Dieu veut-il la souffrance des hommes ? Du mystère à la contemplation
Père Robert Augé, osb
Paris, Artèg/Lethielleux, 2020. 963 pages.
Présentation
de l’éditeur
Si la
souffrance humaine appelle avant tout le chrétien à la compassion et à
l'engagement, elle n'en exige pas moins un effort de réflexion de la
part du théologien. En effet, la manière dont nous concevons l'origine et
la fin de la présence du mal dans notre monde conditionne notre vision de
Dieu et de son dessein d'amour sur l'humanité. Il y a ici un véritable
défi pour l'intelligence de la foi, défi que cet ouvrage s'attache à
relever.
On ne
saurait, certes, présenter une solution rationnelle et suffisante à ce qui
demeure le secret de Dieu. Cependant, un esprit en recherche ne peut
esquiver des questions brûlantes : comment concilier amour divin et permission
du mal ? Dieu est-il affecté par notre souffrance ? La passion du Christ
était-elle nécessaire à notre salut ? Sans tomber dans une apologétique facile,
l'auteur apporte des réponses claires et argumentées, offrant au lecteur
une vaste synthèse inspirée par l'enseignement de saint Thomas d'Aquin.
Cette
étude magistrale nous invite non seulement à une réflexion renouvelée sur
le drame de la souffrance, mais encore à la contemplation du visage d'un
Dieu innocent et miséricordieux, un Dieu qui a daigné prendre sur lui la
peine des hommes afin d'en faire un instrument de salut.
Le
Père Robert Augé, né en 1977, est moine de l'abbaye
Sainte-Madeleine du Barroux et docteur en théologie (Institut
Saint-Thomas-d'Aquin). Il a déjà publié Connaître Dieu par expérience (Artège-Lethielleux,
2016).
Préface
du cardinal Robert Sarah
Une présentation du livre par son auteur
Dieu veut-il la souffrance des hommes ?
Voilà un livre qui tombe à pic (1) en pleine
pandémie du Covid-19 ! Fruit d’une thèse de doctorat en théologie, ce livre du
Père Robert Augé, moine de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, représente un
travail assez exhaustif sur le sujet et d’une grande clarté. Une référence.
La Nef – Mon Père, pourriez-vous nous présenter
brièvement votre livre ?
Père Robert –
Il s’agit de la publication d’une thèse de doctorat en théologie, soutenue à l’Institut Saint-Thomas-d’Aquin de Toulouse en septembre 2018, et consacrée à la place de la souffrance humaine dans le dessein divin. Mon champ de recherche s’étend principalement à l’œuvre de saint Thomas, mais je me suis efforcé de mettre sa pensée en dialogue avec les préoccupations de nos contemporains.
Père Robert –
Il s’agit de la publication d’une thèse de doctorat en théologie, soutenue à l’Institut Saint-Thomas-d’Aquin de Toulouse en septembre 2018, et consacrée à la place de la souffrance humaine dans le dessein divin. Mon champ de recherche s’étend principalement à l’œuvre de saint Thomas, mais je me suis efforcé de mettre sa pensée en dialogue avec les préoccupations de nos contemporains.
Pourquoi avoir choisi un auteur du XIIIè siècle
alors que notre connaissance de la souffrance a largement évolué ?
Assurément la question de la souffrance a suscité à l’époque contemporaine de nombreuses contributions de valeur, tant dans le domaine de la recherche médicale qu’au plan de la psychologie et de la philosophie. La théologie n’est pas en reste, mais force est de constater que les idées à la mode bousculent des certitudes jadis communément admises et jusqu’aux fondements mêmes de notre foi ; il n’est que de mentionner la toute-puissance de Dieu, le dogme du péché originel ou la valeur rédemptrice de la Passion. L’enseignement de Thomas d’Aquin demeure une référence par son enracinement dans l’Écriture, sa cohérence et son équilibre – j’ajouterais volontiers : et par son ouverture contemplative sur le mystère de Dieu et de son dessein d’amour pour l’humanité.
Assurément la question de la souffrance a suscité à l’époque contemporaine de nombreuses contributions de valeur, tant dans le domaine de la recherche médicale qu’au plan de la psychologie et de la philosophie. La théologie n’est pas en reste, mais force est de constater que les idées à la mode bousculent des certitudes jadis communément admises et jusqu’aux fondements mêmes de notre foi ; il n’est que de mentionner la toute-puissance de Dieu, le dogme du péché originel ou la valeur rédemptrice de la Passion. L’enseignement de Thomas d’Aquin demeure une référence par son enracinement dans l’Écriture, sa cohérence et son équilibre – j’ajouterais volontiers : et par son ouverture contemplative sur le mystère de Dieu et de son dessein d’amour pour l’humanité.
Précisément, c’est ce thème du dessein divin qui
sert de fil conducteur à votre réflexion…
En effet, car si le métaphysicien peut apporter une réponse rationnelle à la question de l’existence du mal, c’est à la lumière du dessein divin que le théologien doit rendre compte de la présence et du sens de la souffrance. Celle-ci n’était nullement dans l’intention première de Dieu sur l’humanité. C’est le péché, aucunement voulu mais seulement permis par Dieu, qui a eu pour conséquence d’introduire cette réalité tragique (1re partie). Toutefois, la souffrance se trouve réintégrée par la providence divine pour tourner au bien de l’homme (2e partie). Cette réordination atteint son sommet avec la Passion de Jésus, sacrifice offert pour le salut du monde (3e partie). Désormais, la souffrance est pour tout homme une occasion d’être conformé au Christ, et de participer avec lui et en lui à l’œuvre de la Rédemption (4e partie).
