samedi 16 juin 2018

Réflexions sur le Mal




Philo Magazine
Hors-série n° 37
Le Mal


Du “serial killer” au tueur de masse, du violeur au criminel de bureau, le Mal hante nos imaginaires, et,parfois, il fait irruption dans nos vies. Qui est-il ? D’où vient-il ? Absolu ou relatif ? Et s’il était le propre de l’homme ? Et s’il était banal - extrême, intolérable, mais banal, comme le pensait Hannah Arendt après le procès Eichmann ? Une seule chose est sûre : il n’y a pas de mal à y réfléchir.


Le Mal
Qui oserait encore affirmer, avec Socrate, que « nul n’est méchant volontairement » ? Notre époque se reconnaîtra plus volontiers dans l’idée inverse, que l’homme est cet animal capable de faire le mal volontairement. « Le mal n’est pas en dehors de nous, comme un ange déchu et tentateur, mais en nous (…) dès que nous cessons de lui résister », comme l’écrit André Comte-Sponville.

Le Mal existe-t-il ? 
Sans doute – puisque nous avons besoin de lui pour qualifier les actes de barbarie sur un enfant, ou les tortures dans les prisons de Bachar el-Assad. Mais que savons-nous vraiment de lui ? Est-il relatif ou universel ? Dans notre nature intime ou dans la société ? Conscient ou inconscient ? Ces questions ont divisé les philosophes de saint Augustin à Kant, jusqu’à ce que Hannah Arendt renouvelle le débat – et la polémique – avec son concept de « banalité du mal ».

Peut-on comprendre le mal ?
Que peut-on répondre à la plainte de Job ? Les philosophes classiques ont tenté toutes sortes de constructions intellectuelles pour concilier l’existence du mal et celle de Dieu (lire à cet égard l’interview de Denis Moreau). On peut préférer l’approche de Dostoïevski ou encore l’expérience clinique du psychiatre et criminologue Daniel Zagury, selon lequel « fondamentalementles tueurs en série ne savent pas pourquoi ils agissent. On leur impute une intelligence qu’ils n’ont pas », retrouvant les conclusions de Hannah Arendt. Et vous, si on vous propose de travailler chez Monsanto, vous y allez ?

Peut-on aimer faire le mal ?
Si les sadiques et tortionnaires se repaissent de la douleur comme d’autres du plaisir, bien plus nombreux et dangereux sont les vertueux qui mettent à mort au nom d’un monde meilleur (entretien avec Françoise Sironi). Essentialiser l’autre pour mieux l’anéantir, c’est aussi la mécanique à l’œuvre aujourd’hui sur les réseaux sociaux où, selon Raphael Enthoven, « l’enjeu n’est pas de dire la vérité, mais d’écraser les arguments de l’autre sous l’identité qu’on lui assigne ».

Délivrez-nous du mal
« Une société totalement expurgée de la tentation du mal, c’est un fantasme qui n’est réalisable que par l’éradication de la liberté »,explique Michaël Fœssel. Mais comment vivre avec les conséquences du crime ? D’un côté, l’intransigeance prônée par Vladimir Jankélévitch, pour lequel le pardon est impossible. De l’autre, ces victimes qui intériorisent la culpabilité d’avoir pactisé avec l’« ennemi », et sur lesquelles s’est penché le philosophe Jean-Michel Chaumont  – qui propose, pour s’en sortir, des « protocoles sacrificiels ».



Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles

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