lundi 31 août 2015

Livre du mois : Job, d’Adrienne von Speyr
La traduction de l'une des meilleures oeuvres d'Adrienne von Speyr est enfin disponible en français : le commentaire du livre de Job.
"Sans le livre de Job, il y aurait bien des choses de la Nouvelle Alliance auxquelles nous ne prêterions nullement attention ". Les éditions Johannes Verlag offrent pour la première fois au public francophone ce que le théologien Hans Urs von Balthasar reconnaît comme "l’une des meilleures œuvres" du médecin de Bâle. Pour nous lecteurs, ce livre est une profonde méditation sur le sens divin de la souffrance et de l’épreuve, et son auteur nous apparaît comme un authentique maître de compassion. À lire et à méditer…

Van Gogh, Treurende oude man (Vieil homme dans la douleur) (1882)

L’histoire de Job, tout le monde la connaît. Le démon met en doute la foi de cet homme que Dieu a visiblement béni, et obtient de le mettre à l’épreuve. Il lui fait perdre tous ses biens, fait mourir ses dix enfants, et finalement le frappe d’un "ulcère malin depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête " (Jb 2,7). Commence alors pour Job, une série de rencontres censées l’aider pour affronter cette épreuve accablante et que rien n’explique à vue humaine.

La justice comptable
La femme de Job, pour commencer, l’enjoint à maudire Dieu, et à mourir ! (Jb 2, 9) Adrienne von Speyr constate alors qu’en cette scène se retrouve la trinité des origines : la femme, qui entre ici de façon inouïe dans les vues du démon, l’homme et le démon lui-même (p. 17*). Puis, viennent les trois amis de Job. Chacun d’eux essaye d’éclairer Job de son avis, mais cela ne provoque qu’une plus grande solitude de l’intéressé. C’est que, comme le souligne Adrienne, les amis ne parviennent jamais vraiment à quitter le plan d’une justice comptable, et d’un certain rapport entre l’épreuve et le péché qui en serait la cause. Il leur manque la communion des saints pour véritablement prendre part à ce qui se passe sous leurs yeux. Et ils ne peuvent pas imaginer que lorsque Dieu éprouve son ami, il cherche aussi à se donner à lui à travers et dans cette épreuve. La solution au problème de Job ne peut se trouver dans l’Ancienne Alliance, mais " au-delà " (p. 62).

Plus rien à faire sinon crier
Pour Adrienne von Speyr, l’absence de recours et l’incompréhensibilité de l’épreuve mettent Job dans une situation de déréliction très proche de ce que le Christ vivra sur la Croix. Il n’a plus rien d’autre à faire que de crier sa douleur et sa solitude. Et ce cri fait sortir le Fils lui-même tel que le Père l’enverra (p. 81). Alors seulement, le cri de Job trouvera sa réponse. "Là, ce sera devenu réel : par la grâce du Fils souffrant, à laquelle le pécheur en appelle, le jugement tombera en faveur de l’homme. Cette souffrance sera mise dans la main de l’homme comme une arme qui arrachera à Dieu sa justice." (p. 102)
Ici apparaît la figure de ceux qui, à la suite du Christ, recevront de Dieu leur part de souffrance et de fécondité mystérieuses. Pour peu que l’accompagnement de l’Eglise ne leur manque pas. Car, "même dans l’Eglise, les missions de souffrances peuvent échouer, faire fausse route, parce que mal dirigées. Alors, les souffrants souffrent en eux-mêmes et se mettent au centre au lieu de s’ouvrir à la communion des saints." (p. 110)
La distance infinie et l'union
Avec une simplicité déconcertante, et en ne s’éloignant jamais du texte lui-même, Adrienne von Speyr voit en Job un précurseur au même titre que Jean le Baptiste. "Avec l’épreuve de Job, nous dit-elle, Dieu a déblayé la voie du Christ, la voie de la Passion, il a donné pour la première fois un sens à la souffrance et même au partage de la souffrance avant même que le Fils ait souffert." (p. 185)
" Peut-être, se demande-t-elle avec ingénuité, Dieu le Père, dans toute cette épreuve, parle-t-il davantage avec le Fils qu’avec Job. Peut-être montre-t-il au Fils comment la compréhension de Dieu a grandi par la souffrance et lui révèle-t-il dans un certain sens le profit de la Passion à venir. " (p. 185)
Ainsi la souffrance a-t-elle été en quelque sorte nécessaire et voulue par Dieu pour ouvrir à Job des horizons tout à fait inimaginables. La justice de Job ne pouvait suffire, il fallait aussi que Dieu lui parle par la souffrance (p. 157) et, par-là, se donne à lui de nouveau. Dans cette situation qui le dépasse totalement, et devant la grandeur de Dieu, Job confesse la distance infinie qui le sépare du Père.
Pour Adrienne von Speyr, cette Passion de Job ouvre la voie à ceux qui, à la suite du Christ, répondent à l’appel du Père pour s’offrir en expiation pour la multitude, et pour mieux comprendre le Père.
"Et de le voir, là où, auparavant, ils ne le connaissaient que par ouï-dire. " (p. 185)


* Pour toutes les citations non bibliques, cf. Adrienne von Speyr, Job, Johannes Verlag, Einsiedeln, 1972, Association Saint-Jean, Paris, 2014.

Publication : Claude Tricoire
                      Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles

samedi 29 août 2015

CATHOLICISME EVANGELQIE

Catholicisme évangélique
George Weigel
Traduit par Jean-Marie Brauns
Paris, Desclée de Brouwer, 2015. 310 pages.


L’Église qui vient selon Weigel

L’Église catholique doit profondément se renouveler pour être fidèle à sa mission en redevenant totalement "évangélique" explique l’essayiste catholique américain George Weigel.
Comment évangéliser au début du troisième millénaire ? Pas comme au premier millénaire (encore que, par certains côtés, la "nouvelle évangélisation" ressemble à la première), ni comme au deuxième, marqué par la Contre-Réforme (encore que son héritage ne doive pas pour autant être renié), mais d’une façon qui réponde aux signes des temps, analyse George Weigel dans Le Catholicisme évangélique.  L’Église est "toujours à réformer" au regard de l’Évangile et en réponse à l’appel constant de la mission : "Allez, enseignez toutes les nations". La Parole de Dieu ne change pas d’un iota, le dessein rédempteur subsiste à jamais, mais le monde se métamorphose sans cesse avec des périodes de ruptures, de fractures, comme lors des tremblements de terre.

Face aux idoles d’un monde désenchanté

Le tsunami sociétal qui s’est produit depuis un demi-siècle, dont l'épicentre est l'Occident (mais l’onde de choc est mondiale), consiste en une révolution culturelle sans précédent dont nous voyons les effets par vagues successives : matérialisme, consumérisme, sécularisme, "chosification" de l’homme livré aux idoles de la "postmodernité". Celles-ci sont vieilles comme le monde : sexe, argent, pouvoir, mais leurs puissances sont décuplées par le Web, cette "toile" invisible qui resserre mais aussi enserre le "village mondial". Alternant séduction et menaces, ces idoles paralysent leurs proies en leur instillant la lassitude et le dégoût spirituels ou en les intimidant par un sécularisme agressif. Elles ferment le ciel, éteignent les étoiles, et enferment les hommes dans la désespérance d’un monde désenchanté.

Face à ces idoles, plutôt que de s’épuiser dans des combats apologétiques qui supposent un consensus aujourd’hui disparu sur les valeurs humaines fondamentales, c’est comme aux premiers temps de l’Église l’annonce de Jésus-Christ comme seule véritable "bonne nouvelle" qui doit être privilégiée. Mais attention ! Cette mission-là n’est pas seulement à usage externe : pour ce grand connaisseur de l’Église catholique qu’est George Weigel, la révolution spirituelle chrétienne doit s’effectuer prioritairement au sein de l’univers catholique pour rayonner sur le monde au prix d’une "réforme catholique en profondeur" qui laisse loin derrière elle les clivages stériles entre "droite" et "gauche" ou "traditionnalistes" et "progressistes".

Cette réforme, cette conversion, se vit et s’éprouve jour après jour et concerne tout un chacun, du plus humble paroissien aux évêques et au Pape lui-même (bien que cet essai ait été rédigé à la fin du pontificat de Benoît XVI, il répondait d’avance au leitmotiv réformateur de son successeur le pape François, lui-même s’inscrivant dans le grand mouvement de réforme engagé par de ses prédécesseurs). "Toute réforme authentique dans l’Église du XXIesiècle et au-delà, écrit Weigel, est ordonnée  à la sainteté et à la mission."

La médiocrité frappée d'interdit

Aussi l’auteur passe-t-il au scanner de la foi catholique toutes les strates de l’Église – familles, paroisses, diocèses, communautés –, et tous les états de vie et ministères – laïcat, presbytérat, épiscopat, papauté – assignant les points d’effort ou même les conversions qui s’imposent pour que chacun réponde à sa vocation évangélique. Aucun domaine n’est oublié, l’engagement des laïcs dans la vie publique, la vie intellectuelle, la vie fraternelle, l’action caritative, les sacrements, la liturgie (l’auteur est de ceux qui plaident pour une "réforme de la réforme") afin que tout catholique ait accès aux sources vives de la foi, pour vivre en plénitude sa vocation baptismale

Si la médiocrité ne fut jamais à la hauteur des exigences du salut, elle est pour ainsi dire frappée d’interdit par la détresse d’un monde à la dérive. Elle nous pousse à nous rapprocher sans cesse du Christ pour ne plus nous contenter de Le suivre "de loin" comme Pierre après l’arrestation de Jésus : alors nous agirons non pas en "sauveurs" mais en "sauvés", et le regard fixé sur Jésus, nous pourrons marcher sur les eaux.

Ce livre a de la saveur et du souffle : il se lit d’une traite. Mais sitôt l’a-t-on refermé, on se prend à le rouvrir à tel ou tel chapitre pour l’analyser, le ruminer. Son étude devrait figurer au programme de toute institution catholique et, bien sûr, des séminaires, sans oublier les différents bureaux des conférences épiscopales et les dicastères romains.

