L’initiation des chrétiens :
de l’anthropologie
à la théologie
Jean Marie Brauns
Paris, Artège-Lethielleux, 2019. 513 pages
Par
La
pratique et la notion d'initiation ont des racines plus vieilles que le
christianisme. Elles naissent en milieu païen, dans la Grèce archaïque. Depuis,
la notion a été reprise et réinterprétée dans diverses traditions, dès
l'Antiquité et jusqu'à nos jours. Actuellement, l'idée d'initiation désigne
tout à fait globalement "les premiers pas" dans à peu près n'importe
quelle discipline ou activité.
Or, à voir de plus près, il s'agit plus précisément "du premier pas" , "le pas décisif" , essentiellement cultuel et communautaire, par lequel un sujet est agrégé à un nouveau corps social. La notion d'initiation n'est pas biblique, et les auteurs chrétiens des premiers siècles paraissent éviter délibérément le vocabulaire typique lié aux pratiques d'un paganisme encore bien vivant, alors qu'à la même époque les modalités d'intégration de la communauté chrétienne - essentiellement rituelles et communautaires - se fixent.
Le thème de l'initiation chrétienne est relativement récent : il date de la fin du XIXe siècle. L'un des rituels majeurs de l'Eglise catholique en porte d'ores et déjà le nom. Cette étude se pose trois questions : qu'est-ce que l'initiation en tant qu'acte humain, en-deçà de la polyvalence actuelle du terme ? En quoi la pratique appelée "initiation chrétienne" est-elle une initiation ? Comment la Révélation de Dieu en Jésus Christ appelle-t-elle une pratique de ce genre ?
Or, à voir de plus près, il s'agit plus précisément "du premier pas" , "le pas décisif" , essentiellement cultuel et communautaire, par lequel un sujet est agrégé à un nouveau corps social. La notion d'initiation n'est pas biblique, et les auteurs chrétiens des premiers siècles paraissent éviter délibérément le vocabulaire typique lié aux pratiques d'un paganisme encore bien vivant, alors qu'à la même époque les modalités d'intégration de la communauté chrétienne - essentiellement rituelles et communautaires - se fixent.
Le thème de l'initiation chrétienne est relativement récent : il date de la fin du XIXe siècle. L'un des rituels majeurs de l'Eglise catholique en porte d'ores et déjà le nom. Cette étude se pose trois questions : qu'est-ce que l'initiation en tant qu'acte humain, en-deçà de la polyvalence actuelle du terme ? En quoi la pratique appelée "initiation chrétienne" est-elle une initiation ? Comment la Révélation de Dieu en Jésus Christ appelle-t-elle une pratique de ce genre ?
Jean-Marie
Brauns (1969) est Docteur en théologie.
Prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice, il enseigne au séminaire Saint-Sulpice d'Issy les Moulineaux.
Prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice, il enseigne au séminaire Saint-Sulpice d'Issy les Moulineaux.
L’expression
‘initiation chrétienne’ est aujourd’hui complètement passée dans le
langage courant de notre pastorale catholique. Deux exemples suffisent pour le
prouver : d’une part, le rituel pour les sacrements de baptême,
confirmation et eucharistie des adultes, le fameux RICA paru en 1997, porte son
nom ; d’autre part, les évêques de France, dans leur texte pour l’orientation
de la catéchèse en France de 2006, ont pris comme fil rouge la ‘pédagogie de
l’initiation’.
Or, assez
bizarrement, il n’existait pas jusqu’à ce jour d’étude un peu consistante sur
ce concept qui a gagné du terrain en France récemment (le livre du Père Louis
Bouyer de 1958, réédité en 2012, intitulé Initiation chrétienne, ne
portant pas sur le processus rituel tel que nous l’entendons aujourd’hui). Il
faut donc remercier le Père Jean-Marie Brauns, sulpicien, actuellement
enseignant au séminaire d’Issy-les-Moulineaux, d’avoir consacré beaucoup de
temps et d’énergie à une pareille étude menée dans la cadre d’une thèse en
théologie soutenue à la Catho de Toulouse fin 2017.
Spécificité de l’initiation chrétienne
Son but
est très clair : « Déterminer, dans une perspective théologique,
comment l’initiation chrétienne est une initiation, et en quoi cette initiation
est chrétienne », indique-t-il dans son introduction. Son plan ne
l’est pas moins, assez classique, presque scolaire. Il commence par étudier ce
qu’est l’initiation, au sens le plus large du terme. Pour cela, il a choisi
quatre champs (qu’il préfère appeler ‘faisceaux’), bien distincts :
les cultes à mystère de l’Antiquité – les coutumes des populations dites
primitives – la maîtrise d’un artisanat, notamment dans les compagnonnages – le
gnosticisme.
Au terme
d’une analyse fouillée, il en arrive à la conclusion que, dans tous les cas,
l’initiation « a pour effet un changement (qui) s’explicite selon les
registres de l’agrégation ou de l’illumination ou, encore, plus typiquement,
par combinaison de l’une et de l’autre ». Suivent alors des études,
aussi très minutieuses, à partir de l’Ancien Testament, du Nouveau et des Pères
de l’Église, avant et après l’Édit de Milan. Dans la toute dernière partie, il
tente de ressaisir théologiquement tout ce qu’ont pu lui apporter la
sociologie, l’exégèse et la patristique.
On peut
retenir deux séries de conclusions, à partir du but initial de l’auteur :
les premières portent sur le rapport de l’initiation chrétienne à toutes les
autres initiations, au sens large. Monsieur Brauns affirme ceci :
« Le baptême chrétien apparaît comme une initiation, au même titre
anthropologique que les autres traditions qualifiées du même vocable. Ses
spécificités ne le font pas sortir du genre. En sens inverse, présenter
l’initiation chrétienne, implicitement ou explicitement, comme le modèle
définitif du genre reviendrait à lui méconnaître cet enracinement
anthropologique, et relèverait par ailleurs de l’anachronisme. »
« Une nouvelle incarnation »
Ensuite,
touchant à la théologie même de l’initiation chrétienne, notre auteur rattache
à cette dernière deux concepts importants (qui figuraient d’ailleurs dans le
titre de la thèse originaire) : le corps et le mystère et, d’ailleurs,
dans ses recherches bibliques et patristiques, il a longuement scruté tout ce
qui relève de ces deux mots-là. Et, dans ce livre, le treizième et ultime
chapitre s’intitule « Corps et mystère » ! D’un côté, le
corps (avec ou sans majuscule !) fait bien sûr référence aussi bien au
Christ lui-même qu’à l’Église et le baptême nécessite une action concrète,
physique sur le corps du nouveau baptisé alors que l’on aurait bien pu,
finalement, se passer de cette action-là. C’est que, dit notre théologien,
« à l’inverse des initiations mystériques et gnostiques, l’initiation
chrétienne n’est pas un moyen présumé de désincarnation, mais une nouvelle
incarnation par agrégation au Corps du Christ, le ‘revêtement’ ou
l’engloutissement de l’incarnation naturelle et corruptible – le ‘vieil homme’
– par la condition incarnée mais incorruptible du Christ » !
Brauns attache peut-être davantage d’importance encore au ‘mystère’, véritable
fil rouge qui traverse tout son épais ouvrage ! Il peut ainsi indiquer sur
le sujet dans sa conclusion : « Toute la spécificité de
l’initiation chrétienne en tant qu’initiation relève du μυστήρίόν,
c’est-à-dire de la volonté de Dieu de se réconcilier et d’unir toute la
création, volonté exécutée dans l’économie de l’incarnation et de l’offrande
pascale du Fils ». Et, un peu plus loin, il affirme très
clairement : « La compréhension chrétienne de l’initiation
baptismale dépend en dernière instance de la façon dont le μυστήρίόν est
perçu » !
Voici
donc un livre vraiment intéressant, qui traite d’une façon originale un sujet
qui n’avait jamais encore été traité de manière aussi systématique ; le
lecteur pourra néanmoins regretter une certaine lourdeur de style, avec force
répétitions d’un chapitre à l’autre, ce qui rend la lecture parfois
fastidieuse, presque indigeste. De plus, l’auteur use et abuse de mots ou de
phrases en latin ou en grec directement dans son texte, souvent sans
traduction, ce qui ne facilitera pas la lecture à celui qui ne connaît rien de
ces deux langues anciennes !
David
Roure
Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix-en-Provence
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