mercredi 15 octobre 2008

FICHE THEMATIQUE 8

CONDUITS PAR L’ESPRIT


Lettre de Saint-Paul aux Romains (8,1-30)









LE TEXTE :

Lettre aux Romains 8, 1-30

[Exorde : récit raccourci de l'œuvre de Dieu en Christ ;

Proposition : plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ]


Rm 8-1 Mais maintenant[1],il n’y a plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ. 2 Car la loi de l'Esprit qui donne la vie en Jésus Christ m'a libéré de la loi du péché et de la mort. 3 Ce qui était impossible à la loi, car la chair la vouait à l'impuissance, Dieu l'a fait: à cause du péché, en envoyant son propre Fils dans la condition de notre chair de péché, il a condamné le péché dans la chair, 4 afin que la justice exigée par la loi soit accomplie en nous, qui ne marchons pas sous l'empire de la chair, mais de l'Esprit.

[Argumentation 5-17 l'Esprit conduit à la vie, à la gloire]

A – logique de la chair, logique de l'Esprit

5 En effet, sous l'empire de la chair, on tend à ce qui est charnel, mais sous l'empire de l'Esprit, on tend à ce qui est spirituel: 6 la chair tend à la mort, mais l'Esprit tend à la vie et à la paix. 7 Car le mouvement de la chair est révolte contre Dieu; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu; elle ne le peut même pas. 8 Sous l'empire de la chair on ne peut plaire à Dieu.
9 Or vous, vous n'êtes pas sous l'empire de la chair, mais de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. 10 Si Christ est en vous, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l'Esprit est votre vie à cause de la justice. 11 Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous.
B- dynamisme de l'Esprit

12 Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle.
13 Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez; mais si, par l'Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez.



14 En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu: 15 vous n'avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions: Abba, Père.
16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 17 Enfants, et donc héritiers: héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.

Réfutation et amplification 8, 18-28 : souffrances et espérance
18 J'estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous.
19 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu: 20 livrée au pouvoir du néant - non de son propre gré, mais par l'autorité de celui qui l'a livrée - , elle garde l'espérance, 21 car elle aussi sera libérée de l'esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. 22 Nous le savons en effet: la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l'enfantement.
23 Elle n'est pas la seule: nous aussi, qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l'adoption, la délivrance pour notre corps. 24 Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Or, voir ce qu'on espère n'est plus espérer: ce que l'on voit, comment l'espérer encore? 25 Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec persévérance.
26 De même, l'Esprit aussi vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut, mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables, 27 et celui qui scrute les coeurs sait quelle est l'intention de l'Esprit : c'est selon Dieu en effet que l'Esprit intercède pour les saints.
28 Nous savons d'autre part que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein. 29 Ceux que d'avance il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'Image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d'une multitude de frères ; 30 ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.
[Péroraison 31- 39 : hymne à l'amour de Dieu]
31 Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
32 Lui qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous tous,
comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ?
33 Qui accusera les élus de Dieu? Dieu justifie!
34 Qui condamnera? Jésus Christ est mort, bien plus il est ressuscité,
lui qui est à la droite de Dieu et qui intercède pour nous!
35 Qui nous séparera de l'amour du Christ?
La détresse, l'angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ?
36 selon qu'il est écrit: À cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour, nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie.
37 Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.
38 Oui, j'en ai l'assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, 39 ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur.

[1] Traduction TOB modifiée, sous titres rajoutés - P.B.



FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS


I - POUR LIRE

Le chapitre 8 de l'épître aux Romains est un chant de victoire et un chant d'espérance.

Ø Un chant de victoire parce que l'homme échappe à la condamnation, grâce à l'Esprit qui le rend capable de vivre en fils de Dieu, sans qu'il ait plus besoin d'être encadré, menacé, sanctionné par la Loi. Au début (8, 1) retentit un « Mais maintenant », comme il avait retenti déjà en 3, 21 ; mais alors il s’agissait d’échapper aux actes personnels de péché ; maintenant il s’agit d’échapper à la condition de faiblesse qui laissait l’homme divisé, asservi, et comme étranger à lui-même : « je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas » (Rm 7, 19). Finie, cette servitude !