Le Catholicisme évangélique

Auteur : George Weigel
Editeur : Desclée De Brouwer, 2015
Nombre de pages : 250

George Weigel est un intellectuel américain catholique, biographe érudit de Jean-Paul II, et qui a depuis axé son travail sur le rapport entre l’Église catholique et notre « postmodernité ». Son Catholicisme évangélique propose de sortir définitivement de la guerre civile dans laquelle les chrétiens s’enferment depuis le XXe siècle : la guerre entre traditionalistes et progressistes. D’un mot, Weigel pose que l’Église catholique ne sera pas réformée parce que ses membres adhéreront à une idéologie plus rigoriste ou plus laxiste, mais parce qu’ils seront plus fidèles au Christ.

Une Église progressiste est condamnée à mort : lorsque les chrétiens n’ont rien de plus à donner aux autres que l’approbation de ce que l’époque leur offre déjà, elle ne sert à rien. « Se rendre au monde : qui peut être intéressé par une chose pareille ? » Même chose lorsqu’elle est déconnectée du réel au point de croire qu’il suffise de serrer les boulons pour rayonner. Un minimum de plain-pied est nécessaire pour que l’échange avec le monde soit possible. « Le risque du traditionalisme est de ne pas être du tout écouté du monde. Surtout que l’Église lui demande de considérer la possibilité qu’il a besoin d’être sauvé, et que l’Évangile est la réponse à la question qu’est toute vie humaine. »

Des âmes à sauver
Comment sortir de ce dilemme ? En étant plus radicalement ami du Christ et donc missionnaire. Dans la première partie de son livre, Weigel définit sa vision historique, en montrant que la réforme évangélique de l’Église a été lancée par Léon XIII et portée par le concile Vatican II (magistralement interprété par Jean-Paul II et Benoît XVI).
Dans la deuxième partie, il déploie ce que cela signifie pour les évêques, les prêtres, les consacrés, les époux. Pour Weigel, le pape François, avec son insistance constante sur la mission, est typique de cette manière d’être qui préfère considérer Jésus d’abord et les âmes à sauver ensuite, plutôt que de dépenser son énergie à la maintenance institutionnelle. D’une manière générale, il relève que le ferment chrétien, lorsqu’il est radicalement à l’œuvre chez quelques-uns, est suffisamment puissant pour générer une alternative capable non seulement de résister mais de transformer et d’humaniser les cultures : « Le paganisme antique a été converti en grande partie par l’évidente supériorité du style de vie chrétien. Le monde postmoderne du XXIe siècle sera converti de la même façon : par des styles de vie authentiquement humains fondés sur la vérité de l’Évangile ».

Ainsi, dans l’ADN chrétien, il y a depuis les origines et dans tous les contextes culturels et historiques deux options très nettes : le refus de l’infanticide et de l’avortement, et le mariage posé comme engagement indissoluble. Ces spécificités sont la clé du dynamisme inouï qui a fait l’expansion chrétienne lorsqu’il était ultra-minoritaire dans le monde gréco-romain.
source : famille chrétienne


Le livre de Georges Wengel est un ouvrage à lire parce qu'il est tonifiant, qu'il invite chacun à une conversion radicale à la suite du Christ. Son radicalisme est dérangeant et peut faire peur car il vient bousculer tous les compromis auxquels nous sommes tentés de succomber, toutes les habitudes qui sont des obstacles à a Parole.

L'auteur inssite sur les "piliers" sur lesquels tout chrétien devraient s'appuyer :
- lecture assidue de l'Evangile : seule condition pour vivre une véritable "amitié avec Jésus"
- insistance de la prière
- fréquentation des sacrements : indispensable pour chacun
- obéissance confiante dans les enseignements de l'Eglise : cet enseignement n'est pas le lieu où l'on "fait son marché" pour prendre ce qui arrange et laisser de côté ce qui déplâit

Chaque chrétien est appel à rejeter la médiocrité s'il veut prendre au  sérieux l'Evangile et les enseignements de l'Eglise : pour être saint pas de compromis possible ! L'Eglise deviendra ainsi missionnaire car elle sera "lumière du monde" et "sel de la terre" dans un monde désanchanté et même désespéré ; elle redonnera ainsi l'Espérance au coeur de chacun.

Aujourd'hui le catholique doit être à contre-courant des idéologies actuelles que vendent les nouveaux gouroux : les catholiques doivent combattre la "culture de mort" (comme le disait Jean-Paul II) qui se propagent jusque dans certains milieux catholiques au nom du progrès ou pour être en phase avec le monde moderne.

Pour Georges Wengel l'Eglise ne doit pas s'enfermer dans les querelles entre "traditionnalistes" et "progressistes" : querelles vaines et stériles ! Si elle ne peut plus évangéliser comme au temps de la Contre-Réforme ni même comme après les premières années post-conciliaires, elle doit retrouver le souffle des premiers chrétiens pour l'annonce de l'Evangile avec les outils aujourd'hui.

Dans la deuxième partie, il déploie ce que doit être une réforme de l'Eglise : ceci concerne les évêques, les prêtres, les consacrés, les époux. Pour Weigel, le pape François, avec son insistance constante sur la mission, est typique de cette manière d’être qui préfère considérer Jésus d’abord et les âmes à sauver ensuite, plutôt que de dépenser son énergie à la maintenance institutionnelle.

D’une manière générale, il relève que le ferment chrétien, lorsqu’il est radicalement à l’œuvre chez quelques-uns, est suffisamment puissant pour générer une alternative capable non seulement de résister mais de transformer et d’humaniser les cultures : « Le paganisme antique a été converti en grande partie par l’évidente supériorité du style de vie chrétien. Le monde postmoderne du XXIe siècle sera converti de la même façon : par des styles de vie authentiquement humains fondés sur la vérité de l’Évangile ».

En un mot : le monde peut changer mais l'Evangile restera !
"N'ayez pas peur ! Je serai avec vous jusqu'à la fin du monde !"
L'ADN du chrétien ne change pas : des origines à nos jours c'est la même exigence, le même Evangile qui doivent transformer le monde !
Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles

LE PETIT PRINCE DE SAINT EXUPERY












LE PETIT PRINCE
ANTOINE DE SAINT-EXUPERY
PARIS, GALLIMARD,  1944.



I-Biographie de l’auteur :
Antoine de Saint-Exupéry est né le 29 juin 1900 à Lyon dans une famille de haute bourgeoisie française qui va lui inculquer des valeurs fondamentales qui feront de lui un grand humaniste.
Après avoir fait son service militaire dans l’aviation, il est engagé en 1926 dans l’Aéropostale pour effectuer du transport de courrier sur des vols entre l’Europe et l’Afrique.
Il consacrait une partie de son temps à l’écriture.
A la seconde guerre mondiale il écrivit son chef d’œuvre « Le petit prince » publié en 1944.
C’est lors d’une de ses missions, le 31juillet 1944 que son avion s’abime dans la méditerranée et dont aretrouvé les débris au large de l’Ile de Rion en 2004..

II- « Le petit prince » :
C’est l’histoire d’un garçon très intelligent qui habitait un astéroïde et qui décida de la quitter parce qu’il avait des difficultés avec une rose dont il s’occupait mais qui était capricieuse.
Alors Il entreprend un voyage fantastique à travers la galaxie.
Durant son parcours il fait la connaissance des personnages aussi bizarres les unes que les autres. Mais toutes ces personnes se prennent trop au sérieux pour répondre au Petit Prince.
Le premier astéroïde était habité par un roi : uniquement préoccupé de se faire obéir. Puis il rencontrera un géographe qui lui conseillera d’aller sur la Planète Terre.
Avant de rencontrer le pilote il fera la connaissance d’un renard qui lui apprendra les secrets de l’amitié. De cette rencontre en plein désert avec ce pilote qui a eu une panne d’avion – qui n’est autre que l’auteur lui-même- naîtra une belle et grande amitié. Le petit bonhomme lui raconta son incroyable aventure.
 A la fin le petit garçon décida de rentrer chez lui. Et de retour parmi les siens le pilote ne verra plus les choses de la même façon.

III-Analyse de l’œuvre :
- Thème, contexte et cadre de l’œuvre :
L’auteur veut nous faire passer des messages à travers chaque personnage.
-Le pilote : c’est l’image d’un adulte qui s’est trouvé dans une situation de solitude et il s’est rendu compte qu’il avait gardé son âme d’enfant.
-Le petit prince : c’est l’image d’un enfant innocent et intelligent.
-Le roi : c’est l’image de l’homme qui croit régner sur le monde entier et c’est impossible.
-Le vaniteux : c’est l’image de quelqu'un qui se croit important et qui ne cesse de réclamer des compliments des autres.

Le petit prince appartient à cette catégorie de livres que lisent aussi bien les enfants que les adultes.

IV- La conclusion :
Au-delà de ce qui ressemble à un conte, l’auteur nous dit de réveiller l’enfant qui dort en chacun de nous. Chacun peut ainsi s’émerveiller devant une fleur, cultiver l’amitié en prenant le temps d’être là simplement pour l’autre
Les yeux de l’enfant sont le miroir où se reflète un univers à découvrir, des êtres à aimer. Il faut un regard d’enfant, un cœur d’enfant pour s’émerveiller devant toute chose



Publication : Claude Tricoire
                      Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles





ANTOINE DE SAINT-EXUPERY











Biographie d'Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944)

1900 Antoine de Saint-Exupéry naît le 29 juin à Lyon, 8 rue du Peyrat (rue Alphonse Fochier).
Il est le troisième d'une famille de cinq enfants. Ses parents sont le Comte Jean-Marie de Saint-Exupéry et Marie Boyer de Fonscolombe. Il a deux sœurs aînées : Marie-Madeleine (1898) et Simone (1899).

1903 Naissance de son frère François.

1904 Naissance de sa sœur Gabrielle.
Mort de son père. Antoine de Saint-Exupéry sera très proche de sa mère. Il est influencé par sa sensibilité et sa culture et il entretiendra avec elle, toute sa vie, une volumineuse correspondance.

1905 Jusqu'à l'âge de dix ans, Antoine de Saint-Exupéry passe son enfance entre le château de la Môle (Var), propriété de sa grand-mère maternelle et le château de Saint Maurice de Remens (Ain), propriété de l'une de ses tantes.

1909 Sa famille s'installe au Mans, région d'origine de son père.
Il suit alors ses études au Collège Notre Dame de Sainte-Croix. C'est un élève mi-rêveur, mi-dissipé. La discipline y est stricte et Antoine de Saint-Exupéry est souvent puni pour sa nonchalance ou son désordre.

