mardi 30 octobre 2018

Penser la foi chrétienne après René Girard


Penser la foi chrétienne après René Girard
Bernard Perret
Paris, Ad Solem, 2018. 327 pages.


Présentation de l’éditeur

L'œuvre de René Girard a remis l'anthropologie religieuse au   goût du jour et a influencé en profondeur d'autres domaines   des sciences humaines et sociales. Son apport à   l'intelligence  de la foi chrétienne est considérable : en   montrant comment la Passion du Christ dévoile les ressorts   de  la violence constitutive des sociétés, Girard a éclairé la   singularité des Evangiles par rapport aux mythes fondateurs   de la culture humaine.

   Un nombre croissant de théologiens se sont emparés de sa pensée pour reposer les questions du mal, du sacrifice et de la Rédemption. L'un des bénéfices de cette lecture des Evangiles est de souligner la cohérence entre la prédication du Royaume et la signification des circonstances de la mort de Jésus. Plus largement, elle permet de lire les textes bibliques comme la découverte progressive de la non-violence de Dieu.

  Ce livre est d'abord une présentation des enjeux de la pensée de René Girard pour le christianisme et un premier bilan des théologies qui s'en inspirent. L'auteur conduit ensuite une réflexion plus personnelle sur les rapports entre anthropologie et théologie. Il montre comment la théorie de Girard permet de penser les relations entre religion et violence, et il interroge le sens du rituel chrétien dans un contexte de sécularisation. 


Bernard Perret est essayiste et vice-président de l’ARM. Il a mené une double carrière de haut-fonctionnaire et de chercheur en sciences humaines. Ses travaux touchent des sujets variés : questions économiques et sociales, écologie, anthropologie sociale, christianisme. Il a publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels : L'Economie contre la société (avec Guy Roustang ; 1993 ; réed. 2001) ; La Logique de l'espérance (2006) ; Vers une raison écologique (2011).

Une présentation enthousiaste du journal La Croix


Ce livre présente les enjeux pour le christianisme de la pensée du philosophe qui a remis l’anthropologie religieuse au goût du jour.

Bernard Perret s’intéresse depuis longtemps à la pensée de l’anthropologue et philosophe René Girard, décédé en 2015. Il en est aujourd’hui sans aucun doute un des meilleurs connaisseurs en France.
Auteur de nombreux ouvrages sur des thèmes sociétaux, collaborateur de La Croix (il a même été le chef du service économique et social entre 1985 et 1987), et ayant occupé des responsabilités importantes dans l’administration publique, l’actuel vice-président de l’Association recherches mimétiques propose dans ce nouveau livre une réflexion pointue qui tente de mesurer les effets sur la théologie et la pratique chrétiennes de la pensée de celui qui a remis l’anthropologie religieuse au goût du jour.

Théorie mimétique
Bernard Perret commence par présenter de manière fort claire et pédagogique ce « système de pensée à multiples facettes » que constitue la fameuse « théorie mimétique » de l’académicien, selon laquelle tout désir est une imitation (mimésis) du désir de l’autre. Un désir d’être l’autre en possédant ce qu’il possède qui est à l’origine de tous nos conflits, de toutes nos crises.
L’auteur poursuit sa réflexion en montrant, avec talent, comment ce système girardien peut fournir une vision renouvelée de la foi chrétienne, en permettant « de voir l’ensemble formé par la Bible hébraïque et les Évangiles comme un unique “acte de communication” divin, dont le fil conducteur est la découverte progressive d’un Dieu exempt de toute complicité avec la violence ». Plus précisément, « l’apport le plus évident de Girard à l’intelligence de la foi chrétienne est d’avoir éclairé d’un point de vue anthropologique le sens de la passion du Christ », résume Bernard Perret.
« Pour René Girard, le thème principal du Nouveau Testament est la subversion du schème victimaire », contribuant à exclure la réponse « qui voit dans le supplice de Jésus un sacrifice de réparation offert à son Père ».

Jésus, « victime pardonnante »
« La Passion marque ainsi l’accomplissement du mouvement de démystification du sacré violent amorcé par l’Ancien Testament (…), le mécanisme victimaire (y) est entièrement dévoilé et l’histoire du sacrifice qui sauve racontée du point de vue de la victime innocente », à savoir Jésus, véritable « victime pardonnante », qui montre de manière exemplaire comment « pardonner et se laisser pardonner, c’est le seul moyen d’en finir avec les comportements et les attitudes qui conduisent au meurtre ».
Dès lors, on ne peut plus « considérer la souffrance comme un bien en soi », contrairement à ce qui a souvent été exprimé dans le christianisme, alors qu’il s’agit d’une « perversion, qui commence quand on fait de la souffrance, fût-ce indirectement et subtilement, une monnaie d’échange dans notre rapport à Dieu »!
Dans ce livre dense, parfois touffu, Bernard Perret croise de nombreux thèmes importants pour la foi: le salut chrétien, le bien et le mal, l’impact du christianisme sur la société… Dans son chapitre final, il pose une question de premier intérêt: « Faut-il “désacraliser” le christianisme? »
N’étant pas lui-même théologien de métier, il s’appuie sur deux théologiens dont la pensée, forte, doit beaucoup à l’œuvre girardienne: le jésuite suisse Raymund Schwager (1935-2004) et le prêtre anglais James Alison (1959-) qui a fait paraître un ouvrage remarquable, traduit en français en 201512 leçons sur le christianisme : pour une réception renouvelée de la foi. Voici donc un ouvrage stimulant qui motivera tout chrétien soucieux de réfléchir sur sa foi et ses implications pratiques dans le monde déchristianisé d’aujourd’hui.




samedi 27 octobre 2018

Le Père Bernard Bro : sa vie et son oeuvre


BERNARD BRO (1925-2018)

Professeur de théologie aux facultés pontificales du Saulchoir, directeur général des Éditions du Cerf (1964-1971), chargé des Conférences de carême à Notre-Dame de Paris, responsable de la messe de la radio à France-Culture, prédicateur à la télévision, au « Jour du Seigneur », auteur de plus de 400 émissions « Paraboles » sur la chaîne KTO... depuis plus de cinquante ans, Bernard Bro, dominicain, prêche l'Évangile, sans relâche, par ces multiples moyens, et sur les cinq continents. Il est l'auteur de très nombreux livres qui ont contribué à éveiller et à former des générations de croyants.


Biographie

Bernard Bro, né le 22 mai 1925 à Paris et décédé le 23 octobre 2018 à Solesmes, est un prêtre dominicain français. Prédicateur et  et écrivain, professeur de théologie au studium generale du Saulchoir, il est réputé comme l'un des grands spécialistes mondiaux de la vie et des écrits de Térèse de Lisieux.

Bernard Bro entre le 9 octobre 1944 au couvent Saint-Jacques de Paris où il prononce le 20 mai 1946  sa profession simple. Il fait sa profession solennelle définitive le 5 juin 1949 au Saulchoir d’Etiolles. Il est ordonné prêtre au même lieu le 15 juillet 1951.

Missions et responsabilités
De 1964 à 1971, Bernard Bro dirige les Editions du Cerf. Il est prédicateur chargé des Conférences de Carême à Notre-Dame de Paris. Il assure la responsabilité de la messe de la radio à France-Culture. Il est l'un des prédicateurs à la télévision, au « Jour du Seigneur ». Il est par ailleurs auteur-prédicateur de plus de 400 émissions intitulées « Paraboles » sur la chaîne de télévision catholique KTO.
Écrivain et auteur de nombreux livres, il étudie les écrits de sainte Thérèse de Lisieux. Il fonde avec Mgr Guy Gaucher, le Père Conrad de Meester et Pierre Descouvement des séminaires thérésiens.

Récompenses et distinctions
Bernard Bro reçoit en 1983 le Grand prix catholique de littérature pour l'ensemble de son œuvre et en 1991 le prix Charles-Blanc pour son livre La Beauté sauvera le monde. Il reçoit par ailleurs la médaille d'argent de l’Académie française.

Œuvres
Apprendre à prier, Le Cerf, 1960.
Le Témoignage des Cloîtrées. Bénédictines, Carmélites, Clarisses, Dominicaines, Trappistes, Visitandines. Dieu leur Suffit, Le Cerf, 1962.
Faut-il encore pratiquer ?, Le Cerf, 1967.
Heureux de croire, Le Cerf, 1968.
On demande des pécheurs, Le Cerf, 1969.
Dieu seul est humain, Le Cerf, 1973.
La gloire et le mendiant, Le Cerf, 1975.
Contre toute espérance, Le Cerf, 1975.
Le pouvoir du mal, Le Cerf, 1976.
Jésus-Christ ou rien , Le Cerf, 1977.
Devenir Dieu, Le Cerf, 1978.
Surpris par la certitude, 4 volumes, Le Cerf, 1980-1981 :
I Avant tous les siècles
II A cause de nous
III Le moi inconnu
IV La naissance éternelle
La meule et la cithare, Le Cerf, 1982.
Le secret de la confession, Le Cerf, 1983.
Les Portiers de l'aube, Le Cerf, 1984.
La stupeur d’être, Le Cerf, 1985.
Jean-Marie Vianney, curé d’Ars, Le Cerf, 1986.
Marie, espoir de Dieu, Le Cerf, 1987.
La foi n'est pas ce que vous pensez, Le Cerf, 1988.
La Beauté sauvera le monde, Le Cerf, 1990.
Peut-on éviter Jésus-Christ ?, Éditions de Fallois, 1995.
Thérèse de Lisieux. Sa famille, son Dieu, son message, Fayard, 1996.
Mais que foutait Dieu avant la Création ?, Éditions Fayard, 1997.
Aime et tu sauras tout, Éditions Fayard, 1998.
Le murmure et l'ouragan, Éditions Fayard, 1999.
La Libellule ou... le haricot. Confessions sur le siècle, Presses de la Renaissance, Paris, 2003.
On demande des pécheurs, Coll. Trésors du Christianisme, Le Cerf, 2007.
Les paraboles, 4 volumes, Le Cerf, 2007 :
1 La Tour Eiffel et le Bottin
2 Le clown et le catéchisme
3 Aimez-vous l'ail et les oignons ?
4 Où se sentir chez soi ?

En collaboration avec Michel Carrouges : Jean-Marie Vianney, le saint curé d'Ars, coll. Trésors du Christianisme, Le Cerf, 2009

Télévision
Sur KTO l’émission Paraboles.


Œuvres à la bibliothèque diocésaine d’Aix et Arles.

Heureux de croire. – Paris, Le Cerf, 1968. 126 pages.
La gloire et le mendiant. – Paris, Le Cerf, 1974. 257 pages.
Devenir Dieu. – Paris, Le Cerf, 1978. 322 pages.
Contre toute-espérance. – Paris, Le Cerf, 1975. 225 pages.
Jésus-Christ ou rien. – Paris, Le Cerf, 1977. 375 pages.
Mais que foutait Dieu avant la création ?. –Paris, Fayard, 1997. 331 pages.
Conférences de Notre de Paris. –Paris, Bayard-Presse, 1978. 5 volumes.
Dieu seul est humain. – Paris, Le Cerf, 1973. 255 pages.
La libellule… ou le haricot : confessions sur le siècle. – Paris, Presses de la Renaissance, 2003. 731 pages.
Fau-il encore pratiquer ? –Paris, Le Cerf, 1967. 448 pages.
La foi n’est pas ce que vous pensez. – Paris, Le Cerf, 1988. 128 pages.
Le pouvoir du mal. – Paris, Le Cerf, 1976. 341 pages.
Le secret de la confession. – Paris, 1984. 135 pages.
la meule et la cithare : prier un instant prier toujours. – Paris, Le Cerf, 1982. 380 pages.
La stupeur d’être. – Paris, Le Cerf, 1985. 298 pages.
Les portiers de l’aube. – Paris, Le Cerf, 1984. 202 pages.
Conférence de Notre-Dame-de-Paris : Contre toute espérance. – Paris, Bayard Presse, 1975. 4 volumes.
Surpris par la certitude. – Paris, Le Cerf, 1980-1981. 4 volumes.
On demande des pécheurs : le livre du pardon.- Paris, Le Cerf, 1973. 190 pages.
Conférences de Notre-Dame de Paris : devenir Dieu. – Paris, Bayard-Presse, 1978. 5 volumes.
Jean-Marie Vianney, curé d’Ars.- Paris, Le Cerf, 1986. 136 pages.
Apprendre à prier. – Paris, Equipes enseignantes, 1967. 191 pages.
Aime et tu sauras tout. – Paris, Fayard, 1988. 305 pages.
Marie, espoir de Dieu. – Paris, Fayard, 1998. 305 pages.
Le témoignage des cloîtrées : bénédictines, carmélites, clarisses, dominicaines, trappistines, visitandines. – Paris, Le Cerf, 1962. 236 pages.
Thérèse de Lisieux : sa famille, son Dieu et son message. – Paris, Fayard, 1996. 286 pages.
La beauté sauvera le monde. – Paris, Le Cerf, 1990. 479 pages.

