lundi 2 juillet 2018

Ceci est mon corps de Anne Lecu


Ceci est mon corps
Anne Lecu
Paris, Le Cerf, 2018. 155 pages


« Le 26 juillet 201, le père Jacques Hamel était assassiné sans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray, lors d’une messe de semaine qui rassemblait moins d’une dizaine de personnes, un mardi matin en plein été.
« Un prêtre âgé ordinaire, des fidèles ordinaires, une église ordinaire, un jour  de semaine ordinaire marqué certes ce jour-là par la célébration de sainte Anne et saint Joachim, parents ordinaires d’une femme ordinaire, Marie, dont la vie fut bouleversée par un évènement extraordinaire, puisqu’elle fut appelée à devenir la mère de Dieu.
« Cette tragédie m’a poursuivie longtemps, car elle m’a fait prendre conscience de l’écart entre l’infinie grandeur de ce qui se passe à chaque eucharistie – fût-ce la plus pauvre en apparence – et une certaine négligence anesthésiée de ma part. S’il est vrai que l’on écrit que pour s’affronter à ce qui résiste en soi, la mort du père Hamel a attisé quelques braises endormies, et réveillé en moi le désir d’approfondir le sens de l’eucharistie, non pas théoriquement, mais du côté du fidèle, y compris dans la grand pauvreté de certaines de nos célébrations. Ce qui se passe à la messe, du côté du fidèle, de notre côté, voilà ce que  je voudrais tenter d’approcher. Qui sait ? Cette célébration devenue étrange pour tant de nos contemporains, fût-elle minuscule ou pauvre, peut-elle transforme-t-elle – rien de moins – le monde ? Dans ce contraste entre une célébration ordinaire et l’extraordinaire qui s’y dévoile, il est tragique, mais non si étrange qu’un prêtre de quatre-vingt-cinq ans soit martyr de l’Eglise à cette occasion. Il ne faut pas pour autant magnifier cette tragédie glaçante. Mais la vie de cet homme et de tous ceux qui lui ressemblent, humbles et discrets, pointe ce à quoi elle fut vouée : indissociablement la vie des hommes et le service de Dieu. L’eucharistie, comme récapitulation de la vie la plus ordinaire des croyants est le lieu où nous sommes configurés au Christ, et où par la grâce de ceux qui sont là, le monde est configuré au Christ, incarné, crucifié, ressuscité. Puisse le père Jacques Hamel intercéder afin que nous comprenions et que nous vivions réellement le mystère que nous célébrons dans l’eucharistie : Dieu mendie en nous une place ».
Anne Lecu en introduction à son livre

Les livres qui ont trait au mystère de l'Eucharistie abondent, mais  ce sont bien souvent des traités de théologie ou des méditations écrits le plus souvent du point de vue des prêtres  qui la président et rarement par des laïcs et encore moins du côté de ceux qui y assistent.  C’est le défi relevé par l’auteure.

C’est en partant de la mort du Père Jacques Hamel assassiné alors qu’il célébrait l’Eucharistie qu’Anne Lécu s'est donné pour objectif d'approfondir le sens de l'eucharistie « du côté du fidèle », de nous faire pénétrer, mot après mot, geste après geste dans l'extraordinaire de ce qui se passe – le plus souvent à son insu – quand il vient à la messe pour rejoindre l'assemblée chrétienne, que ce soit une assemblée grande ou même de quelques personnes, et fût-ce dans la plus grande pauvreté liturgique.

L'auteure nous offre ainsi, en même qu’une catéchèse comme on rêverait d’en avoir une méditation sur chaque texte de la liturgie : ceci serait à méditée par tous ; une telle approche de la messe pourrait grandement  aider tous ceux qui sortent déçus après une célébration en leur faisant comprendre ce qu’il y a d’inouï dans chacune de ces messes, l’inouï de ce qu’elles nous annoncent du mystère du salut et de ce quelles nous donnent de précieux : la Parole du Christ, son Corps et son Sang ! Chaque messe, qu’elle quelle soit devrait être une Bonne Nouvelle !

A la lumière de son expérience personnelle, de sa méditation des Écritures et de sa lecture des Pères, Anne Lecu a su dans cet ouvrage lier tout ensemble la liturgie, le point de vue éthique, la dimension de la vie spirituelle et de l’engagement pastoral qui en découle. C’est donc en s’en tenant au plus près des gestes, et des paroles du rituel de la messe qu’elle fait entrevoir au lecteur la dimension eschatologique  de nos assemblées ; le temps et l’espace nous met en situation eschatologique eschatologique, « en prise directe avec la fin des temps et son centre qui est le Christ, incarnatus, crucifixus, resurrectus ».
« Devenez  ce que vous recevez ! » disait saint Augustin aux catéchumènes : c’est bien par l'eucharistie que  l'assemblée devient ce qu'elle reçoit, le Corps du Christ livré pour la multitude. La vie de chacun devient ainsi « configurée » au Christ dans chacun de ses membres ; la vie de celui participe à l’Eucharistie  (même la plus abîmée), est invitée à devenir pain béni, rompu, donné pour les autres, est appelée à devenir elle-même eucharistie pour le salut du monde.

On ne sort donc pas indemne de la lecture d’un tel livre ! Car on ne peut pas vivre les messes comme avant ! C’est une invitation à une véritable conversion pour vraiment « vivre l’Eucharistie ».


L’auteur
Religieuse dominicaine, et médecin en milieu carcéral, Anne Lécu enquête sur le secret, la transparence et le respect de la personne depuis plusieurs années. Elle a publié au Cerf Des Larmes (2012), Marcher vers l’innocence (2015), Tu as couvert ma honte (2016), Le secret médical (2016).


Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles 


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