1910 Sa maman retourne à Saint-Maurice-de-Remens, laissant Antoine et François aux soins de leurs tantes Anaïs et Marguerite.
L'ambiance au Collège Notre Dame de Sainte-Croix reste morose.

1912 Antoine de Saint-Exupéry passe les grandes vacances à Saint-Maurice-de-Remens. Il est fasciné par l'aérodrome d'Ambérieu, situé à quelques kilomètres de là. Antoine s'y rend à vélo et y reste des heures à interroger les mécaniciens sur le fonctionnement des avions. Un jour, il s'adresse au pilote Gabriel Salvez en prétendant que sa mère l'a autorisé à prendre le baptême de l'air. il fait donc son baptême de l'air sur un monoplan W, avion fabriqué à Villeurbanne dans l'atelier de Pierre et Gabriel Wroblewski. C'est le jeune Gabriel Wroblewski, lui-même, qui aurait piloté l'avion.
Cette expérience émeut Antoine de Saint-Exupéry. Sa passion pour les avions ne le quittera plus.
A l'automne, il rentre en classe de 4ème.

1914 En juin, il obtient, lors de la distribution des prix,  le prix de narration pour l'une de ses rédactions.
Pendant la première guerre mondiale, sa mère, est nommée infirmière-chef de l'hôpital installé dans la gare d'Ambérieu. Elle fait venir ses enfants près d'elle et les inscrits  en octobre, au Collège Notre Dame de Montgré.

1915 En février, Antoine et son frère François reviennent à Sainte-Croix, au Mans, mais, sa santé fragile le force à rentrer chez lui avant la fin de l'année scolaire.
Après les vacances d'été, les deux frères font leur rentrée à Fribourg, en Suisse dans un collège tenu par les marianistes.

1917 Antoine de Saint-Exupéry obtient son baccalauréat.
La fin de ses études à la villa Saint-Jean est attristée par la maladie de son frère François (rhumatismes articulaires aggravés de complications cardiaques). François meurt fin juillet.
Antoine de Saint-Exupéry entre au Lycée Saint-Louis, pour préparer le concours d'entrée de l'Ecole Navale.

1918 Au printemps les élèves du Lycée Saint-Louis sont évacués vers le Lycée Lakanal.
Il fait la connaissance de Louise de Vilmorin.
1919 En janvier, il suit toujours ses cours à Saint-Louis, mais il est en pension à l'Ecole Bossuet, chez les jésuites.
Ses résultats dans les branches scientifiques sont très bons, mais ceux des branches littéraires insuffisants : il n'est pas accepté. Il commence alors l'Ecole des Beaux-Arts dans la section architecture. Pendant quinze mois, il va suivre les cours de l'Ecole des Beaux- Arts comme auditeur libre.

1920 Antoine, qui doit faire face aux faibles ressources financières de sa mère, bénéficie de l'hospitalité de sa cousine Yvonne de Lestrange.
Il accepte également plusieurs petits boulots pour gagner quelque argent de poche : avec son ami Henry de Ségogne, il sera notamment figurant durant plusieurs semaines dans Quo Vadis, un opéra de Jean Noguès.

1921 Au printemps, Antoine effectue son service militaire à Strasbourg dans l'armée de l'air. Il est d'abord affecté à l'atelier de réparation; il rêve toujours de devenir pilote. Ayant réalisé des économies pour prendre des leçons, il effectue ses premiers vols en double commande. Puis après vingt heures d'entraînement il monte seul à bord d'un avion. Lors de l'un de ces vols en solitaire, il réussit à se poser de justesse, alors que l'appareil est en flammes. Ce grave incident permet de révéler son sang- froid et sa maîtrise.
Après trois mois, il rejoint le 37ème Régiment d'Aviation de Chasse, à Casablanca au Maroc. C'est là qu'il obtient son brevet civil.

1922 En janvier, il est à Istres comme élève officier de réserve.
il est reçu pilote militaire et promu caporal.
En octobre, il est promu sous-lieutenant de réserve, et il choisit son affectation au 34ème Régiment d'Aviation, au Bourget.

1923 Il se fiance à Louise de Vilmorin.
Au printemps, il a son premier accident d'avion au Bourget : fracture du crâne.
Après ce grave accident  il est démobilisé.
Saint-Exupéry envisage toujours pourtant d'entrer dans l'armée de l'air, comme l'y encourage le général Barés. Mais la famille de sa fiancée s'y oppose.
Commence pour lui une longue période d'ennui : Il se retrouve dans un bureau comme contrôleur de fabrication au Comptoir de Tuilerie, une filiale de la Société Générale d'Entreprise.
En septembre, rupture des fiançailles avec Louise de Vilmorin.

1924 Saint-Exupéry travaille dans l'Allier et la Creuse comme représentant de l'Usine Saurer qui fabrique des camions (il n'en vendra qu'un seul en une année et demie.)
C'est une époque assez triste pour Saint-Exupéry, qui se console en volant aussi souvent que possible.

1925 Saint-Exupéry rencontre Jean Prévost chez sa cousine Yvonne de Lestrange (c'est chez elle qu'il aura l'occasion de rencontrer plusieurs écrivains). Jean Prévost est secrétaire de rédaction dans la revue Le Navire d'Argent.

1926 En avril, il publie une de ses nouvelles, L'Aviateur, dans la revue Le Navire d'Argent.
Il quitte la maison Saurer pour un poste de moniteur à la Compagnie Aérienne Française.
En juin, Saint-Exupéry perd sa soeur aînée, Marie-Madeleine, frappée de tuberculose.
En octobre, l'abbé Sudour, son ancien directeur de l'Ecole Bossuet avec lequel il entretenait des relations d'amitié, le présente à Beppo de Massimi, Directeur Général de la Compagnie d'Aviation Latécoère. Cette compagnie assure le transport du courrier entre Toulouse et Dakar. Beppo de Massimi l'engage comme pilote.
Comme tous les pilotes de la compagnie, Saint-Exupéry va d'abord passer quelques mois dans les ateliers avant de se voir confier un avion. Puis il assurera la ligne Toulouse Casablanca, et ensuite la ligne Casablanca Dakar.
1927 En octobre, Saint-Exupéry est nommé chef d'escale de Cap Juby, dans le sud marocain. C'est dans ces régions d'Afrique du Nord qu'il fait la connaissance d'autres aviateurs pionniers, comme Guillaumet ou Mermoz qui deviendront ses amis.

1928 En tant que chef d'escale de Cap Juby Saint-Exupéry est chargé d'aller sauver les pilotes tombés en panne dans le désert ou encore aux mains des Maures. Il passe ses nuits à écrire Courrier Sud.

1929 Saint-Exupéry rentre en France et présente le manuscrit de Courrier Sud à l'éditeur Gaston Gallimard. Celui-ci accepte son manuscrit et lui propose un contrat d'édition pour d'autres romans.
Quelques mois plus tard,  en compagnie de Mermoz et Guillaumet, Saint-Exupéry part pour l'Amérique du Sud afin d'y étudier la possibilité de créer de nouvelles lignes aériennes. En octobre, Saint Exupéry arrive à Buenos-Aires et est nommé Directeur d’Aeropostal Argentina. Il crée la ligne qui relie l'Argentine à la Patagonie (Buenos-Aires à Punta Arenas).
Saint-Exupéry commence à écrire Vol de Nuit.
Publication de Courrier Sud.

1930 Le 7 avril, Saint-Exupéry est nommé chevalier de la Légion d'honneur au titre de l'aéronautique civile, pour les exploits qu'il a réalisés à Cap Juby
En juin, Guillaumet est pris dans une tempête de neige lors de sa vingt-deuxième traversée des Andes. Saint-Exupéry effectue des recherches pendant cinq jours en vain. Guillaumet sera finalement retrouvé vivant une semaine après son accident.
Benjamin Crémieux, qui donne une série de conférences en Amérique du Sud, le présente à Consuelo Suncin, veuve d'un journaliste. Elle s'embarquera pour la France peu après, et il la rejoindra lors d'un congé de deux mois au début de l'année 1931.

1931 En janvier, il rentre à Paris.
En mars, il épouse Consuelo Suncin.
Le 31 mars, l'Aéropostale est en liquidation judiciaire. Le directeur démissionne, Didier Daurat abandonne son poste de directeur d'exploitation, et Saint-Exupéry, par solidarité envers Daurat, renonce à retourner en Amérique du Sud.
De mai à décembre, Saint-Exupéry est pilote sur des vols de nuit entre Casablanca et Port Etienne.
En décembre, Vol de Nuit, préfacé par André Gide, obtient le prix Fémina. Ce roman aura un immense succès.
Saint-Exupéry a des problèmes financiers. La parution de son roman les allège momentanément mais ne les résout pas totalement.

1932 Saint-Exupéry passe le brevet d'hydravion et assure la liaison Marseille-Alger

1933 En 1933, toutes les compagnies d'aviation se regroupent au sein d'une même compagnie : Air France. Des ingénieurs hostiles à Daurat et à ses amis empêchent Saint-Exupéry d'y entrer. Il devient pilote d'essai dans la Société de Constructions Latécoère
Il est victime d'un nouvel accident (hydravion) à Saint-Raphaël.
1
934 En avril, il parvient à entrer chez Air-France : il est chargé de réaliser des voyages d'études et des conférences. Son salaire élevé lui permet d'en finir avec ses problèmes financiers.
En juillet, aller et retour Marseille-Saïgon.

1935 Saint-Exupéry donne des conférences en Méditerranée avec Conty, organisateur du voyage, et Prévot, mécanicien : Escales à Casablanca, Alger, Tunis, Tripoli, Benghazi, Le Caire, Alexandrie, Damas, Beyrouth, Istambul et Athènes.
En décembre Saint-Exupéry essaye de battre le record de Paris-Saïgon. Il décolle le 29 décembre à 23 heures. Quatre heures plus tard, son avion s'écrase dans le désert de Lybie. On ne le retrouvera que le premier janvier, à 18 heures.
1936 De retour à Paris, il publie le récit de son aventure dans L'Intransigeant, puis il enregistre, pour la radio, Atterrissage forcé dans le désert.
Durant l'été Saint-Exupéry est envoyé par le journal L'Intransigeant en Espagne pour faire un reportage sur la guerre civile qui s'y déroule.
En décembre, Mermoz, qui avait acquis une grande renommée avec ses exploits aéronautiques, disparaît en mer alors qu'il effectue la traversée Dakar-Natal (Amérique du Sud).
Saint-Exupéry va lui consacrer une série d'articles, dans la presse, et de reportages, à la radio.

