samedi 1 décembre 2018

Psaumes de tous mes temps de Patrice de La Tour du Pin


Psaumes de tous mes tempsPatrice de La Tour du PinParis, Salvator, 2018. 161 pages.



Résumé
Célébré à 22 ans comme prince de la poésie après la publication de La Quête de Joie en 1933, Patrice de La Tour du Pin écrit, dans le secret de sa prière quotidienne, des psaumes qu’il publie dès 1938 chez Gallimard. Tout au long d’une existence vouée à l’écriture, il prie un crayon à la main, semant dans les trois « jeux » de sa Somme de Poésie ces poèmes très simples où il parle humblement à Dieu, dans la plus pure tradition biblique.

Ces psaumes contrastent avec la poésie lyrique et épique qu’il développe dans une œuvre foisonnante. Leur austérité et leur manque de charme laissent toute la place à la voix singulière d’un homme habité par la présence de Dieu et toujours en recherche, comme le psalmiste biblique : « Je me souviens que tu m’as dit : Cherchez ma face. »

Les quatre-vingt-dix psaumes réunis par le poète en 1974 sont une belle école de prière. Ils permettent aussi d’entrer par la petite porte, la porte du cœur, dans le monument littéraire qu’est Une Somme de Poésie. Ils réalisent le vœu que le jeune homme exprimait au seuil de son existence : « Voici que j’ai rêvé d’écrire la grande prière de l’Homme de ce temps. [...] Ma plus intime liturgie voudrait être la plus intime de chacun. »

Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) est entré en poésie comme on entre en religion : il s’est senti appelé. En 1933, son premier recueil, La quête de joie, est salué par la critique : Gide, Montherlant ou Supervielle sont conquis. Ses années passées comme prisonnier de guerre n’altèreront pas sa soif de dire Dieu par la poésie. Grand Prix de poésie de l’Académie française en 1961, Patrice de La Tour du Pin fut le premier laïc à faire partie de la Commission chargée par Vatican II de traduire les textes liturgiques en 1964 ; il fut aussi le premier poète français à voir ses hymnes enchâssés dans la liturgie officielle de l’Église, orientant ainsi la prière des fidèles 


Une recension enthousiaste de France-Catholique (du 12 novembre 2018).

En 1974, quelques mois avant sa mort que personne n’imaginait si proche, le comte Patrice de La Tour du Pin (1911-1975), poète reconnu, époux d’Anne et père de quatre filles, qui a toujours préféré la solitude champêtre de son château du Bignon, dans le Gâtinais, à une demeure parisienne, revient sur l’ensemble de son œuvre, une importante « Somme de poésie ». Il en extrait, pour Gallimard, des « psaumes » déjà publiés à différents moments de sa vie : quatre-vingt-dix psaumes « de tous mes temps », répartis en trois groupes de trente : ceux de 1938, ceux de 1962 et ceux de 1970-1972. La plupart sont écrits en distiques - réunion de deux vers faisant sens - quelques-uns en tercets de vers libres sans recherche systématique de rimes ni de nombre de syllabes.
Patrice est né poète. Il est né dans le catholicisme et resté fervent catholique. En lui le psaume « s’élève comme une marée »… « l’état de poésie n’est pas un coup de fièvre »… « quand il me gagne, c’est un nuage qui monte, c’est le jet d’une vague vers le ciel ». À dix-neuf ans il a écrit sa Quête de joie qui, publiée en 1933 à compte d’auteur, a été un succès. Elle l’a révélé à un public d’admirateurs relativement grand pour un poète qui n’est pas d’accès facile.
Il faut demander aux psaumes de la Bible la définition d’un genre de poésie lyrique où le psalmiste met à nu devant Dieu tous les états de son âme, de l’exultation adorante à la profondeur du désespoir, des actions de grâce et des appels au secours dans la persécution.
Ce n’est pas un traité de théologie et Patrice laisse entrevoir en plus d’un endroit son aversion pour les sèches idées et la raison raisonnante. Il n’explique pas. Il tente d’attirer son lecteur dans une sorte de cœur à cœur, par le truchement de ses métaphores dont beaucoup sont végétales. Il lui arrive de se percevoir comme les racines d’un arbre qui attendent dans la patience de la terre et poussent dans l’obscurité…
Le lecteur aura intérêt à le lire lentement et plusieurs fois pour s’habituer à ces métaphores et démêler le jeu des pronoms personnels sans antécédent. Il est clair que je/moi, c’est généralement Patrice et tu/toi généralement Dieu. Mais il, ils, eux, vous, nous réclament un effort d’interprétation. Il s’isole mais trouve en lui-même « un grand nombre » d’« autres » qui forment un « chœur » dans son âme, d’où cette multiplicité de voix qui prennent la parole sans se nommer. Qui sont, par exemple, ces « seigneurs » à qui un certain « il » a « volé un peu de son âme » ?
D’un groupe de trente psaumes à l’autre, il y a une progression. Le premier est l’œuvre d’un jeune homme qui cherche sa voie, est partagé entre l’orgueil d’une grande ambition, écrire la prière de toute l’Humanité et le sentiment de son insuffisance, qui envisage la poésie comme une sorte de vocation religieuse dans le célibat, mais qui a par trop besoin d’amour.
Le deuxième groupe, c’est le combat spirituel avec allusion explicite à la traversée du désert par les Hébreux, au passage de la mer Rouge, et apparition du mot eucharistie.
Et le troisième nous offre une grande prière pleine d’assurance, une prière plus apaisée et non cependant exempte d’angoisse pour le Monde qui refuse Dieu. C’est dans cette partie qu’apparaît surtout le pronom nous, car enfin Patrice, qu’il le veuille ou non, lui aussi fait partie de ce monde.

Publication : Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles





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