vendredi 8 septembre 2017

Ces fidèles qui ne pratiquent pas assez.....

Ces fidèles qui ne pratiquent pas assez : quelle place dans l’Eglise ?
Valérie Le Chevalier
Namur (Belgique), Editions Lessius, 2017. 104 pages.



RÉSUMÉ
Selon les dernières statistiques, au moins 53 % des Français se disent catholiques, tandis que le groupe de ceux qui participent régulièrement à l'eucharistie dominicale s'élève tout au plus à 5 % de la population. Cet ouvrage se penche sur cet ensemble de « non-pratiquants » et réfléchit sur l'attitude juste à avoir à leur égard. L'auteur se situe dans la perspective de ces participants actifs à la vie de l'Église pour qui les autres, pourtant « catholiques », ne pratiquent « pas assez ». Contre ce schème sociologique et théologique, elle pose clairement la question : quelle place accorder dans l'Église à ces pratiquants occasionnels ? Ceci suppose que ces femmes et ces hommes ne soient plus réduits à leur absence de pratique religieuse, mais reconnus à part entière s comme de véritables « fidèles ».


« De laïcs à fidèles pratiquants »

Ce petit livre s’attaque donc frontalement à une question à la fois importante et sensible dans la pastorale française actuelle : celle des catholiques volontiers appelés « non-pratiquants ».
L’auteure, secrétaire de rédaction aux Recherches de science religieuse (RSR), dit tout au long de son ouvrage trouver ce qualificatif bien trop réducteur. Dans un premier chapitre, d’histoire contemporaine, elle montre bien comment l’irruption de la sociologie dans le champ religieux à partir des années 1930 a fait passer le discours courant de l’Église de la catégorie de « fidèle »’ celle de “pratiquant“. Valérie Le Chevalier, qui dirige le cycle «  Croire et comprendre » au Centre Sèvres, critique fortement cette évolution car, désormais, un catholique est évalué à partir de sa seule fréquentation de l’eucharistie dominicale et plus simplement à partir du baptême qu’il a un jour reçu.


« Le vocabulaire des années 70 est obsolète »

Dans un deuxième chapitre, davantage exégétique, elle s’efforce, à partir des Evangiles, de montrer comment il y avait plusieurs catégories de personnes autour de Jésus : le premier cercle des disciples, certes, mais aussi nombre : la foule qui suivait Jésus, ceux qui, une fois guéris, étaient simplement renvoyés chez eux sans appel spécifique à suivre le Christ avec cette injonction : « Va, rentre chez toi, ta foi t’a sauvé. »



« La vocation des laïcs : être d’abord fidèles »

A partir de là, V. Le Chevalier va, dans un troisième et dernier chapitre, bâtir une hypothèse : pour elle, l’Église aujourd’hui se trompe en voulant tout ramener à la pratique eucharistique des fidèles et elle est devenue très exigeante pour conférer ses sacrements à ceux qu’elle ne voit jamais à la messe ou, plus largement, à l’Église. Elle devrait bien mieux les prendre en compte,  mieux accueillir ces croyants vivant leur foi suivant un cheminement propre et qui constituent de toute manière un groupe beaucoup plus importants que les pratiquants : « Le vocabulaire des années 70 est obsolète. Parler de non-pratiquant n’a plus guère de sens pour les croyants », affirme l’auteure de façon quelque peu péremptoire.


Une démarche militante ?

Comme le dit le théologien Christoph Theobald dans son élogieuse préface, « l’ouvrage de Valérie Le Chevalier ouvre un large champ de questions ». Mais il reconnait volontiers qu’« il sera sans doute contesté sur tel point ». En effet, au-delà d’une libre interprétation des paroles de Jésus « Va, ta foi t’a sauvé ! » ou du sens de l’appel des disciples et des apôtres, de critiques pas toujours justifiées sur la pratique pastorale actuelle ou même d’erreurs de jugement (par exemple, un chrétien pratiquant ne semble pas pouvoir connaître les valeurs du monde !), elle semble parfois rester à la surface dans son argumentation.  Même si elle avait posé un postulat : « Les faibles pratiquants sont un lieu théologique et pastoral à repenser en profondeur, en dehors de tout ecclésiocentisme » mais la démarche paraît davantage être militante  - et parfois polémique à certains égards - . D’autre part les réflexions qui parcourent cet essai, se situent plus au niveau du champ sociologique que dans une réflexion théologique ou même véritablement pastorale ; on aurait pu souhaiter une réflexion plus ambitieuse autour de la foi, des sacrements ou de la vie de foi pour un chrétien ; ces réflexions apparaissent certes ici ou là mais trop brièvement.


En conclusion

Il faut reconnaître que l’auteure pose une question de fond pour les communautés chrétiennes : les absents de nos eucharisties  sont-ils un manque, ces absents sont-ils une souffrance ?  Si l’auteure ne donne pas de réponse qui puisse satisfaire au moins elle ouvre la voie à une réflexion sur le témoignage que doivent donner les fidèles, une réflexion aussi sur notre vocation à annoncer quelque soit notre état de vie « la bonne odeur du Christ ».



Source : Journal La Croix (23 août 2017)

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