Philo Magazine
Hors-série n° 37
Le Mal
Du “serial killer” au tueur de masse, du violeur au
criminel de bureau, le Mal hante nos imaginaires, et,parfois, il fait irruption
dans nos vies. Qui est-il ? D’où vient-il ? Absolu ou relatif ? Et s’il était
le propre de l’homme ? Et s’il était banal - extrême, intolérable, mais banal,
comme le pensait Hannah Arendt après le procès Eichmann ? Une seule chose est
sûre : il n’y a pas de mal à y réfléchir.
Le Mal
Qui oserait encore affirmer, avec Socrate, que «
nul n’est méchant volontairement » ? Notre époque se reconnaîtra plus
volontiers dans l’idée inverse, que l’homme est cet animal capable de faire le
mal volontairement. « Le mal n’est pas en dehors de nous, comme un ange
déchu et tentateur, mais en nous (…) dès que nous cessons de lui résister »,
comme l’écrit André Comte-Sponville.
Le Mal existe-t-il ?
Sans doute – puisque nous avons besoin de lui
pour qualifier les actes de barbarie sur un enfant, ou les tortures dans les
prisons de Bachar el-Assad. Mais que savons-nous vraiment de lui ? Est-il
relatif ou universel ? Dans notre nature intime ou dans la société ?
Conscient ou inconscient ? Ces questions ont divisé les philosophes de saint
Augustin à Kant, jusqu’à ce que Hannah Arendt renouvelle le
débat – et la polémique – avec son concept de « banalité du mal ».
Peut-on comprendre le mal ?
Que peut-on répondre à la plainte de Job ? Les
philosophes classiques ont tenté toutes sortes de constructions intellectuelles
pour concilier l’existence du mal et celle de Dieu (lire à cet égard
l’interview de Denis Moreau). On peut préférer l’approche de
Dostoïevski ou encore l’expérience clinique du psychiatre et criminologue Daniel
Zagury, selon lequel « fondamentalement, les tueurs en
série ne savent pas pourquoi ils agissent. On leur impute une intelligence
qu’ils n’ont pas », retrouvant les conclusions de Hannah Arendt. Et
vous, si on vous propose de travailler chez Monsanto, vous y allez ?
Peut-on aimer faire le mal ?
Si les sadiques et tortionnaires se repaissent de la
douleur comme d’autres du plaisir, bien plus nombreux et dangereux sont les
vertueux qui mettent à mort au nom d’un monde meilleur (entretien avec Françoise
Sironi). Essentialiser l’autre pour mieux l’anéantir, c’est aussi la
mécanique à l’œuvre aujourd’hui sur les réseaux sociaux où, selon Raphael
Enthoven, « l’enjeu n’est pas de dire la vérité, mais d’écraser les
arguments de l’autre sous l’identité qu’on lui assigne ».
Délivrez-nous du mal
« Une société totalement expurgée de la tentation
du mal, c’est un fantasme qui n’est réalisable que par l’éradication de la
liberté »,explique Michaël Fœssel. Mais comment
vivre avec les conséquences du crime ? D’un côté, l’intransigeance prônée
par Vladimir Jankélévitch, pour lequel le pardon est impossible. De
l’autre, ces victimes qui intériorisent la culpabilité d’avoir pactisé avec
l’« ennemi », et sur lesquelles s’est penché le philosophe Jean-Michel
Chaumont – qui propose, pour s’en sortir, des « protocoles sacrificiels ».
Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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