1937 Saint-Exupéry étudie la possibilité, pour Air France, d'établir la ligne Casablanca - Tombouctou - Bamako - Dakar - Casablanca.
Il retourne En Espagne, envoyé cette fois par Paris-Soir. Il se rend aussi en Allemagne, où il constate les effets de la montée du nazisme.

1938 En janvier, départ pour New-York.
Il tente un raid de New-York à la Terre-de-Feu, mais son avion s'écrase au Guatemala. Il reste 5 jours dans le coma, et souffre, entre autres, de sept fractures du crâne. La convalescence qui s'ensuit lui permet d'avancer dans la rédaction du manuscrit de Terre des Hommes, qui paraît en 1939
Il rentre le 28 mars à New-York où il passe de longs mois de convalescence dans la demeure du Général Donovan.
Revenu en France, il séjourne à Agay, puis en Suisse.

1939 Saint-Exupéry est promu Officier de la Légion d'Honneur.
Parution, en février, de Terre des Hommes. Il obtient en décembre le Grand Prix du Roman de l'Académie française.
Sous le nom anglais de Wind, Sand ans Stars, ce roman obtient le National Book Award
Il effectue un second voyage en Allemagne; à Berlin, on lui fait visiter des Ecoles militaires. Ecœuré de tout ce dont il est témoin Saint-Exupéry refuse une invitation de Goering et rentre précipitamment à Paris.
En août, il séjourne à New-York et, le 26, il rentre au Havre.
Le 2 septembre, c'est la déclaration de guerre.
Le 4 septembre, il est convoqué à Toulouse et devient moniteur de pilotes. Il est déclaré inapte aux missions de guerre, à cause de son mauvais état général dû à ses nombreux accidents.
Le 3 novembre, on l'affecte au groupe de grande reconnaissance 2/33, établi d'abord en France, puis déplacé à Alger.
Durant ce premier hiver de la seconde guerre mondiale, il commence à écrire Le Petit Prince

1940 Saint-Exupéry réalise plusieurs missions : vols de reconnaissance au-dessus de l'Allemagne et sur Arras qui lui vaudront une citation et la Croix de Guerre.
Le 9 juin, dernière mission de guerre.
Démobilisé en août 1940, Saint-Exupéry décide de retourner aux Etats-Unis en passant par Lisbonne, mais les Espagnols lui interdisent de traverser leur territoire à cause des articles qu'il avait écrit pendant la guerre civile.
Le 16 novembre, il parvient à se rendre à Lisbonne ou il embarque pour New York. Il fait la traversée en compagnie du cinéaste Jean Renoir.
Le 27 novembre, Guillaumet est abattu en Méditerranée.

1941 Saint-Exupéry réside à New-York puis en Californie, il y commence Pilote de Guerre,

1942 Le 20 février parait Pilote de Guerre (Edition américaine Flight To Arras). Ce roman sera best-seller aux Etats-Unis pendant six mois.
En mai, il voyage au Canada où il donne plusieurs conférences.
En novembre, il publie dans le New York Times Magazine et dans Le Canada de Montréal : An open Letter To Frenchmen Everywhere.

1943 En février, il publie : Lettre à un Otage (qui était à la base une lettre adressée à Léon Werth).
Le 6 avril parait Le Petit Prince
Pilote de Guerre est interdit en France par les Allemands.
Le 15 mars, il reçoit sa feuille d'embarquement pour l'Afrique du Nord.
Il remplit une première mission, puis les autorités américaines profitent d'un petit incident lors de sa deuxième mission pour lui rappeler que la limite d'âge est de trente-cinq ans et le mettre en réserve.

1944 A force d'insistance pour reprendre du service, il obtient d'être réintégré dans le groupe 2/33 qui se trouve maintenant en Corse, à condition de ne pas accomplir plus de cinq missions.
Il écrit sa Lettre à un Américain
Le 14 juin, il effectue une première mission, puis malgré les limites qu'on lui a fixées, enchaîne les missions les unes à la suite des autres.
Ses chefs veulent essayer de le "protéger" en lui confiant le secret du débarquement, mais il part pour une neuvième mission un jour avant d'être mis au courant.
Le 31 juillet, il s'envole pour une mission de reconnaissance sur Grenoble et Annecy: Il décolle à 8 H 45 et dispose de 6 heures d'autonomie d'essence.
A 14 h.45, il n'est toujours pas rentré ... On présume que son avion a été abattu, mais on ne l'a jamais retrouvé.



Publication ; Claude Tricoire
                      Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles



jeudi 27 août 2015

1915-2015 : bibliographie sélective sur les Chrétiens d’Orient depuis un siècle

La situation des Chrétiens d’Orient dans le conflit qui frappe l’Irak et la Syrie est depuis plus d’un an sur le devant de l’actualité internationale. En effet, les persécutions perpétrées par l’organisation Etat islamique, depuis son émergence au grand jour, a placé ces conflits sous un jour nouveau.
2015 marque, pour les Arméniens, le centenaire « du crime imprescriptible de génocide qui les a frappés partout dans l’Empire ottoman » (Marc Varoujan, Génocide des Arméniens : une nation prise pour cible, in Perspectives et réflexions, n° 3 – 2015, p 27-43). Dans Qui s’en souviendra ? Joseph Yacoub évoque le génocide des Assyriens, des Chaldéens et des Syriaques (p 18), « en Anatolie orientale, en Iran et dans la province de Mossoul de janvier 1915 à juillet 1918, dans les mêmes conditions et presque sur les mêmes lieux que les Arméniens et dans un dessein analogue », celui de la turquification de l’Empire ottoman. Dans la dédicace imprimée de son livre, Joseph Yacoub précise que sa tante et son père se sont retrouvés en 1933 à Hassaké, ville où de nombreux combats ont eu lieu ces derniers mois.

lundi 17 août 2015

Prends le temps de vivre. Et goûte à la beauté du monde

PRENDS LE TEMPS DE VIVRE. ET GOUTE A LA BEAUTE DU MONDE.
Guy GILBERT, éd. Philippe Rey, 2015, 
           
 Ici, le Père Guy Gilbert "rebondit" sur le fréquent constat du rythme si rapide de la vie quotidienne: les occupations multiples, les transports fréquents, la communication accélérée, les évolutions si rapides (mutations des technologies,..). Selon le mode impératif du titre, l'auteur interpelle le lecteur: "Il est urgent de prendre le temps de la lenteur. Refuse la précipitation, garde du temps pour toi..".  Avec son style personnel, G.Gilbert rejoint ainsi le philosophe et sociologue Pierre Sansot en son livre "Du bon usage de la lenteur" (éd. Payot et Rivages, 1998). Il s'agit de "goûter à la beauté du monde": "Tu apprendras que le monde est magnifique si tu sais l'écouter et le contempler, que la nature apporte la joie, que les humains sont passionnants, qu'ils méritent notre attention, au sein de la famille, au travail, et dans le cercle de nos amis". Cet appel à l'intériorité, au silence, à l'approfondissement de  la vie spirituelle, le pape François l'intègre bien, également, dans son encyclique "Sauvegarder la maison commune" en ce qu'il appelle la conversion à l' "écologie intégrale", la conversion à un meilleur équilibre de vie personnelle comme la société est appelée à une "frugalité heureuse" sur le plan de la consommation et de la vie socio-économique en son ensemble. Nous avons là un stimulant support de réflexion sur le rythme de vie, de relation aux autres, et de vie spirituelle. 

                                                                    Père Pierre Fournier,
responsable de la Formation permanente du diocèse de Gap et d'Embrun.

dimanche 16 août 2015

Bientôt à l’honneur durant les Journées européennes du patrimoine (19-20 septembre 2015), saint Roch est fêté ce 16 août


Saint Roch, patron notamment des pèlerins et invoqué contre la peste, est fêté le 16 août en de nombreux endroits du diocèse de Gap et d’Embrun et dans les Alpes du Sud.
Dans les diocèses de Gap et d’Embrun, marqués par la crainte de l’épidémie de peste en 1720, saint Roch est très populaire. Réputé originaire de Montpellier au début du XIVe siècle, il aurait suivi des études médicales et soigné des pestiférés, peut-être victimes de l’épidémie de 1348. Ayant contracté la maladie, il en guérit, isolé en forêt, tandis que son chien lui apportait de la nourriture. Il meurt avant 1391.

Dans un article de 2005, l’abbé Pierre Fournier évoque les lieux dédiés à saint Roch sur les chemins de Compostelle : l’abbaye de Ganagobie sur les chemins de Compostelle, in Bulletin du monastère de Ganagobie, n° 42, janvier-juin 2005, p 3-10.

mercredi 12 août 2015

Les Poilus : la France sacrifiée
Paris, Fayard, 2000.507 pages.
 « Les poilus - La France sacrifiée »

Présentation éditeur :
« 1914 : face à la surpuissance allemande, la France, dépourvue d’artillerie lourde, ne peut opposer que le sacrifice de ses fantassins pour tenter de stopper l’ennemi. Ils seront 250.000 poilus à périr durant les premiers mois d’une guerre qui mobilisera, au total, 65 millions d’hommes… dont 9 millions mourront au combat. L’historien Pierre Miquel nous fait revivre dans ce livre, destiné à devenir un ouvrage de référence, quatre années de souffrances, d’offensives meurtrières et d’horreurs vécues.
Ces quatre années changent radicalement l’image du combattant. Le poilu de 1914 et celui de 1918 ne mènent plus le même combat. En 1914, il monte au front avec l’illusion d’une victoire rapide. En 1917, il sait qu’il va à la mort ; en 1918, équipé de grenades, appuyé par des chars et des avions, il s’agit déjà du combattant de 1940. Dans les 2 cas la France est presque seule et, en 1914 comme en 1940, ces hommes seront à l’avant-garde de ces terribles affrontements. »

Talentueux conteur, Pierre Miquel s’empare du lecteur et plonge avec lui aux côtés des poilus dans la boue et le sang… Son récit, à la manière des tableaux impressionnistes, est ponctué d’anecdotes puisées dans l’abondante et patiente moisson de témoignages de combattants… Tous les passionnés d’aventure humaine seront bouleversés par cet ouvrage». (L’Histoire)

L’ouvrage comprend en plus 32 pages de reproductions photographiques en noir et blanc  et 12 pages de cartes.

L’auteur
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Pierre Miquel : l'historien de la vie des gens

Aux yeux du grand public, Pierre Miquel était le spécialiste de la Première Guerre mondiale et, plus largement, de nombreux épisodes de l'histoire de France parmi lesquels : la Révolution française, les deux Empires, et aussi la Seconde Guerre mondiale et la guerre d'Algérie. Se définissant lui-même comme « un historien de la vie des gens », ce conteur de talent avait su rendre ses récits aussi attrayants qu'efficaces : pour écrire l'histoire contemporaine, il n'avait pas hésité, à l'époque, à recourir à des témoignages de survivants, de la Grande Guerre notamment.
Né en 1930 à Montluçon, dans l'Allier, agrégé d'histoire, diplômé de philosophie, Pierre Miquel commença sa carrière comme professeur au lycée d'Avignon en 1958, puis devint maître de conférences à l'Institut des sciences politiques de Paris, à partir des années 1960. Après avoir enseigné à la faculté de Nanterre, il redevient professeur au lycée Carnot à Paris, avant d'assurer des cours à la Sorbonne, notamment dans le domaine des communications de masse à partir de 1975.

Homme de plume et d'image
Ce sujet qui le passionne, va le mener, outre la publication en 1973 d'une Histoire de la radio et de la télévision, à entreprendre une double carrière d'homme de télévision et d'homme de plume, non seulement en tant qu'essayiste, mais aussi en tant que romancier historique.
Responsable des documentaires sur Antenne 2, au milieu des années 1970, il publie une première Histoire de la France en 1976, qui connaît le succès. Celui-ci ne se démentira plus, et ses livres, il en écrira parfois plusieurs par an, qui seront publiés notamment chez Fayard, Albin Michel et Hachette, rencontreront un large public. Parmi ses très nombreux ouvrages consacrés à la Grande Guerre, on retiendra, Les Pantalons rouges, La Grande Guerre, Le Chemin des Dames, Les Poilus d'Orient, la Bataille de la Marne et, plus récemment, Mourir à Verdun. Ils feront de Pierre Miquel le spécialiste attitré de cette période. Il aura notamment les honneurs de la prestigieuse collection « Terre humaine » de Jean Malaurie, pour son essai sur les poilus (2000). On lui doit aussi une Petite Histoire des stations de métro et un livre sur Le Langage des fleurs dans l'histoire.
Outre la Révolution, l'Empire ou la Seconde Guerre mondiale, Pierre Miquel se penche sur d'autres périodes historiques comme l'Antiquité ou le Moyen Âge. Il se consacre aussi à des phénomènes négligés. Ainsi publie-t-il en 1997 La Main courante, ouvrage passionnant puisé aux archives de la police parisienne entre 1900 à 1945 qui forme un tableau étonnant de mœurs. Il s'est aussi intéressé à des groupes sociaux particuliers comme les aristocrates à l'époque de la Révolution dans Les Aristos.
Républicain de conviction, homme de gauche et admirateur de Jules Ferry et de Clemenceau, auquel il consacrera une biographie, Pierre Miquel n'a jamais enfermé son goût de l'histoire dans des ornières idéologiques. Son dernier livre, Austerlitz, en 2005, lui avait valu d'être récompensé par l'armée de terre, qui lui avait décerné le prix Erwan-Bergot.

Pierre Miquel avait aussi le goût des collections, notamment celle des petits soldats en étain du Premier Empire. C'est très peu de temps après sa consécration par l'institution militaire que l'historien fut terrassé par une attaque cérébrale. Il était, depuis, soigné à l'Office national des anciens combattants de Boulogne-Billancourt, où il est décédé.
Publication : Claude Tricoie - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles

mardi 11 août 2015

LA CHOSE : POURQUOI JE SUIS CATHOLIQUE

La chose : pourquoi je suis catholique

Auteur : Gilbert Keith Chesterton
Editeur : Climats
Nombre de pages : 345

La Chose, c'est l'Église catholique, « poursuivie, d'époque en époque, par une haine déraisonnable qui change perpétuellement de raison », et à laquelle Gilbert Keith Chesterton se convertit en 1922. Dans ce livre polémique, publié en 1929 et inédit en français à ce jour, Chesterton entreprend d'expliquer les raisons de cette conversion, tout en ferraillant notamment contre les adorateurs de l'humanisme auquel l'époque commence de vouer un culte.
«Il y a trois cents millions de personnes dans le monde qui acceptent les mystères que j'accepte et qui vivent conformément à la foi qui est la mienne. Je veux vraiment savoir si l'on peut compter qu'il y ait un jour trois cents millions d'humanistes dans toute l'humanité. L'optimiste peut bien dire que l'humanisme sera la religion de la nouvelle génération, tout comme Auguste Comte a dit que l'Humanité serait le Dieu de la nouvelle génération ; et, en un sens, elle l'a été. Mais ce n'est plus le Dieu de la présente génération. Et la question est de savoir ce que sera la religion de la nouvelle génération après ça, ou de toutes les autres générations (comme il a été dit dans une certaine promesse d'autrefois) jusqu'à la fin  du monde.


En lisant... G.K. Chesterton, La raison pour laquelle je suis devenu catholique

La raison pour laquelle je suis devenu catholique
La difficulté que j'ai à expliquer pourquoi je suis catholique tient essentiellement à ce qu'il y a mille raisons pour expliquer ce fait, qui toutes se résolvent en une seule, qui est que le catholicisme est la vérité. Je pourrais énumérer une série de phrases commençant toutes par ces mots : « C'est la seule religion qui... ». Je pourrais dire, par exemple :
1. C'est la seule religion qui empêche qu'un péché soit un secret.
2. C'est la seule religion dans laquelle un supérieur ne peut être supérieur dans le sens où il pourrait se targuer de sa supériorité.
3. C'est la seule religion qui affranchit un homme de la servitude dégradante d'être un enfant de son temps.
4. C'est la seule religion qui parle avec l'autorité de la vérité ; comme un messager qui refuserait d'édulcorer ou de falsifier le message dont il est chargé.
5. C'est le seul type de christianisme qui contient véritablement tous les types humains, y compris celui de l'homme respectable.
6. C'est la seule religion qui se propose de changer le monde de l'intérieur, non par des lois, mais par un engagement volontaire et personnel, etc.
Je pourrais également parler en mon nom personnel et décrire ma propre conversion, mais j'ai le sentiment que cette méthode banaliserait la chose en la rendant anecdotique. Nombre d'hommes qui me sont bien supérieurs se sont sincèrement convertis à des religions que je qualifierais d'inférieures. Je préférerais de beaucoup dire ici de l'Église catholique précisément ce qu'on ne pourrait même pas dire de ses très respectables rivales. En bref, je dirais principalement de l'Église catholique qu'elle est très précisément catholique. Elle n'est pas seulement plus grande que moi, mais également plus grande que n'importe quoi au monde et que le monde lui-même. Mais vu l'espace restreint dont je dispose, je me bornerai à la considérer en sa seule qualité de gardienne de la vérité.
L'autre jour, un écrivain bien connu et généralement bien informé, déclarait que l'Église catholique est toujours l'ennemie des idées nouvelles. Il ne lui est probablement pas venu à l'esprit que sa propre remarque n'avait rien de particulièrement bien nouveau. C'est là une notion que les catholiques doivent toujours réfuter car on la leur ressert sans arrêt. En fait, ceux qui reprochent au catholicisme de ne jamais rien dire de neuf jugent rarement nécessaire de dire de leur côté quoi que ce soit de nouveau sur le catholicisme. En vérité, un examen approfondi de la question montrera sans peine la fausseté de telles accusations. Dans la mesure où les idées sont réellement des idées et pour autant qu'on puisse les qualifier de nouvelles, les catholiques ont souvent été accusés de les soutenir, surtout quand elles étaient trop neuves pour trouver ailleurs d'autres soutiens. Le catholique n'était pas seulement le premier sur le champ de bataille, mais bien souvent le seul, car il n'y avait encore personne pour comprendre ce qu'il avait bien pu y trouver.
Ainsi, près de deux siècles avant la Déclaration d'Indépendance et la Révolution française, à une époque vouée à la louange et à la glorification des princes, Bellarmin [1] et Suarez [2] exposaient les principes d'une véritable démocratie. Mais en ces temps de Droit divin, ils passèrent pour de dangereux casuistes armés de dagues et prêts à assassiner les rois. Ainsi les casuistes, après avoir posé les bases de la dramaturgie moderne, s'attachèrent à définir les principes et les applications de la théologie morale deux siècles trop tôt pour leur plus grand malheur. En un temps de fanatisme violent et de vitupérations outrancières, ils se firent traiter de menteurs et de corrupteurs alors qu'ils étaient tout simplement en train d'inventer la psychologie. Il serait aisé de multiplier les exemples jusqu'à l'époque actuelle, en matière d'idées trop neuves pour être comprises. Il y a des passages de l'encyclique de Léon XIII [3] sur le travail qui sont plus modernes que le socialisme lui-même. Et quand M. Belloc écrivit sur L'État servile [4], il exposa une théorie économique si originale que presque personne n'en a encore sondé la profondeur. Dans quelques siècles d'ici, d'autres probablement la répéteront en la dénaturant. Si alors les catholiques se récrient, on attribuera leur protestation au fait qu'ils ont toujours été les ennemis du progrès.
Néanmoins, l'auteur de cette remarque sur les catholiques avait sans doute une idée derrière la tête, que par égard pour lui nous nous devons d'exposer plus clairement qu'il ne l'a fait lui-même. Ce qu'il voulait dire, c'est que dans le monde moderne, l'Église catholique passe souvent pour l'ennemie de nombreuses modes dont l'influence est grandissante, et qui pour la plupart prétendent être nouvelles, alors que nombre d'entre elles commencent déjà à se démoder. En d'autres termes, dans la mesure où il voulait dire que l'Église condamne souvent ce que le monde défend à un moment donné, il avait parfaitement raison. L'Église stigmatise souvent les modes et les engouements d'un monde qui passe, car elle sait par expérience avec quelle vitesse il passe. Mais pour comprendre exactement ce qui est impliqué dans l'idée de nouveauté, il est nécessaire d'envisager la question de plus haut et de considérer la nature ultime des idées en question, à commencer par la notion même d'idée.
La plupart des idées que le monde trouve nouvelles, remises au goût du jour, ne sont en réalité que d'anciennes erreurs. Or l'Église catholique a entre autres devoirs, celui d'empêcher les gens de recommettre ces vieilles erreurs, de les répéter sans cesse et sans cesse, ce qui serait inévitablement le cas s'ils étaient livrés à eux-mêmes. Je ne saurais mieux exprimer l'attitude de l'Église vis-à-vis de l'hérésie, ou comme diraient ses adversaires, la liberté, qu'en utilisant la métaphore d'une carte. L'Église dispose d'une sorte de carte de l'esprit humain qui ressemble à celle d'un labyrinthe et qui est en fait le guide de ce labyrinthe. Ce guide est le fruit d'une connaissance qui, même d'un simple point de vue humain, est sans pareil dans l'histoire. On ne connaît pas d'autre exemple d'institution qui ait fait depuis deux mille ans de la pensée même, l'objet de sa préoccupation constante. Son expérience recouvre naturellement toutes les expériences et presque toutes les erreurs. Le fruit de cette expérience séculaire est une carte sur laquelle sont indiquées toutes les impasses et autres voies sans issue, selon le témoignage de ceux qui s'y sont hasardés.
Sur cette carte mentale, les erreurs sont désignées comme des exceptions. La plus grande partie consiste en terrains de jeux et de chasse où l'esprit peut jouir d'autant de liberté qu'il veut ; sans parler d'un nombre incalculable de champs de bataille intellectuels sur lesquels l'issue du combat est toujours indécise. Mais le devoir de l'Église est de signaler les routes qui ne mènent nulle part ou qui conduisent à la destruction — que ce soit contre un mur ou dans un précipice. Elle empêche ainsi les hommes de gâcher leur temps ou leur vie sur des sentiers qui par le passé ont conduit tant de voyageurs à la catastrophe et qui, à l'avenir, pourraient s'avérer tout aussi dangereux. L'Église a le devoir de mettre en garde ses enfants contre ces dangers ; elle défend dogmatiquement l'humanité contre ses pires ennemis qui sont les vieilles éternelles erreurs qui, pour tromper les hommes, portent fréquemment le masque trompeur de la nouveauté.
Aussi n'ont-elles pas de peine à tromper la jeunesse qui est toute neuve et sans expérience. Ce qu'elles commencent par dire semble d'ailleurs toujours assez plausible, voire innocent. Ainsi quoi de plus innocent que d'affirmer, comme on l'entend dire un peu partout, qu' « Il n'y a d'actions mauvaises que celles qui sont nuisibles à la société ». Poursuivez cette idée jusqu'au bout et, tôt ou tard, vous aurez bâti une termitière avec une main-d'œuvre bon marché travaillant pour un petit nombre pour qui la vie d'un individu n'a aucune valeur et qui pensent, comme les pharisiens du temps de Jésus, qu'il est expédient qu'un innocent meure pour le peuple. Alors, vous reviendrez peut-être aux vieilles définitions catholiques qui disent que s'il est de notre devoir de travailler pour la société, nous ne devons pas pour autant négliger de rendre justice à tout individu quel qu'il soit. De même, qu'y a-t-il à redire à celui qui souhaite le triomphe de l'esprit sur la chair ? Prenez cette phrase au pied de la lettre et tirez-en toutes les conséquences. Cela donne la folie des manichéens qui justifient le suicide au nom du sacrifice et les perversions sexuelles sous prétexte qu'elles ne perpétuent pas la vie, et qui disent que c'est le diable qui a créé le soleil et la lune parce que ce sont des réalités matérielles. Alors vous commencerez à comprendre peut-être pourquoi le catholicisme affirme qu'il y a non seulement des bons, mais des mauvais esprits, et que les réalités matérielles peuvent aussi être sacrées, à preuve l'Incarnation, la Consécration, le sacrement du mariage ou la résurrection de la chair.
Il n'existe aucune autre institution au monde qui soit aussi soucieuse que l'Église catholique de préserver ses enfants de toute erreur. Le policier arrive toujours trop tard, ce n'est pas lui qui peut empêcher les hommes de faire le mal. Le docteur aussi, car quand il arrive, c'est pour enfermer un fou et non pour empêcher un homme sain de perdre la raison. Toutes les autres doctrines et écoles sont incapables de remplir cet office. Et ce, non parce que chacune d'elles ne contient pas une vérité, mais justement parce que chacune ne contient qu'une seule vérité. Aucune d'elles ne prétend réellement contenir toute la vérité. Aucune d'elles ne prétend pouvoir regarder dans toutes les directions à la fois. L'Église n'est pas seulement armée contre les hérésies du passé ou même du présent, mais également contre celles de l'avenir, qui peuvent être l'exact contraire de celles d'aujourd'hui. Le catholicisme n'est pas le ritualisme ; il peut à l'avenir avoir à combattre toute exagération du rituel qui relèverait alors de l'idolâtrie ou de la superstition pure et simple. Le catholicisme n'est pas non plus l'ascétisme ; il a dû à plusieurs reprises au cours de son histoire, réprimer ce qui, dans l'ascétisme, témoignait d'un mépris exagéré de la chair. Le catholicisme n'est pas davantage le mysticisme ; on le voit aujourd'hui défendre la raison humaine contre le mysticisme exalté des pragmatistes. Ainsi, quand le monde devient puritain comme ce fut le cas au XVIIe siècle, l'Église fut accusée de pousser la charité au point d'assouplir la discipline du confessionnal et de favoriser la casuistique. Maintenant que le monde est en train de redevenir païen, on voit l'Église s'opposer partout au relâchement de la morale et des mœurs. Elle fait maintenant ce que les puritains demandaient il y a trois siècles, car elle ne le fait que lorsque c'est nécessaire. Selon toute probabilité, tout ce qu'il y a de bon dans le protestantisme ne survivra que dans le catholicisme, et en ce sens tous les catholiques seront encore puritains lorsque tous les puritains seront redevenus païens.
Ainsi, pour le moment, le catholicisme — et c'est un point qu'on n'a peut-être pas suffisamment relevé — se tient à l'écart de la querelle opposant partisans et adversaires du darwinisme. Il se tient à l'écart parce qu'il se tient tout autour, comme une maison qui renfermerait des meubles mal assortis. Il est antérieur et postérieur à toutes ces réalités qu'il déborde de toutes parts. Il est étranger à la dispute entre adversaires et défenseurs de la théorie de l'origine des espèces, car il remonte à une origine antérieure, à cette origine même et qu'il est plus fondamental que le fondamentalisme lui-même. Il sait d'où vient la Bible, et il sait aussi où vont la plupart des théories de l'évolution. Il sait très bien qu'il y avait bien d'autres évangiles à part les quatre synoptiques, et que ceux-là ne furent éliminés que par l'autorité de l'Église catholique. Il sait qu'il existe bien d'autres théories évolutionnistes, outre la darwinienne, et que celle-ci risque bien d'être éliminée à son tour par de futures théories scientifiques. Il n'accepte pas, au sens conventionnel du terme, les conclusions de la science, pour la simple raison que la science n'a pas encore conclu. Conclure, c'est se taire et l'homme de science n'est pas prêt de la boucler. Il ne croit pas non plus, au sens conventionnel du terme, ce que dit la Bible pour la bonne raison que la Bible ne dit rien. On ne peut pas appeler un livre à la barre des témoins et lui demander ce qu'il veut réellement dire. La controverse fondamentaliste détruit le fondamentalisme. La Bible par elle-même ne saurait être un terrain d'entente car elle est une cause de discorde ; elle ne peut être non plus le terrain commun des chrétiens quand certains la prennent allégoriquement et d'autres littéralement. Les catholiques se réfèrent, eux, à quelque chose qui peut dire quelque chose ; c'est-à-dire à cet Esprit vivant, logique et continu dont j'ai parlé et dont l'Église est l'organe.
Plus le temps passe et plus nous ressentons la nécessité morale d'un tel guide. Nous avons besoin de quelque chose qui tienne immobiles les quatre coins du monde pendant que nous nous livrons à des expériences scientifiques ou que nous bâtissons nos utopies. Par exemple, nous devons trouver un accord définitif, fût-il basé sur le truisme de la fraternité humaine, capable de résister à toute réaction fondée sur la force brutale. Tout laisse à penser aujourd'hui que la corruption du gouvernement représentatif conduira les riches à sortir du cadre égal et à piétiner allègrement toutes les traditions d'égalité. Nous avons besoin de truismes qui soient reconnus comme vrais. Nous devons empêcher la triste répétition des vieilles erreurs. Avant d'instaurer la démocratie, il faut d'abord la préparer dans notre tête. Mais dans les conditions d'anarchie mentale qui caractérisent la modernité, cet idéal n'est pas plus sûr qu'un autre. De même que les protestants en appellent des prêtres à la Bible, sans se rendre compte que la Bible elle-même peut être mise en question, les républicains en appellent des rois au peuple sans réaliser que le peuple lui aussi peut être contesté. Il n'y a pas de fin à cette dissolution des idées, à cette destruction de tout critère de vérité, qui ont été rendues possibles depuis que les hommes ont abandonné la notion d'une Vérité centrale et civilisée, contenant toutes les vérités et capable de réfuter toutes les erreurs. Depuis lors, chaque école de pensée, chaque confession, chaque courant philosophique a privilégié telle ou telle vérité qu'il a maintenant amplifiée avec le temps et dont il a fini par faire un mensonge. Nous n'avons plus que des mouvements, autrement dit des monomanies. Mais l'Église n'est pas un mouvement mais un lieu de rencontre, le rendez-vous de toutes les vérités du monde.
 Sur cette pierre
Pour un catholique romain, l'Église catholique romaine n'est rien d'autre que l'expression de la religion chrétienne, autrement dit le don du Christ à saint Pierre et à ses successeurs du droit de pouvoir répondre en tous temps et en tous lieux à toutes les questions concernant ce qui existe véritablement. C'est également une institution entourée à la périphérie de son vaste domaine par diverses branches détachées de son propre tronc et composées de gens qui, pour différentes raisons, lui contestent ce droit d'affirmer ce qui existe véritablement, et qui, par conséquent, diffèrent entre elles de plus en plus au sujet de ce qui existe véritablement. On peut ajouter encore qu'ils diffèrent non seulement sur la nature du christianisme idéal qu'il conviendrait de lui substituer, mais aussi sur la nature de ce catholicisme romain qu'ils contestent. Pour les uns, c'est l'Antéchrist en personne, pour d'autres, ce n'est qu'un rameau de l'Église du Christ ayant autorité dans certains pays, mais pas en Angleterre, par exemple, ni en Russie. Pour certains, c'est une perversion de la Vérité, pour d'autres, ce n'est qu'une phase historique nécessaire que la religion devait traverser avant de continuer son chemin, etc. On remarquera qu'en dépit des différences entre les raisons invoquées qui parfois peuvent être considérables, elles ont toutes un dénominateur commun qui tient à l'idée qu'elles se font de Rome. Pour toutes, Rome est la bête noire. Ce seul nom évoque un parfum de mystère et de scandale. C'est un sujet dont il est inconvenant de parler, quelque chose comme un secret honteux, une plaisanterie douteuse, un saut dans l'inconnu, un ultime refuge, ou pire encore, une espèce de mystification.
