jeudi 23 mai 2019

Exhortation apostolique du Pape François Christus Vivit






Publication de l'Exhortation apostolique post-synodale "Christus vivit"  

Christus vivit: le Pape offre aux jeunes une «balise sur un chemin synodal»

Six mois après le Synode sur “Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel”, un de ses fruits majeurs est rendu public ce 2 avril: l’Exhortation apostolique post-synodale Christus vivit («Il vit, le Christ»). Un document que le Pape François avait signé le 25 mars dernier, aux pieds de la Vierge Marie, dans le sanctuaire de la Sainte Maison de Lorette. Dans ce texte divisé en neuf chapitres reprenant les principaux sujets abordés lors du Synode, le Saint-Père s’adresse directement aux jeunes, mais aussi «à tout le peuple de Dieu, à ses pasteurs et à ses fidèles, car la réflexion sur les jeunes et pour les jeunes nous interpelle et nous stimule tous».
 Cité du Vatican

«Il vit, le Christ, notre espérance et il est la plus belle jeunesse de ce monde. Tout ce qu’il touche devient jeune, devient nouveau, se remplit de vie. Les premières paroles que je voudrais adresser à chacun des jeunes chrétiens sont donc: Il vit et il te veut vivant !». Ainsi commence le tout premier des 299 paragraphes de cette Exhortation apostolique post-synodale rédigée et signée par le Saint-Père. Le style du document magistériel est déjà perceptible dans ces quelques phrases: direct, vivifiant, plein d’espérance et jalonné par la personne du Christ.

Une exhortation apostolique écrite avec et pour les jeunes
Le Pape lui-même explique sa démarche concernant la rédaction d’un document qu’il qualifie de «balise sur un chemin synodal». Une lettre écrite «avec affection» et en tenant compte des rencontres passées. «Je me suis laissé inspirer par la richesse des réflexions et des échanges du Synode de l’année passée [du 3 au 28 octobre 2018]. [...] Ainsi, ma parole sera chargée de mille voix de croyants du monde entier qui ont fait parvenir leurs opinions au Synode. Même les jeunes non croyants, qui ont voulu y prendre part par leurs réflexions, ont soulevé des questions qui ont suscité en moi de nouvelles interrogations», reconnaît le Souverain Pontife.
Pour le fond, le Pape a voulu un texte «qui rappelle certaines convictions de foi et qui, en même temps, encourage à grandir en sainteté et dans l’engagement de sa propre vocation». Et concernant la forme, soit François s’adresse «directement aux jeunes» - le tutoiement est de mise dans la plupart des paragraphes -, soit il propose «des approches plus générales pour le discernement ecclésial», particulièrement utiles pour les pasteurs et les acteurs de la pastorale des jeunes et des vocations.
Dans le Verbe de Dieu, des trésors de jeunesse
Après un premier chapitre consacré aux figures marquantes de jeunes dans la Bible, le Pape attire l’attention de ses lecteurs sur «Jésus-Christ, toujours jeune», dont les aspects de la vie constitue une inépuisable source d’inspiration. «Cela implique qu’il faut mûrir dans la relation avec le Père, conscient d’être membre de la famille et du peuple, se disposer à être comblé de l’Esprit et à être conduit [...]. Rien de cela ne devrait être ignoré dans la pastorale des jeunes, pour qu’on ne crée pas des projets qui isolent les jeunes de la famille et du monde, ou qui les transforment en une minorité sélectionnée et préservée de toute contagion. Nous avons plutôt besoin de projets qui les fortifient, les accompagnent et les lancent vers la rencontre avec les autres, vers le service généreux, vers la mission», conseille également le Saint-Père. «Il est très important de contempler le Jésus jeune que nous montrent les Évangiles, car il a été vraiment l’un de vous, et en lui on peut reconnaître beaucoup de caractéristiques des cœurs jeunes», poursuit-il.

«Une Église qui se laisse renouveler»
Dans ce deuxième chapitre, François évoque aussi l’Église dont les jeunes sont des membres décisifs. Une «institution si ancienne que l’Église peut se renouveler et se rajeunir aux diverses étapes de sa très longue histoire. En réalité, dans les moments les plus tragiques, elle sent l’appel à retourner à l’essentiel du premier amour», peut-on d’abord lire. Avec force, le Saint-Père poursuit: «Demandons au Seigneur de délivrer l’Église des personnes qui veulent la faire vieillir, la scléroser dans le passé, la figer, l’immobiliser. […] Non! Elle est jeune quand elle est elle-même, quand elle reçoit la force toujours nouvelle de la Parole de Dieu, de l’Eucharistie, de la présence du Christ et de la force de son Esprit chaque jour. Elle est jeune quand elle est capable de retourner inlassablement à sa source».
Puis le Souverain Pontife se fait le porte-parole des jeunes, en rapportant leur point de vue: «même s’il y a des jeunes qui se réjouissent de voir une Église se montrant humblement sûre de ses dons et de sa capacité de faire une critique loyale et fraternelle, d’autres jeunes réclament une Église qui écoute davantage, qui ne soit pas toujours à condamner le monde. Ils ne veulent pas voir une Église silencieuse et timide, ni toujours en guerre sur deux ou trois thèmes qui l’obsèdent. […] Une Église sur la défensive, qui n’a plus l’humilité, […] perd la jeunesse et devient un musée».
Dans les souffrances, proposer la consolation du Seigneur
Le Pape met ensuite en avant la Vierge Marie, «le grand modèle pour une Église jeune, qui veut suivre le Christ avec courage et docilité», et plusieurs figures de saints jeunes, dans des pages rappelant l’invitation à la sainteté lancée par François dans sa précédente exhortation apostolique, Gaudete et Exsultate.
Puis comment ne pas percevoir un écho des paroles prononcées lors des dernières Journées Mondiales de la Jeunesse, lors de la messe finale à Panama, lorsque s’ouvre le troisième chapitre?  «Après avoir consulté la Parole de Dieu, nous ne pouvons pas seulement dire que les jeunes sont l’avenir du monde. Ils sont le présent, ils l’enrichissent par leur contribution», affirme le Souverain Pontife, qui tente dans les paragraphes suivants de répondre à cette question: «Comment sont les jeunes aujourd’hui, qu’est-ce qui leur arrive à présent ?». Un regard «positif» sur la jeunesse est d’abord posé et promu. Toutefois, conscient de la diversité des cultures et des situations, le Pape ne souhaite pas «fournir une analyse exhaustive sur les jeunes dans le monde actuel». Il préfère présenter «brièvement certaines contributions parvenues avant le Synode, et d’autres que j’ai pu recueillir au cours du Synode même».

