Libérer la
liberté : foi et politique
Joseph
Ratzinger (Benoît XVI)
Paris, Parole
et Silence, 2018. 229 pages.
Présentation
de l’éditeur
La relation
entre foi et politique est un de ces grands thèmes qui a toujours été au centre
de l'attention de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, et qui traverse tout son
parcours intellectuel et humain. Je me réjouis donc particulièrement de pouvoir
présenter ce second volume des textes choisis de Joseph Ratzinger sur le thème
"foi et politique". Avec son impressionnante Opera Omnia, les textes
nous aideront certainement tous à comprendre notre présent et à trouver une
solide orientation pour le futur, mais ils seront aussi une véritable et
authentique source d'inspiration pour une action politique qui, en plaçant la
famille, la solidarité et l'équité au centre de son attention et de son
programme, se tournera vraiment vers l'avenir avec hauteur de vue. Ratzinger nous
accompagne dans la compréhension de notre présent, donnant un témoignage de
l'immuable fraîcheur et vitalité de sa pensée. Aujourd'hui, de fait, plus que
jamais, s'offre à nouveau cette même tentation du refus de toute dépendance à
l'amour, à l'exception de l'amour de l'homme pour son propre ego, pour le
"moi et ses caprices" ; et, par conséquent, le risque de la
"colonisation" des consciences par une idéologie qui nie la certitude
fondamentale selon laquelle l'homme existe comme homme et femme et que leur
sont confiés la tâche de transmettre la vie. Cette idéologie conduit à la
production planifiée et rationalisée d'êtres humains et amène - peut-être même
dans une finalité considérée comme "bonne" - à estimer logique et
licite d'éliminer ce qui n'est pas considéré comme déjà créé, donné, conçu et
généré, mais fait par nous-mêmes. Pape François
Voici
le texte intégral de la préface du Pape François. Le livre en français a été
présenté, le 8 mai 2018, au pape Benoît
XVI.
La relation
entre foi et politique est un de ces grands thèmes qui a toujours été au centre
de l’attention de Joseph Ratzinger – Benoît XVI, et qui traverse tout son
parcours intellectuel et humain. L’expérience directe du totalitarisme nazi
l’amena, en tant que jeune chercheur, à réfléchir sur les limites de
l’obéissance à l’État compte tenu de la liberté de l’obéissance à Dieu :
« l’État – écrit-il en ce sens dans un des textes proposés – ne constitue
pas la totalité de l’expérience humaine et n’embrasse pas non plus toute
l’espérance humaine. L’homme et son espérance vont au-delà de la réalité de
l’État et au-delà de la sphère de l’action politique. Et cela ne vaut pas
seulement pour un État qui pourrait être qualifié de Babylone, mais pour
n’importe quel État. L’État n’est pas le tout. Cela enlève un poids à l’homme
politique et lui ouvre le chemin d’une politique rationnelle. L’État romain
était faux et anti-chrétien parce qu’il voulait justement être le totum des
possibilités et des espérances humaines. Il prétendait ainsi être ce qu’il ne
pouvait réaliser, ce en quoi il trompait et appauvrissait l’homme. Son mensonge
totalitaire le rendait démoniaque et tyrannique ».
Par la suite,
sur cette même base et tout en accompagnant Jean-Paul II, Joseph Ratzinger
élabora et proposa une vision chrétienne des droits de l’homme capable de
débattre au niveau théorique et pratique avec la prétention totalitaire de
l’État marxiste et de l’idéologie athée sur laquelle il est fondé. Parce que
pour Ratzinger le contraste véritable entre marxisme et christianisme n’est
certainement pas donné par l’attention préférentielle du chrétien pour les
pauvres : « nous devrions réapprendre – non pas seulement en théorie,
mais dans notre manière de penser et d’agir – qu’en plus de la présence réelle
de Jésus dans le temple, dans le sacrement, il existe cette autre présence
réelle de Jésus dans les plus petits, dans les laissés pour compte de ce monde,
dans les derniers : en eux tous il veut que nous le rencontrions »
écrivait déjà Ratzinger dans les années soixante-dix, avec une profondeur
théologique et en même temps une immédiateté d’accès qui sont le propre du
pasteur authentique. Ce contraste n’est pas non plus donné, comme lui-même le
souligne au milieu des années quatre-vingt, par l’absence d’un sens d’équité et
de solidarité dans le magistère de L’Église et donc « dans la dénonciation
du scandale des inégalités évidentes entre les riches et les pauvres – qu’il
s’agisse d’inégalités entre pays riches et pays pauvres ou d’inégalités entre
cercles sociaux dans le domaine d’un même territoire national, qui n’est plus
toléré -« .
Le contraste
profond, note Ratzinger, est plutôt donné (et avant même la prétention marxiste
de situer le ciel sur la terre et la rédemption de l’homme dans l’ici et
maintenant) par la différence abyssale qui subsiste en référence au comment
doit avoir lieu la rédemption : « la rédemption intervient-elle par
la libération de toute dépendance, ou son unique chemin est-elle la pleine
dépendance de l’amour, qui serait alors aussi la véritable
liberté ? ».
Ainsi, par un
saut de trente années, Ratzinger nous accompagne dans la compréhension de notre
présent, donnant un témoignage de l’immuable fraîcheur et vitalité de sa
pensée. Aujourd’hui, de fait, plus que jamais, s’offre à nouveau
cette même tentation du refus de toute dépendance à l’amour, à l’exception de
l’amour de l’homme pour son propre ego, pour le « moi et ses
caprices »; et, par conséquent, le risque de la « colonisation »
des consciences par une idéologie qui nie la certitude fondamentale selon
laquelle l’homme existe comme homme et femme et que leur sont confiés la tâche
de transmettre la vie. Cette idéologie conduit à la production planifiée et
rationalisée d’êtres humains et amène – peut-être même dans une finalité
considérée comme « bonne » – à estimer logique et licite d’éliminer
cela qui n’est pas considéré comme déjà créé, donné, conçu et généré, mais fait
par nous-mêmes.
Ces apparents
« droits » humains qui sont totalement orientés vers l’autodestruction
de l’homme – c’est ce que nous montre avec force et efficacité Joseph Ratzinger
– ont pour unique dénominateur commun une seule et grande négation : la
négation de la dépendance à l’amour, la négation que l’homme soit une créature
de Dieu, faite amoureusement par Lui à son image pour qu’il le désire, comme le
cerf cherche l’eau vive (Ps 41). Quand est niée cette dépendance entre la
créature et le créateur, cette relation d’amour, on renonce au fond à la
véritable grandeur de l’homme, on s’attaque au rempart de sa liberté et de sa
dignité.
Ainsi, la
défense de l’homme et de l’humain contre les réductions idéologiques du pouvoir
passe à nouveau aujourd’hui par le fait d’inscrire l’obéissance de l’homme à
Dieu comme limite de l’obéissance à l’État. Relever ce défi, dans le véritable
et clair changement d’époque que nous visons aujourd’hui, signifie défendre la
famille. Pour sa part, Jean-Paul II avait bien compris la portée décisive de la
question ; appelé avec raison le « pape de la famille », il ne
soulignait pas par hasard que « le futur de l’humanité passe par la
famille » (Familiaris consortio, 86). Dans le même ordre d’idée,
j’ai moi aussi insisté sur le fait que « le bien de la famille est
déterminant pour l’avenir du monde et de l’Église » (Amoris Laetitia,
31).
Je me réjouis
donc particulièrement de pouvoir introduire ce second volume des textes choisis
de Joseph Ratzinger sur le thème « foi et politique ». Avec son
impressionnante Opera Omnia, les textes nous aideront certainement
tous à comprendre notre présent et à trouver une solide orientation pour le
futur, mais ils seront aussi une véritable et authentique source d’inspiration
pour une action politique qui, en plaçant la famille, la solidarité et l’équité
au centre de son attention et de son programme, se tournera vraiment vers
l’avenir avec hauteur de vue.
© Librairie
éditrice du Vatican
© Parole et
Silence
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