Romano Guardini (1885-1968)
Un numéro de La Maison-Dieu consacré à Romano Guardini
Le volume N°291 de La Maison-Dieu consacré à
Romano Guardini est paru en mars 2018 aux éditions du Cerf.
Depuis cent ans, Romano Guardini accompagne le
Mouvement et la réforme liturgiques, par son action, en particulier au château
de Rothenfels, où se réunissaient les jeunes du Quickborn, et par ses écrits.
Philosophe, théologien, prêtre, accompagnateur spirituel, il a profondément
marqué son époque en proposant une vision renouvelée de la liturgie, attentive
au sens profond des rites, à la place des acteurs, et il a su la partager.
Sommaire et résumé des articles
Romano Guardini à l’aube du
Mouvement liturgique : L’Esprit de la liturgie, Arnaud
Join-Lambert
En 1918, Romano Guardini publie son premier
livre L’esprit de la liturgie (Vom Geist der Liturgie).
Ce petit essai va connaitre un énorme succès, devenant un classique
incontournable de la liturgie et ayant une grande influence dans l’Église
catholique jusqu’au concile Vatican II. Cet article fait le point des
dernières recherches sur l’origine et le contexte de ce livre, à l’aide
notamment de la publication récente de la correspondance de Guardini (dont
celle avec Cunibert Mohlberg). Un paragraphe est consacré au chapitre 5 sur
« la liturgie comme jeu », central pour Guardini, et qui fit l’objet
de discussion dès le début (et jusqu’à aujourd’hui). La deuxième partie analyse
le contenu de l’ouvrage, en particulier les trois premiers chapitres. L’article
examine enfin la réception postconciliaire de L’esprit de la liturgie,
accordant une large part au livre de 2001 du cardinal Joseph Ratzinger et des
polémiques qui suivirent. L’article est suivi de la publication de la préface
de l’abbé Herwegen à la première édition de l’ouvrage.
Romano Guardini, une théologie
fondamentale de la liturgie, Jean-Louis Souletie
Le « discours de la méthode » systématique
en science liturgique proposé par Guardini cherche à articuler deux
perspectives différentes mais corrélées : l’épaisseur historique des
rites, et la portée dogmatique de leur signification. Il énonce au passage
quelques pièges à éviter dans le traitement des données historiques, et les
conditions d’une véritable herméneutique liturgique. Jean-Louis Souletie montre
comment ces apports ont été profitables pour le discernement dans le travail de
réforme, et comment la méthode systématique nous aide aujourd’hui à mieux
comprendre la liturgie ancienne et contemporaine. Il éclaire également le
propos de Guardini sur la méthode en science liturgique en le rapprochant de
ses sources philosophiques telles que les présente son ouvrage intitulé La
polarité.
Romano Guardini et la formation
liturgique, Sophie Gall-Alexeeff
Romano Guardini a porté une attention toute
particulière à la nécessaire formation liturgique. Cela transparaît dans nombre
de ses écrits et, plus spécialement, dans son livre Liturgische Bildung, en
1923, qui jusqu’à maintenant n’était pas disponible en langue française.
Situant cet écrit majeur dans l’ensemble de son œuvre, cet article fait le
point sur les enjeux de la formation liturgique selon Guardini et les moyens
qu’elle est appelée à déployer. Le théologien procédant, le plus souvent, par
association d’images contraires pour faire entrer dans une compréhension fine
et large, qui n’enferme pas dans une définition trop stricte. Le terme allemand
Bildung choisi par Guardini est d’ailleurs particulièrement intéressant par son
ouverture de sens qui est rassemblé ici sous le terme « formation ».
L’article se termine par de longues citations de l’ouvrage étudié, mises à
disposition des lecteurs en traduction française et dont la pertinence est
relevée. Cela concerne : la distinction entre formation liturgique et
science liturgique ; le rapport âme et corps dans la liturgie ;
l’articulation intériorité et extériorité ; et le rapport individu et
communauté. Autant de questions centrales dans l’œuvre de Guardini.
L’édifice de la prière : pôles
objectif et subjectif, Fr. Tarcisius Dejoie
En 1913, dom M. Festugière, bénédictin de l’abbaye
belge de Maredsous fut à l’origine d’une controverse qui opposa tout d’abord
les bénédictins de Belgique aux jésuites de la province de Toulouse, à propos
de la dimension objective de la vie de prière. La dispute, qui dépassa
rapidement le cadre de la Belgique et de la France, s’est attachée surtout, à
un aspect finalement secondaire du débat : la critique ou la défense de la
méthode de spiritualité ignatienne. L’intérêt de la réflexion de R. Guardini
dans son article de 1921 réside surtout dans le fait qu’il identifie l’objet
principal et les véritables termes du débat. Commençant par lever la suspicion
jetée contre la spiritualité jésuite, il reprend alors l’essentiel de la
question, à savoir le rapport entre les besoins individuels des fidèles – qui
touchent à la sanctification mais sont aussi d’ordre affectif – et le pôle
objectif de la prière que la liturgie garantit dans une large mesure.
Aujourd’hui encore, le questionnement et l’analyse
rigoureuse du théologien allemand paraissent pertinents à qui cherche un
éclairage sur le problème complexe du rapport, ou des apports mutuels, de la
prière de l’église et de la prière personnelle, dans la vie du fidèle chrétien.
La notion de « Liturgiefähigkeit »
(capacité liturgique) : Une question d’actualité permanente, Davide
Pesenti
Les sciences liturgiques se sont régulièrement
interrogées sur la « Liturgiefähigkeit », c’est-à-dire sur
« la capacité liturgique » de l’homme au XXè siècle, surtout depuis
la célèbre lettre de Romano Guardini à Johannes Wagner, à l’occasion du Congrès
liturgique qui a eu lieu en 1964 à Mayence. Actualisant cette intuition
guardinienne pour le contexte ecclésial contemporain, cette contribution vise à
présenter un des concepts-clés de ce que la théologie a nommé « la
Question liturgique ». La visée de ce bref parcours est d’abord de repérer
quelques présupposés et conditions d’une participation holistique à l’action liturgique,
comme elle a été demandée par le concile Vatican II et promue par la réforme
liturgique qui l’a suivi. Dans un deuxième temps, l’article se propose
d’approfondir le rôle et l’actualité permanente du questionnement théologique
concernant la « capacité liturgique » de l’homme postmoderne pour
l’ensemble de la vie de l’Église ainsi que pour la réflexion présente et future
en sciences liturgiques.
Offrir avec le peuple, offrir pour le
peuple ? Une question liturgique post-tridentine, Gilles Drouin
Le Concile de Trente a été suivi d’une modification
profonde de la disposition spatiale des édifices de culte catholique, avec en
particulier une réarticulation du sanctuaire et de la nef (disparition ou
ouverture des jubés, disposition « à la romaine » de certains
autels). Les Instructions sur le Rituel de Mgr Joly de Choin,
évêque de Toulon, un important ouvrage de formation et de régulation liturgique
dont l’influence s’étendra jusqu’au milieu du XIXè siècle, témoigne à la
fois de la réception d’une théologie de l’offrande commune du sacrifice de la
messe par le prêtre et les fidèles dans la France post-tridentine et de la
difficulté de sa traduction liturgique effective. L’examen de cette question
dans le contexte pastoral des Instructions, éclaire une des
difficultés de la pastorale à la française du XVIIIè siècle, incapable malgré
la formation du clergé, le zèle apostolique de nombreux prêtres, de rendre
effective une participation liturgique à la messe, avec le risque de réduire la
liturgie à ses dimensions d’observance rubricale et d’exhortation morale, sans
qu’un recours possible aux ressources de la dévotion ou du théâtre baroque
puisse même en partie suppléer à cette carence.
Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles
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