mercredi 14 mai 2014

Les rituels gallicans dans le patrimoine national

La lettre ci-dessous est issue d’un dossier constitué par les vicaires généraux dans les années 1960, au moment où le diocèse de Gap réfléchissait à la rédaction de son propre des saints (le calendrier des fêtes des saints particuliers à un diocèse). Ce document, daté de 1856 et signé de Gustave Rouland, ministre de l’Instruction publique et des Cultes sous Napoléon III, est emblématique de l’histoire administrative de notre pays. Le ministre Rouland est peu favorable à l’influence de l’Eglise dans le corps enseignant. Nous sommes ici au début de son ministère qui durera jusqu’en 1863. Son cabinet est en charge des Cultes en raison de l’application du concordat de 1801. Il n’y a pas de ministère de la culture ou des beaux-arts : sa création date de 1870 et ces domaines relèvent de l’Instruction publique d’une manière informelle encore.


Le diocèse de Gap est dirigé depuis 1844 par Mgr Jean-Irénée Depéry. Ses enquêtes et visites pastorales au début de son épiscopat montrent que le missel parisien s’est imposé presque partout face au missel gapençais commandé 80 ans avant par Mgr François de Narbonne-Lara. Mgr Depéry travaillera à imposer le missel romain : à la même époque Dom Prosper Guéranger publie les Institutions liturgiques (1840-1851). L’évêque porte un intérêt réel à ce type d’ouvrages. Les archives de l’Académie flosalpine conservent une note sur deux bréviaires d’Embrun. Pour le premier, « l’écriture lui assigne la fin du 14e siècle ou le commencement du 15e ». A la fin de ce bréviaire « toujours dans le genre gothique : un office propre de St Marcelin évêque d’Embrun ». La même note affirme que Mgr Depéry possède un deuxième bréviaire, « imprimé à Embrun même » et muni « de l’approbation archiépiscopale en date du 10 mars 1489 ».
Le mouvement d’unité dans la liturgie est général en France. Rome le suscite et l’appuie pour mieux arrimer l’Eglise de France au siège apostolique. Cette unité liturgique entraine la mise de côté des ouvrages gallicans, parisiens ou gapençais dans le diocèse. Le ministre s’inquiète de la disparition de ce patrimoine : « la perte complète de ces livres liturgiques […] serait très-regrettable ». En effet, conserver du patrimoine, des fonds de bibliothèque ou des archives, a toujours un intérêt : culturel bien sûr, administratif souvent, ici pour l’enseignement de la théologie et de l’histoire de notre pays. Jules Michelet, à cette époque, publie les derniers tomes de son Histoire de France.
Cette lettre circulaire a été adressée à tous les évêques de France. Nous n’avons pas la réponse de celui de Gap. La bibliothèque diocésaine Mgr Depéry conserve des exemplaires du missel gapençais de 1764 et des missels romains du XIXe siècle. Le missel de Mgr de Narbonne-Lara se trouve également à la médiathèque de Gap et dans le fonds dauphinois des bibliothèques municipales de Grenoble.

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