Ø Un chant d’espérance ensuite : « les souffrances du temps présent - de ce temps intermédiaire entre l’appel à la foi et la glorification finale - sont sans proportion avec la gloire à venir » ; cette gloire, l'Esprit l’appelle et l’anticipe au cœur des croyants.

Parcours global pour une première lecture :

1 – Ouverture (8, 1-4) : affranchis par l'Esprit

Au cri de détresse de l'homme asservi au Péché : « Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps voué à la mort? » (7, 25), Paul répond en célébrant le grand tournant de l'histoire religieuse de l'humanité que Dieu a réalisé dans le Christ. « Mais maintenant il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Christ Jésus ». Car ce n'est plus le Péché qui fait la loi en l'homme, mais l'Esprit, et l'Esprit, c'est la justice et la vie. Dans un puissant raccourci, Paul ramasse toute l'histoire du salut :

Ø jusqu'à maintenant la Loi de Dieu s'était montrée impuissante à arracher l'homme à la servitude à cause de « la chair » (c'est-à-dire la condition humaine marquée toute entière par la faiblesse physique et morale) ; elle ne faisait que l'enfoncer un peu plus dans la transgression ;

Ø alors Dieu a envoyé son propre Fils dans cette même condition humaine, sans péché, mais non sans la marque des conséquences du péché (appartenance à une humanité pécheresse, violence subie, humiliation, souffrances et mort, tout ce qui en fait une «chair de péché») ;

Ø en ce Fils, parfaitement obéissant jusqu'à mourir sur une croix, Dieu « a condamné le Péché dans la chair » : là même où le Péché régnait, il a été vaincu et éliminé ; en son Fils Dieu a fait ce que la Loi était impuissante à faire (non pas punir le péché, mais l'éliminer) ;

Ø et maintenant la visée de justice de la Loi s'accomplit en « nous », les croyants, dont la conduite n'obéit plus à la chair, mais à l'Esprit (que nous recevons du Christ de Pâques).



2 – Argumentation en deux mouvements :

Premier mouvement (8, 5-17) : la docilité à l'Esprit ne peut que conduire à la vie,
à la gloire.

En deux séquences parallèles (5-11/12-17), Paul oppose deux logiques, deux dynamiques : celle de la chair et celle de l'Esprit. La logique de la chair est de s'opposer à Dieu, elle est une logique de mort. Le dynamisme de l'Esprit est de conduire à la vie par la justice.
Et chaque fois (9. 12.15), Paul dit : vous (les croyants), vous n'êtes pas dans la logique de « la chair », mais sous le dynamisme de l'Esprit. Par conséquent vous serez vainqueurs du péché et de la mort, résurrection comprise.

La seconde séquence (12-17) va plus loin que la première : Paul ne se contente pas de dire que l'Esprit habite en vous (9.11), mais qu'il vous conduit, et cela est l'apanage des enfants de Dieu (14), ce qui amène à parler de la condition filiale des croyants. Si nous sommes enfants, nous sommes héritiers, héritiers avec le Christ, le Fils premier-né, « s'il est vrai que nous souffrons-avec lui pour être glorifiés avec lui » (8, 17). Et cette précision permet d'enchaîner avec la seconde partie de l'argumentation : les souffrances du temps présent ne peuvent absolument pas enrayer le mouvement vers la gloire : elles en sont bien plutôt le chemin.
Deuxième mouvement (8, 18-28) : souffrances et gloire ; l'espérance

Dans ce 2ème mouvement, Paul réfute implicitement le doute qui pourrait affecter les croyants devant les épreuves qui les atteignent dans cet entre-deux qui va de Pâques à la révélation finale de la gloire des enfants de Dieu : il n'y pas de proportion entre les souffrances du temps présent et la gloire qui doit se révéler en nous; pas de proportion ni d'incertitude. Temps d'épreuves qui est aussi le temps de l'espérance.