Plusieurs thèmes, souvent douloureux, sont alors abordés, en premier lieu les diverses violences subies par les jeunes, les «formes de marginalisation et d’exclusion sociale, pour des raisons religieuses, ethniques ou économiques». «Parfois, la souffrance de certains jeunes est vraiment déchirante; c’est une souffrance qu’on ne peut pas exprimer par des paroles; c’est une souffrance qui nous gifle», relève le Saint-Père. «Mais dans cette plainte déchirante se font présentes les paroles de Jésus: “Heureux les affligés, car ils seront consolés”(Mt 5, 4). […] Puisse-t-il y avoir toujours auprès d’un jeune qui souffre une communauté chrétienne capable de faire résonner ces paroles par des gestes, des accolades et des aides concrètes», écrit-il.
Le Pape dénonce aussi la tendance de la culture actuelle à présenter «un modèle de personne très associé à l’image du jeune. Se sent beau celui qui a l’air jeune, qui fait des traitements pour faire disparaître les traces du temps. Les corps jeunes sont constamment utilisés dans la publicité pour vendre. […] Cela signifie seulement que les adultes veulent voler la jeunesse pour eux-mêmes; non pas qu’ils respectent, aiment et prennent soin des jeunes», met-il en garde.

Internet, migrations, abus… faire face à des défis majeurs
Dans quelques paragraphes dédiés aux «Désirs, blessures et recherches», le Pape aborde un sujet sur lequel les attentes des jeunes sont importantes: le corps et la sexualité, qui revêtent «une importance essentielle pour leur vie et pour le chemin de croissance de leur identité. Cependant, dans un monde qui souligne à l’excès la sexualité, il est difficile de garder une bonne relation avec son corps et de vivre sereinement les relations affectives. Pour cette raison, et pour d’autres, la morale sexuelle tend très souvent à être “une cause fréquente d’incompréhension et d’éloignement par rapport à l’Église, dans la mesure où elle est perçue comme un espace de jugement et de condamnation”», observe le Pape.
Puis François approfondit «trois thèmes d’une grande importance», traités lors du Synode.

Le monde numérique
Le Pape se montre préoccupé par les dérives de l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux, et identifie «un nouveau défi» auquel sont confrontés les jeunes: «interagir avec un monde réel et virtuel dans lequel ils pénètrent seuls comme dans un continent global inconnu. Les jeunes d’aujourd’hui sont les premiers à faire cette synthèse entre ce qui est personnel, ce qui est propre à chaque culture et ce qui est global. C’est pourquoi il faut qu’ils parviennent à passer du contact virtuel à une bonne et saine communication», souligne-t-il.
Les migrants
Concernant les migrants, «paradigme de notre temps» et sujet cher au Souverain Pontife, un appel est adressé aux plus jeunes d’entre eux. François leur demande «de ne pas se laisser enrôler dans les réseaux de ceux qui veulent les opposer à d’autres jeunes qui arrivent dans leurs pays, en les présentant comme des êtres dangereux et comme s’ils n’étaient pas dotés de la même dignité inaliénable propre à chaque être humain».

Le combat contre les abus
Enfin, dans une partie intitulée «Mettre fin à tout genre d’abus», le Pape redit sa détermination et celle de toute l’Église à lutter contre ce fléau; il exprime sa gratitude envers ceux qui dénoncent «le mal subi», ou qui «chaque jour, se dépensent avec honnêteté et dévouement au service des jeunes. Leur œuvre est une forêt qui grandit sans faire de bruit», peut-on lire. Une nouvelle fois, le Saint-Père se tourne vers les jeunes. «Grâce à Dieu, les prêtres qui commettent ces horribles crimes ne constituent pas la majorité qui exerce un ministère fidèle et généreux. Je demande aux jeunes de se laisser stimuler par cette majorité. En tout cas, quand vous voyez un prêtre en danger, parce qu’il a perdu la joie de son ministère, parce qu’il cherche des compensations affectives ou qu’il est en train de perdre le cap, ayez le courage de lui rappeler son engagement envers Dieu et avec son peuple, annoncez-lui, vous-mêmes, l’Évangile, et encouragez-le à rester sur le bon chemin. Ainsi, vous offrirez une aide inestimable pour une chose qui est fondamentale : la prévention qui permet d’éviter que ces atrocités se répètent. Ce nuage noir devient aussi un défi pour les jeunes qui aiment Jésus-Christ et son Église […]».
François tient toutefois à pointer un horizon lumineux en «ce moment difficile», qui «avec l’aide précieuse des jeunes, peut véritablement être l’occasion d’une réforme de portée historique, pour déboucher sur une nouvelle Pentecôte et inaugurer une étape de purification et de changement qui confère à l’Église une nouvelle jeunesse».
Le chapitre se conclut sur l’espérance, proposée plus personnellement aux jeunes. Une espérance incarnée par le Christ. «Si tu es jeune en âge, mais si tu te sens faible, fatigué ou désabusé, demande à Jésus de te renouveler. Avec lui, l’espérance ne manque pas. Tu peux faire de même si tu te sens submergé par les vices, les mauvaises habitudes, l’égoïsme ou le confort malsain. Jésus, plein de vie, veut t’aider pour qu’être jeune en vaille la peine. Ainsi tu ne priveras pas le monde de cette contribution que toi seul peux lui apporter, en étant unique et hors pair comme tu es», écrit le Pape.

Les conseils du Pape aux jeunes
Les trois chapitres suivants – “La grande annonce pour tous les jeunes”, “Chemins de jeunesse”, “Des jeunes avec des racines” – constituent une partie originale mais non moins marquante de cette Exhortation apostolique. Le Souverain Pontife parle de cœur à cœur avec les jeunes. Il leur propose de précieux points de repères pour divers aspects de leur vie – spirituelle, professionnelle et relationnelle. Là encore, le Pape montre son attention envers les jeunes, sa connaissance des réalités qu’ils vivent. Il s’adresse à eux en père et en ami, tendre mais exigeant. On y retrouve les images concrètes et fortes fréquemment employées dans ses discours aux jeunes. En témoigne l’emblématique paragraphe 143: «Ne survivez pas avec l’âme anesthésiée, et ne regardez pas le monde en touristes. Faites du bruit! Repoussez dehors les craintes qui vous paralysent, afin de ne pas être changés en jeunes momifiés. Vivez! Donnez-vous à ce qu’il y a de mieux dans la vie! Ouvrez la porte de la cage et sortez voler! S’il vous plaît, ne prenez pas votre retraite avant l’heure !».
Le Pape insiste également sur «l’amitié avec le Christ», qui doit devenir un pilier de la vie du jeune. «Bien que tu vives et fasses des expériences, tu ne parviendras pas à la pleine jeunesse, tu ne connaîtras pas la véritable plénitude d’être jeune, si tu ne rencontres pas chaque jour le grand ami, si tu ne vis pas dans l’amitié de Jésus», peut-on lire. Une amitié qui grandit et s’entretient par la prière. «La prière est un défi et une aventure. […] La prière nous permet de lui dire tout ce qui nous arrive et de rester confiants dans ses bras, et en même temps elle nous offre des instants de précieuse intimité et d’affection, où Jésus répand en nous sa propre vie», explique François.

Transformer le monde en restant enracinés
Puis le Saint-Père invite les jeunes à l’engagement, car «toujours il est bon et opportun de partager la joie de l’Évangile. C’est ainsi que le Seigneur va chercher tout le monde. Et vous, jeunes, il veut que vous soyez ses instruments pour répandre lumière et espérance, car il veut compter sur votre audace, votre courage et votre enthousiasme». Des jeunes entrainés vers le dur mais fécond sentier du dépassement… «Il ne faut pas espérer que la mission soit facile et confortable. Certains jeunes ont donné leur vie afin de ne pas arrêter leur élan missionnaire». «Chers amis, n’attendez pas demain pour collaborer à la transformation du monde avec votre énergie, votre audace et votre créativité. Votre vie n’est pas un “entre-temps”», rappelle le Pape.
Celui-ci dédie ensuite un chapitre au thème de l’enracinement, qui lui tient à cœur. Il met en garde la jeunesse contre les manipulateurs et les «idéologies de toutes les couleurs, qui détruisent (ou dé-construisent) tout ce qui est différent et qui, de cette manière, peuvent régner sans opposition. Pour cela elles ont besoin de jeunes qui méprisent l’histoire, qui rejettent la richesse spirituelle et humaine qui a été transmise au cours des générations, qui ignorent tout ce qui les a précédés»«Si nous marchons ensemble, jeunes et vieux, nous pourrons être bien enracinés dans le présent, et, de là, fréquenter le passé et l’avenir», soutient le Pape. «Les racines ne sont pas des ancres qui nous enchaînent à d’autres époques […] Elles sont, au contraire, un point d’ancrage qui nous permet de nous développer et de répondre à de nouveaux défis».

Des réserves à l’égard de certaines formes de pastorale
Au début du septième chapitre, le Pape estime que la pastorale des jeunes «a souffert de l’assaut des changements sociaux et culturels». Cependant, François ne souhaite pas «proposer une sorte de manuel de pastorale des jeunes ou un guide de pastorale pratique», mais seulement «mettre en jeu l’intelligence, l’ingéniosité et la connaissance que les jeunes eux-mêmes ont de la sensibilité, de la langue et des problématiques des autres jeunes».
Ce qui n’empêche pas le Pape de prévenir: «La pastorale des jeunes doit acquérir une autre flexibilité, et réunir les jeunes pour des évènements […] qui leur permettent aussi […] de faire l’expérience de la rencontre communautaire avec le Dieu vivant. D’autre part, il serait particulièrement souhaitable de recueillir encore plus de bonnes pratiques: ces méthodologies, ces motivations, ces langages qui ont été réellement attractifs pour conduire les jeunes au Christ et à l’Église. Peu importe leur couleur, qu’ils soient "conservateurs ou progressistes", qu’ils soient "de droite ou de gauche". Le plus important est que nous recueillons tout ce qui a donné de bons résultats et ce qui est efficace pour communiquer la joie de l’Évangile».
En bref, «la pastorale des jeunes ne peut être que synodale, autrement dit, constituer un "marcher ensemble"». Elle a deux axes principaux: «l’un est l’approfondissement du kérygme, l’expérience fondatrice de la rencontre avec Dieu par le Christ mort et ressuscité. L’autre est la croissance de l’amour fraternel, dans la vie communautaire, par le service».

François formule ensuite une mise en garde. Aux jeunes, on offre parfois «seulement des réunions de "formation" où sont uniquement abordées des questions doctrinales et morales […]. Le résultat est que beaucoup de jeunes s’ennuient, perdent le feu de la rencontre avec le Christ et la joie de le suivre, beaucoup abandonnent le chemin et d’autres deviennent tristes et négatifs», note-t-il. Le Saint-Père se montre également réservé vis-à-vis de «certains collèges catholiques» qui «semblent être organisés seulement pour leur préservation. […]. L’école transformée en “bunker” qui protège des erreurs “de l’extérieur”, est l’expression caricaturale de cette tendance. Cette image reflète d’une manière choquante ce que beaucoup de jeunes éprouvent à la sortie de certains établissements éducatifs: une inadéquation insurmontable entre ce qu’ils ont appris et le monde dans lequel ils doivent vivre. Même les propositions religieuses et morales qu’ils ont reçues ne les ont pas préparés à les confronter avec un monde qui les ridiculise, et ils n’ont pas appris comment prier et vivre leur foi d’une manière qui puisse être facilement soutenue au milieu du rythme de cette société».

Pour une Église ouverte à tous
Le Pape termine ce chapitre en développant une réflexion sur la «“pastorale populaire des jeunes”, qui ait un autre style, d’autres temps, un autre rythme, une autre méthode». Un forme de pastorale fortement encouragée par François, et qui «consiste en une pastorale plus ample et plus flexible qui stimule, dans les différents lieux où les jeunes se déplacent, ces leaderships naturels et ces charismes que l’Esprit Saint a déjà semés en eux».
Dans cette partie se trouve aussi un véritable plaidoyer en faveur d’une «Église aux portes ouvertes»«Une attitude d’ouverture suffit pour tous ceux qui ont le désir et la volonté de se laisser trouver par la vérité révélée par Dieu, écrit François. Certaines propositions pastorales peuvent supposer un chemin déjà parcouru dans la foi, mais nous avons besoin d’une pastorale populaire des jeunes qui ouvre des portes et offre un espace à tous et à chacun avec ses doutes, ses traumatismes, ses problèmes et sa recherche d’identité, avec ses erreurs, son histoire, ses expériences du péché et toutes ses difficultés».
Par conséquent, il «doit également y avoir de la place pour tous ceux qui ont d’autres conceptions de la vie, professent une foi différente ou se déclarent étrangers à l’horizon religieux. Tous les jeunes, sans aucune exception, sont dans le cœur de Dieu et donc dans le cœur de l’Église», soutient le Souverain Pontife.

Accomplir sa propre vocation: la famille mise en valeur  
Enfin, les deux derniers chapitres de l’exhortation correspondent à deux sujets principaux du dernier Synode: “la vocation” et “le discernement”.
Le Pape rappelle aux jeunes la signification de la vocation et de sa réalisation. «Pour accomplir sa propre vocation, il est nécessaire de développer, de faire pousser et grandir tout ce que l’on est. Il ne s’agit pas de s’inventer, de se créer spontanément à partir de rien, mais de se découvrir soi-même à la lumière de Dieu et de faire fleurir son propre être», souligne-t-il. Par ailleurs, note François, «certaines jeunes femmes estiment qu’elles ont besoin de plus d’exemples de leadership féminin au sein de l’Église et elles désirent avec leurs dons intellectuels et professionnels participer à l’Église».
Sont également rapportées les attentes formulées par les jeunes vis-à-vis des accompagnateurs spirituels. Ces derniers ne devraient pas être des modèles lisses, ils «ne devraient pas conduire les jeunes comme s’ils étaient des sujets passifs mais marcher avec eux en leur permettant d’être acteurs de leur cheminement. Ils devraient respecter la liberté des jeunes qu’ils rencontrent sur leurs chemins de discernement et les équiper pour discerner en leur donnant les outils utiles pour avancer», écrit notamment François.

Puis un fort accent est mis sur le mariage et la famille, même si cela signifie d’aller à contre-courant. «Aujourd’hui règne une culture du provisoire qui est une illusion. Croire que rien ne peut être définitif est une tromperie et un mensonge», affirme le Saint-Père. «Moi, au contraire, je vous demande d’être révolutionnaires, je vous demande d’aller à contre-courant; oui, en cela je vous demande de vous révolter contre cette culture du provisoire, qui, au fond, croit que vous n’êtes pas en mesure d’assumer vos responsabilités, elle croit que vous n’êtes pas capables d’aimer vraiment.  J’ai confiance en vous, et pour cela je vous encourage à opter pour le mariage», encourage-t-il.
L’importance du travail est également rappelée. Le travail «définit et affecte l’identité et l’estime de soi d’un jeune adulte et c’est un lieu fondamental où se développent des amitiés et d’autres relations parce que, généralement, on ne travaille pas seul». Là aussi le Pape apporte son soutien aux jeunes: «Il est vrai que tu ne peux pas vivre sans travailler et que parfois tu dois accepter ce que tu trouves, mais ne renonce jamais à tes rêves, n’enterre jamais définitivement une vocation, ne te donne jamais pour vaincu ».
Enfin, plus brièvement, sont abordées les vocations à une consécration particulière. À ce propos, François explique aux jeunes qu’«il ne faut pas exclure la possibilité de se consacrer à Dieu dans le sacerdoce, dans la vie religieuse ou dans d’autres formes de consécration. Pourquoi l’exclure?  Sois certain que, si tu reconnais un appel de Dieu et que tu le suis, ce sera ce qui te comblera».

Des recommandations pour mieux discerner
Dans le neuvième et dernier chapitre sur le discernement, le Pape s’adresse bien sûr aux jeunes, par des conseils – les questions à se poser, par exemple – et des encouragements – «avant toute loi et tout devoir, ce que Jésus nous propose pour choisir est le fait de suivre, comme le font des amis qui se suivent et se cherchent et se trouvent par pure amitié. Tout le reste vient après, et même les échecs de la vie peuvent être une expérience inestimable de cette amitié qui jamais ne se brise». Les accompagnateurs sont pris en compte. Le Souverain Pontife leur demande de développer trois sensibilités: attention «à la personne» - comme le Seigneur aux côtés des disciples d’Emmaüs -, attention dans le discernement – «Il s’agit d’épingler le moment précis où l’on discerne la grâce ou la tentation»-, écoute des «impulsions que l’autre expérimente “en avant”».  François insiste sur la nécessité «de susciter et d’accompagner des processus, et non pas d’imposer des parcours. Et ce sont des processus de personnes qui sont toujours uniques et libres».

La conclusion de l’exhortation Christus vivit est brève, en forme de désir exprimé par le Saint-Père à ses principaux destinataires. «Chers jeunes, je serai heureux en vous voyant courir plus vite qu’en vous voyant lents et peureux. Courez, attirés par ce Visage tant aimé, que nous adorons dans la sainte Eucharistie et que nous reconnaissons dans la chair de notre frère qui souffre. Que l’Esprit Saint vous pousse dans cette course en avant. L’Église a besoin de votre élan, de vos intuitions, de votre foi. Nous en avons besoin! Et quand vous arriverez là où nous ne sommes pas encore arrivés, ayez la patience de nous attendre», demande-t-il, reprenant les mots d’un discours prononcé devant des jeunes à Rome, au mois d’août dernier.



Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles


mercredi 22 mai 2019

NOIUVEAUTES DU MOIS SE MAI 2019





NOUVEAUTES DU MOIS DE MAI 2019.

BOYARIN, Daniel. - Le Christ Juif : à la recherche des origines. – Paris, Le Cerf, 2012. 190 pages.

BURNET, Régis. – Le livre de l’Apocalypse. – Paris, LE Cerf, 2019. 160 pages.

CLAPIER, Jean. – Louis et Zélie Martin : une sainteté pour tous les temps. – Paris, Presses de la Renaissance, 2009. 369 pages.

CONSEIL PERMANENT DE LA CONFERENCE DES EVEQUES DE FRANCE. – Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? – Paris, Bayard, Cerf, Mame, 2019. 77 pages.

DENIS, Jean-Pierre. – Un catholique s’est échappé. – Paris, Le Cerf, 2019. 184 pages.

FRANÇOIS (Pape).  – Exhortation apostolique post-synodale Christus vivit : aux jeunes et à tout le peuple de Dieu. – Paris, Bayard, Cerf, Mame, 2019. 166 pages.

MARGUERAT, Daniel. – Vie et destin de Jésus de Nazareth. – Paris, Le Seuil, 2019. 403 pages.

ZWITTER, Alek. – L’histoire en présence de l’Eternel  l’eschatologie d’Henri de Lubac. – Paris, Le Cerf, 2019. 379 pages.

mardi 21 mai 2019

Date de fermeture de la bibliothèque diocésaine






La Bibliothèque diocésaine sera fermée


Le vendredi 24 mai 2019

Du lundi 27 mai au vendredi 7 juin 2019

Pour information une permanence sera assurée :
les samedis 25 mai, 1er juin et 8 juin.

mardi 14 mai 2019






                           VIE ET DESTIN DE JESUS DE NAZARETH

           


                                              DANIEL MARGUERAT

                            éditions du Seuil, mars 2019

                             ( 405 p.)

                            
                              Daniel MARGUERAT est un historien,bibliste, théologien et spécialiste de l'
                              Antiquité: 
                              Il livre  dans cet ouvrage le meilleur de la recherche récente  ; un récit 
                              passionnant qui tient le lecteur en haleine.


                             "Revenir au Jésus de l'Histoire demeure une tâche permanente.
                               Inclassable Jésus."   



                           "Un portrait de Jésus de l'Histoire"
  

                            Non pas le "vrai Jésus", mais un Jésus "possible" , au regard des nouvelles                                              ressources:          
             
                            archéologie, étude des textes chrétiens extra-canoniques,évangiles apocryphes,
                            lecture des historiens juifs anciens.

                            Les historiens se posent de nouvelles questions que ne se posaient pas
                            les générations précédente:

                             Pour y répondre , il est nécessaire de remonter en deçà des témoignages anciens.


                             Cette démarche de l'historien ne détruit pas la croyance; mais ses résultats
                             obligent à réviser la mémoire des origines.




                            Cet ouvrage est construit en 3 parties; et propose une liste d'ouvrages de référence                               pour chaque chapitre.




                            PREMIÈRE PARTIE: Les COMMENCEMENTS


                            1- QUE SAIT-ON DE JÉSUS ?
                         
                             2- UN ENFANT SANS PÈRE?

                             3- A L’ÉCOLE DE JEAN LE BAPTISEUR



                              DEUXIÈME PARTIE: LA VIE DU NAZARÉEN


                              4- LE GUÉRISSEUR

                             5- LE POETE DU ROYAUME

                              6- LE MAITRE DE SAGESSE

                              7- SES AMIS, SES CONCURRENTS

                               8- JESUS ET SA VOCATION

                              9- MOURIR A JÉRUSALEM



                               TROISIÈME PARTIE: JÉSUS APRÈS JÉSUS


                                10- RESSUSCITE !

                                11- JÉSUS APOCRYPHE

                                12- JÉSUS AU REGARD DU JUDAÏSME

                                13- JÉSUS EN ISLAM



                                 ÉPILOGUE


                                 NOTES  


                                  TABLE


                                  Du même auteur                                                                 

jeudi 9 mai 2019

Une bibliographie autour de Jean Vanier (1928-2019)

Notre collègue de la bibliothèque diocésaine d’Aix-en-Provence, Claude Tricoire, reprenant un article du quotidien La Croix, a déjà publié une biographie de Jean Vanier. Canadien né en Suisse en 1928, sa personnalité sympathique, son œuvre à travers l’Arche et une bibliographie abondante, font de lui l’une des figures marquantes des 70 dernières années.
Vous trouverez, ci-dessous, une sélection bibliographique autour de Jean Vanier. Ces ouvrages, comme beaucoup d’autres, sont consultables et empruntables dans les quatre bibliothèques diocésaines concernées dont vous pouvez explorer les catalogues ici :


Livres sur Jean Vanier


Jean Toulat, Les forces de l’amour : de Jean Vanier à Mère Teresa, Paris : SOS, 1978, 135 p - 8 p. À Aix et Marseille.

Livres sur l’Arche


Fondation les Amis de l’Arche, Bâtir sans exclure, colloque des 30 ans de l’Arche, Paris : Fondation les Amis de l’Arche, 1995, 142 p. Ce livre se trouve à la médiathèque Mgr Depéry de Gap.
Jean-Paul Cazes, Une année à l’Arche, Paris : Salvator, 2010, 221 p. À Marseille.
René Leroy, C’est vrai qu’elle est belle… la vie : Le Levain, communauté de l’Arche à Compiègne, Liège, 1989, 79 p. À Gap.

Livres dont Jean Vanier a signé une préface, une introduction


Odile Ceyrac, Découvrir ton visage, Paris : Le Sarment, Fayard, 1988, 174 p – 16 p. À Gap.

Alexandre Men, Le christianisme ne fait que commencer, Paris : Le Cerf, 1996, 284 p. À Aix, Fréjus Toulon, Gap et Marseille.

Livres dont Jean Vanier est l’auteur


Accueillir notre humanité, Paris : Presses de la Renaissance, 1999, 219 p. À Aix et Fréjus-Toulon.
La communauté : lieu du pardon et de la fête, Paris : Fleurus, 1989, 333 p. À Aix, Gap et Marseille.
Le corps brisé : retour vers la communion, Paris : Le Sarment, Fayard, 1989, 166 p. À Fréjus-Toulon et Gap.
La dépression, Mesnil-Saint-Loup : Livre ouvert, 2005, 91 p. À Aix et Gap.
Entrer dans le mystère de Jésus : une lecture de l’évangile de Jean, Paris : Bayard, 2005, 378 p. À Gap.
Le goût du bonheur : au fondement de la morale avec Aristote, Paris : Presses de la Renaissance, 2000, 276 p. À Aix et Gap.
Homme et femme il les fit : pour une vie d’amour authentique, Paris : Fleurus, 1984, 201 p. À Aix, Fréjus-Toulon et Marseille.
Ne craint pas, Paris : Fleurus, 1974, 115 p. À Aix et Marseille.
Recherche la paix, Mesnil-Saint-Loup : Le Livre ouvert, 2003, 121 p. À Aix, Fréjus-Toulon et Marseille.
Ton silence m’appelle, Paris : Fleurus, 1974, 128 p. À Aix, Fréjus-Toulon et Marseille.
Toute personne est une personne sacrée, Paris : Plon, 1994, 279 p. À Aix, Fréjus-Toulon et Marseille.

Luc-André Biarnais
archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun

mardi 7 mai 2019

Jean Vanier, fondateur de l'Arche





Jean Vanier, le fondateur de l’Arche, s’est éteint

Ancien officier de marine, Jean Vanier avait fondé l’Arche en 1964. Il invitait sans relâche à regarder autrement, avec tout le respect qu’elles méritent, les personnes avec un handicap et toutes celles qui sont faibles et vulnérables. Il s’est éteint dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 mai.

Il fallait le voir prendre sur ses genoux un enfant agité d’angoisse, le bercer tendrement, jusqu’à ce que s’esquisse, chez l’un comme l’autre, un sourire. Il fallait voir son visage s’éclairer dans la rencontre, des « grands » comme des « petits », et son regard très bleu allait chercher chacun jusqu’au plus profond de lui-même. Il fallait le voir pencher en avant son double mètre et parler d’une voix lente et douce comme s’il méditait tout haut et, soudain, se redresser pour évoquer l’histoire de Pauline, « en colère avec son corps » après quarante ans d’humiliation et qui, peu à peu, – « mais c’est un long chemin » – découvre « qu’elle a une place et qu’elle est importante » – et « c’est un beau chemin »

Tout Jean Vanier était là. Son amour de l’autre avec ses pauvretés et ses brisures, ses masques et ses mécanismes de défense, mais aussi sa dignité, sa beauté et sa soif de paix, d’amour, de vérité, qu’ils soient chrétiens ou non. Sa confiance dans la vie. Son respect de chacun. Rien n’était plus précieux pour lui que de témoigner que les plus pauvres et les plus rejetés des hommes sont particulièrement aimés de Dieu, afin peut-être de convertir les regards et, sans faire forcément de grandes choses, d’inventer des voies pour vivre et agir ensemble.

Une « humanité blessée »
Lorsqu’il évoquait sa vie, Jean Vanier distinguait trois grandes étapes. La première se joue sur mer. Né en 1928 à Genève, où la carrière diplomatique de son père – ancien gouverneur général du Canada – avait mené la famille, il avait annoncé à treize ans, en pleine guerre, son intention de quitter le Canada pour rejoindre la marine britannique. « Si tu veux, vas-y, je te fais confiance », lui avait alors répondu son père. « Ce fut l’un des événements les plus importants qui me soient arrivés, reconnaissait volontiers Jean Vanier. Car si lui avait confiance en moi, moi aussi je pouvais avoir confiance en moi-même. »

Il avait alors navigué durant quatre années sur des bateaux de guerre anglais, aidé au retour des déportés de Buchenwald, de Dachau, de Bergen-Belsen, d’Auschwitz dans les visages desquels il avait reconnu pour la première fois une « humanité blessée ». Puis rejoint en 1948 la marine canadienne comme officier sur un porte-avions. La marine, qu’il décrivait comme « un monde où la faiblesse était à bannir, où il fallait être efficace et passer de grade en grade », contribua à structurer sa capacité d’action et son énergie, tant psychique que physique.

« Conversion profonde »
À 22 ans, Jean Vanier la quitte pourtant « en réponse à une invitation d’amour de Jésus à tout quitter pour le suivre ». C’est ainsi que s’ouvre la deuxième étape de sa vie. Désireux de devenir prêtre, il rejoint la communauté de l’Eau vive – qui rassemble des étudiants de différents pays – et découvre le monde de la théologie et de la philosophie. Il prépare une thèse de doctorat sur Aristote, soutenue en 1962 à l’Institut catholique de Paris, passe une année à l’abbaye cistercienne de Bellefontaine, puis enseigne la philosophie à Toronto – « Encore un monde d’efficacité où la faiblesse, l’ignorance, l’incompétence étaient à proscrire », disait-il – consacrant ses heures libres à visiter des détenus.
Sa carrière d’enseignant plébiscité par ses étudiants n’aura cependant qu’un temps, car bientôt la rencontre de personnes ayant un handicap mental bouleverse profondément sa vie. Dans sa famille, les parcours étaient, il est vrai, souvent atypiques: lun de ses frères devint moine trappiste, un autre artiste peintre, sa sœur médecin a mis en place des soins palliatifs à Londres. Lui passera désormais sa vie aux côtés des personnes atteintes d’un handicap mental, et fondera la communauté de l’Arche. « Par ma culture et mon éducation, confiait-il lorsqu’il évoquait cette nouvelle étape, j’étais un homme de compétition, pas un homme de communion. Il m’a fallu opérer une conversion profonde. »

Un échange cœur à cœur avec le Christ
Ainsi résumé, cet itinéraire de vie ne permet cependant pas de comprendre comment le message de Jean Vanier, ancré dans son expérience personnelle, est devenu parole universelle, capable de rejoindre chacun là où il est. Il n’éclaire pas non plus l’un des traits pourtant essentiel de sa personnalité: son humilité, sa capacité à reconnaître sa fragilité, ses erreurs, ses propres blessures intérieures, sa faiblesse, comme lieu privilégié de lamour et de la communion.

Pour mieux saisir qui fut cet homme, respecté de tous, récompensé du prix Templeton en 2015 et promu au grade de commandeur de la Légion d’honneur l’année suivante, il importe de revenir sur les trois rencontres qui l’ont mené à cette « conversion » dont il disait lui-même qu’elle n’était « jamais terminée ».
La première est celle du Christ, justement, dont Jean Vanier a, toute sa vie, essayé de se faire « le disciple », le laissant lui apprendre peu à peu « les secrets de Dieu », s’efforçant de vivre, d’aimer, de parler comme lui. Jésus qu’il contemplait à la messe comme en faisant la vaisselle, dans l’adoration du Saint-Sacrement comme dans l’échange cœur à cœur. Dès 1968, Jean Vanier a témoigné – au travers de conférences, d’écrits, de retraites, de rencontres - toujours avec des mots très simples, de son expérience de vie, réponse à un appel à « rejoindre Jésus là où il est, caché dans le faible et le pauvre ».
Il a aussi proposé, chaque fois que cela était possible, la liturgie du lavement des pieds, qui tient une grande place dans les communautés de l’Arche: « En se mettant à genoux devant ses disciples, expliquait-il, Jésus montre son désir profond d’abattre les murs qui séparent les maîtres des esclaves, de détruire les préjugés qui divisent les êtres humains entre eux. Il veut rassembler, dans l’unité d’un même corps, tous les enfants de Dieu dispersés. »

« 10 000 membres, avec et sans déficiences »
La deuxième rencontre se situe à Trosly-Breuil. En août 1964, Jean Vanier s’est installé dans une maison un peu délabrée de ce village au bout de la forêt de Compiègne, avec Raphaël et Philippe, malades et handicapés, qui avaient été placés dans un hospice à la mort de leurs parents. En vivant, mangeant et travaillant avec eux, il a pris conscience de leur soif d’amitié, d’affection, de communion, mais aussi de sa vulnérabilité, de ses a priori, de ses ambivalences, de son désir de contrôler…

« Ce qui était le plus important pour eux, racontera-t-il souvent, ce n’était pas d’abord la pédagogie et les techniques éducatives, c’était mon attitude face à eux. Ma façon de les écouter, de les regarder avec respect et amour, ma façon de toucher leur corps, de répondre à leurs désirs, ma façon d’être dans la joie, de célébrer et de rire avec eux… C’est ainsi qu’ils pouvaient peu à peu découvrir leur beauté, qu’ils étaient précieux, que leur vie avait un sens et une valeur. Je me suis rendu compte que je ne les écoutais pas suffisamment, que je devais davantage respecter leur liberté. Peu à peu, ils ne furent plus pour moi des personnes avec un handicap, mais des amis. Ils me faisaient du bien et je crois que je leur faisais du bien. »
Moins de soixante ans plus tard, « l’Arche » – nommée en référence à l’Arche de Noé – est un gigantesque réseau de 154 communautés, dans 40 pays, sur les cinq continents, accueillant « 10 000 membres, avec et sans déficiences ». À la fois maisons familiales, centres d’insertion sociale, les communautés sont aussi d’étonnants lieux de mixité culturelle et sociale en raison de la diversité des statuts (salariés, volontaires, bénévoles), des nationalités et des âges… Elles s’appuient en outre sur le mouvement Foi et Lumière, créé en 1971 avec Marie-Hélène Matthieu, pour rassembler et soutenir les familles et amis des personnes handicapées.

La communauté sous le choc
Enfin, la troisième rencontre est celle qui jette aujourd’hui une ombre sur toute la communauté de L’Arche, et même sur le discernement de Jean Vanier lui-même: elle a lieu en 1950 dans le centre de formation théologique de lEau Vive, fondé deux ans plus tôt par le dominicain Thomas Philippe. Jean Vanier se sent « porté »vers ce théologien et philosophe « comme un élève vers un maître. Comme un jeune, aussi, cherchant quelqu’un pour lui indiquer le chemin de Jésus » (1).

Deux ans plus tard, le père Thomas est toutefois rappelé à Rome par ses supérieurs: il nexplique pas les raisons de ce brusque départ et Jean Vanier ne cherche pas à les connaître « parmi les rumeurs contradictoires ». C’est en 1963 que tous deux se sont retrouvés, à Trosly-Breuil, dans l’Oise, où le père Philippe était devenu l’aumônier du Val Fleury, une résidence où vivaient une trentaine de personnes ayant un handicap mental. Jusqu’à son décès en 1993, le père Thomas est demeuré le « père spirituel » du fondateur de L’Arche, où il célébrait chaque jour l’Eucharistie à la chapelle de « La ferme », lieu d’accueil et de prière au cœur de la communauté.
En 2014, alors que la communauté s’apprêtait à fêter les cinquante ans de sa fondation par une grande fête de famille et diverses marches, plusieurs femmes ont révélé avoir été violées par le père Thomas dans le cadre d’accompagnements spirituels. Ses membres sont sous le choc. Une enquête canonique est décidée, sous la responsabilité de Mgr Pierre d’Ornellas, évêque accompagnateur de la communauté, qui a recueilli les témoignages de 14 personnes et confirmé les faits.
Quant à Jean Vanier, l’admiration qu’il avait pour son ancien père spirituel l’a d’abord empêché de réaliser d’emblée l’ampleur du mal commis. En mai 2015, il se disait « choqué et bouleversé » par ces révélations, mais reconnaissait aussi « avoir été mis au courant de certains faits il y a quelques années » tout en « ignorant leur gravité »et il réaffirmait surtout sa « gratitude pour le père Thomas » et pour « l’action de Dieu en moi et dans l’Arche à travers » lui.

« Souviens-toi que tu vas mourir un jour »
Le courrier a choqué certains membres de la communauté qui lui ont reproché, et lui reprochent encore, son « silence » sur ces agissements. Un an et demi plus tard, il reprenait la plume pour demander « pardon » aux victimes de « ne pas avoir assez vite mesuré leur traumatisme » et affirmer cette fois avoir fait « le deuil du père Thomas tel qu’il l’avait connu ». Lors de la diffusion par Arte, début mars, du bouleversant documentaire dans lequel certaines de ces victimes témoignaient à visage découvert, il était déjà trop affaibli pour réaliser le choc produit sur le grand public (2). « Il n’a pas vu le documentaire et il ne pouvait déjà plus avoir de conversation sur ce sujet depuis plusieurs semaines », confiait alors l’un de ses proches.

S’il est un sujet, toutefois, sur lequel Jean Vanier s’est distingué d’autres fondateurs de communautés nouvelles, c’est celui de la gouvernance. Dès 1980, il a choisi de quitter la responsabilité de celle qu’il avait fondée. « La vieillesse, confiait-il alors, est un passage vers la terre de communion, vers la faiblesse acceptée. Des dépouillements seront nécessaires pour m’amener plus près de la réalité de mon être, car je suis encore attaché à beaucoup de choses, à un certain besoin d’être reconnu et estimé. Il y a encore des systèmes de défense autour de mon cœur; il y a encore des murs à faire tomber pour que je sois davantage en contact avec la source de mon être et que je devienne ce que je suis en réalité en profondeur. Pour vraiment trouver la communion plénière avec Dieu, je sais qu’il faut aller au fond de l’abîme pour remonter encore plus vivant. »
Il évoquait aussi avec pudeur les affres de l’angoisse ultime qui envahit à certains moments l’homme à l’agonie, et dont il fut parfois le témoin impuissant… « Alors, disait-il, il y a encore l’offrande, mais elle semble si fragile! La foi, un fil si ténu, mais elle donne un peu de cette espérance qui demeure. »

« Souviens-toi que tu vas mourir un jour », était le 10e et dernier conseil qu’il a donné pour ses 90 ans, en septembre 2018. Victime d’une crise cardiaque en octobre 2017, il alternait les périodes de repos, à Trosly, et de brefs séjours à l’hôpital. Il est décédé dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 mai.


(1) Un cri se fait entendre. Mon chemin vers la paix. Jean Vanier, avec Françoix-Xavier Maigre. Bayard, 200 p., 14,90 €.
(2) Sœurs abusées, l’autre scandale de l’Église, par Éric Quintin, Marie-Pierre Raimbault et Elizabeth Drévillon.

Journal La Croix du 7 mai 2019.


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Bibliographie à la bibliothèque diocésaine d’Aix et Arles

Jean Vanier. – Accueillir notre humanité. – Paris, Presses de la Renaissance, 1999. 219 pages.

Jean Toulat. Les forces de l’amour : de Jean Vanier à Mère Teresa – Paris, Editions S.O.S., 1978. 135 pages.

Jean Vanier. – Ton silence m’appelle. – Paris, Fleurus, 1974. 126 pages.

Jean Vanier. – Ne crains pas. – Paris, Fleurus, 1978. 115 pages.

Jean Vanier. – La communauté, lieu du pardon et de la fête. – Paris, Fleurus, 1979 (réédition 1993) . 281 pages.

Jean Vanier. – Le goût du bonheur. – Paris, Presses de la Renaissance, 2000. 276 pages.

Jean Vanier. – Homme et femme il les fit : pour une vie d’amour authentique. – Paris, Fleurus, 1984. 201 pages.

Jean Vanier. – Recherche la paix. – Paris, Le livre ouvert, 2003. 121 pages.
Jean Vanier. – Toute personne est une personne sacrée. – Paris, Plon, 1994. 279 pages.

Jean Vanier. – La dépression. – Le Mesnil-Saint-Loup, Le Livre ouvert, 2002. 91 pages.


Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles