Comment notre monde a cessé d’être chrétien :
anatomie d’un effondrement
Guillaume Cuchet
Paris, Le Seuil, 2018. 245 pages.
L’historien prend le
dossier de l’effondrement du catholicisme France en s’appuyant sur les travaux
du chanoine François Boulard (1898-1977) qui le premier avait entrepris une
cartographie de la France religieuse. Il pose en historien et en sociologue la
question de savoir à quelle date s’est produite la rupture entre la religion
catholique et la société française. C’est donc avec l’aide de travaux effectués
par le chanoine Boulard qu’il constate que cette rupture s’est produite dans
les années soixante ; la mise en œuvre du Concile Vatican II et ce qu’on
appelle les « évènements de Mai 68 » n’en furent pas la cause. Le
Concile Vatican II a simplement été un évènement « déclencheur » d’une
crise qui se serait produite de façon inéluctable.
La chute e la pratique
religieuse, le fait que la religion catholique soit devenue minoritaire ‘chute
de la pratique religieuse dominicale entre 1955 et 1975 a longtemps été analysé
comme une conséquence de Mai 68 pour les uns (notamment pour ceux qui se
situent à droite) quand d’autres invoquent la promulgation de l’encyclique Humane Vitae par Paul VI en interdisant
les moyens contraceptifs éloignant ainsi de l’Eglise toute une génération de
pratiquants.
Voilà un ouvrage qui
devrait susciter des discussions passionnées, et marquera sans aucun doute
l’historiographie du catholicisme dans notre pays. La question que pose
Guillaume Cuchet n’est pas nouvelle, car depuis plus de trente ans des
intellectuels catholiques s’évertuent d’y répondre : comment le catholicisme français est-il devenu si rapidement une religion
minoritaire, avec une chute de la pratique dominicale de près d’un tiers entre
1955 et 1975 ? Question qui provoque immédiatement deux types de réponse, selon
deux camps qui se renvoient la responsabilité : pour les uns, plutôt à droite de l’Église, c’est la faute à Mai 68 ;
pour d’autres, c’est à cause de l’encyclique Humanae vitae, qui, en
interdisant la contraception, aurait découragé une génération de croyants.
En s’appuyant sur les
travaux du Chanoine Boulard dans les années 1955-1965 et sur les statistiques ainsi exploitées , en
s’appuyant sur des enquêtes effectuées dans les
années 1970 Guillaume Cuchet montre que le « décrochage » d’une
bonne partie des catholiques s’est effectuée en 1965 juste après la fin du
Concile. mais en notant que le ni le Concile, ni Mai 68, ni l’encyclique
Humanae Vitae n’en furent la cause immédiate
Reste donc à analyser le
pourquoi de cette situation qui a particulièrement marquée le catholicisme européen
et surtout français.
L’auteur met en cause la
pastorale qui en a suivi et qui a désorienté les catholiques. En voulant
appliquer trop rapidement les conclusions du Concile (surtout dans la liturgie)
le clergé a négligé de prendre en compte les habitudes cultuelles des croyants ainsi
que leur signification profonde. On a donc assisté à une pastorale « élitiste » :
la piété populaire, certaines pratiques (obligation de la messe dominicale,
communion solennelle) ont été jugées désuètes et même sans valeur alors que
rien de tel n Ȏtait dit dans les textes conciliaires. On abandonne aussi
un enseignement jugé trop culpabilisant : péché mortel, les fins
dernières, l’enfer, ….A cela s’ajoute d’autres raisons : abandon de la
soutane au profit d’un costume « clergyman », des prêtres qui
quittent le ministère….
L’auteur se penche enfin
sur la question du sacrement de la confession. Si l’on constate un abandon des
confessions dans des confessionnaux au profit d’autres manières comme le
dialogue entre le prêtre et le pénitent, l’apparition de célébrations
pénitentielles avec absolution collective on voit peu à peu une chute dans la
pratique même de la confession. L’auteur note également que la notion même du « péché »
se fait moins fréquente dans les homélies ; la doctrine de la « justice
de Dieu » est substituée à la notion de « Dieu est Amour ! » Les catholiques perdent donc l’habitude de se
confesser et que la communion est devenue
plus accessible.
Ainsi donc en voulant une
assemblée plus «consciente » de sa participation aux offices, de catholiques
mieux formés et plus investis dans la vie de l’Eglise se sont certaines
structures qui entouraient les fidèles dans la vie sacramentelle qui
abandonnées ont fait que beaucoup (et surtout dans le jeunes générations) ont
quitté l’Eglise faute de repère tandis que d’autres se détournaient de l’Eglise pour se « fabriquer » une
religion où les dogmes, les obligations avaient finalement une importance toute
relative.
L'auteur
Guillaume Cuchet est professeur d'histoire
contemporaine à l'université Paris-Est Créteil. Il a notamment publié Penser
le christianisme au XIXe siècle. Alphonse Gratry (1805-1872) (Presses
universitaires de Rennes, 2017).
Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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