Le texte est balisé par trois « gémir », à la fois de détresse et d'attente (19-27) :

celui de la création en travail d'enfantement (19-22)

celui de nous-mêmes rendus impatients de par les prémices de l'Esprit, qui nous font attendre la libération totale (23- 25)

enfin le « gémir » de l'Esprit lui-même, sa prière au plus intime de nos coeurs , qui nous accorde au dessein de Dieu (26-27)

Or, ce dessein va immanquablement de la «prédestination» à la «glorification» (28-30).


3 – Péroraison[2] (8, 31-39) : Hymne à l'amour de Dieu

Il ne reste plus alors qu'à célébrer l'amour de Dieu manifesté en Christ Jésus. Cela se fait au moyen de questions répétées, qui soulignent le caractère invincible de cet amour.


¨ Lexique :

- Lexique de l’anthropologie paulinienne :

*chair / esprit : ne sont pas deux composés de l'être humain mais deux dimensions de l'existence, selon que la personne est enfermée dans la faiblesse physique et morale, ou qu'elle est ouverte à l'action de l'Esprit en elle. On vit « selon la chair / ou/ « selon l'esprit, on est « dans la chair » ou « dans l'esprit »

* chair de péché : la condition humaine marquée par les séquelles du péché (souffrances, humiliations, violence subies, mort...)

* corps : n'est pas l'équivalent de « la chair »; mais la personne en tant qu'elle est enracinée dans le monde , la société, la durée; « offrez votre corps » (Rm 12, 1) signifie « offrez-vous vous-mêmes» selon tout cet enracinement. Exceptionnellement, il peut renvoyer au corps « charnel » comme en 8, 13 : « faites mourir par l'Esprit les œuvres du corps ».

* Esprit et esprit : on peut mettre ou non une majuscule, selon qu'il s'agit de la personne divine de l'Esprit saint, ou de la personne humaine habitée et conduite par l'Esprit saint. Le texte n'est pas toujours clair, sauf quand il distingue clairement l'Esprit et notre esprit (8, 15), ou lorsqu'il attribue à l'Esprit une action propre qui dépasse le pouvoir de 'homme laissé à lui-même (exemple: 8,26-27).

*justice : sens plus large qu'en français ; tout ce qui accorde l'homme à la volonté de Dieu; équivalent d'une vie sainte. - La Justice de Dieu est ce qui l'ajuste à sa promesse et à son alliance.

* Loi : habituellement « la Loi » désigne chez Paul la Loi de Moïse, institution de salut, qui est à la fois révélation et commandements; elle est don de Dieu, sainte et spirituelle, mais réduite à l'impuissance à cause de la condition charnelle de l'homme qui donne prise au Péché. Exceptionnellement Paul utilise le mot « loi » au sens de principe d'action : ce n'est plus le Péché qui fait la loi mais l'Esprit (8, 2). La loi de l'Esprit n'est pas un code, mais un dynamisme intérieur.

- Lexique de Dieu et de son dessein de salut :

* Abba, Père (8, 14) : Abba, « terme araméen pour Père, ici transcrit, puis traduit en grec. A l'origine c'était le mot employé dans l'intimité familiale par le fils, mais son usage s'était considérablement généralisé à l'époque du NT. Cependant le mot Abba ne semble pas avoir été utilisé pour s'adresser à Dieu dans le judaïsme » (Note de la Nouvelle Bible Segond, in loco). Jésus s'adresse ainsi à son Père (Mc 14,36) ; l'Esprit met ce mot dans la bouche des croyants. (Ga 4, 6; cf Lc 11, 2)

* appeler : c’est le verbe de l’appel à la foi en vue de s’intégrer à l’ekklèsia, convoquée par Dieu pour entrer en alliance avec lui.

* connaître d’avance : en lui-même, dans son amour prévenant, Dieu « connaît » au sens de faire attention à quelqu’un, de s’intéresser à lui, de l’aimer et de le choisir.

