Ceci est mon corps
Anne Lecu
Paris, Le Cerf, 2018. 155 pages
« Le 26 juillet 201, le père
Jacques Hamel était assassiné sans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray, lors
d’une messe de semaine qui rassemblait moins d’une dizaine de personnes, un
mardi matin en plein été.
« Un prêtre âgé ordinaire, des
fidèles ordinaires, une église ordinaire, un jour de semaine ordinaire marqué certes ce jour-là
par la célébration de sainte Anne et saint Joachim, parents ordinaires d’une
femme ordinaire, Marie, dont la vie fut bouleversée par un évènement
extraordinaire, puisqu’elle fut appelée à devenir la mère de Dieu.
« Cette tragédie m’a poursuivie
longtemps, car elle m’a fait prendre conscience de l’écart entre l’infinie
grandeur de ce qui se passe à chaque eucharistie – fût-ce la plus pauvre en
apparence – et une certaine négligence anesthésiée de ma part. S’il est vrai
que l’on écrit que pour s’affronter à ce qui résiste en soi, la mort du père
Hamel a attisé quelques braises endormies, et réveillé en moi le désir d’approfondir
le sens de l’eucharistie, non pas théoriquement, mais du côté du fidèle, y
compris dans la grand pauvreté de certaines de nos célébrations. Ce qui se
passe à la messe, du côté du fidèle, de notre côté, voilà ce que je voudrais tenter d’approcher. Qui sait ?
Cette célébration devenue étrange pour tant de nos contemporains, fût-elle
minuscule ou pauvre, peut-elle transforme-t-elle – rien de moins – le monde ?
Dans ce contraste entre une célébration ordinaire et l’extraordinaire qui s’y
dévoile, il est tragique, mais non si étrange qu’un prêtre de
quatre-vingt-cinq ans soit martyr de l’Eglise à cette occasion. Il ne faut pas
pour autant magnifier cette tragédie glaçante. Mais la vie de cet homme et de
tous ceux qui lui ressemblent, humbles et discrets, pointe ce à quoi elle fut
vouée : indissociablement la vie des hommes et le service de Dieu. L’eucharistie,
comme récapitulation de la vie la plus ordinaire des croyants est le lieu où
nous sommes configurés au Christ, et où par la grâce de ceux qui sont là, le
monde est configuré au Christ, incarné, crucifié, ressuscité. Puisse le père
Jacques Hamel intercéder afin que nous comprenions et que nous vivions
réellement le mystère que nous célébrons dans l’eucharistie : Dieu mendie
en nous une place ».
Anne Lecu en introduction à son livre
Les livres qui ont trait au mystère de l'Eucharistie
abondent, mais ce sont bien souvent des
traités de théologie ou des méditations écrits le plus souvent du point de vue
des prêtres qui la président et rarement
par des laïcs et encore moins du côté de ceux qui y assistent. C’est
le défi relevé par l’auteure.
C’est en partant de la mort du Père Jacques Hamel assassiné
alors qu’il célébrait l’Eucharistie qu’Anne Lécu s'est donné pour objectif
d'approfondir le sens de l'eucharistie « du côté du fidèle », de nous
faire pénétrer, mot après mot, geste après geste dans l'extraordinaire de ce
qui se passe – le plus souvent à son insu – quand il vient à la messe pour
rejoindre l'assemblée chrétienne, que ce soit une assemblée grande ou même de
quelques personnes, et fût-ce dans la plus grande pauvreté liturgique.
L'auteure nous offre ainsi, en même qu’une catéchèse comme
on rêverait d’en avoir une méditation sur chaque texte de la liturgie :
ceci serait à méditée par tous ; une telle approche de la messe pourrait grandement
aider tous ceux qui sortent déçus après
une célébration en leur faisant comprendre ce qu’il y a d’inouï dans chacune de
ces messes, l’inouï de ce qu’elles nous annoncent du mystère du salut et de ce
quelles nous donnent de précieux : la Parole du Christ, son Corps et son
Sang ! Chaque messe, qu’elle quelle soit devrait être une Bonne Nouvelle !
A la lumière de son expérience personnelle, de sa
méditation des Écritures et de sa lecture des Pères, Anne Lecu a su dans cet
ouvrage lier tout ensemble la liturgie, le point de vue éthique, la dimension
de la vie spirituelle et de l’engagement pastoral qui en découle. C’est donc en
s’en tenant au plus près des gestes, et des paroles du rituel de la messe qu’elle
fait entrevoir au lecteur la dimension eschatologique de nos assemblées ; le temps et l’espace
nous met en situation eschatologique eschatologique, « en prise directe
avec la fin des temps et son centre qui est le Christ, incarnatus, crucifixus,
resurrectus ».
« Devenez
ce que vous recevez ! » disait saint Augustin aux catéchumènes :
c’est bien par l'eucharistie que l'assemblée devient ce qu'elle reçoit, le Corps du Christ livré pour la multitude. La vie de
chacun devient ainsi « configurée » au Christ dans chacun de ses
membres ; la vie de celui participe à l’Eucharistie (même la plus abîmée), est invitée à devenir
pain béni, rompu, donné pour les autres, est appelée à devenir elle-même
eucharistie pour le salut du monde.
On ne sort donc pas indemne de la lecture d’un tel
livre ! Car on ne peut pas vivre les messes comme avant ! C’est une
invitation à une véritable conversion pour vraiment « vivre l’Eucharistie ».
L’auteur
Religieuse dominicaine, et médecin en milieu carcéral,
Anne Lécu enquête sur le secret, la transparence et le respect de la personne
depuis plusieurs années. Elle a publié au Cerf Des Larmes (2012), Marcher
vers l’innocence (2015), Tu as
couvert ma honte (2016), Le secret
médical (2016).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire