles. L’auteur
d’ailleurs prenait grand risque sans doute, à coucher ainsi sur papier tout ce
qui se passait en Aix. Mais où aller ? Que faire d’autre que d’être ce témoin
privilégié, journaliste reporter avant l’heure, chroniqueur d’un désastre
national dont on ne voyait encore pas la fin. En fin observateur et malgré tous
les dangers, notre jeune bourgeois s’enquiert de tout, écoute ce qui se dit
dans les cafés et les tavernes, se fait l’écho parfois de rumeurs les plus
folles, comme il sait lire aussi les journaux arrivant de Paris par la
malle-poste… quand celle-ci n’est pas dévalisée en chemin! C’est que la
capitale tenait toujours le pays d’une main de fer. Le Directoire était alors
la plus grande instance révolutionnaire et seule la distance atténuait ses
dictats. La campagne d’Italie battait son plein et l’on était suspendu à ses
victoires qui scellait le destin de la France. Un nom revient peu à peu
d’ailleurs dans ces notes : celui d’un certain buonaparte…patronyme que nous lisons
non sans sourire, nous qui connaissons la destinée du héros du pont d’Arcole !
Mais la lecture de notre ouvrage n’est pas seulement d’un intérêt historique.
On y « sent » aussi la vie quotidienne des aixois et l’on partage ainsi leurs
angoisses journalières à la montée des prix du pain et des autres denrées. On
peut aussi ressentir une certaine nostalgie à l’évocation des cercles et de
certains cafés dont quelques uns subsistent encore aujourd’hui sous d’autres
noms. La vie malgré tout continuait et à la saison d’été, si l’on ne nous parle
pas du chant des cigales, couvert sans doute par certains chants
révolutionnaires ou royalistes, on a la surprise au coin d’une page, de savoir
que certains jeunes gens s’étaient mis à jouer la sérénade, sous les fenêtres
d’une belle. De même d’être au courant d’un bal près de la place Albertas
malencontreusement interrompu par des pandores… Il y aurait aussi beaucoup à
rire – si les conséquences de telles parures vestimentaires n’étaient point
aussi tragiques – de voir Gravure autorisation Bibliothèque Nationale ainsi
avec quelle effronterie certains n’hésitent pas à afficher leur conviction
idéologique, s’affublant d’un ruban blanc ou se coiffant en oreille de chien
pour les royalistes, d’un bouquet de thym à leur chapeau, pour les républicains
! La vie donc, la vie seulement pourrait-on dire malgré les épreuves, les
peines et les angoisses qui touchaient jusqu’à nos campagnes, teintées de sang.
On lance un aérostat à l’occasion d’une fête et voilà qu’il s’élève pour s’en
aller tomber sur le flanc de la montagne Sainte- Victoire ! Mais pour cet
épisode ludique, combien de coups de main tragiques, d’expéditions punitives
qui se soldent, soit par la mort d’un paysan, soit par la blessure d’un soldat,
soit le pillage d’une ferme ? On reste pantois de fait, devant tant de
violence, d’intolérance, de trahison qui s’étalent tout au long de ces pages.
On en est troublé d’autant plus que le cadre de ces faits sanglants n’a pas
beaucoup changé. Le Cours (Mirabeau) est là, la maison commune, la caserne, les
rues de notre vieille ville comme ses multiples églises destinées au fourrage
et qui au gré des jours, revoient peu à peu leurs portes s’ouvrir comme leurs
officiants reprendre leur service.
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