mercredi 15 octobre 2008

ANNEE SAINT SAINT PAUL 2008/2009

PROVINCE DE MARSEILLE

DIOCESES
Aix en Provence et Arles
Ajaccio
Avignon
Digne, Riez et Sisteron
Fréjus-Toulon
Gap
Marseille
Nice



Découvrir les Lettres de Saint-Paul

« Pour moi, vivre c’est le Christ »
Philippiens 1,21


Réalisation du Parcours : Père Paul BONY
et son équipe : Cécile Hayot, Anne-Marie Lambert,
Sœur Denise Brischoux, Sœur Marie-Hélène Dupré la Tour,
avec la participation du Père Jacques Lefur


Transcripteur : Christine March,
Photo page de couverture : Sœur Denise Brischoux
(Portail de Saint-Trophime à Arles)
« L’Apôtre Paul est debout, montrant ses Lettres
qu’il porte sur le cœur, et allant de l’avant sur les chemins de la mission »

Les contacts sur la province
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=
Possibilité de faire appel à des personnes-ressources dans chaque diocèse

Votre diocèse : Contacts à Marseille :

………………………… Père Paul Bony e-mail : bonypaul@free.fr
Anne-Marie Lambert ( 04 91 08 16 10
Adresse postale :
Parcours Saint-Paul
Centre Diocésain « Le Mistral »
11 impasse Flammarion 13001 Marseille



« Vous êtes vous-mêmes une lettre du Christ »
(2 Corinthiens 3,3)



Chers amis,

Cette année paulinienne est un « moment favorable » pour nous mettre ensemble à l’écoute de Saint-Paul.

Ses Lettres s’adressent à nous encore aujourd’hui.

Paul nous rappelle ce qui est le cœur de l’Evangile : la personne du Christ Jésus, mort et ressuscité, vivant en nos cœurs par la foi, et rassemblant en son Corps la diversité innombrable des croyants du monde entier.

Paul, l’homme de l’universel.

Paul, le héraut de la grâce de Dieu.

Paul, le passionné du Christ, pour qui « vivre, c’est le Christ ».

Puissions-nous en l’écoutant, devenir nous-mêmes, comme il le dit des Corinthiens, « une lettre du Christ … écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant » (2 CO 3,3)

Bonne Route avec Saint-Paul,


Père Paul BONY

Le 4 Août 2008







® PRESENTATION

® INTRODUCTION

® FICHE 1
DIEU M’A REVELE SON FILS
Galates 1,11-24
® FICHE 2
J’AI TOUT PERDU POUR GAGNER CHRIST :
Philippiens 3,1-16
® FICHE 3
LA NAISSANCE D’UNE EGLISE A THESSALONIQUE
1 Thessaloniciens 1-2
® FICHE 4

LE MESSAGE DE LA CROIX
1 Corinthiens 1,10-2,5
® FICHE 5
LES DONS DE L’ESPRIT
1 Corinthiens 12,1-31
® FICHE 6
HYMNE AU CHRIST ABAISSE ET GLORIFIE
Philippiens 2,6-11
® FICHE 7
LE BAPTEME COMME COMMUNION AU CHRIST PASCAL
Romains 6,1-14
® FICHE 8
CONDUITS PAR L’ESPRIT
Romains 8, 1-30

® PROPOSITION POUR UNE RELECTURE

® BIBLIOGRAPHIE

® CARTE DU BASSIN MEDITERRANEEN : La Mission de Paul
Source Copyright : Reims - Ardennes / Numéro spécial Oct. 2006 p. 5 ( en dernière de couverture)



Ø LE TEXTE

Ø FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS
I - POUR LIRE
- Lexique
- Textes des Ecritures
II - ET MAINTENANT AU TEXTE
III - PISTES POUR ACTUALISER
IV - PISTES POUR L A PRIERE

Ø FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS
V - QUELQUES CLES DE LECTURE
VI - POUR ALLER PLUS LOIN (fiches 6, 7 et 8)



PRESENTATION DU PARCOURS


A l’occasion de l’année Saint-Paul proposée par Benoît XVI, un parcours biblique est proposé pour la province de Marseille autour des Lettres de Paul.

OBJECTIF

Ø Susciter des groupes de partage (6 à 10 personnes) dans les communautés et paroisses.


MOYENS

Ø 8 rencontres de petits groupes dans l’année

Ø une fiche générale de présentation du parcours


Ø Pour chaque rencontre : une fiche avec le texte biblique, des questions sur le texte, des pistes pour actualiser, des pistes pour la prière, quelques clés de lecture pour approfondir le sens du texte.

Ø Possibilité de faire une relecture du Parcours en fin d’année.


COMMENT CONSTITUER CES GROUPES

Ø Chaque diocèse peut désigner un groupe de pilotage qui réunira les animateurs en début d’année pour lancer le projet et aussi en fin d’année pour un bilan.

Ø Ce groupe enverra les fiches en les adaptant si nécessaire. Il proposera aux paroisses, mouvements, aumôneries d’appeler des animateurs.

Ø Les prêtres, les équipes pastorales, les aumôneries, les mouvements :
§ appellent des groupes à se constituer
§ invitent des groupes existants à faire ce choix
§ proposent à des personnes de devenir animatrices.



LES ANIMATEURS

Il ne s’agit pas d’avoir des connaissances bibliques particulières mais de savoir conduire une réunion, gérer le temps de parole, veillant à ce que personne ne l’accapare, que chacun s’exprime, qu’il n’y ait pas « instruction », mais « partage ».


DEROULEMENT D’UNE RENCONTRE et PRESENTATION DES DOCUMENTS


Durée : 2 heures environ

Chacun vient avec sa bible et de quoi écrire.

Composition de chaque fiche :
Le texte biblique à étudier, dans une traduction proche de la TOB le plus souvent.
A destination des participants : Un document composé de 4 parties :
« Pour lire » : on lit ensemble la première partie de la fiche. Elle est accompagnée d’un lexique et de quelques textes bibliques complémentaires.
Ø « Et maintenant au texte » : l’animateur invite au travail du groupe sur le texte,
Ø « Pistes pour actualiser » : échange commun sur le lien à la vie.
Ø « Pistes pour la prière»

Pour chacune de ces parties, l’animateur choisira avec le groupe, les questions, les pistes… qui lui seront le mieux adaptées (ces pistes sont indicatives).

A destination des animateurs :
Ø « Quelques clés de lecture » : Ce document est à destination de l’animateur pour qu’il puisse le travailler avant la rencontre, et exploiter les éléments de compréhension théologiques du texte. Il n’est pas souhaitable de donner ces clés de lecture à tous afin de mieux centrer la rencontre autour du texte. Il peut être remis aux participants à la fin de la réunion.
Ø « Pour aller plus loin » : éléments complémentaires éventuels.


A noter :Ces textes sont souvent en lien avec l’année liturgique :d’octobre à juin)
(Exemple : fiche 2 : La 1 ière aux Thessaloniciens : 29ème et 31ème dim Année A)





INTRODUCTION A LA LECTURE DE SAINT-PAUL


Pourquoi lire Saint-Paul ?


«Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi»

«L'amour du Christ nous presse …
Malheur à moi si je n'annonce pas l'Evangile»

«Je ne suis pas peu fier de l'Évangile,
il est puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit»

«Nous aurions voulu vous donner non seulement l'Évangile,
mais notre propre vie, tellement vous nous êtes devenus chers … »


Quelqu'un à entendre

Comment ne pas vibrer à ces phrases sorties de la bouche de Paul tandis qu'il les dictait pour les communautés qu'il avait fondées moyennant bien des risques et des fatigues.

« Le souci de toutes les Eglises » n'avait d'égal que l'amour qu'il portait au Christ, devenu le cœur de sa vie. C'est pour elles qu'il a dicté ces lettres, écrites dès les années 50, à peine vingt ans après la crucifixion de Jésus et vingt ans avant les évangiles de Marc, Luc et Matthieu.

Et j'entends quelqu'un du fond des origines chrétiennes, qui ne me raconte pas Jésus, parce qu'il ne l'a pas connu durant son ministère en Galilée, mais qui est le seul du Nouveau Testament à me dire en direct : «Christ m'a aimé et s'est livré pour moi». Il sait au moins dire ce qui a été le point culminant de sa vie : sa mort sur la croix, avec le sens qui l'a bouleversé, et il a le mérite d'être le premier à nous avoir transmis ce qu'il avait lui-même reçu : le récit de la dernière cène, « la nuit qu'il fut livré »...

Merci, Paul, de ce trésor spirituel. Après ça on ira dire sur toi :

Ø que tu es « l'enfant terrible du christianisme », que tu es misogyne (ceux qui disent cela ne t'ont probablement jamais lu)

Ø que tu es ardent et sans concession (c'est vrai que tu as remonté les bretelles de Pierre à Antioche, parce que, selon toi, il ne marchait pas droit dans la vérité de l'Évangile)

Ø que tu es profond mais difficile.

Cette dernière remarque a sa part de vérité. Mais il ne faut tout de même pas s'imaginer que tu es incompréhensible, si on se donne tant soit peu la peine de voir ce qui, dans ton ministère apostolique, t'a amené à faire les mises au point qui s'imposaient.





Il y a une chose que l'on peut facilement remarquer et qui est constante : tu ramènes toujours le Christ au centre. On se dispute à Corinthe autour de telle ou telle personnalité ? C'est qu'on oublie que seul le Christ a été crucifié pour nous. On veut imposer les pratiques juives aux convertis des nations ? On n'a pas saisi que désormais c'est le Christ, le propre Fils de Dieu, qui est le don définitif de Dieu à l'humanité.

On veut se donner de l'importance et s'estimer supérieur aux autres ? Tu mets sous nos yeux ce Christ de condition divine qui s'est abaissé jusqu'à mourir sur une croix. Et tu portes son effigie dans la précarité de ta vie apostolique, conforme à celui que tu annonces, et tu n'as pas besoin d'exhiber visions et révélations pour te qualifier, comme certains qui voudraient te faire concurrence.

Il y a, en tout cas, un point sur lequel ils ne pourront jamais rivaliser avec toi : tu ne réclames pas d'argent à ceux que tu évangélises. Tu préfères te fatiguer à gagner ta vie par le travail. « Voyez ces gros caractères, dis-tu, que tracent mes mains pour signer cette lettre que j'ai dictée », des mains de fabricant de tentes.


Des lettres à lire

Les lettres de Paul sont le prolongement de son action apostolique. Elles assurent une forme de présence dans l'absence. Elles sont des réponses à des consultations des communautés ou des interventions directes de l'Apôtre.

Grâce à elles, nous voyons vivre les Églises fondées autour du bassin méditerranéen dans les années 40-50.

Ses lettres sont des tranches de vie.

La théologie paulinienne n'est pas une théologie en chambre, elle s'élabore au fur et à mesure où la mission exige des éclaircissements, où les conflits réclament des solutions, où l'avancée de la vie chrétienne appelle des orientations et un soutien.

Paul a su merveilleusement unir action et réflexion, mission et communion. Ce n'est pas tout d'étendre l'Évangile toujours plus loin, il lui faut encore montrer que c'est bien l'Évangile.

Certains l'accusaient de le trahir par démagogie, pour se gagner les faveurs des gens des nations sans leur imposer les exigences de la Loi juive. Paul, avec son sens aigu de la nouveauté du Christ, déroutait un certain nombre de juifs chrétiens de la première heure, qui ne voyaient pas bien clairement, en tout cas pas aussi clairement que lui, que le temps de la Loi était fini.

Dans la croix du Christ, la barrière de la Loi qui, aux yeux d'un juif, coupait l'humanité en deux : Israël et les Nations, cette barrière avait été abattue.

Maintenant on devait pouvoir faire vivre ensemble les croyants venus d'Israël et les croyants venus des Nations. Ils devaient pouvoir manger ensemble et célébrer ensemble le même repas du Seigneur.





Paul n'a pas été seulement un grand missionnaire, capable de fonder de nouvelles communautés à travers risques et périls ; il a joué aussi sa vie dans le souci de faire habiter les uns et les autres dans la même maison, de les rassembler dans la même famille de Dieu.

Mission et communion, l'Évangile et l'Église, ont été les deux soucis majeurs de Paul. Comme l'a écrit un maître juif contemporain, s'il s'était contenté de gagner des disciples à l'Évangile chez les Nations, il aurait pu mourir tranquille dans son lit ; mais il a voulu que juifs et non-juifs puissent s'asseoir à la même table : il en est mort.


Le recueil des lettres pauliniennes

Nous disposons dans le Nouveau Testament d'un recueil des lettres de Paul.

Il y en a quatorze en comptant l'épître aux Hébreux, mais celle-ci est très différente des autres, elle n'est pas mise sous le nom de Paul et elle est bien postérieure à l'époque de son ministère apostolique, elle a cependant des accents pauliniens qui l'ont fait rattacher à ce même recueil.

On parle tantôt de lettres, tantôt d'épîtres.

Une épître est un traité sous forme de lettre. Les écrits pauliniens sont de vraies lettres, avec adresse, salutation, prière, nouvelles, annonces de projets, etc … Le cadre épistolaire n'est pas fictif, mais réel. Seulement les circonstances qui amènent Paul à écrire à telle ou telle Église réclament de sa part des exposés consistants de l'Évangile. Par son exposé de grande ampleur, la lettre aux Romains mérite, plus que les autres, le nom d'épître ; cependant elle est encore motivée par des projets bien concrets que Paul expose aux chrétiens de Rome, elle reste une lettre.

Parmi les lettres mises sous le nom de Paul, sept jouissent d'une authenticité indiscutée aux yeux de la critique littéraire, basée sur des critères objectifs, reconnus par tous, chrétiens ou non.

Ce sont : - la première Lettre aux Thessaloniciens
- les deux épîtres aux Corinthiens
- l'épître aux Galates
- l'épître aux Philippiens
- le billet à Philémon
- et l'épître aux Romains

En dehors de la première aux Thessaloniciens, écrite depuis Corinthe en 50, au cours du 2ème voyage missionnaire de Paul, les six autres sont de la période de crise que Paul a connue pendant son troisième voyage missionnaire qui l'a conduit à Ephèse entre 53 et 56.

Quant aux épîtres aux Colossiens et aux Ephésiens (dites «de la captivité» parce qu'écrites par Paul, prisonnier), et aux épîtres à Timothée et Tite (dites «pastorales»),
elles sont généralement attribuées à une école de disciples de Paul, qui ont le souci de garder l'héritage face à des questions nouvelles.


Le tableau ci-dessous
[1] permet de situer les épîtres de Paul dans le cadre de son ministère apostolique, auquel elles sont intimement liées .

Les grandes étapes de la vie de saint Paul et ses lettres.

Lieux majeurs
de la mission
paulinienne
Dates

Rédaction des épîtres

TARSE
Vers 5/10 ap JC

Enfance et jeunesse à Tarse (actuellement Tarsus en Turquie)
puis à Jérusalem (disciple de Gamaliel ?)


DAMAS
Vers 33
Conversion à Damas (Ga 1,15-17 ; Ac 9,1-18)
Premier essai missionnaire en « Arabie » (Jordanie actuelle)
Retour à Damas ; évasion (Ga 1, 17 ; 2Co 11,32)


JÉRUSALEM

Vers 37

Première montée à Jérusalem :
rencontre de Pierre et de Jacques (Ga 1, 18-20)
Départ pour la Syrie / Cilicie ( Ga 1,21)


ANTIOCHE




40-45

Séjour dans l'Église d’Antioche de Syrie (Ac 11, 25-26)
et premier grand circuit missionnaire à partir d’Antioche, avec Barnabé : Chypre, Anatolie du Sud (jusqu’à Iconium = Konya, Turquie)

CORINTHE
46-51
50-51

Deuxième circuit missionnaire à partir d’Antioche
( Ac 15, 36 – 18, 22)
traversée du plateau anatolien (Turquie centrale) ; évangélisation des Galates
fondation d'Églises :
en Macédoine : Philippes, Thessalonique ;
et en Grèce : Corinthe ; comparution devant le proconsul Gallion


1ère aux Thessaloniciens (50)

JÉRUSALEM

Fin 51

Conférence de Jérusalem : 2ème montée (14 ans après la 1ère, Ga 1, 17 ; 2,1) : les croyants des nations ne sont pas soumis à la Loi juive ; décision d’une collecte pour les pauvres de l’Eglise-mère de Jérusalem
Mais peu après incident d’Antioche (G a 2, 11-14)



EPHÈSE

52-55


Hiver
55/56
Troisième circuit missionnaire : voyage de « la collecte »
- rayonnement missionnaire à partir d’Ephèse, vers Colosses
- opposition externe (emprisonnement ; danger de mort)
- conflits internes : menées judaïsantes en Galatie ; divisions, contestations de l'autorité de Paul à Corinthe ;
- passage en Macédoine, pointe vers l’Illyrie ( ?)
séjour paisible à Corinthe ; projet de voyage en Espagne en passant par Rome ; décision de porter lui-même la collecte à Jérusalem

Galates
Philippiens, Philémon
1 Corinthiens
2 Corinthiens
Romains

JÉRUSALEM


Vers 57/58

Troisième montée à Jérusalem pour porter la collecte ;
arrestation sur l’esplanade du Temple par le tribun romain Lysias (Ac 21-22)



ROME

Entre
58 et 64
ou
58 et 67

dates incertaines pour la dernière décade de la vie de l’Apôtre ; l’enchaînement des Actes est le suivant (Ac 21-28):
- deux ans de captivité à Césarée sous les procurateurs Felix et Festus
- appel au tribunal de César et voyage à Rome ;
- captivité romaine (deux ans) ; issue incertaine :
* Paul condamné et exécuté (64 ?),
* ou bien libéré , d’où possible voyage en Espagne, avant une nouvelle arrestation, une nouvelle captivité romaine et le martyre (67)


Colossiens
Ephésiens

1 et 2 Timothée ; Tite





Programme de lecture proposé :

«Dieu m’a révélé son Fils » (Ga 1, 11-24)
Paul relit l’événement de Damas pour fonder sa mission d’annoncer l’Evangile aux Nations

«J’ai tout perdu pour gagner Christ » (Ph 3, 2-16)
Paul relit l’événement de Damas pour justifier la nouveauté chrétienne.

Naissance d'une Eglise à Thessalonique (1 Th 1-2)
Dieu aime les païens, l'Église vit dans l'espérance de la Venue du Seigneur.

Le message de la Croix (1 Co 1, 10-2, 5)
Face à l'engouement corinthien pour le discours et la sagesse, Paul recentre l'Évangile sur le message du Christ et du Christ crucifié.

Les charismes ou dons de l'Esprit (1 Co 12)
Les pratiques spirituelles dont raffolent les Corinthiens (prophétie, glossolalie) amènent Paul à exercer un discernement de ce qui est « dons de l'Esprit »

L'hymne au Christ abaissé et glorifié (Ph 2, 5-11)
Puisque l'appel pressant à l'unité des chrétiens de Philippes ne peut se réaliser sans l'humilité, Paul cite cet hymne qui est un joyau du christianisme primitif (dont il est peut être lui-même l'auteur)

Le baptême comme communion au Christ Pascal (Rm 6, 1-14)
Dans l'épître aux Romains, Paul expose comment la foi au Christ fait passer du péché à la justice, et de la justice au salut ; c'est sur cette trajectoire dynamique qu'il présente le baptême comme mouvement irréversible qui fait entrer dans la Pâque du Christ (mort, vie, résurrection avec le Christ)

La vie chrétienne sous la conduite de l'Esprit (Rm 8)
L'homme intérieurement divisé, esclave du Péché (Rm 7), est enfin libéré par l'Esprit du Christ, qui le conduit au salut dans l'espérance (Rm 8).

La conversion de Paul

D'après le récit des Actes des Apôtres (Ac 9), c'est alors qu'il se rendait de Jérusalem à Damas pour sévir contre les disciples de Jésus dans les synagogues de cette ville, que Saul, le persécuteur, a été subitement terrassé par une apparition du Christ, qui lui dit : "Je suis Jésus que tu persécutes". Aveuglé par cette lumière céleste, il est alors conduit chez un disciple de Damas, Ananie, qui, malgré ses craintes, l'accueille et le baptise. Ce récit doit émaner de la communauté de Damas : elle cherchait à dire comment elle l'avait échappé belle grâce à l'intervention de dernière minute de son Seigneur, qui avait retourné le persécuteur en apôtre.


Quand c'est Paul qui parle de Paul ...

Ce récit n'est pas sans intérêt ni vérité. Mais les quelques allusions[2] que Paul a faites lui-même à l'événement qui a bouleversé sa vie nous sont encore beaucoup plus précieuses. Il en parle très sobrement. Il met surtout en valeur ce qui l'a précédé et ce qui l'a suivi. Il ne dit pratiquement rien du processus lui-même. C'est tout juste s'il nous apprend indirectement que cela s'est passé à Damas (Ga 1, 17). Mais il met en lumière ce que cette rencontre du Christ a changé dans sa vie. Il le voit encore plus nettement après des années de ministère apostolique. Il y fait référence quand des contestations l'obligent à justifier sa qualité d'apôtre du Christ et sa manière de comprendre l'Evangile. Il relit alors l'événement de sa vocation, à partir de ce qui s'est passé à ce moment-là, mais aussi à la lumière de l'histoire qu'elle a engendrée.

L'interroger à partir de ces quelques allusions, ce n'est pas pure curiosité historienne : "dis-nous, Paul, ce qui t'est arrivé". C'est une manière d'entrer dans sa théologie à partir de ce qu'il a vécu lui-même, sur le moment et par la suite.


L'avorton devenu apôtre

En deux passages (1Co 9 et 1Co 15), Paul attribue sa qualification d'apôtre du Christ au fait que lui aussi, même lui, a bénéficié d'une apparition pascale : "Ne suis-je pas apôtre? n'ai-je pas vu Jésus notre Seigneur?" (1Co 9,1) ; "en tout dernier lieu il m'est apparu à moi aussi comme à l'avorton" (1Co 15,9). Dans le second il insiste sur la puissance de la grâce. Lui, le dernier de liste, l'indigne persécuteur, "l'avorton", non viable, mort-né, est devenu, par la grâce de Dieu, l'apôtre le plus efficace de tous. Paul parlera constamment de son ministère apostolique en termes de "grâce de Dieu" qui lui a été faite. Cela s'enracine dans l'expérience fondatrice qui a été la sienne. Celle-ci n'est sûrement pas étrangère à son insistance, plus tard, sur le fait que nous devenons justes aux yeux de Dieu sans l'avoir mérité, en vertu de sa seule grâce.

Un changement de regard


Nous allons maintenant nous arrêter aux deux autres passages où Paul relit l’événement de Damas : celui de l’épître aux Galates (1, 11-24) et celui de l’épître aux Philippiens (3, 2-16) qui méritent encore davantage de retenir notre attention, et nous y consacrerons nos deux premières fiches de lecture.

Ces deux textes s'expliquent par la controverse engagée avec ces judéo-chrétiens que nous appelons des « judaïsants » : des croyants de Jésus-Christ continuaient de donner une telle importance à la Loi juive comme institution de salut, qu'ils ne pensaient pas pouvoir dispenser les nouveaux croyants venus des nations de s'intégrer à la pratique du judaïsme. Le Christ Jésus était encore pour eux au service de la Loi. A leurs yeux il n'était pas encore devenu, à lui seul, le centre et le cœur de tout le dessein de salut de Dieu. Pour Paul au contraire, désormais tout nous est donné en la personne du Christ. C'est Lui, le don définitif de Dieu ; ouvrir tout son être au Christ par la foi est la seule manière pour tout homme de s'ajuster au dessein de Dieu.


Dans l'épître aux Galates, Paul relit l'événement de Damas pour fonder sa manière d'annoncer l'Evangile parmi les Nations, c'est-à-dire sans inféodation à la Loi, au Judaïsme.

Dans l'épître aux Philippiens, il relit l'événement de Damas comme lieu de révélation de la vraie « justice », de la vraie sainteté, que Dieu attend de l'homme : la communion au Christ pascal, sans avoir à passer par la Loi. Ces deux relectures sont liées.


Conversion ? Vocation ?

Le terme de « conversion » est ambigu dans notre langage actuel pour exprimer le changement dont Paul fait état. Il ne s’est pas converti du péché à la sainteté, à la manière par exemple d’un Charles de Foucauld ; il ne s’est pas converti d’une fausse religion à la vraie : Paul n’a jamais eu conscience d’abandonner sa foi juive au moment où il adhérait au Christ Jésus, bien au contraire.

Mais il a changé radicalement de regard sur la personne de Jésus : le Crucifié du Vendredi saint n’était plus à ses yeux le maudit de Dieu, mais son Fils glorifié en raison de son obéissance à son amour. En ce sens on peut parler de « conversion », de « retournement » complet. En même temps il faut souligner que Paul exprime sa conscience d’avoir vécu cette « conversion » comme un « appel » à l’apostolat, au sens fort du terme : la vocation d’être apôtre du Christ ressuscité pour annoncer l’Evangile et fonder des Eglises.






[1] - BIBLIA, n°4, Paul ou la folie de Dieu, Cerf 2001, p 11; modifié par l'auteur, PB.
[2] Ces allusions se trouvent en quatre passages des épîtres 1 Co 9,1-2; 15,9-11; Ga 1,11-24; Ph 3,2-16.
PROPOSITION POUR UNE RELECTURE DU PARCOURS DE L’ANNEE

AVEC VOTRE GROUPE




La rencontre pourrait avoir lieu autour d’un verre de l’amitié …
Pourquoi pas avec d’autres groupes de votre paroisse ou de votre secteur.




Pour commencer : un petit exercice de mémoire à proposer :

Ø Essayons de nous souvenir, sans papier, des différents passages des Lettres de Saint-Paul que nous avons étudiés dans le Parcours.

Ø Y-a-t-il un verset, une parole, un mot qui nous revient en mémoire pour chacun de ces textes ?


§ Qu’est-ce que ce Parcours a construit, apaisé, consolidé dans notre vie de prière, de relation, d’amitié.


Qu’est-ce que nous avons vécu de marquant dans notre équipe ?

Ø Venant des fiches

Ø Dans le fonctionnement du groupe


Quel type d’Eglise ce genre de partage engendre ?


Nous pouvons finir la Rencontre avec le chant : « Tenons en éveil » (C-243-1)

1- Notre Dieu fait toujours ce qui est bon pour l’homme,
Alléluia ! Bénissons-le !
Il engendre le corps des enfants de sa grâce,
Alléluia ! Bénissons-le !
Pour lui rendre l’amour dont il aime le monde

Tenons en éveil la mémoire du Seigneur,
Gardons au cœur le souvenir de ses merveilles.

4- Le Seigneur nous choisit pour sa Bonne Nouvelle,
Alléluia ! Bénissons-le !
Ils suscite partout des énergies nouvelles,
Alléluia ! Bénissons-le !
Pour lui rendre la vie qu’il nous donne à mains pleines.

FICHE THEMATIQUE 8

CONDUITS PAR L’ESPRIT


Lettre de Saint-Paul aux Romains (8,1-30)









LE TEXTE :

Lettre aux Romains 8, 1-30

[Exorde : récit raccourci de l'œuvre de Dieu en Christ ;

Proposition : plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ]


Rm 8-1 Mais maintenant[1],il n’y a plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ. 2 Car la loi de l'Esprit qui donne la vie en Jésus Christ m'a libéré de la loi du péché et de la mort. 3 Ce qui était impossible à la loi, car la chair la vouait à l'impuissance, Dieu l'a fait: à cause du péché, en envoyant son propre Fils dans la condition de notre chair de péché, il a condamné le péché dans la chair, 4 afin que la justice exigée par la loi soit accomplie en nous, qui ne marchons pas sous l'empire de la chair, mais de l'Esprit.

[Argumentation 5-17 l'Esprit conduit à la vie, à la gloire]

A – logique de la chair, logique de l'Esprit

5 En effet, sous l'empire de la chair, on tend à ce qui est charnel, mais sous l'empire de l'Esprit, on tend à ce qui est spirituel: 6 la chair tend à la mort, mais l'Esprit tend à la vie et à la paix. 7 Car le mouvement de la chair est révolte contre Dieu; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu; elle ne le peut même pas. 8 Sous l'empire de la chair on ne peut plaire à Dieu.
9 Or vous, vous n'êtes pas sous l'empire de la chair, mais de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. 10 Si Christ est en vous, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l'Esprit est votre vie à cause de la justice. 11 Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous.
B- dynamisme de l'Esprit

12 Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle.
13 Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez; mais si, par l'Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez.



14 En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu: 15 vous n'avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions: Abba, Père.
16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 17 Enfants, et donc héritiers: héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.

Réfutation et amplification 8, 18-28 : souffrances et espérance
18 J'estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous.
19 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu: 20 livrée au pouvoir du néant - non de son propre gré, mais par l'autorité de celui qui l'a livrée - , elle garde l'espérance, 21 car elle aussi sera libérée de l'esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. 22 Nous le savons en effet: la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l'enfantement.
23 Elle n'est pas la seule: nous aussi, qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l'adoption, la délivrance pour notre corps. 24 Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Or, voir ce qu'on espère n'est plus espérer: ce que l'on voit, comment l'espérer encore? 25 Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec persévérance.
26 De même, l'Esprit aussi vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut, mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables, 27 et celui qui scrute les coeurs sait quelle est l'intention de l'Esprit : c'est selon Dieu en effet que l'Esprit intercède pour les saints.
28 Nous savons d'autre part que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein. 29 Ceux que d'avance il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'Image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d'une multitude de frères ; 30 ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.
[Péroraison 31- 39 : hymne à l'amour de Dieu]
31 Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
32 Lui qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous tous,
comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ?
33 Qui accusera les élus de Dieu? Dieu justifie!
34 Qui condamnera? Jésus Christ est mort, bien plus il est ressuscité,
lui qui est à la droite de Dieu et qui intercède pour nous!
35 Qui nous séparera de l'amour du Christ?
La détresse, l'angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ?
36 selon qu'il est écrit: À cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour, nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie.
37 Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.
38 Oui, j'en ai l'assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, 39 ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur.

[1] Traduction TOB modifiée, sous titres rajoutés - P.B.



FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS


I - POUR LIRE

Le chapitre 8 de l'épître aux Romains est un chant de victoire et un chant d'espérance.

Ø Un chant de victoire parce que l'homme échappe à la condamnation, grâce à l'Esprit qui le rend capable de vivre en fils de Dieu, sans qu'il ait plus besoin d'être encadré, menacé, sanctionné par la Loi. Au début (8, 1) retentit un « Mais maintenant », comme il avait retenti déjà en 3, 21 ; mais alors il s’agissait d’échapper aux actes personnels de péché ; maintenant il s’agit d’échapper à la condition de faiblesse qui laissait l’homme divisé, asservi, et comme étranger à lui-même : « je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas » (Rm 7, 19). Finie, cette servitude !

Ø Un chant d’espérance ensuite : « les souffrances du temps présent - de ce temps intermédiaire entre l’appel à la foi et la glorification finale - sont sans proportion avec la gloire à venir » ; cette gloire, l'Esprit l’appelle et l’anticipe au cœur des croyants.

Parcours global pour une première lecture :

1 – Ouverture (8, 1-4) : affranchis par l'Esprit

Au cri de détresse de l'homme asservi au Péché : « Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps voué à la mort? » (7, 25), Paul répond en célébrant le grand tournant de l'histoire religieuse de l'humanité que Dieu a réalisé dans le Christ. « Mais maintenant il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Christ Jésus ». Car ce n'est plus le Péché qui fait la loi en l'homme, mais l'Esprit, et l'Esprit, c'est la justice et la vie. Dans un puissant raccourci, Paul ramasse toute l'histoire du salut :

Ø jusqu'à maintenant la Loi de Dieu s'était montrée impuissante à arracher l'homme à la servitude à cause de « la chair » (c'est-à-dire la condition humaine marquée toute entière par la faiblesse physique et morale) ; elle ne faisait que l'enfoncer un peu plus dans la transgression ;

Ø alors Dieu a envoyé son propre Fils dans cette même condition humaine, sans péché, mais non sans la marque des conséquences du péché (appartenance à une humanité pécheresse, violence subie, humiliation, souffrances et mort, tout ce qui en fait une «chair de péché») ;

Ø en ce Fils, parfaitement obéissant jusqu'à mourir sur une croix, Dieu « a condamné le Péché dans la chair » : là même où le Péché régnait, il a été vaincu et éliminé ; en son Fils Dieu a fait ce que la Loi était impuissante à faire (non pas punir le péché, mais l'éliminer) ;

Ø et maintenant la visée de justice de la Loi s'accomplit en « nous », les croyants, dont la conduite n'obéit plus à la chair, mais à l'Esprit (que nous recevons du Christ de Pâques).



2 – Argumentation en deux mouvements :

Premier mouvement (8, 5-17) : la docilité à l'Esprit ne peut que conduire à la vie,
à la gloire.

En deux séquences parallèles (5-11/12-17), Paul oppose deux logiques, deux dynamiques : celle de la chair et celle de l'Esprit. La logique de la chair est de s'opposer à Dieu, elle est une logique de mort. Le dynamisme de l'Esprit est de conduire à la vie par la justice.
Et chaque fois (9. 12.15), Paul dit : vous (les croyants), vous n'êtes pas dans la logique de « la chair », mais sous le dynamisme de l'Esprit. Par conséquent vous serez vainqueurs du péché et de la mort, résurrection comprise.

La seconde séquence (12-17) va plus loin que la première : Paul ne se contente pas de dire que l'Esprit habite en vous (9.11), mais qu'il vous conduit, et cela est l'apanage des enfants de Dieu (14), ce qui amène à parler de la condition filiale des croyants. Si nous sommes enfants, nous sommes héritiers, héritiers avec le Christ, le Fils premier-né, « s'il est vrai que nous souffrons-avec lui pour être glorifiés avec lui » (8, 17). Et cette précision permet d'enchaîner avec la seconde partie de l'argumentation : les souffrances du temps présent ne peuvent absolument pas enrayer le mouvement vers la gloire : elles en sont bien plutôt le chemin.
Deuxième mouvement (8, 18-28) : souffrances et gloire ; l'espérance

Dans ce 2ème mouvement, Paul réfute implicitement le doute qui pourrait affecter les croyants devant les épreuves qui les atteignent dans cet entre-deux qui va de Pâques à la révélation finale de la gloire des enfants de Dieu : il n'y pas de proportion entre les souffrances du temps présent et la gloire qui doit se révéler en nous; pas de proportion ni d'incertitude. Temps d'épreuves qui est aussi le temps de l'espérance.

Le texte est balisé par trois « gémir », à la fois de détresse et d'attente (19-27) :

celui de la création en travail d'enfantement (19-22)

celui de nous-mêmes rendus impatients de par les prémices de l'Esprit, qui nous font attendre la libération totale (23- 25)

enfin le « gémir » de l'Esprit lui-même, sa prière au plus intime de nos coeurs , qui nous accorde au dessein de Dieu (26-27)

Or, ce dessein va immanquablement de la «prédestination» à la «glorification» (28-30).


3 – Péroraison[2] (8, 31-39) : Hymne à l'amour de Dieu

Il ne reste plus alors qu'à célébrer l'amour de Dieu manifesté en Christ Jésus. Cela se fait au moyen de questions répétées, qui soulignent le caractère invincible de cet amour.


¨ Lexique :

- Lexique de l’anthropologie paulinienne :

*chair / esprit : ne sont pas deux composés de l'être humain mais deux dimensions de l'existence, selon que la personne est enfermée dans la faiblesse physique et morale, ou qu'elle est ouverte à l'action de l'Esprit en elle. On vit « selon la chair / ou/ « selon l'esprit, on est « dans la chair » ou « dans l'esprit »

* chair de péché : la condition humaine marquée par les séquelles du péché (souffrances, humiliations, violence subies, mort...)

* corps : n'est pas l'équivalent de « la chair »; mais la personne en tant qu'elle est enracinée dans le monde , la société, la durée; « offrez votre corps » (Rm 12, 1) signifie « offrez-vous vous-mêmes» selon tout cet enracinement. Exceptionnellement, il peut renvoyer au corps « charnel » comme en 8, 13 : « faites mourir par l'Esprit les œuvres du corps ».

* Esprit et esprit : on peut mettre ou non une majuscule, selon qu'il s'agit de la personne divine de l'Esprit saint, ou de la personne humaine habitée et conduite par l'Esprit saint. Le texte n'est pas toujours clair, sauf quand il distingue clairement l'Esprit et notre esprit (8, 15), ou lorsqu'il attribue à l'Esprit une action propre qui dépasse le pouvoir de 'homme laissé à lui-même (exemple: 8,26-27).

*justice : sens plus large qu'en français ; tout ce qui accorde l'homme à la volonté de Dieu; équivalent d'une vie sainte. - La Justice de Dieu est ce qui l'ajuste à sa promesse et à son alliance.

* Loi : habituellement « la Loi » désigne chez Paul la Loi de Moïse, institution de salut, qui est à la fois révélation et commandements; elle est don de Dieu, sainte et spirituelle, mais réduite à l'impuissance à cause de la condition charnelle de l'homme qui donne prise au Péché. Exceptionnellement Paul utilise le mot « loi » au sens de principe d'action : ce n'est plus le Péché qui fait la loi mais l'Esprit (8, 2). La loi de l'Esprit n'est pas un code, mais un dynamisme intérieur.

- Lexique de Dieu et de son dessein de salut :

* Abba, Père (8, 14) : Abba, « terme araméen pour Père, ici transcrit, puis traduit en grec. A l'origine c'était le mot employé dans l'intimité familiale par le fils, mais son usage s'était considérablement généralisé à l'époque du NT. Cependant le mot Abba ne semble pas avoir été utilisé pour s'adresser à Dieu dans le judaïsme » (Note de la Nouvelle Bible Segond, in loco). Jésus s'adresse ainsi à son Père (Mc 14,36) ; l'Esprit met ce mot dans la bouche des croyants. (Ga 4, 6; cf Lc 11, 2)

* appeler : c’est le verbe de l’appel à la foi en vue de s’intégrer à l’ekklèsia, convoquée par Dieu pour entrer en alliance avec lui.

* connaître d’avance : en lui-même, dans son amour prévenant, Dieu « connaît » au sens de faire attention à quelqu’un, de s’intéresser à lui, de l’aimer et de le choisir.

* destiner d’avance : c’est la décision de réaliser concrètement l’amour qui s’exprime dans l’acte de « connaître d’avance ».




* justifier : l’acte par lequel Dieu non seulement déclare juste, mais rend juste celui qui lui accorde sa foi, sans s’appuyer sur sa qualification humaine quelle qu’elle soit.

* glorifier : l’acte final qui découle de la justification : le salut est une participation à la « gloire » du Christ ressuscité ; la « gloire » est « ce qui fait le poids », ce qui fait la valeur et la beauté de l’être de Dieu et de ceux qu’il configure à son Image.

* Image : mettre une majuscule à ce mot au v 29 : il ne s’agit pas d’une vague ressemblance, mais de l’Image parfaite / de l’Icône / vivante de Dieu qu’est son propre Fils, crucifié et ressuscité ; c’est à cette Icône de lui-même qu’est son Fils que Dieu veut configurer les croyants. Il en fait ainsi le Premier-Né d’une multitude de frères.


¨Textes des Ecritures (A.T.) :


L’Esprit promis par Dieu pour rendre son peuple capable de vivre fidèle à l’Alliance :

Ezéchiel 36-26 : Je vous donnerai un coeur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j'enlèverai de votre corps le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair. 27 Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes.

C’est par son Esprit que Dieu conduisait son peuple à travers le désert jusqu’à la Terre Promise :

Isaie 63-11 Son peuple alors se rappela les jours du temps de Moïse : «Où est celui qui fit remonter de la mer le pasteur de son troupeau ? Où est Celui qui mit en lui son Esprit saint ? 12 Celui qui fit avancer, à la droite de Moïse, son bras resplendissant ? Celui qui fendit les eaux devant eux pour se faire un nom éternel ? 13 Celui qui les fit avancer dans les abîmes ? Tel un cheval dans le désert ils ne trébuchaient pas, 14 tel du bétail qui descend une combe l'Esprit du SEIGNEUR les menait au repos.» C'est ainsi que tu as conduit ton peuple, pour te faire un nom resplendissant. « Ceux-là qui sont conduis par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » Israël conduit par Dieu au désert faisait l’expérience d’être traité comme un fils par Dieu.

Deutéronome8-4 Ton manteau ne s'est pas usé sur toi, ton pied n'a pas enflé depuis quarante ans, 5 et tu reconnais, à la réflexion, que le SEIGNEUR ton Dieu faisait ton éducation comme un homme fait celle de son fils.

Osée11,1 Quand Israël était jeune, je l’aimais : depuis l’Egypte j’ai appelé mon fils … C’est moi qui ai guidé les pas d’Ephraïm en le soutenant par les bras.




II - ET MAINTENANT AU TEXTE

Nous proposons une lecture transversale de l'ensemble du chapitre autour de l'Esprit et de l'existence chrétienne :

1 – L'Esprit

Ø Comment est-il désigné ?
Ø Quelles fonctions lui sont attribuées ?
Ø Quel éclairage reçoivent-elles des textes de l'A.T. : Jérémie 31, 31-31-34; Ezéchiel 36, 26-27 ; Isaïe 63, 13-14
Ø Quelle est la nouveauté de la révélation de l'Esprit dans le N.T. ?

2 – L'existence chrétienne
Ø Comment répondriez-vous à partir de ce texte à la question : Qu'est-ce qu'un chrétien?
Ø Comment s'articulent dans ce texte l'initiative divine et la responsabilité humaine ?
Ø Quels sont les points d'appui de l'espérance ? Quelle place y tient l'Esprit ?
Ø L'Esprit et la prière chrétienne : quels rapports ?



III- PISTES POUR ACTUALISER

L’Esprit est toujours actuel. C’est lui qui rend le Christ actuel dans les personnes et dans l’histoire de l’humanité.

1. « Malheureux homme que je suis (7, 24) … « Mais maintenant » (8, 1) : que seriez-vous portés à dire à une personne qui a rencontré l’épreuve du mal subi, du mal commis ?

2. « La création gémit dans les douleurs de l’enfantement » : quel regard d’espérance nous donne l’Esprit sur la situation présente du monde ? Quelle part de nous donne-t-il dans cet enfantement ? Quelle part nous arrive-t-il de prendre à cet enfantement ?




IV - PISTE POUR LA PRIERE

Un refrain pour ouvrir le temps de prière :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ, Alléluia ! »
(A. Gouzes)

Deux chants au choix :

1er chant : «Amour qui nous attends» (Tamié) E 173-1 (à chanter ou à lire)

Stance : Amour qui nous attends au terme de l’histoire,
Ton royaume s’ébauche à l’ombre de la croix :
déjà sa lumière traverse nos vies.
Jésus, Seigneur, hâte le temps ! Reviens achève ton œuvre !
Refrain : Quand verrons-nous ta gloire transformer l’univers ?

Jusqu'à ce jour nous le savons, la création gémit en travail d’enfantement
Nous attendons les cieux nouveaux, la terre nouvelle, où règnera la justice
Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision, jusqu'à l’heure de ton retour.

2ème chant : « A ce monde que tu fais » D.Rimaud/ J.Berthier T-146-1(CNA n° 526)
1 - A ce monde que tu fais chaque jour avec tendresse,A ce monde où tu voudrais plus de joie, moins de détresse, A ce monde qui renaît s'il a foi en ta promesse,Donne un coeur de chair, donne un coeur nouveau !Viennent les cieux nouveaux et la nouvelle terreQue ta bonté nous donnera !Viennent les cieux nouveaux et la nouvelle terreOù la justice habitera.6 - Sur le peuple des croyants dérouté par son histoire, Sur le peuple des souffrants qui occupe ta mémoire, Sur le peuple qui attend que paraisse enfin ta gloire,Envoie ton Esprit, un Esprit nouveau !9 - A nos corps où tu as mis le désir de voir ta face, A nos corps que tu conduis de leurs tombes à leur Pâque, A nos corps déjà bénis dans le Corps où tu es grâce,Donne un coeur de chair, donne un coeur nouveau !10 - Sur les foules esseulées qui ont soif de ta Parole, Sur la ville des sauvés où s'achève tout exode, Sur ta vigne bien-aimée qui prépare ses récoltes,Envoie ton Esprit, un Esprit nouveau !

Un passage de la lettre de Paul : relire une séquence du ch 8, et laisser chacun redire tel verset, telle expression qui lui parle.

Introduction au Notre Père : Enfants du Père, héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, ayant part à ses souffrances, ayant part à sa gloire, dans la confiance, nous pouvons dire : NOTRE PERE



FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS



V - QUELQUES CLES DE LECTURE


1 - L'Esprit* est la figure dominante de ce chapitre

Nous lui consacrerons la plus grande partie de notre lecture. C'est lui, pourrait-on dire, qui occupe le devant de la scène entre l'action de Dieu réalisée dans l'événement de la Croix (8, 1-4) et la glorification finale, qui exalte l'amour de Dieu (8, 28-39). Mais il n'agit pas de manière autonome : il est l'Esprit de Dieu et l'Esprit du Christ. Quel est son rôle ? Il a plusieurs figures, la première étant un héritage des prophètes

Ø Il est l'auteur de la vie nouvelle chez les croyants : une vie de fidélité et d'amour ; il est «l’amour de Dieu versé dans nos coeurs » (Rm 5, 5). Il réalise ce qu'annonçaient les prophètes de la Nouvelle Alliance: Jérémie et Ezéchiel : la loi de Dieu serait écrite sur le cœur, au-dedans, et non plus au-dehors sur des tables de pierre; Le Seigneur mettrait son Esprit dans le coeur de son peuple pour qu'il puisse marcher selon ses voies. C'est bien ce qui se réalise selon Rm 8. Sans lui, impossible de plaire à Dieu. Il remédie à l'impuissance de la Loi. « L'Esprit est vie à cause la justice » (8,10), il est source de vie parce qu'il permet de vivre dans la justice, dans la sainteté. L'Esprit fait passer de la condition charnelle à la condition spirituelle : « vous n'êtes pas dans la chair mais dans l'esprit, puisque L'Esprit de Dieu habite en vous » (8, 9). « La loi de l'Esprit qui donne la vie en Christ Jésus » n'est pas une « loi-règlement », elle est un principe intérieur qui conforme au Christ les dispositions et l'agir des croyants dans la liberté spirituelle (Ga 5,13-16).

Ø Il « habite » dans le cœur et dans la communauté des croyants, comme dans un temple (8, 9 ; cf. 1Co 3, 16 ; 6, 19) ; cette habitation de l'Esprit est la marque de l'appartenance au Christ : « Qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas » (8, 9). « Qu'est-ce qu'un chrétien? Celui qui a l'Esprit de Jésus-Christ » (J.J. OLIER).

Ø Non seulement il « habite » (statiquement), mais il « conduit » (dynamiquement). Il conduit les croyants jusqu'à l'héritage eschatologique. A la manière dont le Seigneur conduisait Israël à travers la marche dangereuse du désert jusqu'à la Terre promise par son Esprit[3]. Assistance permanente qui permet aux croyants
de faire l'expérience qu'ils sont « enfants de Dieu », car ce sont ses enfants que Dieu « conduit », et ceux qu'ils conduit sont vraiment ses enfants : « En effet, tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu » ( 8, 14)[4] .



Ø Il donne un esprit filial parce qu'il inspire l'amour de Dieu et lui enlève la crainte. Le don de l'Esprit signifie le passage de la servitude (agir par crainte) à la liberté (agir de plein cœur par amour) (8, 15; cf. Ga 4, 7). Cet esprit filial se traduit en particulier dans la prière qui s'adresse à Dieu avec la même familiarité et la même confiance que la prière de Jésus lui-même : « Abba » (8, 15; Ga 4, 6; cf. Lc 11, 2; Mc 14, 36). L'Esprit fait en sorte que la prière du Fils devienne celle des croyants ; elle est une prière théologale [5].

Ø L'Esprit stimule l'espérance. Le « gémir » de l'Esprit (8, 26) s'inscrit au coeur du « gémir » des croyants (8, 23) et le stimule. Pourquoi ? Parce que l'Esprit déjà présent au coeur de leur vie est comme un acompte du don ultime et total du salut eschatologique. On n'espère pas moins parce qu'on a déjà quelque chose.
Au contraire plus on expérimente par l'Esprit la valeur de la vie du Royaume (Rm 14,17: le Règne de Dieu est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint), plus on désire en voir l'avènement. A son tour le gémissement des croyants assume le gémissement de toute la création en mal d’enfantement (8, 19-20). Car c’est dans « la glorieuse liberté des enfants de Dieu », que, non seulement l’humanité, mais l’univers trouve sa raison d’être et son accomplissement. Selon la perspective héritée de l’Ecriture, le cosmos est associé à la réussite de l’humanité dont il constitue le milieu de vie. L’espérance chrétienne dépasse les individus, elle concerne le monde comme « création de Dieu ». On pourrait dire que l’histoire de l’homme dans le cosmos est l’histoire de la liberté : affranchissements successifs jusqu’à la gloire que constitue la liberté reçue et vécue dans l’Esprit par les enfants de Dieu. Cette liberté doit inclure « la rédemption de notre corps », par la victoire sur la mort en nos personnes ressuscitées.

Ø L’Esprit éduque la prière au coeur de cette tension vers l'achèvement final. Par nous-mêmes nous ne saurions pas ce qu'il faut demander à Dieu. Mais l'Esprit, lui, le sait, et ce qu'il inspire de demander correspond à ce que Dieu attend. L'Esprit est l'éducateur de la prière parce qu'il est l'éducateur du désir selon Dieu. Le désir du croyant devient lui aussi un désir « théologal » : il est le désir de l'Esprit (8, 27) qui correspond au désir de Dieu de nous configurer à son Fils (8, 27-28). « Les gémissements ineffables » de l'Esprit (8, 26) ne désignent pas nécessairement (en tous cas pas exclusivement) les formes charismatiques de la prière (prière en langues), mais caractérisent la prière chrétienne comme étant toujours au-delà de ce qu'elle pourrait exprimer; je prie toujours plus que ce que je comprends. Ce que l'Esprit me fait désirer va au-delà de mon entendement. Le désir de l'Esprit en moi est une « intercession » vivante et permanente.
Seul cas où le N.T. parle de « l'intercession » de l'Esprit (8, 27) ; elle s'accorde nécessairement avec celle du Christ (8, 34).

Ø L'Esprit est puissance de vie et de résurrection (8, 10-11). Même si le corps se délabre, parce qu'il appartient encore à ce monde marqué par les séquelles du péché, la personne du croyant est déjà habitée par l'Esprit qui est à l'origine de la résurrection du Christ et sera donc aussi à l'origine de la sienne. Ce lien de la résurrection avec l'habitation de l'Esprit est hautement significatif pour en avoir une juste intelligence


2 - Si la figure de l'Esprit domine en Rm 8, la personne du Christ y est également bien présente.
L'Esprit de Dieu est en effet « l'Esprit du Christ », celui qui en sa résurrection est devenu « esprit vivifiant », non seulement habité par l'Esprit, mais capable de le communiquer comme le Souffle de la vie nouvelle à tous les humains (1Co 15,45). La glorification des croyants les associera à la gloire du Christ par le chemin de la communion à ses souffrances. Surtout le dessein de Dieu, à l'aboutissement duquel conduit l'Esprit, est de les configurer à l'Image de lui-même qu'est son propre Fils (Rm 8, 28-29). Le Fils est au commencement et à la fin de l'œuvre que Dieu réalise chez les croyants par son Esprit. Par l'Esprit Dieu constitue une nouvelle fraternité humaine, et son Fils ressuscité en est le premier-né.


3 - Dieu (le Père) est lui aussi, lui d'abord, l'objet de la contemplation de Paul.
Non seulement au début (8, 3), mais aussi est surtout à la fin. D'abord en célébrant la continuité, la cohérence, la fiabilité de son dessein, depuis la première intention (la prédestination) jusqu'à l'achèvement ultime. Paul exprime cela par une figure de style qui enchaîne les verbes les uns aux autres, selon les grandes étapes de l'histoire du salut : « connaître d’avance », « destiner d’avance », « appeler », « justifier », « glorifier » (8, 29-30). Les croyants ne sont pas pour autant déresponsabilisés, mais leur liberté peut s'exercer au sein d'une confiance absolue : le Dieu qui les a appelés à la foi est fiable.
Ensuite, et c'est la conclusion non seulement du chapitre 8 mais aussi de tout le parcours de l'épître qui a conduit du péché à la justice, de la justice à la sanctification, de la sanctification au salut, dans un dynamisme impressionnant, Paul va laisser tomber le premier et le dernier mot de toute cette histoire : l'amour de Dieu.

4 - Les croyants
Ils sont « agis » et ils agissent, selon le mot de saint Augustin. Ils sont » conduits » par l'Esprit, mais ils doivent pratiquer une ascèse : « faire mourir par l'Esprit les oeuvres mauvaises ». Il y a une vie qui conduit à la mort et une mort qui conduit à la vie. Cependant l'accent de Rm 8 est plus sur l'attestation de la vie nouvelle inaugurée par l'Esprit que sur l'effort humain. On leur répète à satiété qu'ils ne sont plus « dans la chair », mais « dans l'Esprit ». En Galates 5, 16 il est dit : « Laissez-vous conduire par l'Esprit et vous ne risquerez pas de satisfaire les désirs de « la chair ». « Se laisser à l'Esprit » est tout un programme de vie chrétienne.
L'espérance est caractéristique de leur existence présente. Ils sont sauvés en espérance, or l'espérance (l'objet espéré) est encore ce que l'on ne voit pas. Le texte de Rm 8 indique des points d'appui déjà perceptibles dans le présent : la vie dans la justice devenue possible, le mouvement du cœur, surtout dans la prière, qui reconnaît et invoque Dieu comme Père, l'expérience des prémices de l'Esprit », c'est-à-dire de l'avant-goût du Royaume qu'est la vie selon l'Esprit (cf. Ga 5, 22 :« le fruit de l'Esprit », et Rm 14, 16 cité supra).




VI- POUR ALLER PLUS LOIN


Pour méditer sur la «péroraison» (8,31-38), nous vous proposons une lettre de Roger Varro à son ami Tertius, secrétaire auquel Saint-Paul a dicté l'épître aux Romains :

Cher Tertius,

"Que dire de cela ?"
Lorsque tu as entendu ton Maître te dicter ces mots, tu as souri car tu savais parfaitement qu'il ne se trouvait pas à court de mots. Tu aurais encore de longs moments à demeurer courbé sur ton parchemin jusqu'à ce que tombe la salutation qui mettrait fin à la missive et à la dictée. Mais ton sourire n'était pas fait que d'une amicale ironie. Il était aussi l'expression du bonheur que tu ressentais au cœur même de ton travail. Tu partageais le sentiment de Paul. Tu demeurais ébloui comme lui devant l'ampleur inouïe du "dessein" de Dieu, tel qu'il venait de t'en parler. Et tu écrivais avec allégresse les mots de l'hymne à l'amour de Dieu qui surgissait de ses lèvres. Tu étais heureux de les saisir au vol, de les tenir entre tes doigts, de les fixer pour toujours.
Ils ne se perdraient plus. Tu leur donnais l'éternité !

Certes, le malheureux parchemin qui recevait ton écriture a disparu depuis longtemps. Mais tant et tant de tes petits frères scribes l'ont recopié qu'aujourd'hui encore nous pouvons faire nôtre ton message, et le donner à entendre à nos frères et sœurs qui buttent contre la mort. La mort des corps promis à la Résurrection. La mort des serviteurs de la Bonne Nouvelle, toujours menacés quand ils portent l'Évangile dans des terres nouvelles. La mort de la Nouvelle elle-même? Tant de gens l'ont prédite depuis deux mille ans... Et pourtant, l'Évangile est là, toujours là, toujours dit avec le même mot, le mot AMOUR, le seul qui transfigure l'homme. Mais comment le recevoir, comment le redire, comment le chanter, comment le vivre ? C'est dans l'ambiance des fêtes de Pâques que nous relirons cette hymne. Elle sera notre chant pascal en l'an 1996 de notre salut comme elle a été le tien en l'an 4 de Néron ! Prie et réjouis-toi avec nous. Salve !



(Routes Bibliques, Nice 1995-1996, p. 65)


[1] Mais maintenant : cette formule d’opposition forte s’explique par le fait que le ch 8 n’est pas un commencement absolu : il développe la contrepartie positive de la situation exposée au ch 7 : l’homme asservi au Péché.
[2] La péroraison d’un discours est un terme technique pour dire sa conclusion de manière amplifiée, lyrique, impressionnante ; elle le récapitule sous son aspect majeur. Ici elle récapitule sus la figure de l’amour de Dieu non seulement le ch. 8, mais toute la première partie de l’épître aux Romains (1-8)
[3] «Il les conduisit à travers I’Abîme (passage de la Mer) comme un cheval à travers le désert, et ils ne se fatiguèrent pas, et comme des troupeaux à travers une plaine. L'Esprit descendit d'auprès du Seigneur et les conduisit. Ainsi tu as conduit ton peuple de manière à te faire un Nom glorieux » (Is 63, 13-14)
[4] Telle était déjà l'expérience d'Israël au désert (Os 11, 1 ; Dt 8, 1-5)
[5] Théologale : où les Personnes divines exercent au cœur des croyants leurs propres relations.

FICHE THEMATIQUE 7

LE BAPTEME COMME COMMUNION AU CHRIST PASCAL

Lettre de Saint-Paul aux Romains (6,1-14)











LE TEXTE : Lettre aux Romains 6, 1-14
[Proposition]


1 Qu'est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le Péché pour que la grâce se multiplie?
2 Absolument pas ! Puisque nous sommes morts au Péché,
comment pourrions-nous vivre encore dans le Péché ?

[Argumentation pour montrer que nous sommes morts au Péché (v. 3-11 )]

3 Ne le savez-vous donc pas :
nous tous, qui avons été baptisés en Jésus Christ,
c'est en sa mort que nous avons été baptisés.
4 Si, par le baptême en sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui,
c'est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi,
de même que le Christ, par la gloire du Père, est ressuscité d'entre les morts

[nous aussi : sens de la mort baptismale]
[comme Christ : sens de la mort du Christ]

5 Car si nous nous sommes déjà en communion avec lui par une mort
qui ressemble à la sienne
nous le serons encore par une résurrection semblable.
6 Nous le savons :
l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui
pour que cet être de péché soit réduit à l'impuissance et qu'ainsi nous ne soyons plus esclaves du Péché.
7 car celui qui est mort est libéré du Péché.
8 Mais si nous sommes morts avec Christ,
nous croyons que nous vivrons aussi avec lui



9 Nous le savons en effet :
Christ ressuscité des morts ne meurt plus;
sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir.

10 car en mourant, c'est au Péché
qu'il est mort une fois pour toutes;
vivant, c'est pour Dieu qu'il vit.
[Conclusion v. 11]
11 De même vous aussi, considérez que vous êtes morts au péché
et vivants pour Dieu en Jésus Christ.
[Application éthique v. 12-14]
12Que le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises.13 Ne mettez pas vos membres au service du Péché pour mener le combat du mal. Mettez-vous au contraire au service de Dieu, comme des vivants revenus d'entre les morts, et offrez à Dieu vos membres pour le combat de sa justice,14Car le péché n'aura plus sur vous aucun pouvoir :en effet, vous n'êtes plus sujets de la loi, vous êtes sujets de la grâce (de Dieu)
[1] .



FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS


I - POUR LIRE

Qu'est-ce qui amène Paul à parler du baptême ?

Dans l’épître aux Romains, Paul est amené à parler du baptême. C'est un très beau texte, mais qui peut nous déconcerter. Il va nous dire que l'on est baptisé dans la mort du Christ, que le baptisé meurt au péché. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire pour des bébés qui jusqu’à présent n’ont commis aucun péché ? Et même pour nous : qu’est-ce que c’est que ce baptême dans la mort ? Le baptême n'est-il pas une nouvelle naissance ? Oui, bien sûr. Mais faisons attention au point de vue de Paul. Il a dans l'esprit le baptême des croyants adultes. Il en parle avec l'air de répondre à une objection. Il met en scène certains chrétiens qui l'accusent de laxisme moral. Ils lui disent à peu près ceci : « Paul, avec ta doctrine de la grâce de Dieu qui pardonne tout, sur la seule base de la foi en Jésus, malgré tout le mal que nous avons fait, tu encourages les gens à rester dans le péché; tu es allé jusqu'à dire : là où le péché a abondé, la grâce a surabondé (Rm 5, 20). Cette insistance sur la grâce de Dieu, n'est-elle pas une prime au péché ? Alors péchons, si notre péché donne l'occasion à la grâce de Dieu de se manifester toujours plus ». L'objection, vous le sentez, ne tient pas debout. Mais Paul la formule exprès pour pouvoir mieux l'enfoncer et il va la réfuter à partir de ce qui se passe dans le baptême.

Que se passe-t-il donc dans le baptême ?

Qu'est-ce qui s'y passe ? Les baptisés entrent en communion de destin avec le Christ. Ils sont baptisés dans sa mort afin de communier à sa vie et à sa résurrection. Et Paul va expliquer ce que veut dire : « être baptisé dans la mort du Christ ». Cela veut dire qu'avec lui on meurt au Péché une fois-pour-toutes ; il ne sera donc plus pensable de continuer à vivre comme si l'on était encore asservi au Péché. Désormais les baptisés sont libres de vivre pour Dieu. Ils sont encore de ce monde, ils ont pourtant changé d'univers.

Qu'est-ce donc que ce Péché dont parle Paul ?

Pour bien comprendre ce que dit Paul, quand il parle de « mourir au Péché », il faut saisir ce qu'il met sous le mot « Péché ». Il faut l’écrire avec un P majuscule. Ce n’est pas un acte particulier de désobéissance à Dieu, tel ou tel manquement volontaire à un commandement divin. Évidemment les enfants qui viennent de naître n'ont commis aucun péché. Là n'est pas le problème. Il s'agit de cette puissance du mal qui nous environne, qui nous précède, qui est toujours déjà-là, dès notre venue au monde ; nous pouvons en être victimes, mais aussi complices. En somme, c’est « le Péché du monde ». Dans le baptême, c’est à cette puissance maléfique que nous échappons, que nous mourons, les adultes bien sûr, mais aussi les enfants. Nous lui échappons définitivement. Le Christ, le premier, y a échappé sur la Croix. Par sa manière-même de mourir, il a dit le Non le plus radical qui ait jamais été dit à cette puissance tyrannique. Il est mort-au-Péché une fois-pour-toutes, et nous avec lui. Mais cela n’est évidemment que la face négative du baptême. La face positive consiste à inaugurer une vie nouvelle.



C’est comme l’envers et l’endroit d’un même événement. L’une n’est pas possible sans l’autre. Il s’agit d’un « mourir » pour « vivre », pour vivre autrement, et pour vivre d’une vie qui sera victorieuse même de la mort.

Une communion de destin avec le Christ de Pâques

Il nous faut donc lire ce texte de Paul sur le baptême avec toute sa richesse mystique. Ne nous laissons pas arrêter par ce qui peut nous choquer au premier abord. Le point de départ du discours de Paul qui se bat avec des moralistes apeurés par le message de la grâce n'est qu'un tremplin vers un exposé fervent de la communion avec le Christ inaugurée par le baptême. Pour Paul le baptême est bien plus qu'une purification des péchés passés, bien plus même que l'effacement de la « faute originelle» comme dit notre vieux catéchisme. Dans le baptême, une aventure extraordinaire commence: le baptisé entre dans une communion de destin avec le Christ : pas seulement « comme » lui, mais « avec lui ». C’est d’abord cela qui intéresse Paul dans le baptême. Le baptisé est engagé dans un « mourir-avec », un «vivre-avec », qui lui fait traverser tout le drame de la vie du Christ. La Pâque du Christ devient sa Pâque. Nous allons trouver dans ce passage de Rm 6 plusieurs des fameux verbes en –avec- du langage de Paul, pour dire cette communion avec le Christ pascal.

En voici le schéma, qui est la trame du Credo, mais en tissant la communion du Christ et des croyants :
il a souffert
"nous souffrons-avec (lui)"(Rm 8,17)
il a été crucifié
"notre vieil homme a été crucifié-avec lui" (Rm 6,6)
"j'ai été et je demeure crucifié-avec Christ" (Ga 2,20)
il est mort
"nous sommes-morts-avec-Christ " (Rm 6,8)
"nous sommes devenus conformes et solidaires de sa mort." (Rm 6,5)
il a été enseveli
"nous avons été ensevelis-avec lui par le baptême dans la mort" (Rm 6,4)
il est ressuscité
"nous lui serons aussi unis par une résurrection semblable" (Rm 6,5)
il est vivant
"nous vivrons-avec-lui"(Rm 6,8)
il a été glorifié
"Héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ "- "afin d'être glorifiés-avec (lui)" (Rm 8,17)

Ce baptême-là n'est pas seulement un événement passé, il est à l'origine d'une vie baptismale qui est une course à la résurrection.



¨ Lexique :

* Grâce : ce mot est un mot clé de la théologie de Paul. Il le reçoit des Ecritures (Ancien Testament). La grâce de Dieu est son amour prévenant, absolument gratuit ; elle se manifeste dans la fidélité de son alliance, dans sa compassion pour son peuple, dans le pardon de ses fautes, dans son initiative qui crée un cœur nouveau. Paul a compris que la grâce de Dieu est la grâce du Christ : le don que Dieu fait de son Fils à tout homme, juif ou non juif, sans autre préalable que la foi.

* Gloire : « gloire du Père » : le mot « gloire » hérite ici du langage biblique; il ne s'agit pas d'abord de la réputation de quelqu'un, mais de la qualité / de la qualification/ de l'être, de la personne. En hébreu, le mot signifie « ce qui fait le poids ». La « gloire de Dieu », c'est « son poids », son importance (par rapport au créé), sa puissance de salut, le resplendissement de son être, sa beauté. En Rm 6, 4 la résurrection de Jésus est l'expression de la puissance du Père, du rayonnement de son être.

* Justice : mot beaucoup plus riche dans l'Écriture que dans notre langage courant. Il s'agit de ce qui ajuste l'homme à la sainteté de Dieu, à sa volonté, à son amour. Pour Paul, l'homme ne peut être juste que par la foi, en faisant confiance à Dieu, en s'appuyant sur Lui, pour vivre du don qu'il lui fait de son Fils, bien au-delà de ses efforts, de ses mérites, et même en dépit de ses fautes.

* Loi : « sujets de la Loi ». Paul considère la Loi de Moïse comme un véritable don de Dieu, pour éduquer son peuple dans la justice; mais par elle-même la Loi ne suffit pas, tant que le cœur de l'homme n'est pas changé et récréé par l'Esprit-Saint. Elle peut même l'enfoncer en lui donnant la claire conscience du mal. Mais l'homme nouveau n'a plus besoin d'être assujetti à une loi : commandé, menacé, sanctionné. C'est en ce sens qu'il n'est plus « sujet de la loi ». Mais, de l'intérieur, il est conduit par l'Esprit à connaître et à faire ce qui plaît à Dieu.


II - ET MAINTENANT AU TEXTE

Nous ne pratiquons guère le baptême par immersion. Qu'est-ce que ce type de baptême évoquait pour Paul ? Allez-voir dans les évangiles : Luc 12, 49-50; Marc 10, 32-40; dans les Psaumes : Ps 69, 2-3. Comment ce symbolisme pouvait-il éclairer ce que Paul voulait dire du sens du baptême chrétien ?

Remarquer le parallélisme des v 5-7 et des v 8-10 : Paul fait deux fois le même parcours, mais une fois en parlant des baptisés (v 5-7), une fois en parlant du Christ (v 8-10). Que veut-il faire comprendre en instituant ce parallèle entre le baptême et la mort du Christ en croix ?

Relevez dans la partie centrale du texte (v 3-11) toutes les expressions où il est dit que les baptisés vivent quelque chose en rapport avec le Christ. Qu'est-ce que cela dit de l'existence chrétienne pour Paul ? Pour vous ?

Dans les v 3-11, faites attention au temps des verbes : qu'est-ce qui a déjà été fait, qu'est-ce qui est vécu ou à vivre maintenant, qu'est-ce qui reste encore futur ? Quel lien y a-t-il entre ces trois « moments » ?


III - PISTES POUR ACTUALISER

« Ne le savez-vous donc pas ? » Qu’est-ce que ce texte de Paul nous fait découvrir de nouveau de notre baptême ?

« Comme des vivants revenus d'entre les morts »: vivre désormais pour quoi ?
Pour qui ?



IV - PISTES POUR LA PRIERE

Un refrain pour ouvrir le temps de prière :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ, Alléluia ! »
(A. Gouzes)


Un chant : Souviens-toi de Jésus-Christ I 45 (CNA n° 588 )

Refrain : Si nous mourons avec lui,
avec lui nous vivrons.
Si nous souffrons avec lui,
avec lui nous régnerons.

Couplet : En lui sont nos peines, en lui sont nos joies,
En lui l’espérance, en lui, notre Amour.

Couplet : En lui, toute grâce, en lui, notre Père,
En lui, notre gloire, en lui, le Salut.


Introduction au Notre Père : Par le baptême nous avons été mis au tombeau avec le Christ pour mener une vie nouvelle. Avec lui, ressuscité, nous prions en toute confiance ce Père qu’il nous a révélé :

NOTRE PERE



FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS


V - QUELQUES CLES DE LECTURE

«Là où le Péché abonde la grâce surabonde ! Alors continuons de pécher ». D’un revers de main Paul écarte l’objection selon laquelle son évangile de la Grâce* de Dieu serait une prime au Péché*. Et il en vient rapidement à ce qui, à ses yeux, écarte toute méprise : ce qui se passe dans le baptême. Il s’y produit une « mort avec le Christ » et cette mort-là est une « mort au Péché ». Par conséquent, être baptisé et rester asservi au Péché, c’est incompatible.

1 – Baptisés dans la mort du Christ
(6, 3-4)Paul fait comme si ses correspondants savaient déjà ce qu'il va leur enseigner sur le baptême : « Ignorez-vous que ... ». En fait ils ont bien une certaine idée du baptême, mais ils ignorent bel et bien toute la portée que Paul veut lui donner. Il va droit au but, quitte à devoir s'expliquer ensuite : « Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Christ Jésus, c'est en sa mort que nous avons été baptisés ? » Quand Paul parle du baptême, il connaît certes la formule: « être baptisé au nom du Christ »; mais il préfère la formule directe : « être baptisé en Christ, au sens dynamique de « vers le Christ », c'est-à-dire lui être transféré dans un mouvement d'appartenance. Puis il commente : être baptisé en Christ /vers Christ, c'est être baptisé en sa mort. Autrement dit, impossible d'être uni au Christ par le baptême sans participer à sa mort.

L'expression nous intrigue : le baptême, une mort ? On comprendra mieux, si l'on pense que le baptême, en ce temps-là, ne consiste pas à verser quelques gouttes d'eau sur la tête d'un enfant, mais à plonger un adulte dans un courant d'eau vive, la tête sous l'eau. Jean baptisait dans le Jourdain. Or cette immersion évoque un risque mortel : l’eau engloutit (Ps 69, 2-3). Jésus emploie cette image pour parler de sa passion et de sa mort : « J'ai un baptême à recevoir ; comme cela me pèse d'ici qu'il soit accompli ! » (Lc 12, 50) ; et quand il demande aux disciples Jacques et Jean s'ils sont prêts à mourir avec lui, il leur demande s'ils sont prêts à boire la coupe qu'il va boire, à être baptisés du baptême dont il va être baptisé (Mc 10, 38).

C'est le geste de l'immersion, qui porte ce poids symbolique. C'est le seul que Paul retient ici. Il ne parle pas de l'émersion. Naturellement il va montrer que cette mort avec le Christ débouche sur une vie nouvelle. Mais ce qu'il faut bien assurer à la base de toute la réflexion, c'est cette figure du geste baptismal comme un engloutissement, comme symbole d'entrée en communion avec la mort du Christ, sans quoi il n 'y aura pas de vie nouvelle. Il renchérit : baptisés dans la mort du Christ, « nous-avons-été-mis-au-tombeau-avec-lui »; en français on dirait « morts et enterrés», pour souligner le réalisme de la mort. Les baptisés traversent cette mort pour mener une vie nouvelle (6, 4). Il est important que Paul emploie ici ce langage de vie, car ce qui est en débat, c'est la capacité de la grâce de Dieu d'inaugurer une vie nouvelle dès maintenant, dans le quotidien de l'existence. La résurrection viendra en son temps, elle reste future ; la vie nouvelle en est le prélude et le germe ; elle les assimile déjà au Christ qui est ressuscité « par la gloire du Père* »[2].

2 - « Mourir au Péché une fois-pour-toutes » (6,5-11)Pour faire comprendre ce qu'il met sous la mort baptismale, Paul dresse un parallèle entre ce qui arrive au croyant dans l'acte du baptême ( v 5-7) et ce qui est arrivé au Christ en sa mort et sa résurrection (v 8-10). C'est à partir de l'événement pascal que Paul caractérise l'événement baptismal. Il faut tenir les deux sous un même regard. C’est pour bien le montrer que nous avons mis en regard les deux parcours : celui du baptisé (6-7) et celui du Christ (9-10)

Paul institue une comparaison. De part et d'autre, c'est une mort qui engage un dynamisme de résurrection et de vie (v. 5 et 8) ; de cette résurrection et de cette vie Paul parle ici au futur : nous serons unis au Christ par une résurrection semblable, nous vivrons avec lui; cela est futur, mais certain ; certain, mais futur. Paul maintient toujours le « pas encore » de la résurrection des croyants. La condition de cet avenir est la communion avec lui dans une mort qui ressemble à la sienne, qui est du même tissu que la sienne, du même type. C'est là-dessus qu'il va s'expliquer. De part et d'autre c'est une mort qui tire un trait sur le vieux monde asservi au péché, et c'est pour cela que cette mort-là, ce type de mort, débouche sur la résurrection et la vie.

Au sujet du Christ (8-10)

Au sujet du Christ Paul dit de manière étonnante : Christ est mort au Péché. Nous sommes un peu surpris par ce langage, comme si le Christ pendant un certain temps avait commis des péchés. Ce n'est pas ce que Paul veut dire ; il dit expressément en 2 Co 5, 21 que le Christ « n'a jamais connu le péché », n'a jamais commis d'actes pécheurs. Mais il dit aussi que par solidarité avec l'homme tombé au pouvoir du Péché, le Christ a épousé la condition humaine en tout ce qu'elle a d'éprouvant, d'humiliant, de faible, d'exposé à la violence et à la mort, par suite de cette puissance malfaisante qui a envahi le monde – tout sauf l'acte de pécher lui-même. Sa crucifixion a porté à son paroxysme cette agressivité du mal contre le juste et l'innocent. Mais en même temps, sa mort sur la croix a été vécue par lui comme le Non le plus radical qui ait jamais été dit au Péché du monde. A la différence des hommes pécheurs que nous sommes tous, Lui n'en a jamais été complice. C'est alors que triomphant de la malfaisance du Péché en sa mort et sa résurrection, pas seulement en sa résurrection mais déjà en sa mort, il a mis un trait définitif au vieux monde, à toutes les séquelles du Péché qui s'attachent à la condition humaine. Le Christ pascal n'a plus rien à voir avec le monde marqué par le Péché. « En mourant, c'est au Péché qu'il est mort une fois pour toutes; vivant, c'est pour Dieu qu'il vit »
(v 10). Lisons bien ce que Paul écrit : c'est en mourant qu'il meurt au Péché. C'est sa manière de vivre sa mort qui a été pour lui et en lui le chemin de la vie.

Au sujet des baptisés (5-7)

Au sujet des baptisés, Paul dit qu'il leur est arrivé une mort semblable à celle du Christ, en ceci que pour eux aussi un trait a été tiré sur le vieux monde : « l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec le Christ ». (6, 6). Le baptême fait bien plus que de procurer le pardon des péchés passés; la métaphore de la crucifixion de l'homme ancien signifie un changement de la condition humaine. Paul s'est appliqué la métaphore à lui-même : il est un crucifié pour le monde et le monde un crucifié pour lui (Ga 6, 14). Il veut dire par là qu'il n'a plus rien à voir avec les fausses valeurs du monde, comme lorsqu'on dit d'une chose à laquelle on renonce : « je fais une croix dessus ». Ce qui était en la personne des baptisés capacité de mal, domination du mal, a été réduit à l'impuissance (en langage informatique on dirait « désactivé »). Une comparaison, qui emprunte un adage juridique ponctue cette libération : « celui qui est mort est libéré du péché » (v.7). La mort éteint les dettes. La mort baptismale, comme communion à la mort du Christ, met fin à toute revendication du péché sur l'existence croyante (v.7), de même que le Christ est mort-au-Péché une fois pour toutes (v. 10)

Conclusion (v. 11)
La conclusion applique aux baptisés ce que Paul vient de dire du Christ au v 10; ce n'est pas une exhortation mais un constat : « considérez que ... », prenez acte de ce que, dans le baptême, vous aussi comme le Christ vous êtes morts-au-Péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ ». Cette vie pour Dieu prend source dans une dépendance permanente du Christ, de ce qu'il a vécu pour nous sur la croix et de ce qu'il nous donne de vivre maintenant par le don de son Esprit.
C'est cela que Paul appelle « vivre en Christ Jésus », comme membre du Christ.
3 - Avec le ChristDans le baptême, il n'y a pas seulement ressemblance (« comme » le Christ, ainsi les baptisés), il y a aussi et surtout communion (mourir, vivre et ressusciter « avec » le Christ). Le Christ de Pâques n'est pas entré seul dans les grands événements qui ont changé la face du monde, qui ont mis fin au règne du mal, qui ont inauguré la nouvelle création. Il y est entré pour nous, mais ce n'était pas pour nous dispenser d'y entrer à notre tour, c'était au contraire pour nous rendre possible d'y entrer avec lui. Il n'a pas souffert, été crucifié, ressuscité, glorifié... pour nous dispenser de l'être, mais pour que nous puissions l'être avec lui. Le grand mouvement du temps qui a fait basculer l'histoire du monde présent au monde à venir à travers la crise de la passion et de la mort du Messie entraîne avec lui tous les croyants. "De par la souveraine décision de Dieu, le sort du Christ est désormais le nôtre : Jésus a été crucifié pour nous, il est mort pour nous, il a été enseveli pour nous ... Nous voici donc crucifiés avec lui, morts avec lui, ensevelis avec lui"[3] « Un seul est mort pour tous, donc tous sont morts» (2 Co 5,14).
«Nous avec le Christ» se fonde et s‘enracine dans «Christ pour nous».
«Avec lui» est l'autre face du «pour nous».

Quant à nous, par notre foi, nous acceptons que l'événement pascal du Christ nous arrive, non pas comme un événement extérieur à nous, mais comme un événement dans lequel nous sommes pris et entraînés, de la mort à la résurrection. Nous ne vivons plus notre histoire comme une histoire autonome, mais comme une histoire de communion ; nous ne vivons plus notre histoire comme une histoire banale, mais comme une histoire pascale; nous ne vivons plus notre histoire comme purement humaine, mais comme christique et messianique.

4 - « Comme des vivants revenus d'entre les morts »
6,11-14)La conclusion des v 12-14 ne fait que tirer les conséquences logiques de l'événement baptismal. « Puisque, de fait, vous êtes morts-au-Péché(v11), vivez entièrement pour Dieu ». L'impératif (12-14: que le Péché ne règne pas.. ne mettez pas vos membres au service du Péché, offrez vos membres au service de Dieu) n'est que la conséquence de l'indicatif (de fait, vous êtes morts au Péché, v 11). La comparaison «comme des vivants revenus d'entre les morts» (v. 13) est suggestive de la nouveauté et de la joie de la vie des baptisés : ils ont échappé pour toujours à la mort (spirituelle, dès maintenant, et temporelle, dans la résurrection promise). Avant d'être une morale, la vie des croyants est un oui joyeux à la Vie pascale. Ils sont soustraits au pouvoir du Péché. Ils ne risquent plus que la Loi, qui interdit et qui menace, tourne à leur défaite; ils ne lui sont plus assujettis, ce qui était signe de leur faiblesse ; mais ils sont devenus « sujets » capables de justice et de sainteté par la grâce de Dieu.


VI - POUR ALLER PLUS LOIN

* le mémorial

Pour comprendre ce lien entre la Pâque du Christ et la nôtre, on peut se rapporter à ce que dit l'Ecriture du "mémorial" de la Pâque : ce n'est pas un pur souvenir, c'est une institution divine qui permet de rendre actuel l'événement du salut : Quand les Juifs célèbrent la Pâque, ils se placent sous l'acte de Dieu qui a libéré Israël d'une libération qui continue de s'accomplir aujourd'hui : "aujourd'hui, c'est moi qui suis sorti d'Egypte en la personne de mes Pères". L'événement du salut n'est pas enfermé dans les limites de l'espace et du temps qui lui ont donné sa figure ; comme événement, il arrivait certes en tel lieu et tel moment, mais il était porteur d'avenir en raison de l'acte de Dieu qui y était présent et opérant. Il était destiné à devenir le gage, la matrice et la source de ce que Dieu accomplirait dans les générations futures. Comme l'eucharistie, le baptême est un mémorial de la croix. Il associe les baptisés à l'événement qui a été vécu pour eux. La pâque des baptisés n'est pas seulement une imitation de la Pâque du Christ ; elle en fait partie; elle y prend part.

* Les récits évangéliques et le baptême selon saint Paul

On peut dire que le « baptême selon saint Paul » transcrit dans un autre langage (être crucifié-avec) etc …, applicable à tous les croyants, ce que les récits évangéliques disent de l'appel des disciples à « suivre Jésus » : qu'ils se risquent à le suivre jusqu'en sa Passion, s'ils veulent être associés à sa gloire (Mc 8, 31 - 9, 1; Lc 22, 28- 30) ; en réalité ils ne pourront le faire qu'à partir du don qu'il aura fait de sa vie pour eux ( Jn 13, 8.36-38).

* Un très beau texte des Pères de l’Eglise au IVème siècle - Catéchèse ancienne de Jérusalem :

Personne ne doit penser que le baptême consiste simplement dans le pardon des péchés et la grâce de la filiation adoptive ; il en était ainsi pour le baptême de Jean, qui ne procurait que le pardon des péchés. Mais nous savons très précisément que notre baptême, s’il est purification du péché et nous attire le don de l’Esprit-saint, est aussi l’empreinte et l’image de la Passion du Christ.
C’est pourquoi saint-Paul proclamait : Ne le savez-vous pas ? Nous tous, qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été mis au tombeau avec lui par le baptême » (Liturgie des Heures, II, A.E.L.F. Paris Cerf 1980, p 454).

Ce texte dépasse une conception purement morale et même religieuse du baptême (pardon des péchés, filiation adoptive) et met en valeur sa dimension christique : il est l'empreinte dans la vie des baptisés de la Passion du Christ, ajoutons et précisons : de sa Pâque, de sa Passion débouchant dans sa vie nouvelle et sa résurrection.

[1]Traduction liturgique légèrement remaniée; sous-titres ajoutés - P.B.

[2] Cette expression ne nous est pas familière ; elle indique que la résurrection de Jésus fait apparaître au grand jour la présence de Dieu, le rayonnement de sa beauté, de sa divinité, de sa sainteté; le Christ est ressuscité par l'invasion de la Gloire du Père en son humanité crucifiée. Les croyants émargent déjà ici-bas à ce resplendissement de la Gloire, devenue celle du Christ (2Co 3, 18); elle les rétablit dans cette beauté spirituelle dont tous les hommes sont privés en raison de leurs actes de péché (Rm 3, 23).

[3] - Michel BOUTTIER, En Christ , p 45.

FICHE THEMATIQUE 6

HYMNE AU CHRIST ABAISSE ET GLORIFIE



Lettre de Saint-Paul aux Philippiens (2,6-11)










LE TEXTE :

Lettre aux Philippiens 2, 1-11


Exhortation
Hymne
abaissement
elévation

2,1 S'il y a donc un appel en Christ,
un encouragement dans l'amour,
une communion dans l'Esprit,
un élan d'affection et de compassion,
2 alors comblez ma joie en vivant en plein accord.
Ayez un même amour, un même coeur; recherchez l'unité;
3 ne faites rien par rivalité, rien par gloriole,
mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous.
4 Que chacun ne regarde pas à soi seulement, mais aussi aux autres.
5 ayez en vous les sentiments qui furent aussi en Christ Jésus.



6 Lui qui est de condition divine
n'a pas considéré comme une aubaine d'être à l'égal de Dieu.
7 Mais il s'est vidé lui-même,
prenant la condition d'esclave;

devenu semblable aux hommes,
et, reconnu à son aspect comme un homme,
8 il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort,
oui, à la mort sur une croix.

9 C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé
et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse,
dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
11 et que toute langue confesse
que le Seigneur, c'est Jésus Christ,
à la gloire de Dieu le Père
[1].


[1] Traduction TOB, modifiée PB


FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS


I - POUR LIRE

Un appel vibrant à l'unité par le chemin de l'humilité

L'épître aux Philippiens est à la fois une lettre d’amitié et une lettre d’exhortation et de réconfort. Paul est prisonnier à Ephèse, en prison préventive, sans doute parce que le mouvement chrétien, qui se développe dans la ville et au-delà, peut paraître subversif de l’ordre de la cité. Paul peut cependant recevoir des visiteurs et même dicter des lettres. Comme il a reçu de l’argent de la part des Philippiens, il envoie une lettre de remerciement (4, 10-20). Par les allées et venues de chrétiens entre Philippes et Ephèse, il est tenu au courant de la vie de cette communauté ecclésiale des Philippiens, qui lui est particulièrement chère. Il donne de ses nouvelles et il en reçoit. Il fait part de ses angoisses et de son espérance. Sera-t-il condamné, sera-t-il libéré ? Peu importe, pourvu que le Christ soit glorifié ; mais il espère bien être acquitté et être rendu à ses amis et à sa tâche apostolique (1, 12-26).

Quant aux nouvelles de Philippes, elles sont bonnes dans l’ensemble. Il y a cependant deux points qui préoccupent l’apôtre : les pressions extérieures et quelques rivalités internes. Pressions extérieures (1,27-30) de la part des opposants à la foi chrétienne : Philippes est une colonie romaine, où il importe de faire allégeance à l'empereur, mais les croyants ne peuvent se rallier au culte impérial. Cela leur vaut des avanies ; ils doivent « combattre » pour se maintenir fidèles à l'Évangile ; qu’ils ne se laissent pas laisser intimider (1,28), mais considèrent comme une grâce non seulement de croire au Christ, mais de souffrir pour lui (1,29-30). Rivalités internes : deux chrétiennes, très engagées dans l’annonce de l’Evangile (4,2-3) sont invitées à s’accorder plutôt qu’à créer des pôles d’influence concurrents.

Ce constat nous mène tout droit à un thème majeur de la correspondance de Paul avec les Philippiens : ils ne pourront résister aux pressions extérieures que s'ils vivent dans l'unité à l'intérieur (1, 27- 30). Or l’unité n’est pas possible sans humilité, disposition à laquelle le milieu romain est particulièrement allergique. C'est donc pour soutenir cette exhortation à l'humilité, condition indispensable de la communion et de l'unité, que Paul va dresser devant eux « l'exemple » du Christ.

L'exemple du Christ

L'hymne au Christ qui s'est abaissé jusqu'à la mort de la croix et que Dieu a glorifié (Philippiens 2, 6-11) est l'un des passages les plus célèbres et les plus beaux de tout
le Nouveau Testament. Il pourrait être un chant des premières communautés chrétiennes que Paul aurait repris et adapté à son propos dans sa lettre aux Philippiens. Il l'aurait seulement marqué de sa griffe personnelle, en ajoutant à « obéissant jusqu'à la mort »: «oui, la mort de la croix ». Cela est assez vraisemblable, mais reste discuté. L'essentiel est qu'il ait été pris en compte par Paul dans sa lettre aux Philippiens, comme exprimant sa propre pensée. De cet abaissement volontaire du Christ, il a voulu faire un « exemple » pour la communauté chrétienne de Philippes. C'est pourquoi il faut lire cet hymne en étroite articulation avec l'exhortation à l'unité et à l'humilité qui le précède et qui l'introduit : « ayez en vous les dispositions intérieures qui furent aussi celles de Jésus-Christ (2, 5). Lui qui, étant de condition divine, etc ... » (2, 6-11).


I – Abaissement (6-8)

A - Le Christ, de condition divine, s'est fait esclave (6-7) :
Ø négativement : renoncement à être traité à égalité avec Dieu (6)
Ø positivement : il « s'est vidé » lui-même en assumant la condition d'esclave (7ab)

B - Il s'est fait obéissant : progression dans l'abaissement :
Ø vie humaine semblable à celle de tout humain (7bc)
Ø assimilation jusqu'à l'extrême « il s'est abaissé » lui-même jusqu'à la mort, et la mort sur une croix.

II – Elévation ( 9-11)

A - Exaltation (9a)
B - Don du Nom (9b)
A' - Adoration par toute la création (10)
B' - Proclamation du Nom (11)


¨Textes des Ecritures (A.T.) : Citations (implicites et explicites) des Écritures

* Isaïe 53,53 : Le Serviteur de YHWH abaissé et glorifié
Contraste stupéfiant entre l’abaissement et la glorification
52-13 Voici que mon Serviteur réussira, il sera haut placé, élevé, exalté à l'extrême.
14 De même que les foules ont été horrifiées à son sujet - à ce point détruite, son apparence n'était plus celle d'un homme, et son aspect n'était plus celui des fils d'Adam -, 15 de même à son sujet des foules de nations vont être émerveillées, des rois vont rester bouche close, car ils voient ce qui ne leur avait pas été raconté, et ils observent ce qu'ils n'avaient pas entendu dire.
Le Serviteur s’est dépouillé de sa vie, c'est pourquoi il reçoit les multitudes en héritage. Comparez avec Ph 2, 7.8.9

* Isaïe 53,12 : C’est pourquoi je lui taillerai sa part dans les foules, et c'est avec des myriades qu'il constituera sa part de butin, puisqu'il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort et qu'avec les pécheurs il s'est laissé recenser, puisqu'il a porté, lui, les fautes des foules et que, pour les pécheurs, il vient s'interposer.

* Isaïe 45 : Dieu caché, puis révélé : le Seigneur (YHWH) annonce que lui, qui était un Dieu caché (Is 45, 15) à travers l'exil de son peuple, se révèlera à toutes les nations et sera glorifié par tous (tout genou, toute langue) ; comparer avec Ph 2,10-11.

* Isaïe 45, 22 : Tournez-vous vers moi et soyez sauvés,
vous, tous les confins de la terre,
car c'est moi qui suis Dieu, il n'y en a pas d'autre.
23 Sur moi-même, j'ai prêté serment
de ma bouche sort ce qui est juste, une parole irréversible :
«Devant moi tout genou fléchira
et toute langue prêtera serment :
dans le SEIGNEUR seul, dira-t-on de moi,
résident la justice et la force.



II - ET MAINTENANT AU TEXTE


Quelle correspondance pouvez-vous trouver entre l'exhortation de Paul en
2, 1-4 et « l'exemple » du Christ qu'il donne en 2, 6-11 ?

L'abaissement du Christ (2, 6-8) :
° qui est le sujet des verbes de cette première partie ?
° en quoi consiste cet abaissement ?
° relevez ce que vous comprenez et ce qui vous reste obscur. Le texte établit-il une progression dans les abaissements du Christ ? Si oui, laquelle ?

L'élévation du Christ (2, 9-11)
° Qui est le sujet des verbes de cette seconde partie ?
° Quelle est la portée du « c'est pourquoi », qui ouvre la seconde partie ?
° Repérez les contrastes dans les figures et dans le vocabulaire lui-même entre la phase d'abaissement et la phase d'élévation

Pour poursuivre votre recherche :

§ Retrouvez-vous dans les évangiles synoptiques et dans le IVème évangile cette même figure paradoxale du Christ conscient de sa dignité et qui pourtant s’abaisse ? du Christ élevé sur le lieu-même de son abaissement ?

§ En quoi la glorification du Crucifié importe-t-elle à la révélation de Dieu ? Dieu est-il le même avant et après la Croix ?



III - PISTES POUR ACTUALISER

1. « Ayez en vous-mêmes les sentiments qui furent ceux du Christ Jésus » : Paul proposait cet hymne au Christ pour inviter à l'humilité comme chemin d'unité :
quelle vous paraît être l'actualité de cette démarche, dans nos rapports mutuels dans nos relations ecclésiales, oecuméniques, dans la société civile ?

2. « C’est Jésus-Christ qui est Seigneur » :
En quoi le bouleversement de l'image de Dieu que présente ce texte nous aide-t-il à annoncer l'Évangile aujourd'hui ?




IV - PISTES POUR LA PRIERE

Un refrain pour ouvrir le temps de prière :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ, Alléluia ! »
(A. Gouzes)


Un chant : Jésus Christ est Seigneur - A. Gouzes n° 124 Abbaye Sylvanès

Jésus, qui était de condition divine
Ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.

Mais il s’anéantit lui-même,
prenant la condition d'esclave ;
devenant semblable aux hommes.
A son aspect reconnu pour un homme,
Il s’humilia plus encore,
devenant obéissant jusqu'à la mort,
et la mort sur une croix.

C'est pourquoi Dieu l'a exalté
et lui a donné le Nom
au-dessus de tout nom.

Afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse,
au ciel, sur terre, et aux enfers,
et que toute langue proclame :
Jésus Christ est Seigneur,
à la gloire du Père


Un texte biblique : 2 Co 8, 9 :
«Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ :
lui qui était riche,
il s'est fait pauvre à cause de vous,
pour que vous, par sa pauvreté,
vous deveniez riches ».


Introduction au Notre Père : C’est l’Esprit-Saint qui met en nous les sentiments du Christ. Que ce soit lui qui nous inspire tandis que nous reprenons la prière de Jésus à son Père :


NOTRE PERE



FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS



V - QUELQUES CLES DE LECTURE

1 – Pas d'unité sans humilité (2,1-5)
La communauté de Philippes est exposée aux agressions qui viennent de l'extérieur ; pour y résister dans la foi et pour mener le combat de l'Évangile, Paul l'exhorte à vivre la concorde à l'intérieur (1, 27- 30). Il reprend cette exhortation en s'appuyant avec un certain lyrisme sur l'expérience que ces nouveaux croyants ont déjà de la chaleur, du réconfort, de l'amitié, de la communion vécues dans leur communauté comme dans toute Église digne de ce nom : 1- réconfort ou exhortation que l'on reçoit les uns des autres « en Christ Jésus », - c'est-à-dire en toute communauté qui vit du Christ Jésus ; 2- encouragement qui provient de l'agapè (amour fraternel qui prend source en Dieu) ; 3- « communion » d'esprit qui vient de l'Esprit; 4 - tendresse et compassion ...
Les communautés ecclésiales fondées par Paul veulent être effectivement le lieu de tout cela, et elles le sont (1 Co 12, 26; 1Th 5, 14-15). Si cela existe, dit Paul, au milieu de ce monde de rivalité, d'orgueil et de violence – alors « portez ma joie à son comble ». Ce n'est pas une manière de dire : « faites-moi plaisir », car la joie de Paul, si marquée dans l'épître aux Philippiens[2], est de voir fructifier l'œuvre du Christ jusqu'au Jour de sa Venue (1, 11. 25-26).

Mais cette unité ne peut être vécue que dans l'humilité. Paul le rappelle en accord avec la catéchèse des origines (Ph 2, 3; Col 3, 12; Ep 4, 2; Rm 12, 10; 1Pi 5, 5). L'humilité est une valeur chrétienne qui tranche sur les comportements prisés dans la société gréco-romaine, où c'est à qui s'imposera, fût-ce par l'écrasement et l'humiliation des autres. Appartenir à l'élite est un honneur, une « gloire » ; être en bas de l'échelle sociale est méprisable. Cet esprit de rivalité et de « vaine gloire » peut pervertir les relations ecclésiales (cf. 1 Co 4, 6). C'est contre cela que Paul fait entendre ses appels aux v 3-4. L'antidote est de considérer les autres comme supérieurs à soi. On peut comprendre : comme « meilleurs » que soi, moralement parlant; on peut comprendre aussi comme « ayant priorité sur soi »; de fait Paul termine sur l'invitation à s'oublier soi-même pour chercher d'abord le bien de l'autre (v 4). Il ne s'agit donc pas d'une humilité dépressive ou pathologique, qui n'aurait rien d'estimable ni d'évangélique, mais d'un abaissement de soi pour faire à l'autre toute la place qui lui revient.

Cet appel à l'humilité est formulé de manière à préparer l'appel que Paul va faire à l'exemple du Christ. Bien loin de revendiquer quelque supériorité sociale, en vertu de son origine divine, le Christ Jésus s'est mis à la dernière place, à la place la plus humble et la plus humiliante qui soit dans la société de ce temps. C'est sous cet aspect que l'hymne de Ph 2, 6-11 contemple la croix du Christ[3].





2 -L'abaissement volontaire du Christ (2,6-8)
La première partie de l'hymne (v 6-8) a pour sujet le Christ Jésus (5). C'est lui qui agit tout au long de cette première partie. Ainsi est souligné l’engagement personnel du Christ dans la manière de vivre et de mourir qui a été la sienne. La seconde partie de l’hymne aura « Dieu » pour sujet : au Christ l’acte de s’abaisser, à Dieu le Père l’acte de le glorifier.
«Lui qui...» : l’hymne est rattachée au Christ mentionné à la fin de l’exhortation précédente (v. 5), c’est-à-dire au Christ en sa vie terrestre et aux sentiments qui furent en lui à ce moment-là ; cela invite à penser que Paul a sous le regard, non pas le Verbe éternel comme dans le Prologue du IVème évangile, mais le Christ incarné. L’abaissement envisagé n’est pas l’incarnation, mais le mode d’existence humaine que le Christ a vécu, tout Fils qu’il était (de condition divine).

« étant de condition divine », « il a pris la condition d’esclave »

Pour faire saisir le renoncement à lui-même, le texte oppose ce qui le caractérise de par son origine, de par son être permanent, et ce qu'il a donné à voir dans son histoire humaine : d'un côté « les traits de Dieu »; de l'autre « les traits de l'esclave ». On traduit souvent : « étant de condition divine », « il a pris la condition de serviteur »[4]. Le Christ Jésus est [5] - et n'a jamais cessé d'être - celui qui peut revendiquer la condition divine, et pourtant il a pris la condition d'esclave; la traduction « esclave » est plus exacte et plus expressive du contraste que « serviteur », qui peut être un titre d'honneur (« serviteur de Dieu »). 2,9-11)C'est précisément cette condition d'esclave qui va trouver sa plus haute expression au v. 8 (situation de crucifié, supplice réservé aux esclaves et aux séditieux).

Le sens n'est pas : « Lui qui était Dieu, il s'est fait homme », même si cela est vrai ; mais ne plaquons pas sur ce texte de Paul la théologie johannique du Verbe qui s'est fait chair ; respectons sa perspective propre. « Prendre la condition d'esclave » ne veut pas dire « devenir homme ». Il s'agit de donner le Christ en exemple d'humilité aux chrétiens. Quand Paul veut donner le Christ en exemple aux chrétiens (cf. Rm 15, 3.7-8; 1Co 11, 1; Ep 5, 1-2.25), il ne se réfère jamais au Christ préexistant, mais au Christ dans sa vie terrestre, le seul que l'on ait vu et qui peut être un exemple. Or ce qui frappe après coup, c'est que ce Christ qui est de condition divine, a choisi de mener sa vie humaine de manière bien différente de celle à laquelle il pouvait prétendre: bien qu'il soit de condition divine, il a pris la condition d'esclave. Certes on peut penser que la préexistence divine du Christ auprès de Dieu est impliquée, mais là n'est pas le point d'attention de Ph 2 : ce qui lui importe, c'est, dans l'histoire humaine du Christ Jésus, le contraste entre ce qu'il est de plein droit (quelqu'un qui émarge à l'être même de Dieu) et le type de vie humaine qui a été la sienne, et cela en vertu d'un libre choix : il ne s'est pas arrogé quelque privilège que ce soit.

« il s'est vidé lui-même ... il s'est abaissé lui-même »

C'est à ce renoncement que renvoie, au v. 6, la formule : « il n'a pas considéré comme une aubaine d'être (traité) à l'égal de Dieu ». Il aurait pu profiter de sa condition divine pour échapper aux limites de la condition humaine (oppositions, humiliations, échecs, finalement la mort). Non, mais « il s'est vidé lui-même » (7a).
Ne cherchons pas bien loin en quoi cela a consisté, le texte le dit aussitôt : précisément « en prenant la condition d'esclave ». Il n'a pas perdu son être divin, il n'a pas cessé d'être ce qu'il est depuis toujours en Dieu, mais il n'en a pas laissé voir les traits en son existence humaine[6]. Il n'a pas cherché à s'imposer, à se faire servir; il s'est vidé de son importance sociale (cf. Lc 22, 27 : Je suis au milieu de vous comme celui qui sert »; Jn 13, 14 : Maître et Seigneur, Je (le)- Suis, et pourtant je vous ai lavé les pieds, comme le fait l'esclave de la maison).

Le texte rebondit sur ce renoncement : se dépouillant de tout privilège, il a été semblable aux hommes et il a été reconnu tout à fait comme un homme : il en avait le comportement et la réalité (7b). La progression du texte (v. 8) pousse jusqu'à l'extrême cette assimilation à la condition humaine la plus humble qui soit : « il s'est abaissé lui-même en étant obéissant jusqu'à la mort, oui la mort sur une croix ». « Il s'est abaissé lui-même » ( v 8) reprend « il s'est vidé lui-même » (v 6). Dans les deux cas est souligné l'engagement volontaire, cela ne lui a pas été imposé de l'extérieur, c'est bien lui qui s'est mis dans cette situation où il serait conduit jusque là. Il a vécu cela comme un acte d'obéissance ; c'est justement ce qui convient à « la condition de l'esclave » : un esclave ne commande pas, il obéit. Le texte ne dit pas à qui il a ainsi obéi, mais cela ne peut être qu'à Dieu seul. Il ne dit pas non plus en quoi, d'aller jusque là, était vécu comme un acte d'obéissance au dessein de Dieu. Saint Paul le dit ailleurs: il a été le Fils obéissant de Dieu qui n'avait rien de plus à cœur que de manifester jusqu'à quel point Dieu aimait les hommes et voulait les sauver, fût-ce au prix de la vie de son propre Fils (Rm 8, 31-32). Mais ne demandons pas à cette hymne de nous dire toute la christologie de Paul. L'accent est mis ici sur le contraire d'un faire-valoir de soi-même : Christ n'a pas régenté, il a obéi.

«Jusqu'à la mort : oui, la mort sur une croix»

L'expression de l'abaissement est renforcée par une figure de style, qui porte la marque de Paul : la mort : oui, la mort sur une croix. Mourir fait partie de la condition humaine ordinaire; mais mourir sur une croix est le lot le plus ignominieux. L'accent n'est pas sur la souffrance, mais sur la honte. Son caractère horrible et dégoûtant est à l'origine du silence dont on devait l'entourer dans les conversations polies du monde romain[7]. Paradoxe, le supplice des rebelles et des révoltés a été infligé à celui-là seul qui était parfaitement obéissant.
La première partie de l'hymne est arrivée au terme indépassable de l’abaissement auquel le Christ s'est volontairement soumis. Mais la croix est le pivot qui fait tout basculer : « Voilà pourquoi ... » : maintenant l'initiative est à Dieu ; maintenant Christ reçoit.

3 – L'élévation du Crucifié (2,9-11)La réponse de Dieu à l'abaissement du Christ est 1°- de le « sur-élever »; 2°- de lui « donner le Nom qui est au-dessus de tout nom ». Il ne s'agit pas de deux choses différentes, mais de deux aspects de la même glorification. Le texte n'emploie pas le langage de résurrection, mais il va droit à ce qui en est le cœur et le sens : l'élévation auprès de Dieu, dite au moyen d'un excès (Dieu l'a « super-exalté ») qui répond à l'excès d'obéissance et d'abaissement. La réponse de Dieu est gratuite, mais elle correspond à la démarche du Christ. Il n'y a pas simple succession de la croix et de la gloire; mais la gloire découle de la croix, au point qu'elle en révèle le sens.


(a) l'élévation : de même que « la condition d'esclave » renvoyait à une image sociale, l'élévation prend la forme d'une reconnaissance publique, et cela de la part de toute la création. L'hymne le dit en appliquant au Christ glorifié ce que la prophétie d'Isaïe disait de Dieu, qui serait enfin reconnu par les nations et par tout l'univers (Is 45, 22-23). C'est une manière indirecte, mais scripturaire, de dire la divinité du Christ. Ce qu'il n'avait pas revendiqué comme base d'un privilège lui est maintenant reconnu universellement. Le « genou » et la « langue » représentent l'être tout entier en acte d'hommage et de proclamation.

(b) Le Nom au dessus- de tout nom ne peut être que le Nom divin. Le texte le tient en suspens jusqu'à la fin de l'hymne : « Jésus Christ est SEIGNEUR ». Le titre de « Seigneur » est le Nom divin dans l'Écriture; il est la traduction de l'hébreu YHWH (qui n’était pas prononcé, par respect). Ce n'est pas que le Christ soit devenu « Dieu » en cette élévation, mais Dieu lui donne d'être reconnu et confessé comme tel. Le Nom est l'expression de la personne dans la relation à autrui. Le fait qu'il soit conféré au Crucifié amène à le réinterpréter : c'est celui qui s'est à ce point vidé de lui-même, au lieu de faire l'important, pour partager l'existence de l'humain jusqu'au plus bas de l'échelle sociale, qui reçoit en vérité le Nom et lui donne sa vérité ultime. Seule la gloire de ce Crucifié dit qui est Dieu. Dieu n’est plus le même avant et après la croix (du moins dans la connaissance qui nous en est donnée)[8]. Évidemment ce n'est pas l'abaissement en lui-même, ni la croix matériellement prise, qui servent de chemin vers cette révélation, mais l'abaissement et la croix en tant que fruit d'un choix qui est renoncement à soi. L'ensemble des épîtres de Paul et du NT qualifient ce choix par l'obéissance et l'amour : tout est dans la relation à l'Autre, dans le don et non dans l'appropriation. C'est pourquoi même dans la gloire le Christ reste décentré de lui-même: il reçoit l'hommage de toute la création « à la gloire de Dieu le Père » .


VI- POUR ALLER PLUS LOIN

Textes apparentés dans le N.T. :

* Le texte de la seconde lettre aux Corinthiens offre la même antithèse que Ph 2, 6-11, dans un langage métaphorique : « riche / pauvre » qui correspond à l'antithèse (plus radicale) « condition divine /condition d'esclave »; même insistance sur l'engagement volontaire du Christ dans le renoncement à soi. Mais il y manque l'antithèse abaissement/ élévation du Christ. Par contre le texte de la seconde lettre aux Corinthiens mentionne avec insistance la dimension salutaire de l'abaissement : « à cause de vous », « pour que vous, par sa pauvreté, vous deveniez riches ». Le « pour vous » si cher à Paul quand il évoque la Croix retrouve ici toute sa place, appelé par le propos de la collecte en faveur des frères dans le besoin.

* Les évangiles synoptiques (Mc 10, 45- 46 // Mt 20, 24-28; Lc 22, 24-27) soulignent la prise de distance de Jésus à l'égard des conceptions messianiques traditionnelles et de l'exercice du pouvoir chez les nations: non pas se faire servir, mais servir et donner sa vie en rançon pour la multitude; et cela est aussi donné comme chemin à emprunter par les disciples ; remarquer l'emploi du mot « esclave » ( Mc 10, 45 // Mt 20, 27).



* Le IVème évangile souligne le même paradoxe que Ph 2, 6-7 : c'est « le Maître et Seigneur », qui se dépouille de son vêtement et qui prend la tenue de l'esclave, dans l'acte de laver les pieds, ce qui est l'annonce de la croix (Jn 13). Comme en Ph 2, le comportement de Jésus est un exemple pour les disciples ( Jn 13, 15), mais sa portée reste plus large que l'exemple (Jn 13 8), de même que l'hymne de Ph 2, 6-11 dépasse la proposition de l'imitation du Christ.

Le IVème évangile, lui aussi, articule étroitement la Croix et la Gloire : ce n'est pas seulement la Croix et la Gloire, mais la Gloire de la Croix. Jésus meurt « élevé » sur la croix, ce qui est le premier pas vers l'élévation en gloire ( Jn 12, 32). C'est aussi à partir de la Croix que l'on sera amené à confesser que Jésus peut revendiquer le « Je-Suis » de la révélation divine (Jn 8, 28).


Relectures possibles de textes de l'A.T. :

On a cherché à lire Ph 2, 6-11 en référence :

* au IVème Chant du Serviteur (Is 52-53) :

Ø même itinéraire de l'abaissement à la glorification ; même contraste de super-abaissement (sous-humanité du Serviteur Is 52, 14;53, 2-3) et de super-exaltation (Is 52 13)

Ø même langage du dépouillement de soi-même (53, 12) ; mais le langage n'est pas aussi fort qu'au sujet du Christ (« se vider soi-même »); le Serviteur est plus abaissé qu'il ne s'abaisse ; mais le IVème chant souligne la dimension salvifique de la solidarité du Serviteur, trait absent de Ph 2, 6-11. Par contre, le Serviteur ne reçoit pas le Nom qui est au-dessus de tout nom.

* au récit de la transgression d'Adam (Gen 3) :

Ø des humains veulent s'approprier la condition divine (vous serez comme des dieux) ; celui qui est réellement de condition divine a renoncé à être traité à l'égal de Dieu, mais c'est pour cela qu'il reçoit le Nom qui est au-dessus de tout nom.


[1]Le texte grec prête à des traductions différentes, dues souvent à l'influence de positions théologiques. La traduction retenue ici est celle de la TOB, légèrement modifiée pour être plus littérale; la structuration en deux parties, abaissement / élévation, est généralement retenue; à l'intérieur de la 1ère partie (abaissement), la manière de couper le texte est discutée; celle qui a été retenue ici a de bonnes bases stylistiques.
[2]Joies humaines de l'amitié, des fins d'épreuves, joie de la proximité du jour du Seigneur : 1, 18; 2, 17.18.28; 3,1; 4,4.10
[3] Ce point de vue peut expliquer le silence de cette « hymne » sur la valeur salutaire de la croix (Christ mort pour nous). Tout est polarisé sur le rythme abaissement de soi / glorification par Dieu. Cela peut tenir aussi au fait que Paul cite et utilise dans un but d'exhortation une hymne qui avait déjà sa facture propre
[4] En effet le terme grec sous-jacent (« morphè », « forme ») n'indique pas directement l'essence, la nature, mais ce qui apparaît de quelqu'un dans son inscription sociale, en conformité certes avec la réalité, mais dans ce qui le caractérise dans sa manière d'être perçu par d'autres.
[5] Le verbe grec est au présent, qui indique la permanence.
[6] Pour éclairer ce dont il est question, le Fils aurait pu vivre une transfiguration permanente; c'est seulement de manière exceptionnelle que sur la montagne il a été transfiguré devant trois disciples; ensuite, et c'est la situation « normale », « ils ne virent plus que Jésus seul » ( Mc 9, 8)
[7]Cela prend encore plus de relief dans cette lettre écrite à Philippes qui est une colonie romaine.
[8] Cf. l’ouvrage du P. VARILLON, L’humilité de Dieu.