vendredi 14 décembre 2018

La longue solitude : autobiographie de Dorothy Day



La longue solitude : autobiographie
Dorothy Day
Paris, Le Cerf, 2018. 426 pages.


« Une nation peut être considérée comme grande quand elle consent des efforts pour la justice et la cause des opprimés, comme Dorothy Day l’a fait par son travail inlassable, fruit d’une foi devenue dialogue et semence de paix dans le style contemplatif de Thomas Merton »
Pape François au Congrès Américain


Dans La Longue Solitude, Dorothy Day (1897-1980) entreprend le récit troublant de sa vie, livrant ses expériences intérieures et spirituelles avec pudeur. Elle fait ainsi le récit de ses rencontres, depuis son enfance en Californie dans les années 1900, en passant par les amitiés sur les bancs de l'université de l'Illinois, jusqu'aux camarades du combat politique, d'abord au sein de la section du parti socialiste de Chicago puis de New York, où elle exerce le métier de journaliste. Et puis, il y a la rencontre. Alors qu'elle fait l'expérience d'une réelle solitude, notamment dans le combat de l'écriture, c'est au creux de ce silence qu'elle trouve le Christ, grâce à qui elle ne sera plus jamais seule. Sa conversion au catholicisme l'amène alors à choisir une plus profonde solitude sociale, élevant seule sa fille Tamar, défendant sa foi dans les milieux communistes et marxistes ― jusqu'à ce qu'en 1932 elle croise la route de son mentor, Peter Maurin, avec qui elle fonde le " Mouvement des Travailleurs catholiques ". Plus qu'une simple autobiographie, Dorothy Day nous offre ici le récit sincère d'une conversion du coeur, et des pages magnifiques et pleines de compassion sur les opprimés de l'Amérique. Elle nous rappelle que l'Eglise est avant tout celle des pauvres.

Nous étions assis ici, en train de parler, quand Peter Maurin est entré.
Nous étions assis ici, en train de parler, quand des files de gens ont commencé à se former en disant : « Nous avons besoin de pain ! ». Nous ne pouvions pas leur dire : « Partez et soyez exaucés ! » S’il y avait eu six petits pains et quelques poissons, nous devions les partager. Il y avait toujours du pain.
Nous étions assis ici, en train de parler, quand des gens sont entrés et se sont installés dans la maison. Que ceux qui peuvent le supporter le supportent. Certains sont partis et cela a fait de la place pour d’autres. Et d’une façon ou d’une autre, les murs ont reculé.
Nous étions assis ici, en train de parler, quand quelqu’un a diot : « Allons vivre à la campagne ! ».
J’ai souvent pensé que cela avait été aussi simple que cela. C’et juste arrivé. Les choses se sont justes passées.
Moi, la femme stérile, je m’étais retrouvée mère joyeuse d’enfants. Il n’est pas toujours facile d’être dans la joie, de garder présent à l’esprit le devoir de se réjouir.
Certains disent que la principale caractéristique du Catholic Worker, c’est la pauvreté.
D’autres disent que c’est la communauté. Nous ne sommes plus seuls.
Mais le mot de la fin, c’est l’amour. A certains moments, pour employer le langage du père Zossima, cela a été rude et terrible ; notre foi même en l’amour a été mise à l’épreuve du feu.
Nous ne pouvons aimer Dieu que si nous nous aimons les uns les autres, et pour nous aimer, il faut que nous nous connaissions à la fraction du pain. Et nous ne sommes plus jamais seuls. Le ciel est un banquet même avec une croûte de pain, lorsqu’il y a des camarades.
Nous avons tous connu la longue solitude et nous avons appris que le seul remède, la seule solution, c’est l’amour, et que l’amour vient avec la communauté.
Tout cela est arrivé tandis que nous étions assis, en train de parler, et cela continue toujours.
Postace de La longue solitude de Dorothy Day


Biographie de l'auteur

Dorothy Day (1897-1980)

Après une jeunesse mouvementée et une conversion surprenante, Dorothy Day (1897-1980) devient une des personnalités catholiques les plus marquantes des États-Unis. Son journal, «The Catholic Worker», a défendu le droit des ouvriers et fait connaître l'enseignement social de l’Église.

Elle était, selon «Newsweek», « le cœur et la conscience de gauche du catholicisme américain». Après sa mort, sa réputation aux États-Unis n'a pas diminué, même si, pendant plus de cinquante ans, cette journaliste combattante a suscité bien des controverses. Dans la lignée d'Albert de Mun, puis du mouvement français des prêtres-ouvriers, Dorothy Day a contribué à porter l'étendard de la défense des pauvres et des exclus du pays le plus riche du monde. Sa jeunesse ne fut pourtant pas ui1 exemple de tempérance. Beuveries, orgies, sexe... Dorothy elle- même se trouve souvent en porte-à-faux avec un passé que jamais elle n'a nié, mais qu'elle évoque avec hésitation. Pour une jeune fille plutôt rangée des années 20, cette existence surprend. Mais c'est dans l'errance d'une adolescence tourmentée qu'il faut chercher les racines de Dorothy. Très jeune, elle quitte la maison familiale, prend son indépendance et se tourne résolument vers le marxisme. Déjà, un amour irrésistible pour la condition de vie ouvrière et les opprimés de l'industrialisation la porte.
De petits métiers en travaux précaires, Dorothy découvre la pauvreté, la vie usante des classes laborieuses. Elle se découvre également des dons pour l'écriture et se lance dans le journalisme, dans des journaux socialistes, dès 1916  . «Je voulais aller rejoindre les piquets de grève, je voulais aller en prison, écrire, influencer les autres et laisser ma marque sur le monde.»
En 1917, elle participe avec des suffragettes aux manifestations contre l'entrée en guerre des États-Unis. Elle fait à cette occasion un séjour en prison qui la marque à vie. En 1919, elle se retrouve enceinte et se fait avorter. Là encore, cet acte lui laissera le goût amer d'une lente descente aux enfers. Sa vie débridée à New York la met dans un état d'intense insatisfaction. Les doutes sur son existence l'assaillent. En 1925, Dorothy a la grande joie d'accoucher d'une petite fille, Tamar, qui tiendra une place privilégiée dans son existence. À l'étonnement général, elle se tourne vers Dieu et la religion catholique, qu'elle avait pourtant si ardemment combattue. Et, en 1927, elle se fait baptiser. Sa conversion ne lui fait pas abandonner certaines de ses convictions, mais elle renonce à sa vision marxiste de la société : "J'étais toujours opposée au capitalisme et à l'impérialisme et voilà que je passais à l'opposition. Mais je voulais être pauvre, chaste et obéissante. J'aimais, et comme toute femme qui aime, je voulais être unie à mon amour".

Sa rencontre avec Pierre Maurin, un philosophe ouvrier itinérant, bon connaisseur de l'enseignement social de l’Église, lui permet de trouver enfin sa voie. Jusqu'à sa mort en novembre 1980, Dorothy essaie, souvent avec succès, de faire se rencontrer ses valeurs religieuses et politiques. Le Mouvement catholique ouvrier, créé avec Pierre Maurin, est à l'origine du combat pour la justice sociale défendu par les catholiques américains. Sans relâche, Dorothy plaide pour la paix, le souci des chômeurs, et «l'esprit de don». Ses «Maisons de l'hospitalité», créées aux quatre coins du pays, accueillent et nourrissent des milliers de chômeurs, mis sur le pavé par la crise de 1930. Les «fermes communautaires» accueillent bon nombre d'enfants défavorisés. Mais c'est à travers son journal, "Catholic Worker" qui paraît tout au long du siècle, qu'elle fait prendre conscience aux catholiques américains de leur responsabilité envers les pauvres. Travaillant sans cesse, Dorothy puise dans sa dévotion aux saints et à la Vierge la force de continuer.
Taxée à tort de marxiste, elle conserve jusqu'au bout sa croyance indéfectible en l'autorité doctrinale de Rome. D'un grand respect envers la hiérarchie ecclésiale, et fondant toujours son action sur les Évangiles, elle est celle qui a su convaincre les Américains de la force de l'enseignement social de l’Église.


BIOGRAPHIE
1897 : Naissance à Brooklyn.
1917 : Séjour en prison.
1927 : Conversion et baptême.
1932 : Rencontre de Pierre Maurin.
1933 : Création du «Catholic Worker», du Mouvement catholique ouvrier et de l'école ouvrière.
1934 : Ouverture de la première ferme communautaire.
1965 : Voyage officiel au Vatican.
1980 : Mort à New York.


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