* destiner d’avance : c’est la décision de réaliser concrètement l’amour qui s’exprime dans l’acte de « connaître d’avance ».




* justifier : l’acte par lequel Dieu non seulement déclare juste, mais rend juste celui qui lui accorde sa foi, sans s’appuyer sur sa qualification humaine quelle qu’elle soit.

* glorifier : l’acte final qui découle de la justification : le salut est une participation à la « gloire » du Christ ressuscité ; la « gloire » est « ce qui fait le poids », ce qui fait la valeur et la beauté de l’être de Dieu et de ceux qu’il configure à son Image.

* Image : mettre une majuscule à ce mot au v 29 : il ne s’agit pas d’une vague ressemblance, mais de l’Image parfaite / de l’Icône / vivante de Dieu qu’est son propre Fils, crucifié et ressuscité ; c’est à cette Icône de lui-même qu’est son Fils que Dieu veut configurer les croyants. Il en fait ainsi le Premier-Né d’une multitude de frères.


¨Textes des Ecritures (A.T.) :


L’Esprit promis par Dieu pour rendre son peuple capable de vivre fidèle à l’Alliance :

Ezéchiel 36-26 : Je vous donnerai un coeur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j'enlèverai de votre corps le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair. 27 Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes.

C’est par son Esprit que Dieu conduisait son peuple à travers le désert jusqu’à la Terre Promise :

Isaie 63-11 Son peuple alors se rappela les jours du temps de Moïse : «Où est celui qui fit remonter de la mer le pasteur de son troupeau ? Où est Celui qui mit en lui son Esprit saint ? 12 Celui qui fit avancer, à la droite de Moïse, son bras resplendissant ? Celui qui fendit les eaux devant eux pour se faire un nom éternel ? 13 Celui qui les fit avancer dans les abîmes ? Tel un cheval dans le désert ils ne trébuchaient pas, 14 tel du bétail qui descend une combe l'Esprit du SEIGNEUR les menait au repos.» C'est ainsi que tu as conduit ton peuple, pour te faire un nom resplendissant. « Ceux-là qui sont conduis par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » Israël conduit par Dieu au désert faisait l’expérience d’être traité comme un fils par Dieu.

Deutéronome8-4 Ton manteau ne s'est pas usé sur toi, ton pied n'a pas enflé depuis quarante ans, 5 et tu reconnais, à la réflexion, que le SEIGNEUR ton Dieu faisait ton éducation comme un homme fait celle de son fils.

Osée11,1 Quand Israël était jeune, je l’aimais : depuis l’Egypte j’ai appelé mon fils … C’est moi qui ai guidé les pas d’Ephraïm en le soutenant par les bras.




II - ET MAINTENANT AU TEXTE

Nous proposons une lecture transversale de l'ensemble du chapitre autour de l'Esprit et de l'existence chrétienne :

1 – L'Esprit

Ø Comment est-il désigné ?
Ø Quelles fonctions lui sont attribuées ?
Ø Quel éclairage reçoivent-elles des textes de l'A.T. : Jérémie 31, 31-31-34; Ezéchiel 36, 26-27 ; Isaïe 63, 13-14
Ø Quelle est la nouveauté de la révélation de l'Esprit dans le N.T. ?

2 – L'existence chrétienne
Ø Comment répondriez-vous à partir de ce texte à la question : Qu'est-ce qu'un chrétien?
Ø Comment s'articulent dans ce texte l'initiative divine et la responsabilité humaine ?
Ø Quels sont les points d'appui de l'espérance ? Quelle place y tient l'Esprit ?
Ø L'Esprit et la prière chrétienne : quels rapports ?



III- PISTES POUR ACTUALISER

L’Esprit est toujours actuel. C’est lui qui rend le Christ actuel dans les personnes et dans l’histoire de l’humanité.

1. « Malheureux homme que je suis (7, 24) … « Mais maintenant » (8, 1) : que seriez-vous portés à dire à une personne qui a rencontré l’épreuve du mal subi, du mal commis ?