Pour un catholique romain, il n'y a pas de différence particulière entre ce que les protestants et d'autres acceptent et ce qu'ils rejettent. Les dogmes ont, bien entendu, leur importance théologique intrinsèque, mais pour lui, ils font tous partie d'un même ensemble. La messe est aussi chrétienne que l'Évangile. L'Évangile est aussi catholique que la messe. C'est là, je pense, le fait que le monde protestant a le plus de mal à comprendre et qui a suscité entre lui et nous le plus de malentendus et de ressentiment. Et pourtant, cela apparaît tout naturellement de l'histoire même de l'Église et de celle des combats qu'elle a dû mener constamment contre d'autres hérésies tout à fait opposées. Elle n'a pas eu seulement à vaincre ces sectes pour défendre ces dogmes, mais à triompher d'autres sectes pour défendre d'autres dogmes, y compris ceux auxquels ces sectes sont si justement attachées. Si les vérités protestantes ont été préservées, c'est seulement grâce à l'Église catholique romaine. Il est peut-être très juste de se fonder sur la Bible, mais il n'y aurait plus eu de Bible si les gnostiques avaient démontré que l'Ancien Testament était l'œuvre du diable et qu'ils eussent jonché le monde d'Évangiles apocryphes. Il est peut-être très juste de dire que seul Jésus nous sauve du péché, mais nul ne pourrait l'affirmer aujourd'hui si les pélagiens [5] n'avaient altéré la notion même de péché. Même les dogmes que les réformateurs ont décidé de conserver ne l'ont été que par l'autorité qu'ils nient.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'un catholique ne soit pas plus obsédé par l'antithèse catholique/protestant que par celle qui oppose catholiques et pélagiens. Le catholicisme est habitué à ce qu'on lui propose de réduire le credo à un minimum de clauses ; mais tout le monde ne s'entend pas sur le nombre de clauses à conserver ou à éliminer. Ainsi un catholique ne voit pas dans le culte spécial qu'il rend à la Mère de Dieu un amoindrissement de celui qu'il rend à son divin Fils, car il sait très bien que le second fut aussi contesté par les ariens [6] que le premier par les puritains. Le trône de saint Pierre ne lui paraît pas plus contestable que la théologie de saint Paul, car il sait que l'un et l'autre ont été l'objet de contestations. Il y a eu des anti-papes comme il y a eu des évangiles apocryphes ; il y a eu certaines sectes qui ont détrôné Notre Dame et d'autres qui ont détrôné Notre Seigneur. Au bout de près de deux mille ans de ce genre d'exercice, les catholiques en sont venus à considérer le catholicisme comme un tout indissociable dont chaque partie est aussi attaquée qu'inattaquable.
Il est malheureusement impossible pour un catholique romain, d'énoncer le principe qui maintient ensemble toutes ces parties, sans avoir l'air provoquant ou, ce qui est pire, supérieur ; or il ne peut professer le catholicisme romain sans l'énoncer complètement. Mais l'ayant énoncé, sous sa forme dogmatique et, si j'ose dire, provocatrice, comme il y est tenu, il peut ensuite tenter d'expliquer pourquoi ce système, vu, de l'intérieur, ressemble moins à un système qu'à une maison et même à une maison de vacances. Que ce sentiment de supériorité au reste n'abuse personne ; il n'est ressenti comme tel que par ceux qui voient la chose du dehors et qui s'arrêtent à l'écorce ; c'est au contraire un système où le saint n'est saint, et donc supérieur, selon l'échelle des valeurs de ce monde, que par ce qu'il se juge inférieur. Ce système ne dit pas non plus que tous les hérétiques sont damnés, car il reconnaît précisément une conscience commune à tout homme en vertu de laquelle il peut être sauvé. Mais il affirme haut et clair que celui qui connaît la vérité tout entière pèche en n'acceptant de n'en dire que la moitié. L'Église n'est donc pas un mouvement analogue à tous ceux qui ont rempli le monde depuis le XVIe siècle ; c'est-à-dire depuis que la chrétienté, parlant d'une seule voix, a renoncé à proclamer la vérité tout entière. Elle n'est pas le mouvement de quelque chose qui s'efforcerait de trouver son équilibre, car elle est l'équilibre même. Le point que je voudrais souligner ici, c'est que même ces hérétiques qui s'emparent de demi-vérités, s'emparent rarement des mêmes moitiés. Les premiers protestants insistaient sur l'enfer plus que sur le purgatoire. Leurs successeurs actuels mettraient davantage l'accent sur le purgatoire que sur l'enfer. Leurs successeurs peuvent très bien éliminer le ciel et ne garder que le purgatoire. Cela serait une conséquence assez logique du culte du Progrès pour le Progrès et de la théorie selon laquelle le voyage est plus intéressant que la destination.
En écrivant ces lignes, je suppose pour la commodité de mon propos, que nous vivons encore dans un monde de tradition protestante, à qui sont familiers les principes essentiels du christianisme comme l'image de Dieu, la chute, la nécessité de la Rédemption, le Jugement dernier etc. Aussi me contenterai-je de décrire la foi catholique (d'où toutes les autres dérivent) telle que le monde la voit, avec ses principales caractéristiques, lesquelles sont d'autant plus distinctes qu'elles sont contestées. Je dirai donc quelques mots sur ce qu'on désigne encore aujourd'hui comme les marques distinctives du catholicisme romain. Je dirai peu de choses de la plus importante de toutes, car elle passe communément pour un mystère et un objet de foi. Les catholiques croient que le Christ est présent dans le Saint Sacrement, non seulement comme une pensée présente dans un esprit, mais comme une personne présente dans une pièce, voilée seulement à nos sens par les apparences du pain et du vin. Quant à l'historicité de ce dogme, je me bornerai à dire que les catholiques sont convaincus qu'il a été défini dans cet esprit par saint Ignace qui était de la génération qui succéda à celle des Apôtres. À première vue, et armé de mon seul bon sens, je serais tenté de dire que si les paroles du Christ au cours de la Sainte Cène ont été mécomprises, elles l'ont été par les douze apôtres. Mais cette doctrine est si extraordinaire et si transcendante que je me garderais bien de blâmer ceux qui la jugent blasphématoire et extravagante. Seulement ils ne peuvent pas jouer sur les deux tableaux à la fois. Ils ne doivent pas nous reprocher de prétendre posséder le Christ comme un Dieu vivant en vertu d'un processus vital absent des autres communions qui jugent ce processus impossible. Ils ne doivent pas s'étonner de nous entendre parler du retour du Christ sur une terre hérétique suivi d'une procession portant le Saint Sacrement. Il doit bien y avoir une différence entre la présence du Christ selon leur sens et selon le nôtre, s'ils sont véritablement choqués par ce dogme. Retour qu'ils sont forcés de juger impossible et qu'il nous est permis de trouver unique.
Autre point de dissension entre protestants et catholiques encore plus important que le dogme de la transsubstantiation, c'est l'institution de la papauté. C'est la papauté qui fait le papiste. Pour ce dernier, elle remonte au moins aux paroles concernant la pierre sur laquelle est fondée l'Église et les portes de l'enfer qui ne prévaudront pas contre elle. Celle-ci est reconnue comme le siège d'une autorité supérieure par les premiers Pères et les premiers conciles ; mais ce n'est que vers le milieu du XIXe siècle qu'elle a été officiellement proclamée. On peut donc dire que cette idée a grandi, mais il faudrait être un parfait imbécile [ndvi : heureusement je ne suis pas parfait] pour s'imaginer qu'une idée peut croître à partir de rien. Car dans la mesure où une idée éternelle peut croître dans la compréhension des hommes, elle croît de manière continue au fur et à mesure de leur expérience. J'ai déjà évoqué la nécessité d'un magistère ayant pour fonction de définir la vérité. Et j'ai fait remarquer que bien avant que les protestants ne se fussent empressés de défendre leur christianisme tronqué, ce christianisme rudimentaire n'aurait même pas pu être préservé s'il n'y avait pas existé de magistère pour le conserver. Il s'agit seulement de s'entendre sur la nature d'un tel magistère. Même si la démocratie était compatible avec la notion de Révélation, une instance démocratique décidant à tout moment démocratiquement serait proprement inimaginable. Le gouvernement ne reposerait pas entre les mains de millions de pauvres et humbles catholiques, mais entre celles d'un petit collège, autrement dit d'un synode. Or tout homme de bon sens préférera toujours, comme étant plus humaine, la monarchie, c'est-à-dire le gouvernement d'un homme, à l'oligarchie. Notons au passage que ceux qui ont rompu avec cette monarchie purement morale lui en ont substitué une autre, purement matérielle et assez immorale au fond. Le premier grand schisme en Orient fut l'œuvre d'hommes qui se détournèrent des papes pour s'incliner devant des Césars et des tsars. Et le dernier grand schisme en Occident fut l'œuvre d'hommes qui attribuèrent un droit divin à Henri VIII. Ceux qui jugeaient la papauté trop despotique ont accepté en réalité un despotisme supérieur.
Point n'est besoin d'expliquer, je l'espère, que le seul despotisme du pape réside dans le fait que tout catholique croit que Dieu ne lui permettra pas d'enseigner ex cathedra des mensonges à l'Église dans les occasions spéciales où il est appelé à clore une controverse par une déclaration finale de foi. Ses déclarations ordinaires, quoique naturellement reçues avec un profond respect, ne sont pas infaillibles. Son caractère personnel dépend de son propre libre arbitre, comme pour tout un chacun. Il peut commettre des péchés comme n'importe qui, et il doit s'en confesser comme tout catholique, le fait d'être pape ne garantissant pas son salut. Étant donné notre besoin d'avoir une réponse claire et définitive en matière de foi et de morale, et plus particulièrement lorsque la chrétienté est en crise, la question est de savoir quel organe dans l'Église est le mieux habilité à trancher. Plus l'expérience historique s'accumule et plus les catholiques sont, dans leur ensemble, reconnaissants du fait que cet organe soit un être humain ; un esprit et non pas un type, une volonté ou une classe sociale. Un collège d'évêques devient vite un club, comme tout parlement. Un club animé d'un orgueil diffus et séditieux, où chacun s'entre-flatte et où personne n'est vraiment responsable. La responsabilité d'un pape est celle d'un homme seul ; elle est si écrasante et si auguste qu'il faudrait être fou pour n'en pas percevoir toute la gravité.
Autre trait qui nous distingue des protestants et qui pour eux ne laisse pas d'être une singularité, après le pouvoir du prêtre de célébrer la messe et celui des papes de définir la doctrine, existe cet autre pouvoir du prêtre, relatif au sacrement de pénitence. Le système sacramentel de l'Église est fondé sur la notion que certains actes matériels sont également des actes spirituels. Ce matérialisme mystique nous différencie de toutes ces formes d'idéalisme qui tiennent que tout bien est intérieur et invisible et que la matière est indigne de l'exprimer. Que l'on songe à l'eau du baptême, à l'huile de l'onction, etc. Mais j'ai délibérément choisi comme exemple le sacrement sur lequel notre monde s'est le plus mépris ; et, chose curieuse, c'est le moins matériel et le plus spirituel de tous, puisqu'il consiste en des paroles destinées à exprimer nos pensées les plus secrètes. De tous les sacrements c'est, selon le jargon moderne, le plus psychologique. Il est quand même extraordinaire de penser que ceux qui l'ont aboli, il y a plusieurs siècles, aient cru bon, il y a quelques années de devoir en inventer une contrefaçon qu'ils appellent la psychanalyse. Le catholicisme dirait à ce sujet que la disparition du confessionnal dans les pays anglo-saxons a produit dans les âmes une stagnation et une congestion de secrets si morbides qu'ils ne peuvent conduire qu'à la folie.
On peut dire en résumé que le catholicisme romain a eu l'idée, somme toute unique, de travailler l'humanité de l'intérieur. Il existe naturellement un certain nombre de systèmes éthiques et politiques disant aux hommes comment se conduire sur le plan social et politique ; mais il n'en existe aucun, hormis le catholique, qui s'attaque à la racine du mal et qui, par là, démontre pourquoi ces systèmes ont toujours échoué sur le plan individuel. La plupart des modernes se contentent d'imaginer une utopie. C'est un peu comme si, en lisant le journal d'un utopiste, on apprenait la raison pour laquelle il ne se conduit pas toujours comme un bon utopiste doit le faire. Cela ne peut marcher que lorsqu'il rédige son journal de sa propre et libre volonté. Il en est de même pour le catholique. Il ne peut y avoir de sacrement que s'il le désire vraiment, et d'absolution que s'il se repent sincèrement. Car l'évolution de cette institution suit grosso modo le même chemin que l'institutionnalisation de la messe et de la papauté. Autrement dit, elle est présente en tant qu'idée dès les premiers temps de l'Église ; les controverses ont simplement trait à la proportion de cette présence, et il est incontestable qu'elle se systématisa et s'affina au fil du temps. Ce qu'on appelle l'évolution de la doctrine chrétienne n'est rien d'autre que le développement de toutes les conséquences et de toutes les applications contenues dans cette idée ; idée qui préexiste à son développement ultérieur. Ainsi le catholicisme résout l'antinomie : éternité-nouveauté, immobilité-évolution, les secondes sortants des premières.
Je voudrais encore aborder sommairement deux sujets qui passent aux yeux des protestants pour des spécialités papistes et donc, plus ou moins, scandaleuses. La première a trait à l'idée d'ascétisme et notamment à celle du célibat ; la seconde au culte de la Vierge Marie. Dans la première, les catholiques romains ordinaires, qui de par leur état ne sont pas tenus de pratiquer une vie d'austérité, voient non seulement un exemple d'héroïsme, mais également une preuve éclatante de la réalité de l'espérance religieuse. Qui tient la lumière divine comme une lumière qui éclaire aussi ses affaires ordinaires et journalières, cessera immédiatement d'en être éclairé s'il ne croit pas qu'une telle lumière est réellement divine. Si nous pensions simplement que la religion est utile, elle ne nous servirait à rien. Rien ne prouve autant l'origine divine de cette lumière que le fait que certains s'en nourrissent à l'exclusion de toute autre nourriture. Rien ne montre plus clairement la réalité de la religion que le fait que, pour certains, elle puisse tenir lieu de toutes les autres réalités. Il nous est par conséquent plus facile de croire que de telles personnes sont plus directement en contact avec les réalités divines que celles qui ne les appréhendent qu'indirectement à travers l'amour humain, comme dans le cas du mariage entre l'homme et la femme. Chose paradoxale, ce sont justement ceux qui nous reprochent notre ascétisme qui refusent de voir dans le mariage un sacrement divin.
De la plus populaire, de la plus poétique et de la plus édifiante de toutes les traditions spécifiquement catholiques du christianisme, je dirai ici peu de choses. Le culte rendu à Marie en tant que Mère de Dieu est, parmi mille autres choses, un exemple criant de cette vérité sur laquelle je suis revenu plusieurs fois au cours de ces pages ; à savoir que même ce que nous appelons les vérités protestantes n'ont pu être préservées que grâce à l'autorité catholique. Parmi celles-ci est la subordination de Marie au Christ comme étant celle de la créature à son Créateur. Rien n'amuse plus les catholiques que de lire dans des ouvrages de propagande protestante qu'ils devraient être affranchis de cette superstition appelée mariolâtrie. S'il ne tenait qu'aux fidèles, s'ils laissaient vagabonder leur spiritualité naturelle, distincte de l'orthodoxie doctrinale, bref, si les catholiques étaient livrés en la matière à leur jugement privé ou leur expérience religieuse personnelle, ils auraient depuis longtemps déjà exalté Notre Dame jusqu'à des cimes de splendeur et de suprématie surhumaines, qui eussent pu altérer le strict monothéisme qui est au cœur du Credo. Marie aurait pu, portée par la ferveur populaire, devenir une déesse encore plus universelle qu'Isis. C'est l'autorité de Rome qui a empêché les catholiques de s'abandonner justement à la mariolâtrie en maintenant les strictes définitions qui distinguent une femme parfaite d'un Homme divin. Si j'avais laissé libre cours à ma fantaisie, ce qui n'était pas mon propos, j'aurais pu montrer sans peine de quel côté nous font pencher nos sentiments les plus naturels et les plus spontanés sur cette question. Je n'ai toutefois pas pu cacher les miens, car il est impossible de dire ce que l'on croit comme si on ne le croyait pas. Je me suis néanmoins efforcé de décrire les traits les plus familiers de cette religion unique en termes de logique et non de rhétorique. Et, sur ce point doctrinal concernant la Vierge Marie, je conclurai sans rien n'y ajouter. N'est-il par normal après tout qu'un credo exposé par quelqu'un qui y croit le soit avec conviction ? Mais tout ce que je pourrais écrire d'autre à ce sujet risquerait d'être hypothéqué par mon enthousiasme.