Transmettre la foi aujourd’hui : Conférences données à Notre-Dame de Fourvière à Lyon et à Notre-Dame de Paris en janvier 1983 / Mgr Dermot J. Ryan, card. Joseph Ratzinger, card. Godfried Danneels, card. Franciszek Macharski ; [Conférences] commentées par Bernard Bro, Pierre Eyt, Jacques Guillet, Georges Bonnet. – Paris, Le Centurion, 1983. 127 pages.



Publications : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles

vendredi 26 octobre 2018

Le Père Bernard Bro (1925-2018)


Bernard Bro (1925-2018)


Le père Bernard Bro est mort à Solesmes (Sarthe) le 23 octobre, à l’âge de 93 ans. Considéré comme l’un des grands spécialistes mondiaux de la vie et des écrits de Thérèse de Lisieux, ce dominicain a contribué par son œuvre à éveiller et à former des générations de croyants.

L'imperfection comme vertu !


Vertus de l’imperfection
Alexandre Jenni
Paris, Bayard, 2018. 119 pages.

Dans un bref essai très libre, incisif, rêveur, bourré d'anecdotes personnelles et très intimes, Alexis Jenni, ancien professeur de sciences, romancier, amateur de science-fiction et capable de très profondes méditations spirituelles, nous propose de nous interroger sur notre souci et fantasme de perfection. Du corps, des sciences, du culte des résultats... Il s’interroge aussi sur le vide que représente certaines idéologies qui fascinent les intellectuels comme les théologiens et notamment le transhumanisme.

Il fait l'éloge de l'imperfection comme vertu ! Et mobilise pour ce faire autant de grands auteurs spirituels que des films de science-fiction, des ouvrages scientifiques, des romanciers et des poètes.
La grâce de l'humanité, c'est de vivre l'imperfection.



Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles

samedi 13 octobre 2018

Saint Luc : l'historien de Dieu


L’historien de Dieu : Luc et les Actes des Apôtres
Daniel Marguerat
Paris, Genève, Bayard/Labor et Fides, 2018. 443 pages.

Auteur d’un évangile et des Actes des apôtres, Luc est-il historien, ou apologiste, voire propagandiste? Daniel Marguerat, qui lui consacre une étude argumentée, a tranché. Puisque dans tout récit «la théorie [de lhistorien] précède lhistoire» (Raymond Aron), Luc est présenté comme un pionnier de l’historiographie chrétienne. Pour l’exégète, Luc est à la fois historien, théologien et visionnaire. Mais qui est-il vraiment?

Admirateur de Paul
Selon une méthode employée dans les autres chapitres, plusieurs hypothèses sont discutées avant que l’auteur donne sa préférence et les arguments en sa faveur. Donc, Luc serait un Grec qui s’est tourné assez tôt vers le judaïsme et sa culture. Grand admirateur de Paul, il appartiendrait à la troisième génération chrétienne. Son grand récit (évangile et Actes) aurait été rédigé entre 80 et 90 à partir de documents d’origine macédonienne… Fondant son écrit de Jésus à Paul, du Messie aux apôtres, Luc livre la structure fondamentale du christianisme naissant. Le premier Nouveau Testament? suggère Daniel Marguerat non sans provocation.
Je ne détaillerai pas ici tout le sommaire de cette étude passionnante. Deux points ont particulièrement retenu mon attention. Le premier touche au public juif concerné par la mission des apôtres et à la réalité d’un judaïsme synagogal. Le second explique le silence de Luc sur la mort de Paul à Rome: ne pas réveiller de cruelles douleurs



Daniel Marguerat est professeur honoraire de Nouveau Testament à l’Université de Lausanne. Spécialiste internationalement reconnu des origines du christianisme, auteur d’un grand commentaire des Actes des Apôtres (Labor et Fides), il a publié aussi, entre autres ouvrages : Jésus et Matthieu (Bayard/Labor et Fides) et corédigé Le Nouveau Testament commenté (Bayard/Labor et Fides)

mercredi 10 octobre 2018

Le pari chrétien par François Huguenin


Le pari chrétien : Une autre vision du monde Broché – 11 janvier 2018
François Huguenin
Paris, Tallandier, 2018. 220 pages


Présentation de l'éditeur

Comment être chrétien dans notre société qui ne l'est plus ? Alors que l'Eglise porte une parole sur les questions d'éthique individuelle, la justice sociale et l'écologie, la protection des plus faibles, des pauvres ou des migrants, les oppositions parmi les fidèles sont plus vives que jamais. Ils n'ont pas toujours pris la mesure de la déchristianisation de la société qui nécessite de repenser la présence des chrétiens en son sein. Cet essai vigoureux a pour ambition de proposer aux chrétiens un nouveau rapport au monde, cohérent avec la foi et conscient de l'autonomie du politique à l'égard du religieux. Comment la parole du Christ peut-elle éclairer l'action du chrétien et le débat d'idées ? Quels types de relations le chrétien entretient-il avec le monde : d'opposition, de coopération ? De proximité, de distance ? De méfiance, de confiance ? De pouvoir, de service ? Ces questions cruciales mettent en cause notre conception de la laïcité, et en amont celle de l'homme, animal politique et spirituel. Cet essai engagé invite à retrouver les racines de tout engagement chrétien : une attention centrale à la dignité de la personne humaine, une vision du monde renouvelée dans un accueil plus profond de l'Evangile.


Biographie de l'auteur
François Huguenin a publié une série d'essais qui font référence sur l'histoire des idées et du christianisme, notamment Histoire intellectuelle des droites (2012) et Les Grandes Figures catholiques de la France (2016).



Une recension sous la plume de Jean-Baptiste Sebe dans le Bulletin théologique (Rouen)

Une multitude d’essais sort ces derniers temps pour réfléchir à la place du christianisme dans la société française sécularisée. Outre celui de Denis Moreau (Comment peut-on être catholique ?), François Bégaudeau et Sean Rose (Une certaine inquiétude), Julien Leclercq (Catholique débutant), Patrice de Plunkett (Cathos, ne devenons pas une secte), ont publié en ces premiers mois de 2018, à des titres divers et selon des formules variées, des textes qui encouragent la réflexion.

Le texte de François Huguenin vise à réinterroger l’articulation délicate entre christianisme et politique, entre Royaume du ciel et royaume terrestre. Prenant acte que les récentes élections et les lois sociétales du quinquennat précédent ont divisé dans les communautés chrétiennes et parfois radicalisé les chrétiens, l’auteur re-pose la question : « la foi chrétienne peut-elle éclairer le débat politique ou bien doit-elle rester cachée ? » (p.15). Le corolaire de cette question est tout aussi redoutable : « les principes chrétiens sont-ils articulables avec une société qui ne l’est pas ou ne l’est plus ? » (id.). Le ton de l’ouvrage est paisible et invite le lecteur à se décider en conscience, faisant droit à une saine et nécessaire pluralité politique, renvoyant à la conscience éclairée et adulte du lecteur qui est également un citoyen et un électeur (p. 86-89).

Le point de départ est philosophique : l’homme est un animal politique et spirituel. Ces deux dimensions sont indissociables l’une de l’autre. Elles doivent être distinguées sans être séparées, unies sans être confondues. D’une certaine façon le principe de Chalcédoine s’applique ici. La liberté de conscience et de croire est un droit absolu à préserver impérativement. Huguenin tire le meilleur de la tradition chrétienne. Défenseur d’une « laïcité théologique qui n’ait pas peur d’intégrer les cultures des religions sous peine de périr de ses étroitesses » (p.38), l’auteur montre que limiter dans l’espace public l’identité spirituelle de l’homme risque de laisser un vide que la nature se hâterait de combler avec des idéologies dangereuses. La tentation du politique est d’être tout, de s’absolutiser comme norme et principe totalisant et totalitaire. Or comme le disait Mgr Pascal Wintzer dans une tribune parue dans la Croix, il y a quelques années : « Tout n’est pas politique ». Les religions et notamment le christianisme peuvent préserver le politique d’une hégémonie fallacieuse.

Benoît XVI et les traditions pontificales antérieures ont haussé le débat en montrant que l’enjeu est celui des relations entre la foi et la raison. La raison joue un rôle correctif vis à vis de la religion en la préservant de tout sectarisme et de tout fondamentalisme et en l’incitant à structurer sa propre réflexion. La religion purifie la raison de toute tentation hégémonique qui en vient inévitablement à investir le politique et à le rendre totalitaire. Le 20èmesiècle en a montré l’exemple.

L’auteur combat enfin vigoureusement la tentation propre aux chrétiens d’agir « à couvert ». Étant sauve la prudence, n’est-ce pas obéir à l’injonction de vivre sa foi « en privé » et donc renvoyer de facto la foi à l’espace privé ? (p.50). « Nier la nation revient à idéaliser le politique et à nier l’incarnation et la finitude de l’homme. L’absolutiser, c’est rejeter l’universalité de l’homme et lui refuser sa qualité d’être spirituel qui ne peut être enfermé dans une histoire ou dans une communauté particulières. Dans les deux cas, c’est idolâtrer le politique soit en l’érigeant en divinité, soit en faisant une universalité et un absolu de son inscription dans une finitude particulière » (p. 130).

Le chapitre 2 ré-explore ce que l’Evangile peut porter comme incidence politique sans être un programme précis de mesures concrètes. Les préceptes évangéliques ont une réelle pertinence dans la vie publique et politique. L’auteur rappelle que « tout est lié dans la foi chrétienne » : respect de la vie, défense des pauvres, des migrants et des exclus. Le développement intégral est la clé. Là encore négliger l’une ou l’autre dimension dans l’engagement éthique et politique, c’est risquer d’atrophier la foi chrétienne et de la réduire au rang d’un lobby. L’auteur se fait là-dessus assez ferme.

Les deux chapitres suivants constituent à mon sens l’originalité du texte de F. Huguenin. Il y décrit de manière précise et ramassée quelques principes (ne pas imposer ses normes, être solidaires du monde) pour être chrétien dans un monde qui ne l’est pas et il pointe quelques écueils (illusion de rallier le monde entier au christianisme, sortir de l’alternative progressiste réactionnaire, la préférence de son pays et ses limites…). Avons-nous fait le deuil en France, d’un système politique chrétien ? Malgré une tradition chrétienne qui récuse toute théocratie, nous éprouvons une forme de nostalgie blessée du politique. L’auteur avance des pistes de réflexion sur la place de la Révolution et de la 3èmeRépublique dans l’inconscient politique catholique. Il met en valeur également le rôle symbolique hypertrophié de la loi : nous vivons parfois en France avec l’illusion que tout devrait se régler par la loi fût-elle des hommes ou de Dieu… Elles ne sont pas du même ordre et ne poursuivent pas d’ailleurs la même finalité.

L’auteur souligne enfin que, de la même façon que tout n’est pas politique, il existe d’autres modes d’action qui sont tout autant politiques mais ne passent ni par le législateur ou l’exécutif. Le centralisme jacobin a atténué la place des corps intermédiaires, des associations… Elles sont comme M. Jourdain, elles font de la politique sans le savoir ! Le dernier chapitre est sans aucun doute l’apport le plus singulier d’Huguenin au débat. Il propose trois termes pour renouveler le rapport des chrétiens au politique : communion, transfiguration et conversion. Il semble urgent de repréciser le sens du bien commun, marque de l’universel. Ce dernier établit une relation nécessairement spirituelle et de communion entre tous : les chrétiens rappelant sans cesse la vocation profondément spirituelle de tout être humain. Tant que chaque chrétien n’aura pas examiné son propre rapport au monde selon une logique de conversion évangélique, dans la lignée des Béatitudes, le rapport au politique sera vécu et pensé dans une logique mondaine inévitablement mortifère. La réalité du politique est, comme toute autre réalité mondaine, appelée à être transfigurée par l’évangile. Dans ce monde et pour l’instant, ce ne peut être que sous la croix.

L’essai est stimulant en ce qu’il oblige à des distinctions. Il souligne aussi les contradictions à lever pour notre société et les catholiques français. Une question parmi d’autres : le politique est-il aussi uniforme et monolithique que le décrit l’auteur ? Même s’il est encore trop tôt pour le dire, la perception actuelle du politique (critique dans bien des cas et le confondant avec la politique) n’est-elle pas en train de changer ? Les réseaux sociaux, les médias, les revendications ne bousculent-elles pas déjà la participation des citoyens au politique ?  On aurait aimé quelques pages de la même eau que les autres, sur le sujet …




mardi 9 octobre 2018

Nouveautés octobre 2018


Livres : Octobre 2018


CHALAMET, Christophe. – Une voie infiniment supérieure : essai sur la foi, l’espérance et l’amour. – Genève, Labor et Fides, 2016. 254 pages.

CONFERENCE DES EVEQUES DE France. – Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel : texte de référence » du synode. – Paris, Bayard, Mame, 2018. 357 pages.

ELLUL, Jacques. – Les sources de l’éthique chrétienne : le vouloir et le faire, partieq IV et V. – Genève, Labor et Fides, 2018. 310 pages.

FOOT, Philippa. – Le bien naturel. – Genève, Labor et Fides, 2014. 308 pages.

GOBILLARD, Emmanuel ; HARGOT, Thérèse. – Aime et ce que tu veux, fais-le. – Paris, Albin Michel, 2018. 244 pages.

JENNI, Alexis. – Vertus de l’imperfection. – Paris, Bayard, 2018. 119 pages.


Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles


Michel Vovelle (1933-2018)


MICHEL VOVELLE (1933-2018).


Michel Vovelle, né le en février 1933 à Gallardon est mort le 6 octobre 2018. C’était un historien français, notamment spécialiste de la Révolution française et successeur de Albert Soboul à la tête de l’Institut d’histoire de la Révolution française de 1981 à 1993.


Biographie
Origines et formation
Michel Vovelle est le fils de Gaëtan Vovelle, instituteur, partie prenante du groupe d’éducation nouvelle d’Eure et Loir.
Ancien élève de l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud (où il est reçu major en 1953), il obtient l'agrégation d’histoire en 1956, puis soutient un doctorat d'État à Lyon-II en 1971.


Carrière

Les premières recherches de Michel Vovelle ne portèrent pas directement sur la Révolution française, mais sur l'anthropologie et l’histoire religieuse en France à l'époque moderne. Sa thèse, soutenue en 1971 porte en effet sur la déchristianisation en Provence et mêle une recherche archivistique sur les testaments et une approche de l'iconographie sacrée. Il entend ainsi réfléchir sur la vision du salut et de l'au-delà et sur le rapport à la mort et à la religion dans les populations provençales de l'époque moderne. Après cette « première carrière » d'historien de la mort, il s'engage dans l'histoire de la Révolution dans ses aspects religieux, s'attachant notamment au concept de déchristianisation, intégrant les acquis de l'histoire des mentalités.

Appartenant au courant marxiste, il a réhabilité dans les années 1990 le rôle de l'acteur individuel, jusque-là écrasé par les contraintes économiques et sociales. D'abord professeur d'histoire moderne à l’Université Aix-Marseille I, il devient ensuite professeur d'histoire de la Révolution française à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et, succédant à Albert Soboul, directeur de l'Institut d’Histoire de la Révolution française.. En 1983, Michel Vovelle devient président du conseil scientifique et technique du musée de la Révolution française.. Selon Michel Vovelle, la Révolution n'est « pas terminée », il s'agit d'un événement « chaud » qu'il faut « aimer » pour le comprendre. Il entremêle ainsi histoire récente, vulgarisation et histoire de la Révolution au gré de ses ouvrages, comme par exemple avec « Les Jacobins de Robespierre à Chevènement » publié en 1999 ou « La Révolution française expliquée à ma petite-fille » en 2006. Son dernier ouvrage, « La Bataille du bicentenaire de la Révolution française », peut être considéré comme un travail d'ego d’histoire et est un retour réflexif sur le moment du bicentenaire.

Michel Vovelle incarne une forme d'histoire culturelle de la Révolution qui intègre les acquis de l'histoire des mentalités (il est d'ailleurs rattaché à l'« école d'Aix »), et s'affiche comme complémentaire de l'histoire sociale.. À en juger par les prises de position qu'elle aura suscitées son œuvre aura culminé dans son histoire de la déchristianisation de l’an II. Elle a joué un rôle central dans les célébrations du bicentenaire de la Révolution en 1989 quand il présida la Commission nationale de recherche historique pour le bicentenaire de la Révolution française à la suite d'Ernest Labrousse. Dans le cadre du bicentenaire de la Révolution, au gré des changements de gouvernements, ses positions reçurent la vive opposition de la droite française ainsi que celle du courant des historiens critiques de la Révolution mené par François Furet7 .


Vie privée
Son épouse, Gabrielle Vovelle (née Cerino), une comparatiste avec qui il rédige son premier ouvrage, meurt prématurément en 1969. Il se remarie par la suite avec Monique Rebotier, géographe, disparue en 2008 ; elle joua un rôle important dans l'animation et l'organisation de la vie du cercle intellectuel que Michel Vovelle réunissait dans le cadre des préparatifs du bicentenaire.

Engagement politique
« Communiste hétérodoxe », membre de la « cellule Duclos » du Parti communiste français  à partir de 1956, il soutient en 2012 Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle.


Ouvrages

Vision de la mort et de l'au-delà en Provence du xve au xixe siècle d'après les autels des âmes du purgatoire, (en collaboration avec Gaby Vovelle), Paris, A. Colin, 1970.
Piété baroque et déchristianisation en Provence au xviiie siècle. Les attitudes devant la mort d'après les clauses de testaments, Paris, Seuil, 1973.
Mourir autrefois, Paris, Gallimard / Julliard, 1974 ; rééd. coll. Folio, 1990.
L'Irrésistible Ascension de Joseph Sec bourgeois d'Aix, Aix, Edisud, 1975.
La Métamorphose de la fête en Provence de 1750 à 1820, Paris, Flammarion, 1976.
Religion et Révolution : la déchristianisation de l'an II, Paris, Hachette, 1976.
La Mort et l'Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard, 1983 ; réed. 2001.
La Ville des morts, essai sur l'imaginaire collectif urbain d'après les cimetières provençaux, 1800-1980 (en collaboration avec Régis Bertrand), Marseille, Editions du CNRS, 1983.
Images et récits de la Révolution française, Paris, Messidor, 1984-1989. Direction de l'ouvrage.
Théodore Desorgues ou la désorganisation : Aix-Paris, 1763-1808, Paris, Seuil, 1985.
La Mentalité révolutionnaire : société et mentalités sous la Révolution française, Paris, Éd. sociales, 1986.
1793, la Révolution enontre l’Eglise : de la raison à l’être suprême. Paris, Complexe, 1988.
Les Aventures de la raison (entretiens avec Richard Figuier), Paris, Belfond, 1989.
1789 l'héritage et la mémoire, Privat, 1989.
De la cave au grenier, Serge Fleury Éd., Canada, 1980.
Histoires figurales : des monstres médiévaux à Wonderwoman, Paris, Usher, 1989.
La Révolution française, Paris, A. Colin, 1992-2002.
L'heure du grand passage : Chronique de la mort, coll. « Découvertes Gallimard/ Culture et société », Gallimard, 1993.
Les Âmes du purgatoire ou le travail du deuil, Paris, Gallimard, 1996.
Le Siècle des lumières, Paris, PUF, 1997.
Les Jacobins de Robespierre à Chevènement, Paris, La Découverte, 1999.
Les Républiques sœurs sous les regards de la grande nation, Paris, L'Harmattan, 2001.
Combats pour la Révolution française, Paris, La Découverte, 1993-2001.
Les Folies d'Aix ou la fin d'un monde, Éd. Le temps des cerises, Pantin, 2003.
La Révolution française expliquée à ma petite-fille, Seuil, 2006
La Bataille du bicentenaire de la Révolution française, La Découverte, 2017 
 Source de la biographie : Wikipedia

OUVRAGES A LA BIBLIOTHEQUE DIOCESAINE D’AIX ET ARLES.

Les aventures de la raison : entretiens avec Richard Figuier. Paris, Belfond, 1989. 190 pages.

Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIè siècle. – Paris, Le Seuil, 1978. 346 pages.

BARDET, Claude ; préface de Michel Vovelle. -  La Révolution en Provence : images & histoire. – Avignon, Editions A. Barthélémy, 1989. 99 pages.

Provence et dictions provençaux : Provençal/Français. Avec une préface de Michel Vovelle. – Paris, Rivages, 1983. 84 pages.

L’Irrésistible ascension de Joseph Sec bourgeois d’Aix. Suivi de : Quelques clefs pour la lecture des « Naïfs ». – Aix-en-Provence, Edisud, 1975. 95 pages.

La mort et l’Occident. – Paris, Gallimard, 1983. 793 pages.

RUBENSTEIN, E. ; avec une préface de Michel Vovelle. - Le jour où Jésus devint Dieu : L’ »affaire Arius » ou la grande querelle sur la divinité du Christ au dernier siècle de l’Empire romain. – Paris, La Découverte, 2001. 285 pages.

En collaboration avec Philippe BOUTRY, Philippe JOUTARD, Dominique JULIA, Claude LANGLOIS, Freddy RAPHAËL. – Du roi Très Chrétien à la laïcité républicaine : XVIII-XIXè siècle. – Paris, Le Seuil, 1991. 556 pages.

DEROBERT-RATEL, Christiane ; avec une préface de Michel Vovelle. – Institutions et vie municipale à Aix-en-Provence sous la Révolution (1789-An VIII. – Aix-en-Provence, Edisud, 1976. XII-672 pages.
La chute de la monarchie : 1787-1792. – Paris, Le Seuil, 1972. 282 pages.

Idéologies et mentalités. – Paris, Maspero, 1982. 358 pages.



Publication : Bibliothèque Diocésaine d'Aix et Arles