2. « La création gémit dans les douleurs de l’enfantement » : quel regard d’espérance nous donne l’Esprit sur la situation présente du monde ? Quelle part de nous donne-t-il dans cet enfantement ? Quelle part nous arrive-t-il de prendre à cet enfantement ?




IV - PISTE POUR LA PRIERE

Un refrain pour ouvrir le temps de prière :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ, Alléluia ! »
(A. Gouzes)

Deux chants au choix :

1er chant : «Amour qui nous attends» (Tamié) E 173-1 (à chanter ou à lire)

Stance : Amour qui nous attends au terme de l’histoire,
Ton royaume s’ébauche à l’ombre de la croix :
déjà sa lumière traverse nos vies.
Jésus, Seigneur, hâte le temps ! Reviens achève ton œuvre !
Refrain : Quand verrons-nous ta gloire transformer l’univers ?

Jusqu'à ce jour nous le savons, la création gémit en travail d’enfantement
Nous attendons les cieux nouveaux, la terre nouvelle, où règnera la justice
Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision, jusqu'à l’heure de ton retour.

2ème chant : « A ce monde que tu fais » D.Rimaud/ J.Berthier T-146-1(CNA n° 526)
1 - A ce monde que tu fais chaque jour avec tendresse,A ce monde où tu voudrais plus de joie, moins de détresse, A ce monde qui renaît s'il a foi en ta promesse,Donne un coeur de chair, donne un coeur nouveau !Viennent les cieux nouveaux et la nouvelle terreQue ta bonté nous donnera !Viennent les cieux nouveaux et la nouvelle terreOù la justice habitera.6 - Sur le peuple des croyants dérouté par son histoire, Sur le peuple des souffrants qui occupe ta mémoire, Sur le peuple qui attend que paraisse enfin ta gloire,Envoie ton Esprit, un Esprit nouveau !9 - A nos corps où tu as mis le désir de voir ta face, A nos corps que tu conduis de leurs tombes à leur Pâque, A nos corps déjà bénis dans le Corps où tu es grâce,Donne un coeur de chair, donne un coeur nouveau !10 - Sur les foules esseulées qui ont soif de ta Parole, Sur la ville des sauvés où s'achève tout exode, Sur ta vigne bien-aimée qui prépare ses récoltes,Envoie ton Esprit, un Esprit nouveau !

Un passage de la lettre de Paul : relire une séquence du ch 8, et laisser chacun redire tel verset, telle expression qui lui parle.

Introduction au Notre Père : Enfants du Père, héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, ayant part à ses souffrances, ayant part à sa gloire, dans la confiance, nous pouvons dire : NOTRE PERE



FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS



V - QUELQUES CLES DE LECTURE


1 - L'Esprit* est la figure dominante de ce chapitre

Nous lui consacrerons la plus grande partie de notre lecture. C'est lui, pourrait-on dire, qui occupe le devant de la scène entre l'action de Dieu réalisée dans l'événement de la Croix (8, 1-4) et la glorification finale, qui exalte l'amour de Dieu (8, 28-39). Mais il n'agit pas de manière autonome : il est l'Esprit de Dieu et l'Esprit du Christ. Quel est son rôle ? Il a plusieurs figures, la première étant un héritage des prophètes

Ø Il est l'auteur de la vie nouvelle chez les croyants : une vie de fidélité et d'amour ; il est «l’amour de Dieu versé dans nos coeurs » (Rm 5, 5). Il réalise ce qu'annonçaient les prophètes de la Nouvelle Alliance: Jérémie et Ezéchiel : la loi de Dieu serait écrite sur le cœur, au-dedans, et non plus au-dehors sur des tables de pierre; Le Seigneur mettrait son Esprit dans le coeur de son peuple pour qu'il puisse marcher selon ses voies. C'est bien ce qui se réalise selon Rm 8. Sans lui, impossible de plaire à Dieu. Il remédie à l'impuissance de la Loi. « L'Esprit est vie à cause la justice » (8,10), il est source de vie parce qu'il permet de vivre dans la justice, dans la sainteté. L'Esprit fait passer de la condition charnelle à la condition spirituelle : « vous n'êtes pas dans la chair mais dans l'esprit, puisque L'Esprit de Dieu habite en vous » (8, 9). « La loi de l'Esprit qui donne la vie en Christ Jésus » n'est pas une « loi-règlement », elle est un principe intérieur qui conforme au Christ les dispositions et l'agir des croyants dans la liberté spirituelle (Ga 5,13-16).

Ø Il « habite » dans le cœur et dans la communauté des croyants, comme dans un temple (8, 9 ; cf. 1Co 3, 16 ; 6, 19) ; cette habitation de l'Esprit est la marque de l'appartenance au Christ : « Qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas » (8, 9). « Qu'est-ce qu'un chrétien? Celui qui a l'Esprit de Jésus-Christ » (J.J. OLIER).

Ø Non seulement il « habite » (statiquement), mais il « conduit » (dynamiquement). Il conduit les croyants jusqu'à l'héritage eschatologique. A la manière dont le Seigneur conduisait Israël à travers la marche dangereuse du désert jusqu'à la Terre promise par son Esprit[3]. Assistance permanente qui permet aux croyants
de faire l'expérience qu'ils sont « enfants de Dieu », car ce sont ses enfants que Dieu « conduit », et ceux qu'ils conduit sont vraiment ses enfants : « En effet, tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu » ( 8, 14)[4] .



Ø Il donne un esprit filial parce qu'il inspire l'amour de Dieu et lui enlève la crainte. Le don de l'Esprit signifie le passage de la servitude (agir par crainte) à la liberté (agir de plein cœur par amour) (8, 15; cf. Ga 4, 7). Cet esprit filial se traduit en particulier dans la prière qui s'adresse à Dieu avec la même familiarité et la même confiance que la prière de Jésus lui-même : « Abba » (8, 15; Ga 4, 6; cf. Lc 11, 2; Mc 14, 36). L'Esprit fait en sorte que la prière du Fils devienne celle des croyants ; elle est une prière théologale [5].

Ø L'Esprit stimule l'espérance. Le « gémir » de l'Esprit (8, 26) s'inscrit au coeur du « gémir » des croyants (8, 23) et le stimule. Pourquoi ? Parce que l'Esprit déjà présent au coeur de leur vie est comme un acompte du don ultime et total du salut eschatologique. On n'espère pas moins parce qu'on a déjà quelque chose.
Au contraire plus on expérimente par l'Esprit la valeur de la vie du Royaume (Rm 14,17: le Règne de Dieu est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint), plus on désire en voir l'avènement. A son tour le gémissement des croyants assume le gémissement de toute la création en mal d’enfantement (8, 19-20). Car c’est dans « la glorieuse liberté des enfants de Dieu », que, non seulement l’humanité, mais l’univers trouve sa raison d’être et son accomplissement. Selon la perspective héritée de l’Ecriture, le cosmos est associé à la réussite de l’humanité dont il constitue le milieu de vie. L’espérance chrétienne dépasse les individus, elle concerne le monde comme « création de Dieu ». On pourrait dire que l’histoire de l’homme dans le cosmos est l’histoire de la liberté : affranchissements successifs jusqu’à la gloire que constitue la liberté reçue et vécue dans l’Esprit par les enfants de Dieu. Cette liberté doit inclure « la rédemption de notre corps », par la victoire sur la mort en nos personnes ressuscitées.

Ø L’Esprit éduque la prière au coeur de cette tension vers l'achèvement final. Par nous-mêmes nous ne saurions pas ce qu'il faut demander à Dieu. Mais l'Esprit, lui, le sait, et ce qu'il inspire de demander correspond à ce que Dieu attend. L'Esprit est l'éducateur de la prière parce qu'il est l'éducateur du désir selon Dieu. Le désir du croyant devient lui aussi un désir « théologal » : il est le désir de l'Esprit (8, 27) qui correspond au désir de Dieu de nous configurer à son Fils (8, 27-28). « Les gémissements ineffables » de l'Esprit (8, 26) ne désignent pas nécessairement (en tous cas pas exclusivement) les formes charismatiques de la prière (prière en langues), mais caractérisent la prière chrétienne comme étant toujours au-delà de ce qu'elle pourrait exprimer; je prie toujours plus que ce que je comprends. Ce que l'Esprit me fait désirer va au-delà de mon entendement. Le désir de l'Esprit en moi est une « intercession » vivante et permanente.
Seul cas où le N.T. parle de « l'intercession » de l'Esprit (8, 27) ; elle s'accorde nécessairement avec celle du Christ (8, 34).

Ø L'Esprit est puissance de vie et de résurrection (8, 10-11). Même si le corps se délabre, parce qu'il appartient encore à ce monde marqué par les séquelles du péché, la personne du croyant est déjà habitée par l'Esprit qui est à l'origine de la résurrection du Christ et sera donc aussi à l'origine de la sienne. Ce lien de la résurrection avec l'habitation de l'Esprit est hautement significatif pour en avoir une juste intelligence


2 - Si la figure de l'Esprit domine en Rm 8, la personne du Christ y est également bien présente.
L'Esprit de Dieu est en effet « l'Esprit du Christ », celui qui en sa résurrection est devenu « esprit vivifiant », non seulement habité par l'Esprit, mais capable de le communiquer comme le Souffle de la vie nouvelle à tous les humains (1Co 15,45). La glorification des croyants les associera à la gloire du Christ par le chemin de la communion à ses souffrances. Surtout le dessein de Dieu, à l'aboutissement duquel conduit l'Esprit, est de les configurer à l'Image de lui-même qu'est son propre Fils (Rm 8, 28-29). Le Fils est au commencement et à la fin de l'œuvre que Dieu réalise chez les croyants par son Esprit. Par l'Esprit Dieu constitue une nouvelle fraternité humaine, et son Fils ressuscité en est le premier-né.


3 - Dieu (le Père) est lui aussi, lui d'abord, l'objet de la contemplation de Paul.
Non seulement au début (8, 3), mais aussi est surtout à la fin. D'abord en célébrant la continuité, la cohérence, la fiabilité de son dessein, depuis la première intention (la prédestination) jusqu'à l'achèvement ultime. Paul exprime cela par une figure de style qui enchaîne les verbes les uns aux autres, selon les grandes étapes de l'histoire du salut : « connaître d’avance », « destiner d’avance », « appeler », « justifier », « glorifier » (8, 29-30). Les croyants ne sont pas pour autant déresponsabilisés, mais leur liberté peut s'exercer au sein d'une confiance absolue : le Dieu qui les a appelés à la foi est fiable.
Ensuite, et c'est la conclusion non seulement du chapitre 8 mais aussi de tout le parcours de l'épître qui a conduit du péché à la justice, de la justice à la sanctification, de la sanctification au salut, dans un dynamisme impressionnant, Paul va laisser tomber le premier et le dernier mot de toute cette histoire : l'amour de Dieu.

4 - Les croyants
Ils sont « agis » et ils agissent, selon le mot de saint Augustin. Ils sont » conduits » par l'Esprit, mais ils doivent pratiquer une ascèse : « faire mourir par l'Esprit les oeuvres mauvaises ». Il y a une vie qui conduit à la mort et une mort qui conduit à la vie. Cependant l'accent de Rm 8 est plus sur l'attestation de la vie nouvelle inaugurée par l'Esprit que sur l'effort humain. On leur répète à satiété qu'ils ne sont plus « dans la chair », mais « dans l'Esprit ». En Galates 5, 16 il est dit : « Laissez-vous conduire par l'Esprit et vous ne risquerez pas de satisfaire les désirs de « la chair ». « Se laisser à l'Esprit » est tout un programme de vie chrétienne.
L'espérance est caractéristique de leur existence présente. Ils sont sauvés en espérance, or l'espérance (l'objet espéré) est encore ce que l'on ne voit pas. Le texte de Rm 8 indique des points d'appui déjà perceptibles dans le présent : la vie dans la justice devenue possible, le mouvement du cœur, surtout dans la prière, qui reconnaît et invoque Dieu comme Père, l'expérience des prémices de l'Esprit », c'est-à-dire de l'avant-goût du Royaume qu'est la vie selon l'Esprit (cf. Ga 5, 22 :« le fruit de l'Esprit », et Rm 14, 16 cité supra).




VI- POUR ALLER PLUS LOIN


Pour méditer sur la «péroraison» (8,31-38), nous vous proposons une lettre de Roger Varro à son ami Tertius, secrétaire auquel Saint-Paul a dicté l'épître aux Romains :

Cher Tertius,

"Que dire de cela ?"
Lorsque tu as entendu ton Maître te dicter ces mots, tu as souri car tu savais parfaitement qu'il ne se trouvait pas à court de mots. Tu aurais encore de longs moments à demeurer courbé sur ton parchemin jusqu'à ce que tombe la salutation qui mettrait fin à la missive et à la dictée. Mais ton sourire n'était pas fait que d'une amicale ironie. Il était aussi l'expression du bonheur que tu ressentais au cœur même de ton travail. Tu partageais le sentiment de Paul. Tu demeurais ébloui comme lui devant l'ampleur inouïe du "dessein" de Dieu, tel qu'il venait de t'en parler. Et tu écrivais avec allégresse les mots de l'hymne à l'amour de Dieu qui surgissait de ses lèvres. Tu étais heureux de les saisir au vol, de les tenir entre tes doigts, de les fixer pour toujours.
Ils ne se perdraient plus. Tu leur donnais l'éternité !

Certes, le malheureux parchemin qui recevait ton écriture a disparu depuis longtemps. Mais tant et tant de tes petits frères scribes l'ont recopié qu'aujourd'hui encore nous pouvons faire nôtre ton message, et le donner à entendre à nos frères et sœurs qui buttent contre la mort. La mort des corps promis à la Résurrection. La mort des serviteurs de la Bonne Nouvelle, toujours menacés quand ils portent l'Évangile dans des terres nouvelles. La mort de la Nouvelle elle-même? Tant de gens l'ont prédite depuis deux mille ans... Et pourtant, l'Évangile est là, toujours là, toujours dit avec le même mot, le mot AMOUR, le seul qui transfigure l'homme. Mais comment le recevoir, comment le redire, comment le chanter, comment le vivre ? C'est dans l'ambiance des fêtes de Pâques que nous relirons cette hymne. Elle sera notre chant pascal en l'an 1996 de notre salut comme elle a été le tien en l'an 4 de Néron ! Prie et réjouis-toi avec nous. Salve !



(Routes Bibliques, Nice 1995-1996, p. 65)


[1] Mais maintenant : cette formule d’opposition forte s’explique par le fait que le ch 8 n’est pas un commencement absolu : il développe la contrepartie positive de la situation exposée au ch 7 : l’homme asservi au Péché.
[2] La péroraison d’un discours est un terme technique pour dire sa conclusion de manière amplifiée, lyrique, impressionnante ; elle le récapitule sous son aspect majeur. Ici elle récapitule sus la figure de l’amour de Dieu non seulement le ch. 8, mais toute la première partie de l’épître aux Romains (1-8)
[3] «Il les conduisit à travers I’Abîme (passage de la Mer) comme un cheval à travers le désert, et ils ne se fatiguèrent pas, et comme des troupeaux à travers une plaine. L'Esprit descendit d'auprès du Seigneur et les conduisit. Ainsi tu as conduit ton peuple de manière à te faire un Nom glorieux » (Is 63, 13-14)
[4] Telle était déjà l'expérience d'Israël au désert (Os 11, 1 ; Dt 8, 1-5)
[5] Théologale : où les Personnes divines exercent au cœur des croyants leurs propres relations.

Aucun commentaire: