mercredi 4 février 2015

DES CHRETIENS EN MONDE MUSULMAN

Des monastères en partage : sainteté et pouvoir chez les chrétiens de Syrie
Par Anna Poujeau
Nanterre, Société d’ethnologie, 2014. 178 pages.

               Le livre d’Anna Poujeau apporte un éclairage sur les chrétiens de Syrie, à travers une étude centrée sur les monastères que l’auteure considère comme un enjeu révélateur de la situation d’une minorité religieuse dans un pays à majorité musulmane. Elle se concentre sur le cas du couvent de religieuses de Sainte-Thècle qui est situé dans un village du  au nord-est de Damas où  les chrétiens s’expriment dans une variante de l’araméen, parlant ainsi la langue du Christ.

               L’auteure est partie d’une enquête au cœur d’un quartier chrétien de Damas, Bâb Tûmâ, mais s’est vite orientée vers les monastères que les citadins visitent régulièrement et auxquels ils accordent une grande importance pour leur identité chrétienne. L’objectif annoncé est ambitieux. Il s’agit d’interroger à propos des chrétiens « les modalités de l’édification et du maintien d’un certain équilibre politique à même de garantir une cohésion nationale » (p. 12). Elle choisit de prendre le rôle des monastères comme point central pour analyser cette négociation identitaire, et celui de la sainteté comme catégorie susceptible d’éclairer les rapports intracommunautaires : « Pris dans les rapports qu’il entretient avec les Églises et la question de la sainteté, le monachisme en Syrie est le pilier de la construction du groupe chrétien (p. 245) ».

               L’intérêt de ce livre réside dans la qualité des descriptions ethnographiques, et dans l’interprétation qui en est proposée. L’auteure restitue bien la construction par les fidèles et les religieuses de relations avec les saints et l’au-delà. Elle montre aussi comment les jeunes hommes constituent une catégorie intermédiaire venant régulièrement disputer le monopole du sacré, normalement administré par le clergé. On pourrait regretter un certain effacement des données sociales.

               On peut également se demander si l’ouvrage traite bien de la manière dont les chrétiens négocient leur place dans l’ensemble syrien. En effet, si les chrétiens attachent une importance énorme aux monastères, aux saints et à leur glorieux passé chrétien, ils ne vivent pas coupé de leur environnement :ils sont aussi, enseignants, artisans, fonctionnaires ; riches ou pauvres. Dès lors on ne voit pas très bien comment les analyses sur les éléments symboliques et religieux de l’insertion des chrétiens se rattachent aux autres aspects de leur ancrage en Syrie. 

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