Parole d'Évangile, parole trahie ? 144 raisons de douter
Jean Bescond, éd. Golias, 2016, 230 p., 16 €.
Depuis des années, Jean Bescond, laïc breton, travaille sur la Parole de Dieu, et a publié sa propre traduction: "Le Nouveau Testament en vers et versets" (éd. Golias, 2010), puis "La Bible en vers" (2013), ainsi qu'une histoire des traductions de la Bible: "Ainsi cheminèrent les papyrus de la Bonne Nouvelle" (2011). C'est le fruit de son expérience qu'il développe ici avec, en sous-titre, ses "144 raisons de douter", douter des traductions disponibles, 144 étant un chiffre symbolique (Apoc. 21,17). Passant en revue l'ensemble du Nouveau Testament, l'auteur compare neuf traductions connues, catholiques, protestantes, œcuménique: Bible Bayard, Bible de Jérusalem, Segond (ancienne version et la nouvelle), la traduction œcuménique TOB, en Français courant, et, en anglais, la King James version (et sa nouvelle version), la New International version, ainsi que le texte latin de la Vulgate, et sa propre "Bible en vers". Avec patience et minutie, Jean Bescond relève quatre types de "trahison" du texte original. D'abord, des nuances ignorées: gallicismes, ironie, mot juste, contexte. Puis les contresens dus au mot qui ne convient pas, à la recherche intempestive d'un nouveau vocabulaire, au mauvais exemple, parfois, de la Vulgate, aux erreurs à répétition, aux erreurs grammaticales, les mots-charnières affaiblis,... Et encore les erreurs flagrantes: sens incomplet, mots mal traduits, et non-sens... Enfin les incohérences: inconstances, incohérences répétées, oubli de parallèles dans le même verset, négligence du lien avec le verset précédent, décalage par rapport à l'ensemble du texte considéré.
Une analyse de texte détaillée et précise
Au passage, Jean Bescond pointe les difficultés de vocabulaire, par exemple des affaiblissements de termes: 'envoyé' pour 'apôtre', 'souffle' (Bayard) pour 'Esprit', voire 'réveillé' pour 'ressuscité',... Et le choix d'une minuscule ou d'une majuscule: assemblée ou Assemblée (pour Église), esprit ou Esprit,.. et les enjeux de la ponctuation. Chemin faisant, Jean Bescond justifie les choix qu'il a faits dans sa propre traduction de la Bible, "traduction toujours perfectible", précise-t-il. A la fin, figurent deux utiles Index: des passages bibliques cités (Évangiles, Actes, Épîtres, Apocalypse), et un lexique grec et français. Une telle étude est un véritable guide des traductions bibliques et un "discours sur la méthode" concernant l'art délicat de la traduction. Elle appelle à la vigilance à la fois les traducteurs et les lecteurs. Sur cette base, il est intéressant d'analyser la nouvelle traduction officielle liturgique (2013) d'où sont tirés nos Lectionnaires maintenant en usage. Si l'auteur énumère bien des "manques de clarté, de logique et de cohérence" (p. 223), il se réjouit cependant de ce que ces manques n'altèrent pas le fond sur le plan de l'expression doctrinale de la foi. Il termine par ce souhait intense et priant, évoquant le Christ Exégète auprès des disciples d'Emmaüs: "Puisse le Seigneur nous ouvrir à l'intelligence des Écrits!" (Luc 24,45).
Père Pierre Fournier
responsable de la Formation permanente pour le diocèse de Gap et d'Embrun
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