En effet, car si le métaphysicien peut apporter une réponse rationnelle à la question de l’existence du mal, c’est à la lumière du dessein divin que le théologien doit rendre compte de la présence et du sens de la souffrance. Celle-ci n’était nullement dans l’intention première de Dieu sur l’humanité. C’est le péché, aucunement voulu mais seulement permis par Dieu, qui a eu pour conséquence d’introduire cette réalité tragique (1re partie). Toutefois, la souffrance se trouve réintégrée par la providence divine pour tourner au bien de l’homme (2e partie). Cette réordination atteint son sommet avec la Passion de Jésus, sacrifice offert pour le salut du monde (3e partie). Désormais, la souffrance est pour tout homme une occasion d’être conformé au Christ, et de participer avec lui et en lui à l’œuvre de la Rédemption (4e partie).
Pourtant, dès la création, Dieu sait que le péché
sera commis et qu’il enverra son Fils mourir sur la croix ?
Assurément, la réalisation effective du péché ne surprend pas Dieu, qui voit de toute éternité tous les actes libres posés par ses créatures. Dieu « pré-voit » le péché dans son éternelle science de vision, et il y répond par l’Incarnation rédemptrice. Néanmoins, il ne « prévoit » pas le péché, au sens où celui-ci ferait partie intégrante de son dessein bienveillant originel. En d’autres termes : Dieu n’a pas permis le mal en vue du remède, mais il a ordonné le remède à la réparation de la faute. Reste que la chute de nos premiers parents – et la souffrance qui en est la conséquence – n’avait rien d’inéluctable : le premier monde, reflet créé de l’innocence divine, était destiné à perdurer. L’homme était alors gratifié de tous les dons nécessaires à sa persévérance dans l’état de justice originelle. Dieu a cependant préféré laisser le mal se produire, sachant qu’il en tirerait un bien : l’économie de la Rédemption. Tel est le sens de la formule liturgique : « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! » (Exsultet).
Assurément, la réalisation effective du péché ne surprend pas Dieu, qui voit de toute éternité tous les actes libres posés par ses créatures. Dieu « pré-voit » le péché dans son éternelle science de vision, et il y répond par l’Incarnation rédemptrice. Néanmoins, il ne « prévoit » pas le péché, au sens où celui-ci ferait partie intégrante de son dessein bienveillant originel. En d’autres termes : Dieu n’a pas permis le mal en vue du remède, mais il a ordonné le remède à la réparation de la faute. Reste que la chute de nos premiers parents – et la souffrance qui en est la conséquence – n’avait rien d’inéluctable : le premier monde, reflet créé de l’innocence divine, était destiné à perdurer. L’homme était alors gratifié de tous les dons nécessaires à sa persévérance dans l’état de justice originelle. Dieu a cependant préféré laisser le mal se produire, sachant qu’il en tirerait un bien : l’économie de la Rédemption. Tel est le sens de la formule liturgique : « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! » (Exsultet).
Faut-il dire que seul le Christ donne un sens et
une valeur à la souffrance ?
Oui, car Jésus a porté le poids du péché. Ce faisant, il a changé le sens de la souffrance : elle n’est plus une peine, mais un instrument de salut et une offrande d’amour. Entendons-nous : la souffrance demeure un mal, et il est de notre devoir de soulager les corps et les âmes. L’Évangile nous présente le Christ guérissant les malades et consolant les affligés. Mais plus encore, Jésus a pris sur lui nos souffrances : « Il les a souffertes avant nous, et il a mis en elles, avec la grâce et la charité, une vertu salvatrice et le germe de la transfiguration » (J. Maritain). Avec saint Paul, tout chrétien a ainsi l’assurance de « compléter en sa chair ce qui manque aux tribulations du Christ » (Col 1, 24) et de prendre part à l’œuvre du salut. De la sorte, ceux qui souffrent en union avec le Sauveur sont un trésor pour l’Église, comme le rappelle le cardinal Sarah dans la remarquable préface qu’il m’a accordée. Car en chacune de nos souffrances se trouvent des semences de rédemption et de résurrection.
Oui, car Jésus a porté le poids du péché. Ce faisant, il a changé le sens de la souffrance : elle n’est plus une peine, mais un instrument de salut et une offrande d’amour. Entendons-nous : la souffrance demeure un mal, et il est de notre devoir de soulager les corps et les âmes. L’Évangile nous présente le Christ guérissant les malades et consolant les affligés. Mais plus encore, Jésus a pris sur lui nos souffrances : « Il les a souffertes avant nous, et il a mis en elles, avec la grâce et la charité, une vertu salvatrice et le germe de la transfiguration » (J. Maritain). Avec saint Paul, tout chrétien a ainsi l’assurance de « compléter en sa chair ce qui manque aux tribulations du Christ » (Col 1, 24) et de prendre part à l’œuvre du salut. De la sorte, ceux qui souffrent en union avec le Sauveur sont un trésor pour l’Église, comme le rappelle le cardinal Sarah dans la remarquable préface qu’il m’a accordée. Car en chacune de nos souffrances se trouvent des semences de rédemption et de résurrection.
Propos recueillis par Christophe Geffroy
(1) Père Robert Augé, osb, Dieu veut-il la
souffrance des hommes ? Du mystère à la contemplation, préface du
cardinal Robert Sarah, Artège/Lethielleux, 2020, 964 pages, 39 €.
Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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