jeudi 5 juin 2014

UNE HISTOIRE D'AIX-EN-PROVENCE PENDANT LA REVOLUTION FRANÇAISE

AIX SOUS LA TERREUR : La Révolution française Tome I. 26 avril 1795 au 12 août 1796Tome II. 13 août 1796 au 31 décembre 1797de Ambroise Thomas Roux-AlphéranVauvenargues, Editions Desbaumes, 2013

 





Enfoui à la Méjanes, dans le fonds patrimonial de cette prestigieuse bibliothèque aixoise, ce journal de Roux Alphéran, méritait assurément qu’on le tire de l’oubli dans lequel il était tombé. Réunies en un ouvrage austère, à la couverture jaunâtre, ces pages manuscrites furent écrites au jour le jour, à Aix, de 1795 à 1797, par un jeune homme d’à peine dix-neuf ans. Il nous conte ainsi par le détail, la vie terrifiante qui était alors celles des habitants de notre ville et de ses alentours, en ces temps révolutionnaires. Passionnant à plus d’un titre, ce livre nous fait la saveur inégalable de ce passé où il ne faisait pas bon se dire républicain comme royaliste. Tour à tour, soumis au uns ou au autres, notre malheureuse cité, vidée d’abord de ses nobles, se vidait aussi de son sang, par les assassinats et exécutions sommaires malgré les appels au calme de ses édiles. Il fallait avoir le coeur bien accroché pour vivre au milieu de ces troubles, parmi une population qui n’espérait plus rien, sinon la fin de ces atrocités continuelles. L’auteur d’ailleurs prenait grand risque sans doute, à coucher ainsi sur papier tout ce qui se passait en Aix. Mais où aller ? Que faire d’autre que d’être ce témoin privilégié, journaliste reporter avant l’heure, chroniqueur d’un désastre national dont on ne voyait encore pas la fin. En fin observateur et malgré tous les dangers, notre jeune bourgeois s’enquiert de tout, écoute ce qui se dit dans les cafés et les tavernes, se fait l’écho parfois de rumeurs les plus folles, comme il sait lire aussi les journaux arrivant de Paris par la malle-poste… quand celle-ci n’est pas dévalisée en chemin! C’est que la capitale tenait toujours le pays d’une main de fer. Le Directoire était alors la plus grande instance révolutionnaire et seule la distance atténuait ses dictats. La campagne d’Italie battait son plein et l’on était suspendu à ses victoires qui scellait le destin de la France. Un nom revient peu à peu d’ailleurs dans ces notes : celui d’un certain buonaparte…patronyme que nous lisons non sans sourire, nous qui connaissons la destinée du héros du pont d’Arcole ! Mais la lecture de notre ouvrage n’est pas seulement d’un intérêt historique. On y « sent » aussi la vie quotidienne des aixois et l’on partage ainsi leurs angoisses journalières à la montée des prix du pain et des autres denrées. On peut aussi ressentir une certaine nostalgie à l’évocation des cercles et de certains cafés dont quelques uns subsistent encore aujourd’hui sous d’autres noms. La vie malgré tout continuait et à la saison d’été, si l’on ne nous parle pas du chant des cigales, couvert sans doute par certains chants révolutionnaires ou royalistes, on a la surprise au coin d’une page, de savoir que certains jeunes gens s’étaient mis à jouer la sérénade, sous les fenêtres d’une belle. De même d’être au courant d’un bal près de la place Albertas malencontreusement interrompu par des pandores… Il y aurait aussi beaucoup à rire – si les conséquences de telles parures vestimentaires n’étaient point aussi tragiques – de voir Gravure autorisation Bibliothèque Nationale ainsi avec quelle effronterie certains n’hésitent pas à afficher leur conviction idéologique, s’affublant d’un ruban blanc ou se coiffant en oreille de chien pour les royalistes, d’un bouquet de thym à leur chapeau, pour les républicains ! La vie donc, la vie seulement pourrait-on dire malgré les épreuves, les peines et les angoisses qui touchaient jusqu’à nos campagnes, teintées de sang. On lance un aérostat à l’occasion d’une fête et voilà qu’il s’élève pour s’en aller tomber sur le flanc de la montagne Sainte- Victoire ! Mais pour cet épisode ludique, combien de coups de main tragiques, d’expéditions punitives qui se soldent, soit par la mort d’un paysan, soit par la blessure d’un soldat, soit le pillage d’une ferme ? On reste pantois de fait, devant tant de violence, d’intolérance, de trahison qui s’étalent tout au long de ces pages. On en est troublé d’autant plus que le cadre de ces faits sanglants n’a pas beaucoup changé. Le Cours (Mirabeau) est là, la maison commune, la caserne, les rues de notre vieille ville comme ses multiples églises destinées au fourrage et qui au gré des jours, revoient peu à peu leurs portes s’ouvrir comme leurs officiants reprendre leur service.
 Un livre remarquable, illustré de nombreux documents, tiré d’un manuscrit de plus de 600 pages, d’une écriture petite et nerveuse, presque sans rature, conservé pour nous et pour la postérité d’après même l’aveu de l’auteur. Ce dernier nous vaudra d’ailleurs bien plus tard son livre célèbre entre tous : « LES RUES D’AIX ».
 


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