Gilbert Keith Chesterton, in L’Église catholique et la conversion
(Éditions de l’Homme Nouveau)

1. Roberto Francesco Romolo Bellarmino, francisé en Bellarmin, (1542-1621), jésuite italien, théologien thomiste et cardinal. Il fut canonisé en 1930.
2. Francisco Suarez (1548-1617), jésuite espagnol, philosophe et théologien thomiste.
3. Allusion à l'encyclique Rerum Novarum.
4. The Servile State, publié en 1912.
5. Tenants du pélagianisme, hérésie issue de la doctrine du moine Pélage (vers 350-420) qui minimise le rôle de la grâce et considère le libre arbitre de l'homme comme l'élément déterminant de ses possibilités de perfectionnement.
6. Tenants de l'arianisme, hérésie issue d'Arius (256-336) qui niait la consubstantialité du Verbe avec le Père et par suite, sa divinité même.

Source : L’Homme Nouveau
Gilbert Keith Chesterton

Biographie et informations
Nationalité : Royaume-Uni
Né(e) à : Kensington , le 29/05/1874
Mort(e) à : Beaconsfield , le 14/06/1936
Biographie :

G. K. Chesterton, de son nom complet Gilbert Keith Chesterton était un des plus importants écrivains anglais du début du XXe siècle.

Son œuvre est extrêmement variée : il a été journaliste, poète, biographe, apologète du christianisme ; aujourd'hui, il est surtout connu pour la série de nouvelles dont le personnage principal est le Père Brown (The Wisdom Of Father Brown, The Incredulity Of Father Brown..)

Chesterton a été surnommé « le prince du paradoxe ». Il utilise abondamment les proverbes et dictons populaires, les lieux communs - en les retournant soigneusement. On trouve par exemple dans Le nommé Jeudi cette phrase : « Les cambrioleurs respectent la propriété. Ils veulent juste que la propriété, en devenant la leur, soit plus parfaitement respectée ».

Il fut particulièrement renommé pour ses œuvres apologétiques et même ses adversaires ont reconnu l'attrait de textes comme Orthodoxie ou L'homme éternel.

En tant que penseur politique, il dénigre également libéraux et conservateurs : « Le monde s'est divisé entre Conservateurs et Progressistes. L'affaire des Progressistes est de continuer à commettre des erreurs. L'affaire des Conservateurs est d'éviter que les erreurs ne soient corrigées. »

Chesterton parlait souvent de lui-même comme d'un chrétien "orthodoxe", et identifia tellement cette position avec le christianisme lui-même qu'il se convertit au catholicisme romain.

George Bernard Shaw, son adversaire et ami, dit de lui dans le Time : « C'était un homme d'un génie colossal
Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles